« Le numérique va se renforcer et conquérir de nouveaux territoires » - Pharmacien Manager n° 200 du 01/09/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 200 du 01/09/2020
 
PHILIPPE MOATI

RETAIL

ÉCHANGES

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

La crise sanitaire du Covid-19 a contraint les Français à modifier leurs habitudes, avec des conséquences, plus ou moins durables, sur les modes de consommation. « Le commerce, au sens large du terme, va devoir s’adapter », affirme l’économiste, Philippe Moati, co-fondateur de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) et professeur d’économie à l’Université de Paris 7.

PM Le confinement a bouleversé les habitudes de consommation des Français. Quels sont les changements que vous avez pu constater ?

PM La période de confinement, que j’appelle la “parenthèse enchantée”, a été une période de consommation contrainte. Nous étions à l’arrêt, ou quasiment, notamment pour les achats non essentiels. Pour celles et ceux qui n’ont pas perdu de revenus, cette déconsommation s’est traduite par une accumulation d’épargne, évaluée entre 50 et 60 Mds d’euros.

PM Quels sont les nouveaux circuits de distribution privilégiés des Français ?

PM Les circuits de proximité et les circuits courts montés à la va-vite par des producteurs souvent privés de leurs débouchés traditionnels, ont été favorisés pendant le confinement. Tout comme les supermarchés, les supérettes, voire les épiceries indépendantes. A l’inverse, les hypers ont souffert ! L’e-commerce alimentaire est l’autre grand gagnant de cette crise. Avec une croissance comprise entre 80 et 90 %, il a littéralement explosé pendant le confinement ! Le « faire soi-même », le « made in France », le « consommer moins, mais mieux » sont-ils des tendances qui se sont renforcées ? Oui. Si toutes étaient déjà lancées avant la crise sanitaire, elles se sont énormément répandues pendant cette période. Avec en toile de fond du « made in France », une montée du sentiment nationaliste et un désir de souveraineté. Les Français se sont rendu compte que nous étions devenus vulnérables sur des éléments essentiels et cela a profondément marqué l’opinion publique, déjà critique à l’égard de la mondialisation. Le terme de « relocalisation » s’est imposé dans le débat public. Mais, il faut bien distinguer les idéaux des gens et la réalité des comportements. Il y a souvent un gap entre les deux, car nos actes d’achat sont toujours une forme de compromis entre nos idéaux et nos contraintes. Les consommateurs préfèrent les produits français, mais peu sont prêts à payer plus cher pour les acquérir. Mettre un drapeau français sur un packaging ne suffira pas. Si le produit est significativement plus cher, ou moins performant, il ne se vendra pas !

PM Le pharmacien peut-il, lui aussi, s’inscrire dans une consommation plus locale et plus responsable ?

PM Je pense que la crise va relancer le débat sur la gouvernance des entreprises et leurs « raisons d’être ». En tant que commerçant indépendant, le pharmacien peut réfléchir à intégrer cette logique à la fois de consommation responsable (avec du vrac, par exemple, ou un système simplifié de reprise des médicaments non-consommés) et d’animation du tissu économique et social local.

PM Le commerce souffre depuis le confinement, comment peut-il se relancer rapidement ?

PM Le choc de pouvoir d’achat risque de s’intensifier dans les mois qui viennent. Cela va rendre les consommateurs plus sensibles aux prix. Les tensions entre l’aspiration à acheter des produits de qualité et un système de contraintes vont se durcir, obligeant les consommateurs à privilégier des produits moins chers. Donc, il est fort probable que les commerçants renouent avec la surenchère promotionnelle pour stimuler les ventes.

PM Les outils numériques, qui ont joué un rôle essentiel pendant cette crise, vont-ils perdurer dans le temps ?

PM Grâce aux outils numériques, nous avons pu télétravailler, rester en contact avec nos proches, nous approvisionner et même consulter des professionnels de santé à distance… La télémédecine, par exemple, a gagné ses lettres de noblesse auprès de nombreux Français qui l’ont testée. Le numérique va se renforcer et conquérir de nouveaux territoires, comme la santé, et séduire de nouvelles cibles. Notamment les plus âgés, qui ont appris à utiliser l’outil pendant le confinement. Les pharmaciens doivent en tenir compte. C’est une manière d’améliorer à la fois la qualité de service et la qualité de la relation avec la clientèle qu’il faut absolument saisir.

PM Les professionnels en première ligne resteront-ils les héros de la France ?

PM Pendant le confinement, les projecteurs ont été braqués sur un certain nombre de métiers « en première ligne » : les professionnels de santé bien sûr, mais aussi les caissiers de supermarché, les épiciers, les bouchers ou encore les éboueurs… Il y a un mouvement de sympathie, voire d’empathie, à l’égard de tous. Le pharmacien est un acteur de quartier, dont les compétences se sont avérées essentielles pendant cette période si particulière. Il est probable que son image en ait bénéficié.

CO-FONDATEUR DE L’OBSOCO

BIO EXPRESS

→ 1994

Professeur agrégé d’économie. Ses axes de recherche privilégiés sont les transformations du système productif et, plus généralement, les mutations du capitalisme (en prenant en compte les dimensions sociétales).

→ 1998

Il entre au Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) et est chargé de la recherche au sein du département « Prospective de la consommation ».

→ 2011

Co-fondateur de l’Observatoire société et consommation (ObSoCo), société d’études et de conseil en stratégie.

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