Business is business - Pharmacien Manager n° 207 du 01/03/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 207 du 01/03/2021
 

ENQUÊTE

Auteur(s) : Fabienne Colin

Devenir un référent auprès des professionnels de santé installés aux alentours de son officine, c’est possible ! Se mettre à la sous-traitance, faire connaître son offre aux médecins ou aux infirmiers, devenir spécialiste d’un dispositif utilisé en sortie d’hôpital… il existe quantité de choses à faire pour développer le BtoB. Cette activité complémentaire constitue un levier de croissance à long terme. A condition d’investir progressivement !

Certaines officines sont réputées nationalement pour être des pointures sur telle ou telle activité. A l’image de la Pharmacie Delpech (Paris), fondée en 1873, historiquement réputée pour ses préparations magistrales et qui fut très médiatisée au début de la crise du Covid-19 pour avoir produit du gel hydroalcoolique à haute dose. Dans ce sillage et à des niveaux plus modestes, d’autres se lancent dans des prestations “business to business” (BtoB), autrement dit “en direction des professionnels”. Zoom sur quatre types de diversification.

LA PDA FAVORISE L’INTERPRO.

La Pharmacie des Champs aux Melles, à Nanterre (92), s’est mis aux préparations de doses à administrer (PDA) presque par hasard. Un jour, un foyer voisin d’une cinquantaine de lits, a sollicité la titulaire, Sophie Kinn. « Je suis allée voir l’installation d’un confrère équipé d’une machine et j’ai apprécié la relation que la PDA avait permis d’instaurer entre professionnels ». C’était en 2017. Depuis, elle a créé son activité de PDA dans une réserve de 50 m2 avec mezzanine. « Une pièce conçue selon les recommandations, avec des murs et sols lisses, une VMC adéquate, une climatisation, etc », égrène la titulaire. Elle se dote, alors, d’une machine automatique de sachets dose, Robotik Technology. Investissement : 10 000 €. Ensuite, la PDA est montée en puissance au gré des opportunités. « Quelques mois après le premier foyer, un Ehpad de 70 lits a fait appel à nous, car il voulait passer à l’automatique. Puis, six mois plus tard, un autre d’environ 80 lits, dont la pharmacie arrêtait la PDA… », explique la pharmacienne, qui dédie deux de ses cinq préparatrices aux piluliers, encadrées en permanence par un pharmacien. Comme pressenti au départ, Sophie Kinn apprécie que cette diversification lui permet de tisser des liens avec d’autres professionnels de santé. Par exemple, elle est intervenue dans un Ehpad pour sensibiliser les équipes à leur vaccination antigrippale. « On fait presque office de pharmacie à usage interne ! On livre et pour certains patients, on va plus loin en proposant des changements de traitements… Il m’est arrivée de conseiller un ergothérapeute pour du matériel », se réjouit la titulaire, qui, mine de rien, contribue à la stratégie d’achat de l’Ehpad. Au quotidien, cette collaboration se traduit par une multitude d’attentions. L’officine a créé un classeur composé d’un catalogue de Chaussures Thérapeutiques à Usage Temporaire (CHUT), pour que les résidents puissent les choisir, avec un exemple d’ordonnance précisant la pointure, le modèle, le coloris… Dans le même esprit, elle fournit aux établissements un nuancier de contention ou un mémo pour bien rédiger une demande de chaussettes… Et dans les faits, cette activité PDA pèse, aujourd’hui, 15 % du C.A de l’officine.

LA SOUS-TRAITANCE POUR FAIRE LA DIFFÉRENCE.

Pour Grégoire Cuillerier, co-titulaire de la Pharmacie Maginot à Tours (37), avec son épouse, Irène, la préparation a toujours été un plaisir. En se spécialisant dans l’homéopathie, il en a fait une activité à part entière au point de devenir sous-traitant. « Un jour, un ami qui ne trouvait pas un produit dans l’industrie m’a demandé de le dépanner. Puis, j’ai constaté un besoin, aussi bien chez les pharmaciens que chez les patients », se souvient le titulaire. En 2013, il se lance et décroche l’agrément de sous-traitant en homéopathie. Parti de zéro, il consacre un budget d’environ 15 000 €, avec au départ un imprégnateur, une paillasse, une hotte… Aujourd’hui, « c’est une entreprise dans l’entreprise », analyse Grégoire Cuillerier. L’activité occupe environ 70 m2 au premier étage, répartis entre le bureau de la secrétaire, la salle de quarantaine, qui sert à entreposer les commandes saisies en attente de fabrication, la salle de stockage pour les articles de conditionnement et le préparatoire. En sept ans, l’officine s’est taillée une réputation sur ses produits sans lactose et sans sucre, pas toujours fabriqués par les industriels, et surtout, commercialisés à des prix compétitifs. Un argument de poids au moment du déremboursement de l’homéopathie !

À Altkirch, dans le Haut-Rhin, Hubert Meunier, titulaire de la pharmacie à son nom, s’est, lui, lancé dans la sous-traitance de préparations magistrales et officinales allopathiques, dans la foulée d’une certification Iso 9001 QMS Pharma. « La démarche qualité est une procédure lourde. Pour le préparatoire, il fallait soit mettre aux normes, soit tout arrêter », précise-t-il. « Il faut une surface minimum de 20 m2, une balance spéciale, etc… La Pharmacie Delpech m’a beaucoup conseillé », explique-t-il. Après avoir dépensé près de 40 000 €, son officine sert, aujourd’hui, quelques pharmacies locales. « Pour gagner en rentabilité, il nous faudrait plus de clients. L’idéal serait de fournir une nouvelle pharmacie tous les six mois », estime le titulaire à la tête d’une officine de plus de 3 M€ de C.A. Pendant les confinements, deux pharmacies de sa région, habituées à travailler avec des fournisseurs éloignés, l’ont sollicité. Et si le Covid-19 dopait les échanges locaux ?

UN ESPACE CLIENT PRO SUR APPLI.

À la Pharmacie Foch (C.A : 4 M€), à Brignoles (83), le titulaire Matthieu Marquet a carrément fait appel à l’agence web, Intecmedia, pour créer une application destinée aux personnels de santé, en 2018. Depuis, son site internet dispose d’un onglet Médecin/infirmier, où est expliqué le système de scan & collect “Rapid Ordo”. Avec cet outil, les professionnels (comme les patients !) peuvent envoyer leurs prescriptions et sont avertis par courriel quand les traitements sont prêts. Pour les pros, l’outil va encore plus loin en faisant office de showroom sur le matériel orthopédique référencé par l’officine. « J’ai voulu une appli pour cette fonctionnalité-là. Pour montrer aux médecins, infirmiers et, en particulier, aux Urgences de Brignoles ce que nous proposons », précise le titulaire, qui paie un abonnement 285 €/mois pour l’appli. Avant cela, le titulaire avait bien essayé d’organiser quelques rencontres avec les professionnels de santé, mais sans grand succès. « D’où l’application ! ». Toutefois, le titulaire ne cherche pas à mesurer la rentabilité de son outil. « Je sais que certains ont l’appli et orientent les patients vers notre officine. Pour telle attelle, par exemple. Mais, quand un patient se présente, je ne sais pas qui l’envoie. D’ailleurs, je préfère ne pas savoir. Je refuse le copinage ». Pour faire connaître son appli, le titulaire a remis un flyer avec un flash code d’accès, aux généralistes des alentours et à l’hôpital local. Les infirmières et autres kinés, eux, se sont vus remettre le sésame au comptoir. Reste que si l’appli détaille le référencement de la pharmacie, elle ne précise pas l’état du stock. Prochaine étape ?

DEVENIR UN RÉFÉRENT DE LA PERFUSION À DOMICILE.

Ville-hopital.fr, le nom du site de la Pharmacie Mettoudi à Boulogne-Billancourt (92) interpelle. En effet, cette officine s’est spécialisée dans la perfusion, notamment de produits d’antibiothérapie et de nutrition parentérales. Ici, tout est parti d’une première demande de traitement par une infirmière, en 2011. À l’époque, le titulaire, Laurent Mettoudi, se heurte à la complexité de trouver et livrer sur le champ ces médicaments et le matériel associé (souvent volumineux), régulièrement prescrits quelques heures seulement avant la sortie d’hôpital d’un patient. Il décide d’investir ce marché. La clé : ne pas avoir peur de se constituer un stock important. Il faut aussi un véhicule et un livreur… Au fil du temps, le bouche-à-oreille fonctionne auprès des prestataires de santé à domicile d’Île-de-France et de l’hôpital Beaujon, spécialiste des pathologies digestives, et du service “mucoviscidose” de l’hôpital Cochin. « Ce sont les prestataires qui ont fait connaître nos services », confie Charlotte Bensaid, pharmacien référent sur cette activité à la Pharmacie Mettoudi, aux côtés de quatre autres adjoints. En juin, l’officine s’est dotée d’une appli via laquelle les professionnels de santé peuvent envoyer leurs ordonnances et les patients préciser leurs éventuels effets secondaires. Un vrai outil à la fois interpro et de pharmacovigilance ! À tous, l’officine fournit aussi un numéro vert, véritable hotline 7 jours/7. Actuellement, l’officine revendique plus de 500 000 € de stock, répartis au sous-sol pour les médicaments et dans un local déporté pour le reste. Avec ses 8 livreurs salariés et autant de véhicules, l’officine livre ces prescriptions spéciales en quelques heures en Île-de-France. Résultat, cette activité, très différenciante, génère désormais 80 % du C.A de l’officine. Sacrée “perf” !

infos clés

1 Les activités BtoB nécessitent d’investir dans un équipement spécifique plus ou moins sophistiqué : des logiciels, des machines, une appli…

2 La réglementation limitant la publicité de l’officine au « tact et mesure », il faut compter sur le bouche-à-oreille pour se faire connaître.

3 Conséquence de cette limite en communication, ainsi que des investissements et de l’organisation nécessaires, la pharmacie doit accepter une montée en puissance progressive de son activité BtoB.

80 %

C’est le pourcentage du C.A généré par l’activité perfusion de la pharmacie Mettoudi.

En plus

Coopération et entraide

Tous les titulaires qui se lancent dans une activité “business to business” le concèdent : elle améliore la qualité des relations entre professionnels, y compris entre concurrents (oh pardon, entre confrères !). Ainsi, il est naturel de s’entraider entre titulaires, pour se donner des tuyaux sur son activité spécifique : bien remplir son dossier à soumettre à l’Agence régionale de santé (ARS), être au top de la traçabilité, choisir les bonnes machines… « Concernant la PDA, plein de groupes WhatsApp, Facebook… se sont constitués, en accès fermés. Les questions y fusent. Les jeunes s’y intéressent ! », se réjouit Marie Leterme, titulaire à Conflans-Sainte Honorine (78), « tombée dedans il y a 30 ans ». Elle avertit également les plus enthousiastes d’entre eux : « La PDA est une activité contraignante, pour laquelle il faut une vraie appétence en gérontologie et des qualités de manager ». Quant au titulaire tourangeau, Grégoire Cuillerier, il encourage aussi les plus jeunes à se lancer dans la sous-traitance. « Mon expérience m’a prouvé qu’il existe une véritable entraide entre pharmaciens sous-traitants. Et il y a du travail pour tout le monde ! ». A bon entendeur. Une activité BtoB, c’est l’occasion de développer une nouvelle facette du métier officinal. Elle débouche souvent sur un relationnel de qualité avec d’autres professionnels. A condition d’y consacrer le temps d’établir une confiance réciproque.

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