Stop à l’agressivité au comptoir - Pharmacien Manager n° 234 du 01/06/2023 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 234 du 01/06/2023
 

PRATIQUES

MANAGEMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Face à un client virulent ou mécontent, il faut à tout prix garder son calme. Désamorcer ces situations conflictuelles tout en ne se laissant pas affecter par les comportements de l’autre, ça s’apprend ! Des experts et coachs en management et en intelligence émotionnelle nous délivrent leurs conseils.

De l’agressivité et des incivilités de la part des clients, il y en a toujours eu, mais c’est vrai que depuis la pandémie du Covid-19 et la multiplication des pénuries de médicaments, les équipes officinales gèrent de plus en plus de situations compliquées au comptoir », constate Laëtitia Pannier, pharmacienne et cofondatrice de Graines de pharma, un nouvel organisme qui propose un catalogue de formations en présentiel sur la Nouvelle-Aquitaine. L’agressivité peut prendre plusieurs formes, allant de l’incivilité à l’agression physique, en passant par la provocation, l’intimidation ou les injures… La première chose à faire lorsque l’on se retrouve face à un client batailleur, c’est d’essayer de comprendre les raisons de son comportement. Celui-ci peut être motivé par tout un panel d’émotions. « Le plus souvent, nous avons affaire à des personnes qui n’arrivent plus à gérer une impatience, un ressentiment, une frustration, une colère ou une peur, et qui se déchargent en oubliant que le préparateur ou le pharmacien en face de lui attendent d’être respectés et écoutés », détaille Karine Guiraud, experte en intelligence émotionnelle, gestion des émotions et risques humains en entreprise. Pour Myriam Jallais, préparatrice et cofondatrice de Graines de pharma, des signes avant-coureurs doivent alerter. « Lorsqu’une personne dans la file d’attente serre les poings, a la mâchoire serrée ou semble agitée, il faut se préparer mentalement à gérer une situation potentiellement conflictuelle », explique-t-elle.

Ne pas entrer dans son jeu.

Dans ce genre de situation, deux principes doivent guider la posture à adopter, selon Karine Guiraud. « Il ne faut surtout pas entrer dans son jeu en se montrant condescendant, méprisant, ou agressif, conseille-t-elle, mais essayer de rester courtois et respectueux, d’avoir une écoute active, et de maîtriser ses émotions afin de désamorcer autant que possible l’ascenseur émotionnel avec effet “Cocotte-minute”. Il convient aussi de toujours se rappeler que la colère du patient n’a rien de personnel. Celui-ci était probablement énervé avant d’arriver à l’officine, et il le sera après. » Pour essayer de faire baisser la tension, Pascale Hauet, fondatrice de Pragmatic RH, un cabinet spécialisé dans le management officinal, conseille de pratiquer la technique de l’entonnoir. « Dans un premier temps, il faut écouter ce qu’il a à dire, le questionner pour s’assurer que l’on a bien compris ce qui motive son agressivité, cette première phase se terminant toujours par une reformulation qui permet en général d’apaiser la situation », souligne cette coach et formatrice qui propose depuis 2020 une formation dédiée à la gestion de l’agressivité des clients-patients.

Se mettre en mode solution.

Si la pression n’est toujours pas redescendue, il est alors nécessaire de fixer des limites. « Toujours en restant calme et courtois, mais sur un ton ferme, vous pouvez lui demander de se calmer car la manière dont elle vous parle ne vous convient pas, lui dire que si un médicament est en rupture, ce n’est pas de votre faute, ni de celle de la pharmacie, et que vous êtes là pour l’aider à trouver une solution », conseille Karine Guiraud. Il faut ensuite poser des questions fermées pour essayer de renouer le dialogue. « Si le patient est énervé parce que la pharmacie n’a pas son médicament en stock, il faut lui rappeler que les officines ne peuvent pas avoir tous les médicaments en stock, mais qu’il pourra venir le chercher cet après-midi, suggère Laëtitia Pannier. S’il rétorque qu’il ne pourra pas revenir, il faut idéalement lui proposer une livraison à domicile ou lui indiquer un confrère qui sera en mesure de lui délivrer son traitement. L’objectif étant toujours d’essayer de résoudre la situation, et que la personne en face de vous comprenne que vous mettez tout en œuvre pour cela. » « Dans la mesure du possible, il faut replacer le client dans une position où c’est lui qui choisit. En lui proposant plusieurs alternatives, vous le mettez face à ses responsabilités », ajoute Pascale Hauet.

Passer le relais.

Si à ce stade, vous sentez que vous n’arriverez pas à rétablir le dialogue, « inutile de perdre trop de temps et d’énergie, conseille Karine Guiraud. Il faut alors faire appel à une tierce personne, le titulaire ou un collègue à côté. Le simple fait de changer d’interlocuteur permet souvent de calmer les choses. Et si, malgré tout cela, la personne continue de se comporter de manière désagréable ou agressive, il conviendra alors de l’inviter à quitter la pharmacie, en lui expliquant que dans ces conditions, tout dialogue est impossible. » « Si elle refuse, et que la situation dégénère, il faut alors appeler le 17, mettre en sécurité les clients et les collègues, et ne pas hésiter à déposer plainte dès que l’agression va trop loin », ajoute Myriam Jallais.

La priorité : se protéger.

Dans un condiv de plus en plus tendu, les collaborateurs doivent aussi apprendre à se protéger pour ne pas être affectés par cette agressivité ambiante (voir encadré ci-contre). « Mieux vaut effectivement être bien ancré soimême sur le plan émotionnel pour résister à cette pression », reconnaît Karine Guiraud. « Le risque étant qu’à force de tout garder pour soi, au bout d’un moment, le couvercle saute et c’est le dixième client désagréable de la journée qui prend pour tous les autres », ajoute Laëtitia Pannier. Pour cette dernière, « la gestion des émotions de l’équipe officinale constitue un vrai enjeu. Beaucoup de préparateurs et de pharmaciens décident aujourd’hui de changer de métier parce qu’ils n’en peuvent plus de subir toutes ces incivilités. Le titulaire doit donc rester vigilant et scruter des signaux comme une démotivation de l’équipe, une augmentation de l’absentéisme, un turnover qui progresse… » « Lorsqu’un collaborateur semble affecté par une agression, il faut l’encourager à appeler la cellule de soutien psychologique pour les professionnels de santé mise en place par l’association Adop [Aide et dispositif d’orientation des pharmaciens*, NdlR]  », conclut Myriam Jallais, en invitant aussi les titulaires « à créer des groupes de parole pour que l’équipe puisse discuter de ces situations, en laissant chacun s’exprimer sur son ressenti ».

* Le numéro vert 0 800 73 69 59 est accessible 24 h/24, 7 j/7.

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE…

Signe des temps, un arrêté ministériel publié en février 2023 étend à tous les professionnels de santé la possibilité de bénéficier d’une action de développement professionnel continu (DPC) sur la gestion de l’agressivité des patients.

Dans ces formations, les participants apprennent à se connaître eux-mêmes, à se fixer des limites, à prendre de la distance, à utiliser des techniques de gestion du stress, etc. « Ils acquièrent également des méthodes pour apprendre à réagir et à canaliser l’agressivité des clients, ajoute Laëtitia Pannier, pharmacienne et cofondatrice de Graines de pharma. Grâce à tous ces outils, ils prennent confiance en eux, et arrivent à mieux gérer ces situations. Ce qui procure une réelle satisfaction. » En plus des formations, Pascale Hauet, fondatrice de Pragmatic RH, invite les titulaires à lister avec leurs équipes toutes les situations susceptibles de provoquer de l’agressivité au comptoir. « Pour chaque cas, il faut préparer la réponse qui sera fournie au client, quel que soit le collaborateur en face de lui, conseille-t-elle. Comme cela, les gens sentiront que la réponse ne varie pas, et qu’il ne sert donc à rien de s’énerver. »

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