Plus fort à deux ! - Pharmacien Manager n° 195 du 01/02/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 195 du 01/02/2020
 

PRATIQUES

Auteur(s) : Francois Pouzaud

Encore trop rares, les regroupements d’officines sont promis à un bel avenir. Et lorsqu’ils se concrétisent, c’est souvent une réussite au bout du compte. A tous points de vue.

Le 28 janvier 2019, les deux pharmacies de la commune de Les Pieux (dans la Manche) ont fusionné. Leurs titulaires, Marie-Christine Cahan et Hélène Tesson, ont transféré simultanément l’officine issue du regroupement, dans un nouveau local près du Pôle de santé Ouest-Cotentin, une structure ouverte deux ans plus tôt qui réunit aujourd’hui 25 professionnels de santé. « Quand je me suis installée en 2015, le projet de regroupement était déjà dans les tuyaux de mon prédécesseur, mais il n’y avait encore rien de concret », souligne Hélène Tesson. Le regroupement avec sa consœur semblait déjà une évidence. « Les deux pharmacies n’étaient plus aux normes, n’avaient pas d’accès pour les personnes handicapées, les locaux ne permettaient pas de remplir les nouvelles missions… », détaille-t-elle. Leurs outils de travail respectifs n’étaient plus adaptés à l’exercice du métier. Autres motivations complémentaires. « Les évolutions démographiques sont tributaires de la Centrale EPR de Flamanville en cours de construction. Une fois le chantier terminé, il y aura une baisse de la population qu’il nous fallait anticiper », ajoute-t-elle. La démographie déclinante des médecins est également en cause. Lorsque l’opportunité s’est présentée de racheter un terrain à proximité pour bâtir les locaux et y transférer la pharmacie regroupée, les deux pharmaciennes ne se sont pas fait prier. « Nous n’avions que six mois pour monter le projet, car le terrain était sur le point d’être cédé pour y construire un logement », précise-t-elle.

INVESTIR à long terme.

Entre la construction du bâtiment, du parking privé et l’agencement de la nouvelle surface de vente de 250 m2, ce regroupement a nécessité un investissement financier important et « un temps colossal », admet Hélène Tesson. Mais, à la fin des douze années de prêt bancaire, il sera largement rentabilisé car le Pôle de santé permet d’attirer de jeunes médecins dans le canton des Pieux, qui voit plusieurs généralistes partir en retraite, mais aussi une nouvelle clientèle provenant des communes voisines. « Si cette possibilité de transfert près du Pôle de santé ne s’était pas présentée, nous n’aurions pas fusionné », avoue-t-elle. Au final, elle est persuadée que « cet investissement est gagnant à long terme ». En effet, ce regroupement a permis de faire des économies d’échelle, de consolider le chiffre d’affaires cumulé des deux officines (pas de perte de clientèle, augmentation de la fréquentation). Même si ces chiffres sont à contrebalancer avec des frais d’exploitation plus importants sur la nouvelle structure (embauche de personnel, 16 salariés au total, frais de maintenance plus élevés en raison de la robotisation du back-office, etc).

RASSEMBLER ses forces vives.

Toujours dans la Manche, à Equeurdreville-Hainneville, deux pharmacies (de taille petite à moyenne) distantes de 500 mètres ont fusionné en octobre 2017, après avoir racheté la clientèle d’une troisième petite officine qui a fermé pour donner une nouvelle envergure économique à la Pharmacie de la Paix, désormais dirigée par trois co-titulaires. L’un d’eux, Carine Menan, témoigne sur leur nécessaire regroupement, motivé par la recherche d’un exercice de meilleure qualité, d’économies d’échelle et de réponse à une concurrence renforcée d’une pharmacie plus importante située dans un centre commercial à proximité. « La pharmacie issue de ce regroupement et le rachat de clientèle a permis de hisser le chiffre d’affaires à 2,7 M€. Malgré une perte de 20 % de la clientèle pour chacune des deux officines regroupées, l’opération garantit la pérennité de la nouvelle structure plus à même de répondre aux besoins de sa patientèle, aux défis lancés à la profession et à la désertification médicale. Dans ce nouvel espace, nous proposons les nouvelles missions. La pharmacie s’est lancée dans la PDA, la certification QMS Pharma…. Tout cela aurait été impossible sans le regroupement de nos forces vives (une équipe de 11 salariés) qui permettent d’accélérer notre mutation vers les services », assure Carine Menan.

ENCOURAGER les jeunes.

« Le regroupement d’officines représente indéniablement une réelle opportunité dans la recherche de la taille critique, afin d’optimiser les performances économiques, accroître les capacités d’investissement et sa compétitivité, diversifier l’offre, améliorer la qualité globale du service et renforcer le pouvoir de négociation vis-à-vis des fournisseurs », confirme Thomas Grosse, expert-comptable associé du cabinet Extensia. Malgré tous ces avantages, le rythme des regroupements reste lent. Mais, il devrait s’accélérer dans les années à venir, selon Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial : « La pression économique est forte : baisse des volumes prescrits, nouvelles missions et développement de l’inter professionnalité… tout cela milite pour des officines de plus grande taille avec une capacité d’achat qui permet de maintenir la rentabilité et une logistique qui assure les services. » Les changements de mentalité agissent dans ce sens. « Les jeunes générations de pharmaciens semblent plus intéressées par le regroupement que leurs aînés. Ils possèdent peu d’apport et doivent faire preuve d’imagination pour s’installer, observe-t-il . Au vu des témoignages des pharmaciens qui ont franchi le rubicond, le regroupement est toujours vécu positivement. Certes, c’est coûteux et parfois compliqué juridiquement, mais le jeu en vaut la chandelle. Et si au bout de quelques années on ne s’entend plus, les associés ont toujours la possibilité de céder leurs parts sociales. Vendre deux pharmacies qui réalisent chacune 900 k€ sera toujours plus long et plus complexe, que de vendre la moitié d’une officine qui dégage un C.A de 1,8 M€ ! », conclut Philippe Becker.

Politique

Les alternatives au regroupement

Il est possible d’envisager d’autres scénarios que le regroupement, pour sauver les petites officines. Plus simple et moins coûteux, il y a le rachat de clientèle avec fermeture d’une des deux officines dont la licence devient caduque. On peut aussi les maintenir, comme le préconise Joël Lecoeur, expert-comptable, président du groupement CGP dans le cadre de structures multi-sites, dans des zones géographiques où cela se justifie ou encore, comme le réclame Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, compléter la rémunération des pharmaciens en zone rurale ou des quartiers sensibles lorsque la disparation de l’officine perturberait gravement l’approvisionnement en médicaments des populations résidentes. Ce sont des choix politiques !

ENTRE 350 000 ET 450 000 € CELA ÉQUIVAUT À L’ACHAT D’UNE PETITE PHARMACIE DE MOINS D’1 M D’ € DE C.A. ENTRE L’INVESTISSEMENT/AGENCEMENT DANS UN NOUVEAU LOCAL, LE SOLDE DES CONTRATS (PRÊT, MAINTENANCE, RÉSILIATION DU BAIL…), LA RESTRUCTURATION DU PERSONNEL, LES FRAIS D’ACTE ET DE CONSEILS…. UN REGROUPEMENT PEUT SE RÉVÉLER PLUS ÉLEVÉ. Source fiducial

POUR ALLER + LOIN

Article intitulé « Regroupements d’officines : une opportunité pour les pharmaciens à l’installation » ; Guide transactions, supplément du Moniteur des pharmacies N° 3200, paru le 25 novembre 2017.

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