Une seule règle : zéro limite ! - Pharmacien Manager n° 204 du 01/12/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 204 du 01/12/2020
 

ENQUÊTE

Auteur(s) : Fabienne Colin

Avec la crise sanitaire du Covid-19, le rôle du pharmacien en tant qu’ accompagnateur de santé a pris tout son sens. Tour d’horizon des solutions déjà mises en place par les groupements, pour faciliter les missions de proximité du pharmacien au quotidien. Et ce, pour une meilleure santé des patients et de l’officine.

La loi Hôpital Patients Santé Territoires (HPST) de 2009 a ouvert la voie aux nouvelles missions conventionnées. Dix ans plus tard, avec l’aide des groupements, l’officine va encore plus loin. Elle sort de son cadre traditionnel, pour proposer à ses patients un accompagnement à 360 degrés. Et ce soutien du pharmacien qui aide à mieux gérer la maladie, voire même les “p’tits bobos” du quotidien, est d’autant plus appréciable lorsqu’il intervient pendant une période de crise sanitaire inédite, comme celle que nous traversons actuellement. Toutefois, pour conserver ce capital confiance, l’officine a encore beaucoup à apprendre, notamment en matière de protocoles et de démarches qualité, au service de l’efficience médico-économique. Les groupements y travaillent. Sur le terrain, il existe déjà quelques initiatives novatrices, qui érigent un accompagnement global du patient. Certaines d’entre elles, présentées dans cette enquête, peuvent devenir, pour vous, une source d’inspiration.

Un financement de projets interprofessionnels.

Le sujet ne fait pas débat : rien de tel qu’un exercice coordonné pour optimiser l’accompagnement du patient. Ainsi, le groupement HPI Totum Pharmacies a créé un fonds de dotation, baptisé Lab’Totum, dont la vocation est de financer des projets interprofessionnels au service du patient. Et tout titulaire, pas seulement les adhérents HPI, peut en bénéficier. Autre atout de taille : chaque initiative peut être testée, en réel, par les 180 adhérents du réseau.

Un accompagnement bienveillant.

Avant même de trouver ses mécènes via le Lab’Totum, un premier projet a vu le jour en septembre dernier : un certificat attestant de l’expertise d’une officine en matière de “maternage proximal et de soutien à la parentalité”. Ce dernier atteste de la capacité d’une officine à apporter un conseil professionnel sur l’allaitement, le sommeil… tout en respectant le projet des parents. En pratique, il s’obtient après 14 heures de formation pour 80 % de l’équipe et 21 heures pour les référents… S’en suivent les audits par l’organisme certificateur SGS, lui-même cautionné par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Le référentiel est directement inspiré par la démarche du label Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB), qui atteste de l’engagement des professionnels de maternité et de néonatalogie auprès des familles. Dans sa pharmacie à Grenoble (38), la titulaire Christine Le Fournier, qui a co-créé l’Association Initiative Pharmacie Amie des Nourrissons (IPHAN) à l’initiative du certificat, a pu constater la fidélité des parents ainsi conseillés. Mieux, les prescripteurs ont vite entendu parler de cette compétence et lui ont envoyé des patients. De quoi recruter une nouvelle clientèle avec un personnel formé et via un vrai service pour les jeunes parents !

Un coaching diététique web-to-store.

Chez Pharmavie, enseigne qui développe depuis plus de vingt ans une MDD de compléments alimentaires au nom de “Nutri”, l’année 2021 marquera le déploiement d’un accompagnement nutritionnel innovant. Baptisé “e-bilan Nutri Pharmavie”, le programme permet au patient de démarrer sa démarche en ligne chez lui, et de la terminer à l’officine, en obtenant un rendez-vous avec son pharmacien. « Nous voulons capitaliser sur notre marque Nutri, aller de plus en plus loin dans la prévention et le bien-être, en nous appuyant sur le digital », explique Laurence Dubois, directrice marketing et services de Pharmavie. Concrètement, le patient se connecte de chez lui sur le site de sa pharmacie, pour réaliser un bilan diététique. Il commence par répondre au questionnaire santé/hygiène de vie (combien de fois par jour consommez-vous des crudités ? Sautez-vous des repas ?…) et il peut s’arrêter-là ou solliciter un rendez-vous. C’est bien là tout l’enjeu ! En face-à-face, pendant 20 à 30 minutes, le pharmacien, formé par Pharmavie, analyse les résultats déjà annotés dans un pré-bilan établi par un algorithme, complète le questionnaire en ligne si besoin et préconise d’éventuels changements de comportements (sport, etc), voire “prescrit” des compléments alimentaires. « Comme c’est protocolisé, on ne risque pas d’oublier un élément », apprécie Pascal Guérit, pharmacien adjoint spécialiste de la nutrition, à la Pharmacie du Grand Large à Gujan-Mestras (33), qui teste la plateforme depuis le printemps. « De plus, on peut archiver des informations, remettre des documents, ce n’est pas uniquement du verbal ! ». Et Laurence Dubois d’ajouter : « Demain, nous ferons ce bilan en “télésoin”, anticipe celle qui conseille de faire payer le rendez-vous 25 €. Plus généralement, face à la multiplication des entretiens, suivis, et autres dépistages, elle estime « qu’ il faudra sans doute faire des choix, peut-être en oncologie, diabète et nutrition. Une officine ne pourra pas être multi-services, sauf à disposer de 15 pharmaciens pour conseiller ! », prévient-elle, tout en révélant que son groupement réfléchit, aussi, à un suivi protocolisé des diabétiques.

Attirer des médecins.

Entre 2017 et 2020, la Pharmacie de Chécy (45) a vu son C.A passer de 3 à 4 M€. Son secret ? Elle a fait venir des médecins. Son village comptait deux généralistes en 2017, cinq à l’automne 2020, bientôt rejoints par trois spécialistes. Pour y parvenir, elle s’est appuyée sur le savoir-faire de son groupement Univers Pharmacie, qui lui a soufflé des noms de chasseurs de têtes. Un contrat avec le cabinet Persuaders RH a permis de rencontrer plusieurs candidats par Skype et de vérifier leur réelle motivation : ici, pas de subvention alléchante à toucher, mais juste la perspective d’un carnet de rendez-vous plein. Puis, l’officine en a sélectionné quelques-uns pour leur faire découvrir, pendant trois jours, les atouts de la commune « non loin de l’aéroport d’Orly ». Du vrai marketing territorial ! Ceux qui ont dit “banco” ont d’abord été hébergés par la titulaire Sylvie Miannay. Son époux les a également soutenus, en les aidant à trouver un logement, une voiture, etc… L’appui d’Univers Pharmacie peut encore aller plus loin depuis le recrutement de Bryan Ginot, un jeune pharmacien dont la thèse est consacrée aux maisons de santé et sociétés interprofessionnelles. « Pour créer des maisons de santé, il faut écrire un projet de santé, savoir parler aux médecins, à l’Assurance maladie, aux ARS… c’est une expertise », remarque Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie et titulaire d’une officine à Colmar (68) au-dessus de laquelle il a installé un cabinet médical. Aujourd’hui, le groupement est en mesure d’épauler ses adhérents dans leurs démarches en vue d’un exercice coordonné : pour analyser leur situation, les conseiller de rejoindre une structure existante ou en ouvrir une, et les accompagner en suivant un protocole. « Il existe des subventions pour créer ces structures, il y a des contrats à rédiger, nous allons jusqu’à la rédaction des statuts », explique Daniel Buchinger. La Pharmacie de Chécy n’en est pas là. « SISA, CPTS, etc, quelles différences ? Selon moi, ce n’est pas assez clair pour me lancer. Puis, avec le Covid-19, j’ai trop de travail. Maintenant, je peux envoyer les patients vers des médecins, c’est déja plus rassurant ! », conclut Sylvie Miannay.

Le bon entretien au bon moment.

Il est souvent matériellement impossible de proposer tous les entretiens conventionnés, en permanence, dans une officine. D’où l’idée du groupement Giphar de mettre en place une alerte générée par un algorithme fondé sur les données de santé du patient, pour avertir le personnel au comptoir quand une personne est éligible à un suivi. Installé sur le logiciel de gestion de l’officine Giphar (LGO 2), l’outil déclenche, en fin de traitement d’ordonnance, l’ouverture d’une fenêtre pop-up à l’écran si le patient relève d’un bilan de médication partagé (BMP), d’un entretien pour le suivi de l’asthme, du diabète, des AVK, etc. La pharmacie a également la possibilité de choisir de déclencher les alertes seulement sur certains entretiens, ou sur aucun. Il suffit de cocher ou de décocher en fonction de la saison, de la thématique du mois… En un mot, de la stratégie de l’entreprise. Ainsi, Caroline Mazet, co-titulaire à la Pharmacie de Saint-Pantaléon-de-Larche (19) a souhaité, pendant le mois du diabète en novembre, se concentrer uniquement sur cette pathologie. « A la vue de ce pop-up, nous sommes certains qu’un entretien est pertinent. C’est important, car on ne sait pas bien faire le recrutement, nous n’avons jamais appris à le faire », poursuit Caroline Mazet. Elle estime que l’outil lui a permis de prendre de l’assurance. « Notre discours a changé, car nous sommes davantage sûrs de nous. Depuis ce pop-up, les entretiens que nous avons proposés ont mieux marché », conclut la pharmacienne.

Accélérer la dématérialisation.

Pilote sur différentes expérimentations, le réseau Le Gall Santé Services – 13 officines sous contrat d’affiliation situées principalement à Angers et aux alentours – a opté pour un accompagnement santé avant-gardiste. Ainsi, six adhérents testent actuellement le téléservice de prescription électronique des médicaments, “PEM2D”, autrement dit “la dématérialisation de l’ordonnance”. « Nous sommes en test auprès de la CPAM et avec Smart RX pour partenaire », précise François Tesson, directeur général de Le Gall Santé Services. L’ordonnance parvient à l’officine via le serveur de la Sécurité sociale. Ensuite, le patient se rend à la pharmacie avec un seul papier sur lequel figure un QR code (donnant accès à l’ordonnance) et un numéro unique, généré par le médecin prescripteur. Grâce à cette solution, l’officine s’organise pour préparer la commande en toute sécurité et à l’avance. Elle a aussi l’opportunité de proposer une livraison des traitements à domicile, voire d’autres services qui restent à inventer. Autre anticipation sur l’avenir, Le Gall Santé Services teste une nouvelle version du protocole Visiodroits, qui permet de savoir quels droits sont couverts par la complémentaire santé d’un patient. Avec ce logiciel, ce dernier « aura connaissance de ses droits, il pourra consommer en toute quiétude (en sachant ce qui est pris en charge) », analyse François Tesson. De fait, au comptoir, l’équipe sait si la mutuelle rembourse ou pas tel produit et à quelle hdiv. « Cela va participer à des achats complémentaires et ce sera une vraie différentiation pour les pharmacies », espère François Tesson.

Créer un écosystème local de santé.

Né à partir d’une officine spécialiste du discount, Lafayette Conseil a entamé, depuis quelques années, un repositionnement centré sur la prise en charge du patient par le service. En plus de sa chaîne Pharmacie Lafayette, le groupe toulousain a créé deux enseignes sœurs : Optique Lafayette, et pour le MAD, Médical Lafayette. L’idée : donner aux titulaires l’opportunité d’implanter ces deux types de magasins spécialisés dans l’environnement proche de leur officine. A l’image des trois titulaires de la pharmacie Lafayette de Montauban (82). Ils sont associés, avec d’autres personnes, au capital du Médical Lafayette qui jouxte leur officine, tandis qu’un Optique Lafayette, propriété de son opticien, est installé à seulement une rue de là. Quand une personne a besoin de produits d’optique, la pharmacie renvoie vers cette boutique. « Ils apprécient de disposer d’une offre large », précise la co-titulaire Camille Muel. Toutefois, la synergie est encore plus forte avec le matériel médical. « Nous avons une approche complémentaire axée sur le service. L’officine a les ordonnances, Médical Lafayette réalise les visites à domicile. Par exemple, pour un patient signalé par Palliadol 82, une association qui accompagne des patients en fin de vie, un rendez-vous peut être organisé avec le pharmacien et un membre du staffdu magasin médical, en plus d’un infirmier et d’un médecin, pour établir un diagnostic interprofessionnel des besoins et mieux épauler le malade. » Tel est justement le but ultime de toutes ces initiatives mises en place.

infos clés

1 Professionnalisation. Les groupements créent des services pour un accompagnement global du patient. Des solutions de plus en plus protocolisées.

2 Technicité. Ces réseaux se dotent d’outils informatiques et de compétences juridiques impossibles à obtenir dans une officine seule.

3 Formation. Face à la multiplication des entretiens, les équipes doivent monter en compétence pour des suivis du patient toujours plus pointus. Certaines officines vont devoir arbitrer entre ces derniers !

En plus

Poussez dans le même sens

Les groupements ne sont pas les seuls à encourager l’officine à proposer un accompagnement patient à 360 degrés. Zoom sur deux exemples évocateurs initiés par le laboratoire Pierre Fabre et l’éditeur de logiciels Pharmagest.

Pierre Fabre propose de plus en plus d’univers thématiques multimarques aux officines. Au catalogue : “Smile & Care” sur l’hygiène bucco-dentaire, “Nicozone” sur le sevrage tabagique, mais aussi des espaces sur la diététique et sur l’aromathérapie, pour lesquels le laboratoire castrais forme les équipes officinales. En outre, il existe des espaces saisonniers sur l’anti-chute, l’acné et le solaire. L’animation sur ce dernier segment, par exemple, a permis « une croissance de 16 % des ventes sur un marché à + 3 % ou + 4 % », se réjouit Thomas Joulie, directeur du département retail de Pierre Fabre. Depuis la crise sanitaire, un espace "hygiène prévention et soin" a même été inventé pour faciliter l’autonomie du patient.

L’éditeur de logiciels santé Pharmagest a créé une “Passerelle Numérique” entre ville et hôpital. Le système doit permettre à l’ensemble des professionnels de la prise en charge, dont les officines, d’être avertis des entrées et sorties d’hôpital. « Toute l’information est renvoyée dans le LGPI (le logiciel de gestion, Ndlr) », résume Thierry Chapusot, président de Pharmagest. Cette solution va aussi permettre aux officines de recevoir les ordonnances et d’avertir leurs patients quand leurs médicaments seront prêts. La passerelle démarre à Marseille (13) et Nancy (54).

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