« Les officines sont indispensables à la cohésion sociale » - Pharmacien Manager n° 210 du 01/06/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 210 du 01/06/2021
 
VINCENT CHABAULT

RETAIL

ÉCHANGES

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

La crise sanitaire a renforcé des tendances préexistantes : Paiement en ligne, drive, livraison à domicile, sourcing local ou “made in France”… ont de grandes chances de s’inscrire dans la durée. Le sociologue, Vincent Chabault, auteur de l’essai “Eloge du magasin, contre l’amazonisation”, explique comment les commerces de proximité intègrent tous ces nouveaux prérequis.

PM Quels sont les changements liés à la crise du Covid-19 que vous avez observés ?

VC La crise a surtout accéléré des changements déjà engagés. Le e-commerce alimentaire a progressé. Les contraintes de mobilité, mais aussi la demande de “consommer local”, ont contribué à développer l’activité des commerces de proximité. Le virus venu de loin et notre dépendance à l’Asie pour l’approvisionnement en masques, en respirateurs, ont amplifié la critique de la mondialisation. Il est évident que les circuits courts, le “made in France” sont des tendances renforcées depuis la crise.

PM Cette situation de crise a-t-elle favorisé l’émergence de nouveaux modes de distribution, ainsi que l’abandon de certains usages ?

VC La crise n’est pas synonyme de révolution commerciale, mais des innovations naissent de périodes contraintes. Un tiers des Français a connu une réduction d’activité et de revenu depuis le mois de mars 2020. Le succès du site Leboncoin est bien antérieur à la crise, mais le nombre d’annonces publiées est passé de 27 à 40 millions en une année. Les contraintes budgétaires, mais aussi l’intérêt pour le réemploi, constituent des facteurs expliquant cette explosion du marché de seconde main.

PM Dans un condiv de restrictions sanitaires, comment les commerçants peuvent-ils créer une relation client ?

VC Construire une relation dans une société “sans contact” est un véritable défi pour les commerçants. Le protocole sanitaire ne les a pas empêchés d’innover : communication sur la vitrine, services rendus dans le quartier, l’utilisation du numérique… Le cliché de l’immobilisme a été sévèrement contredit. Le nouveau pouvoir du magasin repose sur sa capacité à intervenir sur les aspects non-digitalisables de la relation commerciale : lien social, services personnalisés, expertise, recommandations, crédit informel, dépannage, essayage…

PM Considérée comme “commerce essentiel”, l’image des pharmacies a-t-elle changé depuis la crise sanitaire ?

VC Leur place parmi les commerces de proximité a été renforcée en raison de leur expertise et des petits services rendus. Les pharmaciens craignent d’être assimilés à des commerçants. Ils le sont pourtant dans le bon sens du terme : au-delà de l’approvisionnement, les officines sont des supports de petites relations indispensables à la cohésion sociale. C’est incontestablement un espace d’échange ouvert à tous, un lieu qui doit aussi rester une autorité face à la désinformation sur des sujets scientifiques et aux thèses complotistes.

PM Votre ouvrage “Eloge du magasin” critique le phénomène d’Amazonisation, mais ne pensezvous pas que cela répond à un besoin de la société ?

VC Sans aucun doute. Mais les réponses à cette demande de services numériques peuvent varier et la voie à suivre est de développer des services en harmonie avec son commerce. L’exemple du click and collect des libraires durant les confinements de 2020 est emblématique de cette conciliation.

PM D’après-vous, les commerces physiques doivent-ils se digitaliser (click and collect, site marchand…) ?

VC La crise a imposé ce processus pour tous les types de commerce, mais la digitalisation ne renvoie pas seulement à la création d’un site marchand. Il s’agit aussi de communiquer grâce aux réseaux sociaux. Les opportunités du numérique sont nombreuses et les besoins des commerçants sont variables.

PM Quels conseils donneriez-vous aux pharmaciens qui veulent se lancer dans le commerce en ligne ?

VC Première étape : évaluer leurs compétences numériques et leurs besoins. Il faut aussi profiter des atouts du numérique pour développer les services : commande en ligne, puis retrait en officine, livraison à l’échelle du quartier, conseils et expertises en ligne pour des clients fidèles… Les marges de progression sont considérables et il faut aussi penser au renouvellement de la clientèle.

PM A l’ère du numérique, e-commerce et commerce de proximité sont-ils enfin passés de concurrents à complémentaires ?

VC Oui, mais il faudrait que toutes ces formes de commerce soient traitées à égalité d’un point de vue fiscal et législatif. La loi Climat et résilience va limiter la construction des grandes surfaces, mais pas celle des entrepôts des pure-players.

SOCIOLOGUE DE LA CONSOMMATION ET MAÎTRE DE CONFÉRENCES À L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES.

BIO EXPRESS

→ 2008

Docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).

→ 2009

Maître de conférences en sociologie à l’Université de Paris.

→ depuis 2017

Enseignant à Sciences Po pour un cours sur les mutations de la consommation.

→ 2020

Parution du livre « Eloge du magasin » aux éditions Gallimard, prix lycéen d’économie.

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