Pour ou contre la vaccination à l’officine ? - Porphyre n° 508 du 29/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 508 du 29/11/2014
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Le projet de loi de santé adopté en Conseil des ministres le 15 octobre prévoit d’autoriser les pharmaciens d’officine à vacciner. Avant examen du texte au Parlement en janvier 2015, les professionnels sont partagés.

Que dit le projet de loi de santé ?

L’article 32 autorise les pharmaciens d’officine à pratiquer certaines vaccinations, dont la liste sera fixée par arrêté du ministre de la Santé après avis du Haut conseil de la santé publique. Les modalités (titulaires, adjoints, préparateurs ?, formation, locaux…) et la transmission de l’information au médecin traitant seront fixées par décret en Conseil d’État. Il ne mentionne pas la rémunération.

Quels arguments avance le gouvernement ?

La couverture vaccinale étant en recul, élargir les compétences de vaccination serait une réponse complémentaire, notamment grâce à la facilité d’accès aux officines. Interrogée sur iTélé, Marisol Touraine y voit un moyen pour que « plus de gens se vaccinent », en particulier ceux qui ne le font pas par les canaux actuels et/ou dans les déserts médicaux. Bien que non avancé, le facteur économique entre aussi en jeu ; la rémunération éventuelle serait inférieure à celle d’une consultation.

Pourquoi les infirmiers sont en désaccord ?

Via un communiqué du 21 octobre de leur Ordre, les infirmiers rappellent qu’inventer de nouveaux dispositifs est inutile, car ils sont formés et compétents pour effectuer toutes les vaccinations sur prescription. Professionnels de santé de premier recours avec des cabinets de soins adaptés, ils sont les plus nombreux et les seuls quasiment à se rendre au domicile des patients. Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) ajoute que les infirmières libérales sont « économiques », le prix d’une injection en cabinet étant limité à 4,50 € ou 6,30 €.

Quelle est la position des généralistes ?

Pour Martine Langlois, vice-présidente du syndicat MG France, le geste de vacciner n’est pas le problème et pourrait être confié à un pharmacien formé, « mais l’indication de la vaccination s’inscrit dans une démarche de prévention globale, qui se réfléchit et se décide avec le patient et ça, ça nous appartient ». L’argument des déserts médicaux, ou des personnes qui ne voient pas le médecin ne tient pas : « La vaccination est maintenant à 25, 45 et 65 ans, ce serait étonnant de ne pas voir le patient au moins une fois dans chaque tranche d’âge ! » En revanche, la vice-présidente soutient l’idée de détenir des vaccins au cabinet pour favoriser les vaccinations « opportunistes ».

Qui est « pour » sous conditions ?

Les syndicats de pharmaciens se disent prêts à s’investir plus largement dans la politique vaccinale. Pour Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, cette mesure ne pourrait aller sans une rémunération, une information au médecin traitant et des locaux adéquats. Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, cette mesure non préparée est une provocation : « Lancer un pavé dans la mare au moment où l’on négocie les accords partagés risque de retarder la coordination interprofessionnelle, qui est la plus urgente ». Que le pharmacien puisse vacciner, pourquoi pas mais après concertation et réelle volonté des acteurs concernés. Des mesures officinales plus adaptées pourraient être envisagées : promouvoir le calendrier vaccinal, délivrer certains vaccins sans prescription et, éventuellement, dans les territoires en difficulté, la vaccination par le pharmacien, « à condition qu’il soit formé, volontaire, rémunéré et en collaboration avec les médecins et les infirmières ».

L’Ordre y est-il favorable ?

Pour Olivier Ferlet, membre du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, « les connaissances, la disponibilité et la proximité du pharmacien sont des compétences que nous mettons à disposition de la santé publique, y compris dans le cadre de la vaccination ». La mise en service, courant 2015, du DP-Vaccination sera un outil de plus, mais l’Ordre insiste sur un cadre nécessaire : volontariat, locaux dédiés, formation validante et vaccination sous couvert d’une délégation du médecin, la primovaccination lui revenant. « Il n’est pas question d’entrer en compétition avec les médecins ou les infirmières ou de leur prendre leur travail. Le principe est d’essayer de toucher les personnes qui ne se feraient pas vacciner par ailleurs, notamment les opposants à la vaccination ». Et de rappeler les 40 000 morts prématurés par an en Europe à cause de la grippe et les résultats de la vaccination en officine sur la couverture vaccinale au Portugal, en Irlande ou Angleterre.

Nos experts interrogés

Martine Langlois, vice-présidente du syndicat de médecins généralistes MG France.

Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Olivier Ferlet, membre du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop).

Repères

→ 2013 : le gouvernement lance la stratégie nationale de santé visant à réformer le système de santé.

→ Septembre 2014 : dans le prolongement de cette stratégie, les grands axes de la loi de santé, dont l’article 32 visant à autoriser la vaccination en officine, sont présentés au Conseil des ministres 15 octobre 2014 : le Conseil des ministres adopte le projet de loi.

→ Janvier 2015 : début prévu de l’examen du div au Parlement.

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