À chacun son observance - Porphyre n° 508 du 29/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 508 du 29/11/2014
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Favoriser l’adhésion thérapeutique. Votre patient n’est guère observant ? Peut-être n’a-t-il pas trouvé ses propres motivations pour se soigner. Voici une démarche pour l’aider à cheminer.

Dépister la rupture d’observance

Quand ?

→ En cas de signaux d’alerte d’inobservance : boîtes de médicaments ramenées non entamées, refus d’un traitement lors d’un renouvellement ou demande de boîtes supplémentaires, plainte d’un effet indésirable, non-amélioration des symptômes…

→ À chaque renouvellement de traitements chroniques, de loin les plus concernés (lire aussi notre enquête p. 18).

Comment ?

→ Demandez systématiquement à chaque renouvellement : « Comment s’est passé votre traitement ce mois-ci ?  » ou « Votre traitement vous a-t-il causé des difficultés ? » Un questionnaire d’observance (voir encadré) prend quelques minutes ; proposez-le si vous suspectez un défaut d’observance.

→ Non à la relation paternaliste, oui à l’adhésion du patient ! Adopter une posture de subordination (« Voyons, vous devez prendre votre gélule… ») ou de jugement (« Ce n’est pas sérieux d’oublier ! ») risque d’engendrer des blocages.

En pratique, que faire ?

→ Ne pas prendre son traitement est un droit. « Je ne suis pas là pour faire le gendarme, c’est votre droit de refuser ce médicament, mais j’aimerais que l’on prenne quelques minutes pour en parler… »

→ Replacez l’inobservance dans la normalité. Déculpabilisez le patient, et montrez que l’on peut entendre ses difficultés : « Suivre un traitement au long cours est difficile pour la majorité des malades ».

→ Montrez, avec empathie, l’intérêt d’en parler. « Néanmoins, ne pas prendre ce traitement correctement peut avoir des conséquences. Il m’importe donc d’en discuter avec vous ».

→ Positionnez le savoir du patient – son vécu – au même niveau que le savoir « médical ». « Ce que vous m’apprendrez de vos difficultés est très instructif. »

→ Évoquez de possibles solutions à condition d’une collaboration. « Peut-être pouvons-nous trouver ensemble une solution, et pour cela je dois en savoir un peu plus. »

Explorer les freins

Cognitifs

Ce type d’exploration permet de sonder les connaissances du patient : « Que savez-vous de votre maladie ? De ses complications possibles ? De la façon dont agit votre traitement ? Des risques de ne pas le prendre ?  »

Comportementaux

Identifiez son comportement de soin : « Comment prenez-vous vos traitements ? Vous arrive-t-il d’oublier ou de vous tromper ? Avez-vous trouvé un moyen d’y penser chaque jour ? Les arrêtez-vous de temps en temps ? À quelle occasion ? Avez-vous des difficultés pour ouvrir les sachets/avec cet inhalateur ?  »

Sociaux et relationnels

Cela permet d’appréhender l’environnement : « Qui s’occupe de vos médicaments à la maison ? Vivez-vous seul ? Où trouvez-vous du soutien pour parler de votre maladie ?  »

Émotionnels

Pour mieux comprendre les représentations du patient concernant sa santé, questionnez selon la situation : « Quel est votre ressenti actuel sur votre maladie (colère, apaisement, crainte…) ? Pensez-vous que c’est difficile de suivre correctement votre traitement ? Pourquoi ? En avez-vous marre de temps en temps ? êtes-vous fatigué, anxieux en ce moment ? Le fait que ce soit un générique vous pose-t-il un souci ?  »

Une attention particulière doit être portée à la façon dont le traitement impacte la vie quotidienne : organisation, effets indésirables… Ne pas hésiter à lui demander : « Sur une échelle de 1 à 10, où situez-vous votre satisfaction vis-à-vis de votre traitement ? » ; c’est parfois plus édifiant que de longs discours.

Actionner les leviers

Selon les freins mis en lumière, il est possible de mettre en place des actions pour favoriser l’adhésion du malade à sa prise en charge. Trois règles d’or : respecter les priorités du patient, définir des objectifs en veillant tant que possible à adapter le traitement à son mode de vie et non le contraire, et lui redonner un rôle actif et un pouvoir de décision.

Informer encore et encore

→ Répétez les bénéfices attendus du traitement sur la maladie. Cette étape doit être un réflexe à chaque délivrance : « Celui-ci, c’est votre traitement contre le cholestérol. Il permet d’éviter le rétrécissement des artères qui, à la longue, risque de provoquer des complications cardiaques graves. La posologie n’a pas changé, un comprimé chaque soir au dîner… »

→ Inscrivez les indications et posologies sur les boîtes.

→ Rappelez régulièrement les effets indésirables. Ils sont mieux acceptés quand ils sont connus, et les patients avertis risquent moins d’arrêter brutalement leur traitement. Essayez la manière positive : « Je préfère vous en parler bien qu’ils soient rares. Ainsi, s’ils surviennent, nous pourrons en discuter. »

Proposer des interventions pratiques

Elles sont parfois un levier suffisant pour pallier des défauts d’organisation et des difficultés d’administration.

→ Suggérez un système de rappel de prise selon les préférences des patients : piluliers, SMS, alertes sonores…

→ Manipulez avec le patient les systèmes d’administration complexes, systématiquement en début de traitement, puis occasionnellement : inhalateurs, stylos auto-injecteurs, patchs…

→ Simplifiez si possible le plan de prise en l’adaptant au mode de vie du patient. Exemple : un comprimé à prendre le matin en mangeant alors que la personne ne prend pas de petit déjeuner peut être décalé au déjeuner avec l’approbation du médecin.

Accompagner le changement

Lorsque le défaut d’observance est intentionnel, manifestement lié à des déterminants psycho-sociaux, c’est au patient de trouver les clés pour accepter sa maladie, trouver ses propres motivations et décider de se soigner. Vous pouvez le guider en vous appuyant sur une démarche motivationnelle selon le stade de son changement de comportement (modèle de Prochaska et Di Clemente) :

→ Pré-contemplation : « Je ne vois pas pourquoi je prendrais ce traitement, je ne suis pas malade, je n’ai aucun symptôme ! ». Informez (« Nous pouvons prendre quelques minutes pour parler de cette pathologie. Même silencieuse, elle peut provoquer des complications à la longue… ») et explorez les freins à l’observance (voir plus haut).

→ Contemplation : « J’hésite, c’est quand même contraignant tous les jours… » Insistez sur la balance bénéfices/risques : « Certes, c’est une contrainte de prendre des comprimés chaque jour mais c’est en commençant votre traitement dès maintenant que vous pouvez protéger efficacement vos artères et éviter des complications dans le futur. »

→ Préparation : « Je me sens prêt à essayer, mais je crains les effets indésirables pendant les fêtes de Noël… » Envisagez alors avec le patient un premier objectif qui lui semble réalisable : « Je vous propose de débuter votre traitement après les fêtes et de venir me voir si vous ressentez le moindre effet qui vous semble anormal. »

→ Action : « Finalement, ça se passe plutôt bien, je prends l’habitude de le prendre tous les jours. » Encouragez et rappelez encore les effets positifs : « Je vous en félicite, c’est une bonne initiative que de penser dès maintenant à protéger votre santé pour l’avenir. »

→ Maintien : le patient a effectué des changements mais il sait qu’il doit rester vigilant. S’il dit : « Ne m’en mettez pas ce mois-ci, il m’en reste », repartez sur une exploration des déterminants et leviers de l’inobservance.

Partager l’info

La mise en place d’une démarche d’adhésion thérapeutique n’a que peu de chance d’aboutir si elle n’est pas coordonnée avec les autres professionnels de santé et l’entourage du malade.

→ Avertissez le médecin. Les patients ont tendance à « cacher » un défaut d’observance à leur médecin par crainte de lui « déplaire » et des éventuelles adaptations apportées à l’officine. Informez le praticien des difficultés dépistées au comptoir.

→ Impliquez l’entourage. Avec le consentement du patient, abordez la question avec la famille, qui peut être un relais important dans la motivation, mais aussi avec les professionnels autour (aide à domicile, infirmière…). Des solutions seront trouvées ensemble selon le mode de vie du patient et ses préférences.

Test d’évaluation de l’observance selon Girerd

Le test élaboré par le professeur Xavier Girerd, cardiologue et président de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), évalue l’observance d’un traitement au cours du mois précédent.

1) Ce matin, avez-vous oublié de prendre votre médicament ?

2) Depuis la dernière consultation, avez-vous été en panne de médicament ?

3) Vous est-il arrivé de prendre votre traitement avec retard par rapport à l’heure habituelle ?

4) Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que certains jours votre mémoire vous fait défaut ?

5) Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que certains jours vous avez l’impression que votre traitement vous fait plus de mal que de bien ?

6) Pensez-vous que vous avez trop de comprimés à prendre ?

Interprétation et conseils au patient

• 0 réponse « oui » = bonne observance. Traitement bien suivi, félicitations.

• 1 à 2 oui = minime problème d’observance. Trouvez une solution avec le patient si le problème est gérable (expliquer les effets indésirables, pilulier…), sinon en parler avec le médecin.

• Plus de 3 oui = mauvaise observance. Contactez le médecin car le traitement n’est pas bien géré.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !