La vitamine D - Porphyre n° 509 du 28/01/2015 - Revues
 
Porphyre n° 509 du 28/01/2015
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Caroline Bouhala*, Dr Jean-Claude Souberbielle**

Essentielle à la minéralisation, la vitamine D a la particularité d’être synthétisée par l’organisme sous l’effet des rayonnements solaires. À la condition d’une exposition suffisante. La supplémentation obéit à des recommandations ajustables au cas par cas et selon les médecins.

Qu’est-ce que c’est ?

La vitamine D est liposoluble. Elle est majoritairement synthétisée par le corps, au niveau cutané, sous l’action des UVB (70-80 %). Le reste est apporté par l’alimentation. Ainsi, le terme « vitamine » est souvent qualifié d’impropre car son apport via l’alimentation n’est pas « vital » pour l’organisme, qui sait la synthétiser.

D’où vient-elle ?

Deux formes

• Vitamine D2 ou ergocalciférol : d’origine alimentaire végétale.

• Vitamine D3 ou cholécalciférol : d’origine alimentaire animale et synthétisée par la peau.

Métabolisme

Les vitamines D2 et D3 réclament deux hydroxylations pour devenir actives. La première a lieu dans le foie et conduit à la 25-hydroxyvitamine D ou calcidiol, forme principale en circulation. La seconde a ensuite lieu dans le rein et conduit à la 1,25 dihydroxyvitamine D ou calcitriol, métabolite actif de la vitamine D.

Quel est son rôle ?

Métabolisme osseux

Elle a un rôle majeur dans la croissance et la minéralisation des os, des cartilages et des dents. Le calcitriol a de très nombreux organes cibles, dont principalement l’intestin, où il augmente l’absorption du calcium et des phosphates, l’os, où il favorise la formation et la minéralisation des os en agissant sur les ostéoblastes, les reins, où il permet la réabsorption du calcium, et les parathyroïdes, où il inhibe la sécrétion de l’hormone parathyroïdienne régulant le taux de calcium et de phosphore dans le sang.

Autres effets suspectés

Des études rapportent un lien entre déficit en vitamine D et pathologies mais le niveau insuffisant de preuves ne permet pas de recommander une supplémentation : sarcopénie, certains cancers, maladies auto-immunes (sclérose en plaques, diabète), cardio-vasculaires, infectieuses…

Quelles sont les sources ?

Une synthèse « dans la peau »

La peau synthétise la vitamine D3 sous l’effet des UVB à partir d’un dérivé du cholestérol (le 7-déhydrocholestérol) présent dans l’épiderme. Une exposition suffisante est essentielle. « Une personne à la peau claire s’exposant en maillot de bain à un soleil d’été en plein midi sans crème solaire pendant 20 à 30 minutes va faire 10 000 à 15 000 UI de vitamine D », indique le Dr Souberbielle, biologiste à l’hôpital Necker (Paris). Il précise que certains facteurs influencent l’impact de cette exposition : « Pendant les cinq à six mois de période “froide”, le soleil n’est pas suffisamment haut pour apporter les UVB en quantité suffisante, même s’il y a du soleil ».

Via l’alimentation

• Les ANC. Selon l’Agence nationale de sécu-rité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), les apports nutritionnels conseillés (ANC) sont de 

→ 5 µg par jour (= 200 UI/j) chez l’adulte et l’enfant de plus de 3 ans ;

→ 10-15 µg par jour (= 400 à 600 UI/j) chez la personne âgée.

La plupart des experts jugent ces doses insuffisantes et recommandent un apport quotidien de 800 à 1 000 UI/j en dehors de toute pathologie. « Chez les personnes âgées, il faudrait plutôt 1 200 à 1 500 UI par jour », ajoute le Dr Souberbielle.

• Où trouver de la vitamine D ? Peu d’aliments en contiennent assez (voir tableau). Depuis 2006, en Europe, on peut ajouter de la vitamine D aux denrées alimentaires. En France, l’enrichissement du lait (max. : 1 µg pour 100 ml), des produits laitiers (max. : 1,25 µg pour 100 g) et des huiles végétales (max. : 5 µg pour 100 g) est autorisé.

Carence ou déficit ?

Statut vitaminique

De nombreux facteurs l’influencent.

• L’âge. Les plus de 65 ans synthétisent moins de vitamine D car ils en consomment moins, sont moins exposés au soleil et la quantité de 7-déhydrocholestérol décroît avec l’âge.

• La pigmentation de la peau. « À partir du phototype 4 – les peaux foncées –, la peau exerce un effet de filtre diminuant la synthèse de vitamine D », explique le Dr Souberbielle.

• Le poids. Les cellules adipeuses semblent « capturer » la vitamine D. Ainsi, une personne en surpoids aura un besoin plus important.

• Le sexe. les femmes présentent généralement une concentration plus basse.

• Le type d’ensoleillement. Selon la durée d’exposition, la position du Soleil par rapport à la Terre, la pollution atmosphérique, les nuages, l’ozone…

• Le mode de vie. Régime végétalien, vêtements plus ou moins couvrants (capuche, voile…)…

• L’état de santé. Pas d’exposition au soleil (alitement), maladie cœliaque, mucoviscidose, anticonvulsivants, glucocorticoïdes…

Pas de taux optimal

Notre statut vitaminique en vitamine D est déterminé par le taux de calcidiol. Il n’existe pas de consensus définissant la valeur optimale mais, selon le Dr Souberbielle, « pour la population générale en bonne santé, il est généralement recommandé au moins 20 ng/ml (50 nmol/l). En revanche, en cas de fragilité osseuse, d’insuffisance rénale chronique, de malabsorption, etc., ce taux doit plutôt être de 30 ng/ml ».

Quand parler de carence ?

Quand le taux de calcidiol est inférieur à 10 ng/ml.

Quelle conséquence ?

Une carence sévère en vitamine D peut être à l’origine d’un défaut de minéralisation de l’os, qui manque alors de rigidité. Quand elle touche l’enfant (os en formation), on parle de rachitisme et d’ostéomalacie (« -malacie » = « mou ») quand elle concerne l’adulte. Les signes cliniques sont principalement des déformations osseuses, des douleurs et des difficultés plus ou moins importantes pour se déplacer.

Une insuffisance en vitamine?D est un facteur de risque d’ostéoporose et de fragilité osseuse.

Quand doser le calcidiol ?

Le nombre de dosages du calcidiol a coûté 92 millions d’euros en 2011, aussi la Haute autorité de santé (HAS) précise-t-elle(1) que « doser la vitamine D ne présente aucune utilité démontrée dans un grand nombre de situations cliniques ». Elle recommande de le réserver au diagnostic de rachitisme et d’ostéomalacie, aux mentions des AMM des médicaments de l’ostéoporose et à certaines situations : personnes âgées faisant des chutes répétées, suivi ambulatoire de l’adulte au-delà de trois mois après transplantation rénale, traitement chirurgical de l’obésité chez l’adulte.

Supplémenter ou traiter ?

Prévenir une carence

• Chez les 18-65 ans : aucune supplémentation n’est préconisée en dehors des ANC.

• Chez les enfants/adolescents : la Société française de pédiatrie a établi des recommandations.

→ Nourrisson allaité : 1 000-1 200 UI/j.

→ Nourrisson nourri au lait enrichi : 600-800 UI/j.

→ De 18 mois à 5 ans et de 10 à 18 ans : deux doses de charge trimestrielle de 80 000-100 000 UI en novembre et février.

En cas de facteur de risque d’hypovitaminose D (peau très pigmentée, faible exposition au soleil l’été, régimes végétaliens, etc.), la supplémentation peut être poursuivie avec des doses trimestrielle de 18 mois à 5 ans et chez l’ado, et deux doses de charge trimestrielles en hiver entre 5 et 10 ans.

• Chez les plus de 65 ans : une dose journalière de 800 à 1 200 UI ou une ampoule de 80 000 ou 100 000 UI tous les deux-trois mois est recommandée.

Traiter une carence

Les sociétés savantes proposent des aides à la prescription selon les résultats du dosage.

Quel médicament utiliser ?

Voir tableau ci-contre.

• Pour des doses espacées, les experts recommandent la vitamine D3 plutôt que la D2 car elle augmenterait davantage et de façon plus prolongée la concentration de 25 (OH) D.

• Prise journalière, D2 et D3 se valent.

 Les formes hydroxylées sont réservées lorsque le foie et/ou le rein ne n’assurent plus une hydroxylation efficace et uniquement en deuxième intention.

→ Dédrogyl : insuffisance hépatique, médicaments inducteurs enzymatiques hépatiques.

→ Rocaltrol, Un-Alfa : insuffisance rénale terminale, hypoparathyroïdies, certains diabètes.

À quelle fréquence ?

Une prise ponctuelle présente la même efficacité qu’une prise quotidienne, à condition de n’être pas trop concentrée ou espacée. « Les doses mensuelles sont à privilégier car au-delà le taux sanguin de vitamine D fait des “vagues”. Les ampoules de 80 000 ou 100 000 UI semblent donc les plus intéressantes », souligne le Dr Souberbielle. Et selon la préférence du patient.

En excès, est-elle dangereuse ?

« La vitamine D est potentiellement très toxique, entraînant des calcifications extra-squelettiques, en particulier rénales, ou une hypercalcémie majeure à risque létal », met en garde le Dr Souberbielle. Cette intoxication aiguë « n’apparaît pas aux doses usuelles, mais par prudence, et afin de respecter notre physiologie, il est préférable de ne pas dépasser une concentration sanguine de 60 ng/ml ». L’Institute of Medecine recommande une limite supérieure de sécurité de 4 000 UI/j.

(1) Utilité clinique du dosage de la vitamine D, Haute autorité de santé, octobre 2013.

Unités

Vitamine D : 1 microgramme (µg) = 40 unités internationales (UI).

25 hydroxyvitamine D plasmatique :

1 nanogramme/ millilitre (1 ng/ml) = 2,5 nmol/l.

Lexique

25 hydroxyvitamine

D = 25 (OH) D

= calcidiol.

1,25 dihydroxy-vitamine D = 1,25 (OH)2 D = calcitriol.

Vitamine D = calciférol.

Vitamine D3 = cholécalciférol.

Vitamine D2 = ergocalciférol.

Interview

La supplémentation n’est pas forcément nécessaire chez les 18-65 ans sans facteur de risque

L’avis du Dr Jean-Claude Souberbielle, praticien hospitalier, biologiste, laboratoire d’explorations fonctionnelles à l’hôpital Necker-Enfants, Paris.

Sommes-nous réellement tous carencés en vitamine D ?

Il faut différencier carence et déficit. La carence est un déficit profond en vitamine?D responsable d’une maladie aiguë, rachitisme ou ostéomalacie. Elle touche 5 à 10 % de la population en bonne santé. Dans le cas d’un déficit ou d’une insuffisance, on n’est pas malade mais on n’a pas assez de vitamine D. Ce déficit touche environ la moitié de la population en bonne santé.

Ce déficit est-il grave ?

Grave, non. Faut-il s’en inquiéter ? Oui, mais de manière raisonnable. C’est un facteur de risque potentiel de pathologies, au même titre que le surpoids, la malbouffe, etc., mais ça ne va pas vous tuer ! En revanche, c’est un facteur de risque facilement modifiable.

Une bonne alimentation peut-elle suffire ?

Non, sauf éventuellement en été si on fait attention à bien coupler alimentation équilibrée et exposition solaire raisonnable. Par contre, je ne crois pas que l’alimentation soit suffisante durant l’hiver. Les produits supplémentés en vitamine D, type yaourt, huiles, etc., sont intéressants, même s’ils sont un peu chers et ne suffisent pas non plus.

Qui supplémente-t-on ?

De manière systématique, les enfants pendant la croissance, les personnes âgées et les femmes enceintes. Entre 18 et 60 ans, il faudrait selon moi systématiquement supplémenter les personnes avec facteur de risque : peau pigmentée, surpoids, vêtements couvrants, faible exposition au soleil, etc. Une ampoule de 80 000 ou 100 000 UI tous les deux mois au moins pendant la période « froide », mieux toute l’année. En revanche, sans facteur de risque, je ne suis pas sûr qu’une supplémentation soit nécessaire. Vous pouvez néanmoins leur conseiller des compléments alimentaires à base de vitamine D à dose efficace (800 à 1 600 UI par jour). Et les rassurer !

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