L’heure est au smart phygital - Pharmacien Manager n° 197 du 01/04/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 197 du 01/04/2020
 

ENQUÊTE

Auteur(s) : Yves Rivoal

Combiner le meilleur de deux mondes, le commerce physique et le digital, afin d’offrir une expérience client unique sur le point de vente et se différencier de la concurrence. Telle est l’ambition du smart phygital, la dernière tendance dont tout le monde parle dans le retail. Mais qui n’en est qu’à ses balbutiements dans l’univers officinal, rares étant les groupements ou les éditeurs de LGO à avoir investi ce nouveau territoire…

Les officines Ma Pharmacie Référence ont pris le virage du smart digital il y a cinq ans déjà et il s’invite dès la vitrine. « Dans la journée, des écrans tactiles affichent les boucles programmées par le réseau. En dehors des heures d’ouverture, les clients peuvent prendre la main sur le contenu en flashant sur l’écran de veille le code NFC depuis leur smartphone, précise Willy Hodin, le fondateur et directeur général du groupement. S’ils souhaitent, par exemple, trouver la pharmacie de garde, une page s’affichera avec ses coordonnées et une carte indiquant l’itinéraire pour s’y rendre. Itinéraire qu’ils peuvent aussi télécharger sur leur smartphone. » Il est également possible de réserver des produits d’urgence ou de première nécessité à venir chercher le lendemain en clic & collect. « Ils peuvent scanner l’ordonance sur l’écran pour que l’équipe la prépare le lendemain matin. Le patient reçoit un SMS ou un mail pour lui indiquer que ses médicaments sont prêts », ajoute Willy Hodin.

RÉINVENTER LE PARCOURS CLIENT.

A l’entrée, le patient découvre une borne d’accueil où il peut s’identifier grâce à son programme de fidélité et indiquer la raison de sa venue : un rendez-vous avec la diététicienne, un clic & collect à retirer… L’information s’affiche alors sur l’écran du LGO, afin de prévenir l’équipe. « L’équipe peut s’organiser afin de le prendre en charge le plus rapidement possible », assure Willy Hodin. Pour améliorer la gestion des promis, Pharmagest a lancé Offilocker, une armoire connectée. « Lorsqu’un manquant arrive, il suffit de le placer dans l’armoire pour enclencher l’envoi d’un SMS ou d’un mail au client pour l’avertir de venir le retirer, précise Jean-Michel Monin, le directeur de l’activité Pharmacie France. Il lui suffit, alors, de saisir sur l’écran le code indiqué dans le message ou de scanner le code-barre pour que la machine lui délivre le produit sans passer par le comptoir, le conseil au patient ayant été fait lors de la vente initiale. » Cette armoire connectée peut être placée dans le point de vente, mais aussi à l’extérieur. De son côté, Pharmodel Group teste un système de caisse déportée. Le dispositif comprend une tablette sur laquelle est adossé un mini terminal de paiement. « Sept pharmacies pilotes ont utilisé pendant un mois les deux solutions, confie Evelyne Bessières, directrice des opérations retail et enseignes. Les premiers retours montrent qu’elles génèrent un gain de temps appréciable et diminuent les files d’attente. »

ENRICHIR L’EXPÉRIENCE CLIENT.

La transformation phygitale passe par l’installation de différents outils : bornes et écrans interactifs, tablettes et mobiles vendeurs, applications mobiles… Parmi les plus répandus, les écrans ne se contentent plus de diffuser des boucles promotionnelles ou des informations santé et bien-être. Chez Pharmagest, la gamme Offitouch les transforme en linéaires virtuels. « Ces écrans agrandissent les murs de la pharmacie, assure Jean-Michel Monin. Ils présentent des produits encombrants qui ne peuvent pas être exposés sur la surface de vente faute de place et permettent d’élargir les gammes référencées. » Produits qu’il est possible de déposer dans un panier virtuel que le client ira régler et retirer au comptoir. « Les linéaires digitaux fonctionnent particulièrement bien dans les catégories maman et bébé, matériel médical ou compléments alimentaires », précise Jean-Michel Monin. Multifonctions, ils peuvent aussi être utilisés pour appeler un vendeur, dynamiser les campagnes de promotions ou réaliser des questionnaires de satisfaction auprès des clients. Au cœur du dispositif phygital des officines Ma Pharmacie Référence, trône un web bar, installé le plus souvent au centre du point de vente. Sur ce meuble, surmonté d’un écran diffusant en boucle les animations commerciales, des informations santé ou locales, sont aussi exposées des nouveautés. « Lorsqu’un client prend en mains l’un de ces produits, la boucle s’interrompt pour laisser apparaître sa fiche grâce à la technologie RFID nichée dans les étagères », explique Willy Hodin. Les tablettes tactiles constituent l’autre support privilégié du smart phygital. Les Pharmaciens Associés ont développé les tablettes Tomi, en collaboration avec Oxypharm. « Elles comprennent 23 tests de dépistage (asthme, hypertension, BPCO, apnée du sommeil…) que le patient peut réaliser seul ou en compagnie du pharmacien, et avec l’aide ou non d’objets connectés de santé », précise Isabelle Pérot, la responsable marketing et qualité. Les résultats des tests sont transmis instantanément sur la boîte mail du pharmacien, qui peut les commenter et conseiller efficacement le patient sur les solutions à adopter. Pour rendre ses points de vente plus intelligents, Univers pharmacie a, lui, créé huit applications mobiles pouvant être utilisées au comptoir. « Un dispositif de prévention qui nous a permis d’améliorer la couverture vaccinale sur les patients à risque de 4 % par rapport à la moyenne nationale, pour la deuxième année consécutive », assure Daniel Buchinger, le président. D’autres solutions sont également à disposition, comme le suivi de l’observance et le rappel des bonnes pratiques pour les patients en train de suivre un traitement… Un applicatif permet également de transmettre par SMS un lien, pour consulter une fiche dédiée à une pathologie.

LA RECONNAISSANCE FACIALE SE DÉMOCRATISE.

Dans les autres circuits de distribution, le smart phygital se focalise sur l’affichage contextuel. « Les écrans sont de plus en plus utilisés pour diffuser des campagnes promotionnelles de manière opportuniste, observe Monique Large, consultante en innovation chez Pollen Consulting. Dans certains aéroports, le contenu affiché change en fonction des avions qui arrivent, avec une communication qui ne sera pas la même pour les passagers d’un vol low cost et ceux d’une compagnie régulière. » Des enseignes comme Allianz ou Club Med ont, elles, déployé la solution d’affichage dynamique de Crown Heights. « Nos algorithmes sont capables d’identifier au sein des stocks, les produits qui doivent être affichés pour être écoulés en priorité », précise Tristan Dupont, le directeur des opérations. Sur ses écrans en vitrine, ce prestataire a intégré une technologie de reconnaissance faciale qui, via une caméra positionnée au-dessus de l’écran et des algorithmes nourris à l’intelligence artificielle, est capable d’identifier le sexe et la tranche d’âge de la personne devant l’écran. Le player Crown TV envoie, alors, instantanément, un contenu adapté à son profil. « Nos algorithmes sont aussi en mesure de détecter la réaction du client par rapport au message diffusé, ajoute Tristan Dupont. S’il reste sans réaction, notre logiciel lui proposera un nouveau contenu. » Une technologie déployée essentiellement auprès des salons de coiffure, des agences de voyage…

OBJECTIF : FACILITER L’ACTE D’ACHAT.

Le smart phygital est aussi mis à contribution pour supprimer le principal irritant sur un point de vente : le paiement en caisse, avec ses files d’attentes. Des enseignes comme Nature & Découvertes, Celio, Zadig & Voltaire ou The Kooples ont adopté les tablettes-vendeurs d’Octipas. Cette solution ne se contente pas de réduire l’attente, elle permet aussi de faire du clienteling, lorsqu’elle est couplée à un CRM (Customer Relationship Management). Les vendeurs peuvent, par exemple, consulter le compte de fidélité d’un client, accéder à l’historique de ses achats, aux produits qu’il a regardés sur le site e-commerce, et même à ceux qu’il a abandonnés… « Ils se voient aussi suggérer des produits annexes à conseiller, ajoute Julien Kergoat (Octipas).

CONSOMMER ET SE DIVERTIR.

Enfin, le smart phygital a vocation à rendre l’expérience client moins consumériste et plus ludique. L’hôtel Ibis Styles de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle a installé dans son hall une borne selfie signée Crown Heights. Celle-ci permet de se prendre en photo et de recevoir le cliché charté aux couleurs de l’hôtel sur son adresse mail ou sur son smartphone. « Au-delà de l’aspect ludique, elle alimente la base clients », assure Tristan Dupont. Pour Monique Large, le smart phygital ne doit pas oublier sa fonction essentielle. « Immerger les clients dans un effet ‘waouh’ permet de faire vivre une expérience unique. Mais, c’est d’abord la relation humaine avec un vendeur que les gens viennent chercher dans un magasin. Le digital doit donc se mettre au service de cette relation, pour donner naissance à ce que j’appelle le ‘vendeur augmenté’ »

infos clés

1 Le smart phygital consiste à déployer sur les points de vente des outils digitaux interactifs, que les clients utilisent pour fluidifier leurs parcours et enrichir leur expérience

2 Le smart phygital donne une image moderne de la pharmacie, permet de se différencier de la concurrence, tout en valorisant les équipes.

+ 3 %

c’est le C.A additionnel enregistré par Nature & Découvertes depuis l’encaissement express.

74 %

des Français supportent de moins en moins faire la queue dans les magasins.

(Source : Paris Retail Week)

« Les linéaires digitaux fonctionnent particulièrement bien dans les catégories maman et bébé, matériel médical ou compléments alimentaires »

Jean-Michel Monin, directeur de l’activité Pharmacie France de Pharmagest

« Les tablettes Tomi comprennent 23 tests de dépistage (asthme, hypertension, BPCO, apnée du sommeil…) que le patient peut réaliser seul ou en compagnie du pharmacien, et avec l’aide ou non d’objets connectés de santé »

Isabelle Pérot, responsable marketing et qualité des Pharmaciens Associés

« C’est d’abord la relation humaine avec un vendeur que les gens viennent chercher dans un magasin. Le digital doit donc se mettre au service de cette relation, pour donner naissance à ce que j’appelle ‘le vendeur augmenté’ »

Monique Large, consultante en innovation chez Pollen Consulting

En plus

Dynamiser son image

Co-titulaire de la Grande Pharmacie du Centre à Mazamet, Stéphane Leriche a déployé le concept Ma Pharmacie Référence dans le cadre d’un transfert. La borne d’accueil installée à l’entrée s’est révélée très utile au départ. « Lorsque nous avons ouvert, elle nous a aidé à absorber des flux allant jusqu’à 400 clients/jour. Aujourd’hui, c’est le dispositif digital qui marche le moins bien chez nous. » Le web bar reste, lui, très exploité. « Nous exposons nos promotions et une sélection de nouveautés qui peuvent y être associées, précise Stéphane Leriche. Le web bar est aussi mis à contribution pour le matériel médical, un deuxième écran permettant d’accéder à l’intégralité des références proposées dans le catalogue du groupement. « Même si les outils digitaux ne sont pas utilisés aussi souvent qu’ils le devraient par la clientèle, l’équipe a pris l’habitude de s’en servir pour appuyer son conseil. Ils contribuent aussi à donner une image moderne et dynamique à notre pharmacie », estime Stéphane Leriche.

Miroir, mon beau miroir…

Pierre Fabre et les start-ups CareOS et Revieve ont lancé le miroir connecté Poseidon. Après une série de questions personnalisées (âge, routine de soins, attentes…), il analyse la peau du consommateur à partir d’une photographie de son visage et dresse une cartographie de différents items : acné, rides, brillance, rougeurs, éclat, grains, taches… Cette analyse est réalisée en moins de 5 secondes grâce à un algorithme d’intelligence artificielle comparant le portrait du consommateur à des milliers de photos. Il sera bientôt distribué dans les pharmacies pour appuyer le conseil des équipes officinales. Son prix : entre 3 000 et 5 000 €.

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