L’algodystrophie - Porphyre n° 507 du 03/11/2014 - Revues
 
Porphyre n° 507 du 03/11/2014
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Thierry Pennable

DÉFINITION

L’algodystrophie, ou syndrome douloureux régional complexe (SDRC) est un syndrome et non une maladie. Il se manifeste par une douleur localisée autour d’une ou plusieurs articulations d’un même membre.

L’algodystrophie associe une douleur continue, un enraidissement progressif du membre et des troubles vasomoteurs : œdème, modifications de la coloration cutanée…

Les localisations fréquentes sont la main et le poignet, l’épaule, la hanche, le genou et la cheville.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Aucune étude épidémiologique sur l’incidence et la prévalence de l’algodystrophie ne permet de connaître le nombre de personnes concernées en France.

En 2003, une étude américaine(1) rapportait une incidence de 5,46 pour 100 000 personnes (= nouveaux cas par an), et une prévalence de 22,8 pour 100 000 personnes (= totalité des personnes atteintes). Extrapolé à la population française, cela représenterait environ 15 000 personnes atteintes, pour plus de 3 500 nouveaux cas annuels.

L’algodystrophie touche l’adulte à tout âge avec une prédominance féminine (environ trois femmes pour un homme). Elle reste exceptionnelle chez l’enfant et l’adolescent.

SIGNES CLINIQUES

L’algodystrophie évolue classiquement en deux phases : une phase dite « chaude », inflammatoire, puis une phase dite « froide », avec raideurs et rétractions. Elle peut également se présenter sous la forme d’une phase froide d’emblée, d’une phase chaude seule, ou par une alternance de ces deux phases.

Phase chaude

Cette phase inflammatoire est accompagnée d’un gonflement des tissus mous – œdème de la main et des doigts par exemple – et d’une augmentation de la chaleur locale. Marquée par un début souvent progressif, la phase chaude peut s’étendre sur quelques semaines jusqu’à plusieurs mois.

La phase chaude s’accompagne de douleurs à type de brûlures, le plus souvent localisées sur une articulation. Les douleurs sont intenses, continues, parfois nocturnes, spontanées ou provoquées, et augmentées par la mobilisation du membre atteint ou par son appui sur un support.

Phase froide

Elle se caractérise par une réduction des phénomènes inflammatoires, un refroidissement (peau froide). La peau devient sèche, avec dépigmentation et dépilation possibles. La phase froide est aussi marquée par une modification des caractéristiques de la douleur qui, bien qu’atténuée, est toujours présente à la mobilisation du membre atteint ; la douleur est dite mécanique. Les œdèmes diminuent et laissent place à des rétractions musculo-tendineuses, à l’origine d’une raideur articulaire importante qui majore l’impotence fonctionnelle.

ÉVOLUTION

→ Dans 90 % des cas, l’évolution est favorable vers la guérison, avec ou sans séquelles, en l’espace d’un ou deux ans. Certains patients conservent une douleur, qu’ils ont apprise à gérer, et des séquelles fonctionnelles modérées davantage liées au traumatisme qu’à l’algodystrophie.

→ Pour les 5 à 10 % des cas qui ne guérissent pas complètement, l’évolution est plus lente, sur plusieurs années. Certains patients gardent des douleurs, mais plus souvent des séquelles à type de raideurs de l’articulation concernée (poignet, genou, cheville…). De rares cas très sévères peuvent rester invalidants au-delà de deux ans.

FORMES ÉTIOLOGIQUES

L’algodystrophie s’installe le plus souvent à la suite d’un traumatisme (fracture, entorse) ou d’une intervention chirurgicale. Dans un quart des cas, aucune cause n’est identifiée(2). Diabète, hypertriglycéridémie, hyperuricémie, éthylisme ou événement de vie perturbateur sont alors considérés comme des facteurs favorisants. La plupart du temps (75 % des cas), une étiologie est retrouvée.

→ Les traumatismes et/ou une intervention de chirurgie orthopédique sont à l’origine de plus de la moitié des cas. L’algodystrophie apparaît dans les jours ou les semaines qui suivent le traumatisme ou l’intervention.

→ Les affections neurologiques de type hémiplégie vasculaire (accident vasculaire cérébral), maladie de Parkinson, tétraplégie…

→ Les affections médicales : ostéo-articulaires (arthrite…), rhumatisme inflammatoire, néoplasies, infections (zona, panaris…), coronaropathie (algodystrophie de l’épaule gauche).

→ Les algodystophies iatrogènes : barbituriques anti-épileptiques (phénobarbital), anti-tuberculeux (isoniazide), antiprotéases du VIH.

→ La grossesse : de très rares cas d’algodystrophie de la hanche ont été décrits.

DIAGNOSTIC

Essentiellement clinique

Le diagnostic est souvent évident face à un tableau clinique typique. En cas de doute, des examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic, et surtout d’éliminer des diagnostics différentiels : arthrite, thrombophlébite, complications post-opératoires après une chirurgie orthopédique…

Examens complémentaires

→ La biologie est normale : aucune anomalie n’est identifiée. En particulier, il n’y a pas de syndrome inflammatoire, même si la vitesse de sédimentation peut être discrètement augmentée durant la phase chaude.

→ La radiographie standard montre une déminéralisation osseuse trois à quatre semaines après le début de la pathologie.

→ La scintigraphie osseuse montre une hyperfixation locorégionale en phase chaude. Ces anomalies sont très évocatrices mais non spécifiques de l’algodystrophie.

→ L’IRM reste exceptionnellement utilisée pour le diagnostic de l’algodystrophie.

PRISE EN CHARGE

Il n’existe aucun traitement médicamenteux spécifique. Le traitement symptomatique porte à la fois sur la douleur et la gêne fonctionnelle. L’implication du patient est un facteur d’efficacité de la prise en charge.

Antalgiques

La douleur doit être contrôlée dès l’apparition des premiers signes pour permettre la conservation de la mobilité articulaire. Les traitements antalgiques associent souvent antalgiques périphériques et centraux. Les corticoïdes en cure courte sont régulièrement proposés dans l’algodystrophie du membre supérieur de l’hémiplégique. Certaines équipes mettent en avant des traitements par bisphosphonates intraveineux, mais ces derniers n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Les traitements par calcitonine ne sont plus prescrits dans cette indication. Les traitements des douleurs neuropathiques sont régulièrement indiqués dans l’algodystrophie. L’orientation du patient vers des centres antidouleur est fréquente.

Temps de repos

Le repos n’est pas considéré comme le traitement de l’algodystrophie dans la mesure où le maintien d’une activité minimale est indispensable pour limiter les séquelles. En revanche, un repos relatif est requis durant la phase inflammatoire, en particulier pour les algodystrophies du membre inférieur, avec l’utilisation d’une canne ou béquille par exemple.

Rééducation précoce

Au décours de la phase initiale, si celle-ci est trop douloureuse, les mobilisations articulaires progressives doivent être instaurées rapidement en kinésithérapie afin de récupérer un enraidissement qui commence à s’installer.

Les exercices fonctionnels servent à réapprendre à utiliser ce membre. Il faut absolument lutter contre « l’exclusion » du membre douloureux par un patient qui ne s’en servirait plus. Le travail en ergothérapie vise à récupérer très tôt la fonction par des activités finalisées. Des techniques spécifiques sont proposées comme la balnéothérapie quand la mobilisation est trop douloureuse. Plus récemment, la thérapie par le miroir a montré un intérêt. Elle consiste à observer et déplacer le reflet du membre non douloureux, ce qui donne l’illusion de bouger le membre opposé douloureux. Cette vision envoie un message visuel fictif au cerveau, qui croit que c’est le membre douloureux qui peut fonctionner normalement.

Avec l’aimable participation du professeur Isabelle Laffont, responsable de l’équipe médicale de médecine physique et de réadaptation, CHRU de Montpellier (34).

(1) Complex regional pain syndrome type I : incidence and prevalence in Olmsted county, Sandroni et al., USA, 2003.

(2) L’algodystrophie, I. Laffont, E. Galano, C. Hérisson, J. Pélissier, Fédération de MPR Montpellier-Nîmes, 2011. Sur www.med.univ-montp1.fr

De quoi parle t-on ?

« Algodystrophie » ou « algoneurodystrophie » sont des termes qui recouvrent une même entité médicale et sont de moins en moins distingués par les spécialistes. En 1993, une conférence de consensus internationale a adopté le terme clinique de syndrome douloureux régional complexe (SDRC). La douleur est le symptôme cardinal du SDRC et le terme « complexe » reflète la nature variée et dynamique des manifestations cliniques pour un même patient au cours du temps, ainsi que d’une personne à l’autre. Aujourd’hui, les spécialistes retiennent généralement l’acronyme « SDRC de type 1 » dans leur pratique médicale et leurs enseignements. Le SDRC de type 2, équivalent de l’ancienne « causalgie » avec lésion nerveuse identifiée, n’est plus distingué. Car, dans quasiment tous les cas de SDRC, la douleur a une expression neuropathique, à laquelle s’associe volontiers une composante nociceptive (douleurs déclenchées par les mobilisations des articulations concernées). Dans tous les cas de SDRC, la prise en charge médicale et le traitement sont les mêmes.

Ce n’est pas dans la tête…

La symptomatologie anxio-dépressive souvent retrouvée dans l’algodystrophie n’est pas considérée comme un facteur déclenchant en soi. La notion de maladie imaginaire rencontrée parfois dans le milieu médical ou paramédical est très délétère pour le patient (« C’est dans votre tête »). En revanche, lorsque le syndrome anxio-dépressif est consécutif aux douleurs chroniques et à l’impotence, il doit être pris en compte car il abaisse chimiquement le seuil de tolérance à la douleur.

Une kinésithérapie plus tonique

L’habitude de traiter l’algodystrophie selon la règle de la « non douleur », en restant en deçà des amplitudes limites pour éviter l’apparition de la douleur, est aujourd’hui très discutée. Elle est maintenue pendant la phase inflammatoire durant laquelle il faut rester prudent, mais en phase « froide », une rééducation plus tonique apporte de meilleurs résultats. La douleur doit rester tolérable et diminuer lors d’un même exercice. Comme toujours en rééducation, l’implication du patient est primordiale pour une meilleure efficacité.

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