Les benzodiazépines et apparentés - Porphyre n° 504 du 28/06/2014 - Revues
 
Porphyre n° 504 du 28/06/2014
 

Savoir

le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

C’EST QUOI ?

Des psycholeptiques

Les benzodiazépines (BZD) sont des psychotropes psycholeptiques, c’est-à-dire qu’elles ont une action calmante sur le psychisme, l’activité mentale ou la tension émotionnelle (« leptique : qui affecte en déprimant », comme les neuroleptiques). Les apparentés aux benzodiazépines, zolpidem et zopiclone ont une structure chimique différente des BZD, mais ont les mêmes propriétés, agissent selon un mécanisme d’action comparable et sont assimilés aux BZD quant à leurs effets.

Mécanisme d’action

Les BZD se fixent sur un site spécifique du récepteur GABA-A et augmentent ainsi l’affinité du GABA (acide gamma-aminobutyrique), un neurotransmetteur inhibiteur, pour ce récepteur. D’où les propriétés pharmacologiques communes : hypnotique, anxiolytique, myorelaxante, sédative, anti-convulsivante et amnésiante.

QUELLES PROPRIÉTÉS?

Il existe entre les BZD des différences :

pharmacodynamiques : certaines ont un effet dominant et sont plus sédatives ou plus anticonvulsivantes ;

pharmacocinétiques : la rapidité et la durée d’action de certaines molécules expliquent les indications préférentielles parmi les BZD. En général, celles utilisées comme anxiolytiques ont une demi-vie et une durée d’action plus longues que celles utilisées comme hypnotiques. À savoir : certaines molécules sont métabolisées en d’autres métabolites eux-mêmes actifs, d’où une action encore plus longue. Le clorazépate (Tranxène), à demi-vie très courte, est métabolisé en oxazépam lui-même actif, d’où sa très longue durée d’action.

> L’effet sédatif de zopiclone et zolpidem apparaît à des doses inférieures à celles nécessaires pour obtenir un effet anticonvulsivant ou anxiolytique, d’où leur utilisation comme hypnotique.

QUELLES INDICATIONS ?

> L’anxiété sous ses formes sévères et/ou invalidantes. Ce sont des médicaments symptomatiques qui soulagent le patient et favorisent son adaptation à une situation difficile.

> L’insomnie dans les formes occasionnelles et/ou transitoires. Elles favorisent l’endormissement et prolongent en général la durée du sommeil.

> La prévention et traitement du delirium tremens et autres manifestations du sevrage alcoolique sur une courte durée (de huit à dix jours).

> Les épilepsies généralisées et partielles par voie orale et le traitement d’urgence de l’état de mal épileptique par voie parentérale. Prévention des convulsions fébriles chez l’enfant pour le diazépam.

> La sédation vigile (situation d’urgence, transport médicalisé, soins palliatifs) et l’anesthésie pour le midazolam (Hypnovel, Versed), à l’action sédative et hypnotique intense, aussi utilisé en médecine palliative pour la sédation en phase terminale. Remarques : le flumazenil (Anexate et génériques), antidote des BZD, est aussi une BZD (usage hospitalier). Du fait de graves atteintes cutanées, les médicaments à base de tétrazépam (Myolastan et génériques) ont fait l’objet d’une suspension d’AMM en 2013.

QUELLE LÉGISLATION ?

Durée de prescription maximale

Pour des motifs de santé publique, la durée de prescription des BZD et apparentés a été limitée.

BZD anxiolytique ou antiépileptique, sauf Tranxène 20 mg : 12 semaines.

BZD hypnotique : 4 semaines.

Clorazépate (Tranxène 20 mg gélule) : 28 jours, non renouvelable.

Buccolam : 4 semaines ou 30 jours.

La délivrance de toute BZD en dépannage dans le cadre d’un traitement chronique est interdite.

Liste

Toutes les BZD sont sur liste I (substances vénéneuses), mais le clorazépate dipotassique (Tranxène) 20 mg, le clonazépam (Rivotril) et le midazolam (Buccolam) sont assimilés stupéfiants, d’où une législation particulière en raison d’un risque d’abus plus important (voir plus loin).

Type de prescripteur

Rivotril, Buccolam : prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux médecins spécialisés en neurologie et en pédiatrie avec renouvellement non restreint.

Les spécialités Hypnovel et Versed, également à base de midazolam, sont réservées à l’usage hospitalier, mais rétrocédables.

Type de prescription

Sur une ordonnance classique, exceptés Rivotril, Tranxène 20 et Buccolam, à prescrire sur ordonnance sécurisée avec la posologie en toutes lettres. Pour ces trois médicaments, tout chevauchement de prescription est interdit, sauf mention portée sur l’ordonnance par le prescripteur.

Délai pour présenter l’ordonnance

Il est de trois mois, y compris pour Tranxène 20 mg, Rivotril et Buccolam. Exemple : une ordonnance datée du 15 juin peut être présentée et délivrée jusqu’au 15 septembre.

EFFETS INDÉSIRABLES

Communs

> Ce sont une somnolence, un ralentissement des performances psychomotrices (réflexes auditifs, visuels…), une dépression respiratoire, une hépatotoxicité (d’où leur contre-indication en cas d’insuffisance respiratoire sévère, d’apnée du sommeil, d’insuffisance hépatique sévère), une amnésie antérograde (qui concerne les faits survenus après l’administration de la benzodiazépine) et des comportements paradoxaux (agitation, hallucinations, agressivité…).

> Les BZD accroissent également le risque d’accidents de la route ; environ 1 % de ces accidents en France leur serait imputable(1).

Une tolérance et une dépendance peuvent apparaître, favorisées par des traitements prolongés, des doses élevées, mais elles peuvent survenir même à dose modérée, et l’existence d’autres dépendances (alcool, substances illicites…) :

– le phénomène de tolérance est caractérisé par une diminution progressive de l’effet thérapeutique pouvant conduire à une augmentation des doses ;

– la dépendance physique peut être à l’origine d’un phénomène de rebond à l’arrêt du traitement, avec une aggravation des symptômes durant un à deux jours, et de réactions de sevrage incluant confusion, hallucinations, et pouvant aller jusqu’à des convulsions.

Abus et usage détourné. Le risque de pharmacodépendance, d’abus et d’usage détourné est spécifiquement surveillé par le réseau français d’addictovigilance.

Les benzodiazépines sont les molécules les plus fréquemment impliquées dans les cas de soumission chimique (utilisation criminelle), et en particulier le clonazépam, le zolpidem et le bromazépam.

Selon le condiv

> Une durée d’action prolongée expose à un risque d’accumulation plus important et, s’il s’agit d’un hypnotique notamment, à un risque de somnolence diurne.

> Chez les sujets âgés de plus de 65 ans, insuffisants rénaux ou hépatiques, les molécules sont éliminées plus lentement, d’où un risque d’accumulation et d’effet indésirable. Chez les personnes âgées, les benzodiazépines à durée d’action courte ou intermédiaire (voir tableau ci-dessus) doivent être privilégiées.

> Parmi les effets indésirables notifiés par les centres de pharmacovigilance, il est à noter les chutes, particulièrement chez le sujet âgé(1).

INTERACTIONS

L’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central (opiacés, alcool, antipsychotiques sédatifs…) majore les effets sédatifs et dépresseurs respiratoires.

EN PRATIQUE

L’initiation d’un traitement anxiolytique ou hypnotique doit se faire à faible dose, augmentée par paliers si besoin selon la tolérance.

Le traitement doit être aussi bref que possible avec une décroissance progressive des doses sur quelques semaines à, si besoin, quelques mois.

Les hypnotiques se prennent au coucher ; respecter une durée de sept à huit heures avant de reprendre une activité nécessitant de la vigilance.

QUELQUES CHIFFRES

– 11,2 millions de Français ont consommé au moins une BZD en 2012.

– Environ 33 % des femmes de plus de 65 ans consomment une BZD anxiolytique et 18 % une BZD hypnotique(1).

– Le temps d’utilisation des BZD anxiolytiques est proche de cinq mois et celui des hypnotiques, de quatre mois.

Avec l’aimable participation de Maryse Lapeyre-Mestre, du CHU de Toulouse (31).

(1) État des lieux sur la consommation des benzodiazépines en France, ANSM, décembre 2013.

Interview

Dr Maryse Lapeyre-Mestre,

praticien hospitalier au CHU de Toulouse, médecin ; directrice du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance (CEIP) de Midi-Pyrénées.

Les BZD et apparentés sont-ils efficaces sur le long terme ?

Leur efficacité est de courte durée et symptomatique. Ce ne sont pas des traitements de fond. Ils ne modifient en rien l’évolution du sommeil, ni de l’anxiété. Des études, certes assez anciennes, montrent un échappement de l’effet au bout de deux ou trois semaines pour des troubles du sommeil, et un petit peu plus pour l’anxiété.

Quelles sont les difficultés liées au sevrage ?

L’arrêt brutal est le pire à faire, avec un risque de crises convulsives. Des protocoles de sevrage très progressifs sont proposés, mais les études montrent des résultats décevants à long terme. Le maintien de l’abstinence est très difficile. Ces médicaments sont souvent prescrits à l’occasion d’événements de vie fâcheux, plus fréquents en avançant dans la vie. Ils entraînent une véritable dépendance, même si celle-ci ne se manifeste pas par des comportements excessifs.

Pourquoi est-il si difficile ?

Ces molécules modifient l’excitabilité neuronale en perturbant l’équilibre des acides aminés excitateurs et sédatifs, le glutamate et le GABA. Plus l’exposition a été prolongée, même à dose modérée, plus les modifications sont difficiles à renverser. Interviennent aussi la motivation, les effets propres du produit, l’environnement, le patrimoine génétique, les comorbidités, etc. Certains facteurs de vulnérabilité rendent le sevrage quasi impossible.

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