Une femme souffrant de nausées chimio-induites - Porphyre n° 507 du 03/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 507 du 03/11/2014
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Flora, 45 ans, atteinte d’un cancer du sein, a entamé une chimiothérapie classée peu émétisante, mais elle a de fortes nausées lors de la séance et les 24 heures suivantes. Elle redoute tant leur survenue qu’elle est nauséeuse avant la séance. L’oncologue ajoute au traitement antiémétique de support de cortisone un sétron (Zophren) et de l’homéopathie.

Prescription

Dr B.

Oncologue Mme Flora M.

45 ans, 1,67 m, 62 kg

Ordonnance 1 (classique) :

Prednisone 20 mg : 4 comprimés une heure avant la séance.

Ignatia amara 15 CH et Colchicum autumnale 9 CH :

5 granules chaque le matin au réveil, à répéter au rythme des nausées

Ordonnance 2 (d’exception) :

Zophren Lyophilisat oral 8 mg : 1 lyophilisat une heure avant la séance et un autre si besoin douze heures après.

1 boîte de 2.

CE QUE JE DOIS SAVOIR

Législation

Zophren a bien été prescrit sur une ordonnance d’exception à quatre volets.

Condiv

C’est quoi ?

Ces deux ordonnances sont un traitement de support qui prend en charge les nausées et vomissements chimio-induits (NVCI). Ces effets indésirables de la chimiothérapie, très redoutés des patients, affectent considérablement leur qualité de vie et exposent à des désordres métaboliques potentiellement graves.

Symptômes

Trois types de nausées et vomissements chimio-induits sont décrits selon leur délai d’apparition :

– anticipés : 24 à 48 heures avant l’administration, en réponse conditionnée à des NVCI déjà ressentis (anxiété de subir à nouveau ces effets) ;

– aigus : dans les 24 heures suivant l’administration ;

– retardés : plus de 24 heures après l’administration.

Leur expression dépend du potentiel émétogène (provoquer un vomissement) et de la dose d’antitumoraux, ainsi que de la sensibilité individuelle. Les facteurs de risque : sexe féminin, âge < 55 ans, anxiété, antécédents de nausées lors de la grossesse ou de mal des transports.

Le « pourquoi »

L’effet émétique des antitumoraux s’exerce au niveau périphérique. Ils stimulent la libération de médiateurs dans l’intestin grêle, notamment la sérotonine 5-HT, à l’origine d’un stimulus qui remonte au niveau des centres du vomissement, où ils déclenchent le réflexe émétique. Au niveau central, ils stimulent la « zone gâchette » du vomissement, via des neuromédiateurs centraux (sérotonine, dopamine, neurokinines dite NK1…).

Objectif

Le but du traitement est de prévenir et de soulager les nausées et vomissements. Les propriétés antiémétisantes des corticoïdes et des antagonistes de la sérotonine (la famille des sétrons) sont utilisées selon des protocoles bien établis, associés ou non à d’autres antiémétiques, en fonction du potentiel émétogène des antitumoraux employés (hautement, moyennement, faiblement, très faiblement émétogènes). Dans le cas de Flora, qui subit actuellement une chimiothérapie faiblement émétogène, le protocole de départ (prophylaxie primaire) comprend l’administration de corticoïdes seuls avant la séance. Si les corticoïdes ne suffisent pas, l’ajout d’un sétron est possible (prophylaxie secondaire). Ce même sétron peut être utilisé en « traitement de secours » si les nausées persistent dans les 24 heures suivantes. Quant au traitement homéopathique, il est prescrit en complément.

Médicaments

Prednisone

Ce glucocorticoïde synthétique antiinflammatoire, comme tout glucocorticoïde, présente un effet antiémétique dont le mécanisme demeure mal connu. Il est utilisé en monothérapie dans les chimiothérapies faiblement émétisantes, ou en association.

Zophren (ondansétron)

L’ondansétron est un « sétron » antagoniste de la sérotonine 5HT, impliquée dans la survenue du réflexe émétique. Il est indiqué dans la prévention et le traitement des NVCI en cas de chimiothérapie moyennement à hautement émétisante ou, comme c’est le cas ici, lors d’une chimiothérapie faiblement émétisante en prophylaxie secondaire.

Ignatia amara

Médicament homéopathique obtenu à partir de la graine sèche de la fève de Saint-Ignace produite par une plante de la famille des Loganiaceae et traditionnellement utilisé pour les troubles anxieux, le trac et le stress. Ici, il est particulièrement indiqué lorsque les troubles apparaissent dans un condiv d’hyperémotivité (nausées anticipées dues au stress) avec sensation de « boule à l’estomac ».

Colchicum autumnale

Médicament homéopathique obtenu à partir des bulbes frais du colchique traditionnellement employé dans les troubles digestifs : douleurs abdominales, flatulences, nausées et vomissements… Cette souche est particulièrement conseillée en cas de nausées aggravées par des odeurs (exemple : de cuisine).

Repérer les difficultés

Si la patiente n’a pas eu recours à un sétron lors de précédentes séances de chimiothérapies, il est important de détailler le mode de prise et les délais, en préventif comme en curatif.

Vérifier que la patiente a intégré la place de l’homéopathie dans son traitement, qu’elle complète mais ne remplace pas.

CE QUE JE DIS À LA PATIENTE

J’ouvre le dialogue

« Je vois que le médecin a ajouté d’autres traitements contre les nausées. Votre dernière séance ne s’est pas bien déroulée ? » Flora confirme qu’elle a eu des nausées, même si le médecin lui avait dit que ce traitement n’en donnait pas trop, moins que le précédent en tout cas. « J’ai des nausées rien qu’à l’idée d’y aller. J’en ai tellement eu lors de mon premier traitement. Et après ça continue jusqu’au lendemain. Le pire, c’est quand mon mari cuisine, pourtant il croit me faire plaisir… »

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

→ Le médecin a ajouté un autre traitement à prendre une heure avant les séances afin de prévenir plus efficacement l’apparition de nausées. Il se prend en plus de la cortisone.

→ Si les nausées persistent le lendemain, ce nouveau traitement pourra aussi les soulager ; il faudra le prendre douze heures après la séance, cette fois sans la cortisone.

→ L’oncologue a aussi prescrit de l’homéopathie. C’est devenu très courant pour aider à mieux supporter les effets des traitements. Cela peut renforcer l’action des traitements contre la nausée. Elle ne les remplace pas ; elle se prend en plus, comme une chance supplémentaire.

Horaires d’administration

→ Prednisone : quatre comprimés à avaler avec un peu d’eau une heure avant la séance, de préférence avec une collation.

→ Zophren : un lyophilisat à laisser fondre sur le bout de la langue en avalant ensuite la salive, ou à dissoudre dans un peu d’eau une heure avant la séance. Ne pas prendre avec des aliments. En cas de nausées, reprendre un lyophilisat douze heures après la chimiothérapie. Retirer la pellicule de protection du lyophilisat avant de l’extraire de l’alvéole et ne pas le pousser comme un comprimé pelliculé ; veiller à avoir les mains sèches.

→ Ignatia amara et Colchicum autumnale : laisser fondre cinq granules de chaque sous la langue au réveil. Commencer le jour de la chimio, poursuivre le lendemain et renouveler au rythme des nausées.

Effets indésirables

→ Prednisone : à craindre surtout lors d’une administration prolongée. En ponctuel, fréquentes insomnies et excitation.

→ Zophren : céphalées, bouffées de chaleur et constipation pouvant se compliquer d’occlusions intestinales.

J’accompagne

Surveillance

Rappeler de ne pas multiplier les prises de Zophren au-delà des doses indiquées mais de consulter le médecin si les nausées persistent. En raison d’un risque rare d’occlusion intestinale, surveiller le transit les jours après l’administration de Zophren et consulter en cas de constipation.

Hygiène de vie

→ Limiter l’apparition des nausées : fractionner les repas (six à huit par jour), manger lentement, ne pas s’allonger immédiatement après mais rester en position assise au moins trente minutes.

→ Éviter les aliments à odeur forte ; préférer les aliments froids, moins odorants, et ceux faciles à digérer : poulet, yaourt, sorbet… ; éviter les excitants (tabac, café…) ; privilégier les aliments qui font envie, de préférence caloriques ou enrichis avec du gruyère râpé par exemple. Il n’y a pas de contre-indication à manger la même chose toute la journée qui suit la séance.

→ Garder toujours une collation sur soi, des biscuits secs, pour manger dès que les nausées sont moins fortes.

→ S’hydrater. Si l’appétit est très altéré, ne pas se forcer le premier jour, mais penser à s’hydrater suffisamment, notamment pour éviter la constipation due au Zophren. Choisir n’importe quelle boisson selon les préférences. Utiliser une tasse fermée avec une paille permet de prendre de petites gorgées et de limiter les odeurs.

Vente associée

Cocculine peut s’associer au traitement, à raison d’une dose matin et soir ou deux comprimés trois fois par jour, en commençant le matin de la chimiothérapie et pendant les trois jours suivants.

En savoir plus : Recommandations pour la prévention et le traitement des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie, www.afsos.fr ; Accompagnement en oncologie, Michèle Boiron et François Roux, Éditions Le Moniteur des pharmacies.

Point pharmaco

Quelle place pour l’aprépitant ?

L’aprépitant (Emend) est un antiémétique antagoniste des récepteurs aux neurokinines de type 1 dit « anti-NK1 ». Il agit au niveau central en empêchant la stimulation des centres du vomissement. Ces récepteurs centraux sont impliqués essentiellement dans l’apparition des nausées et vomissements retardés. Emend est associé aux autres antiémétiques (corticoïdes, sétrons) dans les chimiothérapies moyennement et hautement émétisantes.

La patiente me demande…

« Pourquoi certains malades prennent des calmants contre les nausées ? » Ces calmants ou anxiolytiques n’ont pas d’action propre contre les nausées, mais ont montré un intérêt pour prévenir et traiter les nausées anticipées. Ils sont alors prescrits en complément des traitements antinauséeux, notamment chez les patients anxieux. Il s’agit des benzodiazépines par voie orale ou IV comme l’alprazolam, etc.

« On m’a également parlé d’acupuncture. Qu’en est-il ? »

Les différentes techniques d’acupuncture, à l’aiguille, par acupression ou stimulation électrique, ont montré une efficacité significative en diminuant l’apparition des nausées. En revanche, elles ne semblent pas réduire leur sévérité une fois présentes. Les séances se pratiquent généralement la veille de la séance de chimiothérapie ou quelques heures après.

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