LE VRAC S’EMBALLE - Pharmacien Manager n° 210 du 01/06/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 210 du 01/06/2021
 

AVANT-GARDE

TENDANCE

Auteur(s) : Fabienne Colin

Consommateurs et réseaux de distribution craquent pour le vrac. Malgré les efforts qu’il requiert et son côté “panier percé” !

C’est un signal fort. Dans le cadre de la loi Climat et résilience adoptée à l’assemblée le 4 mai dernier, les commerces de plus de 400 m2 pourraient avoir l’obligation de consacrer au moins 20 % de leur surface de vente au vrac à partir de 2030. Le législateur veut réduire les emballages plastiques. Certains acteurs économiques ont anticipé. Ainsi, l’association Réseau Vrac œuvre à la démocratisation des produits non-préemballés, depuis 2016. Elle s’attend à un triplement du chiffre d’affaires de la filière d’ici à 2022.

Tous circuits confondus.

Le consommateur a pris l’habitude de se servir et d’acheter au poids. Les commerces se mettent à tester des machines à distribuer, tandis que les marques essaient de valoriser leur offre sans emballage. En fait, la grande distribution emboîte le pas d’un phénomène initié en magasin bio. Entre temps, des enseignes d’épicerie spécialisées, telles que Day by Day et Mademoiselle Vrac, sont nées. Aujourd’hui, les pratiques s’accélèrent. En mars 2021, l’enseigne Franprix a lancé un concept de vrac avec des marques nationales. Depuis, le café Carte Noire, les céréales Kellogg’s, les pates Panzani, les bonbons Lutti s’y retrouvent dans un rayon baptisé “les marques nues”. Petit à petit, le vrac s’émancipe de l’alimentaire. « Dans son nouveau concept, The Body Shop installe des “refill stations” (bornes de recharge) avec des produits d’hygiène, des flacons réutilisables…. L’Occitane en Provence a fait de même avec cinq produits et deux contenances », remarque Mike Hadjadj, fondateur de la société de conseil “I Love Retail”.

L’officine : pas à pas.

Dans ce condiv, les officines s’y mettent aussi, timidement. « Pour une pharmacie située dans un quartier bobo, où tous les commerces vendent du green, du local…, être la première à proposer du vrac, c’est bien pour l’image ! », estime Mike Hadjadj. Dans les faits, on voit surtout en pharmacie des silos de tisane, des fontaines de shampooing, des cubitainers de gel douche… De même, les tiroirs de plantes signent leur grand retour. Il faut dire que l’offre s’est considérablement élargie, tant sur les galéniques que sur les catégories de produits. En 2020, la marque pour bébé, Mustela, testait le vrac dans deux officines, avec deux gels lavants et un flacon réutilisable. Cette année, Weleda tâte le marché dans trois magasins de l’enseigne bio allemande Alnatura, avec des crèmes douche et des huiles de soin à récupérer dans son propre flacon ou dans un disponible à la vente. « A date, il n’est pas encore prévu d’implémentation sur le marché français », précise toutefois un porte-parole. D’autres acteurs se sont lancés pour de bon. La marque Cozie est arrivée avec ses cosmétiques bio, vendus via son distributeur baptisé “Dozeuse” (en avril, elle a lancé un modèle plus compact, la “Dozette”). L’un des systèmes les plus répandus est, sans doute, celui de Lab@bulles, avec des cubitainers de gels lavants installés dans des caisses en bois, empilés, présentés en tête de gondole ou en une colonne à part. L’offre a évolué avec une version bio, nommée “Bul’Organic” et commercialisée par Tetra Medical. D’autres, encore, se sont mis au vrac en plus de leurs produits emballés. Ainsi, la marque d’hygiène à petit prix, Beau Terra, a annoncé dès janvier, la création d’un meuble équipé de ses six best sellers en format rechargeable. Dans la foulée, les cosmétiques des vignes bio, Sarmance, a également proposé un distributeur aux officines. Au menu : des produits d’hygiène liquides bio à leur marque Sarmance, ou de leur marque partenaire, Bul’Organic.

Pas si simple !

Si les produits sont de plus en plus nombreux, donc plus faciles à trouver, le vrac requiert un investissement de la part du commerçant. Hormis pour les offres conçues avec leur propre machine, il faut d’abord trouver un système de distribution adapté à sa stratégie : des silos, des fontaines, des pelles pour les bocaux… « Ensuite, il faut s’équiper d’une fonction de pesage, gérer l’étiquetage, les enjeux sanitaires - nettoyer les silos au moins deux fois par jour - et la traçabilité », avertit la consultante, Sophie Gillardeau, pharmacienne de formation. Néanmoins, les technologies se modernisent. A l’instar de SmartVrac, une solution connectée actuellement en test chez Franprix. Elle assure la pesée des produits en continu - le poids et le tarif défilent à l’écran au fil du remplissage - et imprime une étiquette à présenter au moment de payer (cf article “Après le vrac, le smart vrac” p.40, N°206). Il en revient au commerçant de peser les avantages et les inconvénients du vrac. « Je mets cinq ou dix références et, en termes d’image, c’est un carton ! », ironise Mike Hadjadj, avant d’énumérer les bémols. « Le vrac coûte cher aux enseignes.

En ne vendant que la dose prise par le consommateur, le chiffre d’affaires est moindre. En plus, on perd du produit qui tombe au sol. L’investissement sur le matériel est aussi plus lourd que de simples gondoles. Enfin, il existe un problème sanitaire concernant les fonds de cuve où peuvent se nicher d’éventuelles bactéries, etc.. Quand les magasins s’aperçoivent d’une contamination, ils jettent tout. Donc, il y a un gaspillage certain ! », tempère-t-il. Les pharmacies, qui ont essuyé les plâtres, ont conscience d’être des pionnières. « Aujourd’hui, ce n’est pas rentable. Le but est d’être innovant, en poussant cette nouvelle façon d’acheter », explique Florence Normand, la titulaire de la Pharmacie éponyme à Céret (Pyrénées-Orientales), un mois après avoir installé le distributeur Sarmance, dans son officine à l’enseigne Pharm O’naturel. Pour se différencier, elle affiche clairement son parti-pris. « Votre pharmacie s’engage ! Rejoignez la cause pour la réduction du plastique. Réutilisez votre contenant et économisez sa valeur. Consommez bio et 100 % fabriqué en France. Je prends soin de moi et de ma planète ! », lisent les clients sur une affiche placardée au-dessus de la machine.

Toutefois, des questions demeurent : « Si le vrac se développe, il y aura moins de références et quid de la mise en avant des marques ? », interroge Sophie Gillardeau. « D’une certaine manière, Franprix a répondu en disant que le vrac n’était pas l’apanage du bio et en proposant un corner de vrac pour des produits à l’approche de la date limite de consommation vendus moins chers ». Preuve que le marché se cherche encore !

62 %

Des Français souhaitent « davantage de vrac » dans les magasins.

(Source : étude « Panel Views » Nielsen, décembre 2020)

LE PARI DE L’IMAGE

A la Pharmacie Clairefontaine au Mans, la co-titulaire, Clarisse Pasquier, qui a référencé le meuble Lab@bulles depuis mai 2019, a rodé sa technique. « Les poches sont installées dans un carton que l’on met dans le meuble. A la fin, on enlève la poche du carton pour la vider au maximum. On se sert de ce qu’on récupère pour des échantillons à faire tester », explique la pharmacienne. Concrètement, ici c’est l’équipe qui sert et non le client qui travaille. Une fois le flacon rempli, une étiquette pré-imprimée est apposée sur le flacon et renseignée à la main du numéro de lot et de la date de péremption. Ensuite, il y a un tour de main à prendre. « En fonction de l’orientation du flacon, le jet arrive plus ou moins vite. Après avoir fermé le robinet, on nettoie la goutte qui reste avec un mouchoir en papier », détaille la titulaire. Plus qu’une rentabilité financière, elle voit dans cette installation un bon moyen de se différencier de la concurrence sur le zéro déchet. « Notre marge est de 21 %, ce qui n’est pas exceptionnel pour des produits à 20 % de TVA, mais ces derniers ont fait revenir une clientèle qui fréquentait les magasins bio ». Pari gagné sur l’image.

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