L’interdiction de la thanatopraxie en cas de VIH ou d’hépatite bientôt levée ? - Porphyre n° 499 du 01/02/2014 - Revues
 
Porphyre n° 499 du 01/02/2014
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Les soins de conservation aux défunts porteurs d’hépatite virale ou du VIH restent interdits en France, en dépit de la pression des associations, du Conseil national du sida (CNS) et d’un avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP).

Qu’est-ce que la thanatopraxie ?

Appelée « embaumement » ou « soins de conservation », elle désigne les techniques qui visent, par injection de biocides, à conserver le corps en limitant sa décomposition.

Comment est-elle pratiquée ?

Par des thanatopracteurs, sur demande de la famille et après la délivrance, par le médecin, d’un certificat médical de décès ne s’opposant pas aux soins de conservation. La technique implique l’aspiration des liquides du corps, remplacés par des fluides de conservation généralement à base de formol. Elle se pratique en chambre funéraire, mortuaire ou à domicile.

Dans quels cas est-elle interdite ?

Outre les décès avec obstacle médico-légal, les accidents ou maladies professionnelles, les soins de conservation sont légalement interdits pour certaines infections : charbon, choléra, fièvres hémorragiques virales, hépatites virales, peste, rage, VIH, variole et autres orthopoxvirus, maladie de Creutzfeld-Jakob et états septiques graves sur prescription du médecin (voir repères).

Quels sont les risques infectieux ?

La plupart des agents gardant leur pouvoir infectieux pendant plusieurs jours, les gestes pratiqués (incision artérielle, injections et aspirations, sutures…) sont à haut risque d’accidents d’exposition aux liquides biologiques.

Quels sont les arguments des associations qui demandent la levée de l’interdiction pour le VIH et les hépatites ?

Cette interdiction serait discriminatoire car non justifiée en termes de santé publique puisque tous les morts sont porteurs d’une flore potentiellement pathogène. De plus, de nombreuses personnes ignorant leur séropositivité, le principe de précaution voudrait que la mise en place de bonnes pratiques s’applique à l’ensemble des défunts.

Quelles sont les précautions actuelles ?

Les thanatopracteurs doivent respecter les vaccinations professionnelles et les précautions universelles édictées en milieu de soins pour ces mêmes pathologies, en particulier le port systématique d’une protection oculaire et d’un masque type FFP1.

Ne sont-elles pas suffisantes ?

Pour le Conseil national du sida, aucun argument scientifique ne justifie de mesures spécifiques dès lors que les précautions universelles sont respectées. En 2012, le HCSP a recommandé la levée de l’interdiction pour le VIH et les hépatites, sous réserve que les thanatopracteurs soient formés et respectent ces précautions, et que tous les soins soient réalisés dans des locaux spécifiques.

Qu’attend-on ?

De nouvelles conditions de pratique et une modification du code général des collectivités territoriales, qui réglemente les opérations funéraires. Avant de trancher sur la levée de l’interdiction, le gouvernement attend les conclusions de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), missionnées d’un rapport commun en 2012.

Qu’en disent les thanatopracteurs ?

Non organisés en Ordre (c’est un projet), les thanatopracteurs ne parlent pas d’une même voix. Les représentants professionnels se sont engagés à rester discrets jusqu’à publication du rapport. S’ils s’accordent sur la nécessité de renforcer la formation et la sécurité, les modalités pratiques posent question. La possibilité d’un « droit de retrait » en cas d’infection avérée pose l’épineux problème du secret médical et du statut de la profession.

Pourquoi une pétition maintenant ?

Le rapport IGA/Igas n’est toujours pas rendu public malgré le souhait répété par la ministre déléguée à la Famille à l’Assemblée nationale que les familles frappées par un deuil puissent aussi bénéficier de prestations de qualité dans le respect de la dignité du défunt. Las d’attendre, Jean-Luc Romero (voir Experts et Repères) a lancé une pétition pour sensibiliser le grand public.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

Jean-Luc Romero, président de l’Association des élus locaux contre le sida (AELS), membre du Conseil national du sida (CNS).

Cédric Ivanes et Régis Narabutin, président et secrétaire du Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés (SPTIS).

Richard Feret, directeur général de la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM)

Repères

Arrêté du 20 juillet 1998 : liste des maladies infectieuses interdisant les soins de conservation.

10 janvier 2011 : un communiqué des autorités sanitaires évoque la levée de l’interdiction pour certaines pathologies, dont VIH et hépatites, si des conditions adéquates sont appliquées.

20 décembre 2012 : un avis du HCSP recommande la levée de l’interdiction pour le VIH et les hépatites B et C sous réserve de précautions de thanatopraxie.

Décembre 2013 : pétition pour la levée de l’interdiction de soins funéraires pour le VIH et les hépatites virales sur www.change.org.

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