Un marché en feu - Pharmacien Manager n° 194 du 01/01/2020 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 194 du 01/01/2020
 

MARCHÉ

Auteur(s) : Carole De Lantsheer

Récemment remboursés, les substituts nicotiniques ont le vent en poupe. Un temps concurrencés par la cigarette électronique, ils deviennent le traitement phare pour décrocher du tabac. Une démarche soutenue par les professionnels de santé, dont le pharmacien, acteur clef du sevrage.

Depuis le remboursement par l’Assurance maladie en 2018, les ventes des substituts nicotiniques (à hdiv de 65 % + une éventuelle prise en charge des mutuelles) ont décollé : + 18,6 % en volume (source Iqvia, en cumul annuel mobile à fin septembre 2019). « Le tabagisme est désormais appréhendé comme une maladie chronique », relève Florence Masson, responsable marketing au sein du laboratoire Eg Labo. Une mesure pour le moins efficace prise par le gouvernement en lieu et place de l’ancien forfait annuel de 150 €, qui imposait aux acheteurs d’avancer l’argent en pharmacie, et qui s’insère dans le volet “prévention” de la stratégie santé du gouvernement. « Les substituts nicotiniques sont devenus un marché accessible pour les patients », commente Audrey Beladina, chef de produit au sein des laboratoires GlaxoSmithKline. Et cette accessibilité financière, sans limite, change radicalement la donne et soutient le secteur. En somme, cette catégorie de produits connaît une nouvelle ère qui contraste fortement avec les années difficiles traversées lors de l’explosion de la cigarette électronique. Couplée à ces nouvelles dispositions, l’augmentation constante du tabac devrait conduire de nouveaux fumeurs à revoir leur consommation à la baisse et à se tourner vers des substituts. Tous les signaux sont au vert pour booster le marché vers des niveaux jamais atteints.

EN PHASE de consolidation.

Il n’en demeure pas moins que « le marché est encore en phase de construction, estime Elisabeth Airiau, responsable marketing selfcare, en charge de la marque Nicorette au sein du laboratoire Johnson & Johnson Santé France. Drivé majoritairement par la prescription qui génère environ 60 % des ventes, il attire encore un grand nombre de consommateurs qui demandent spontanément leur substitut, environ 40 % des acheteurs, part qui se stabilise fin 2019. En auto-médication, ils se tournent le plus souvent vers des petits boîtages ». La nouveauté vient également de l’emplacement réservé aux substituts nicotiniques qui repassent, pour la plupart, en raison de leur statut remboursable, derrière le comptoir (décret datant du 7 avril 2019). Cette nouvelle orchestration signe la volonté de placer les professionnels de santé (médecins et pharmaciens) au cœur du dispositif de sevrage des patients. Seuls restent donc en libre accès les produits non remboursables (environ 30 % de l’offre selon Ospharm), principalement des formes orales (gommes, comprimés) utilisées ponctuellement. Même limité, « cet espace permet d’amorcer le parcours du patient ; il agit comme un facteur déclenchant qui conduit ce dernier au comptoir », estime Elisabeth Airiau.

LES PHARMACIENS dans la boucle.

Le secteur se concentre entre les mains d’une poignée d’acteurs, avec en tête de file le laboratoire Pierre Fabre Health Care (38,7 % de parts de marché en valeur, en cumul annuel mobile à fin août 2019, selon Ospharm). « L’accompagnement du patient est un facteur clef dans l’arrêt de la cigarette ; il passe nécessairement par les professionnels de santé », résume Delphine Rampant, chef de groupe marketing au sein des laboratoires Pierre Fabre Health Care. A cet effet, un kit “Stop tabac”, une mallette comprenant des outils de guidance des patients (fiches conseil, carnet de suivi patients) est remis aux pharmaciens afin « de les aider à libérer la parole autour du tabac dans l’enceinte de l’officine », précise notre interlocutrice. Depuis 2016, cette volonté d’être aux côtés des professionnels s’est renforcée avec la création de l’Institut Pierre Fabre de tabacologie qui se positionne en acteur de santé publique et qui assure, notamment, des formations menées par des tabacologues. Une approche également adoptée par le laboratoire Johnson & Johnson (33,5 % de pdm en valeur, selon Ospharm) qui a lancé, début 2019, un programme d’éducation médicale à destination des pharmaciens et des médecins généralistes, le websymposium, animé par des professionnels de santé (pharmaciens tabacologues et médecins généralistes tabacologues). Il explique comment prendre en charge de manière simple et efficace les fumeurs ; le sevrage tabagique est abordé dans toutes ses dimensions (Quels substituts recommander ? Comment s’adresser à un patient réfractaire ? Comment reconnaître les signes d’un sous ou sur-dosage ?, etc).

CONCENTRATION des acteurs.

A eux deux, les laboratoires Pierre Fabre Health Care et Johnson & Johnson génèrent environ 70 % des ventes en volume, de substituts nicotiniques. Leur position forte impacte la concurrence mise à rude épreuve. La marque challenger Nicotinell (GlaxoSmithKline) prend la troisième place, suivie du médicament Champix (Pfizer), remboursé depuis 2017 (à hdiv de 65 %) et indiqué en seconde intention ou chez les sujets ayant une forte dépendance au tabac. Niquitin (Perrigo) est en perte de vitesse, relégué à la 5ème place du secteur. Quant au génériqueur Eg Labo, qui proposait dès 2013, des gommes à un coût inférieur aux prix du marché, il annonce le lancement de deux nouvelles galéniques (un spray et des patchs) en 2020, de quoi lui permettre de s’inscrire plus franchement sur le marché avec une offre complète. Egalement remboursé, le médicament Zyban est à la peine et ne réalise que 0,1 % de pdm en volume, selon Ospharm.

LE PATCH, 1er traitement.

En “équivalents patients traités”, les ventes de timbres transdermiques ne cessent d’augmenter : entre 2017 et 2018, leur part de marché est passée de 39,3 % à 47 %, selon l’ Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Une tendance qui se confirme, avec des volumes de ventes à + 44 % (source Iqvia, en cumul annuel mobile à fin septembre 2019). Après avoir souffert de la concurrence de la cigarette électronique, cette forme passive, qui ne requiert aucune gestion du fumeur, est redevenue le traitement de référence pour décrocher définitivement du tabac. C’est le substitut nicotinique majoritairement prescrit par les médecins pour sa capacité à délivrer de la nicotine en continu. Parmi les best-sellers du secteur (et remplaçant la gamme Nicopatch dont la commercialisation a été arrêtée en début 2019), les timbres transdermiques NicopatchLib s’alignent sur les codes du marché en jouant les cartes de la transparence et de la finesse. « Ils assurent un plus grand confort d’utilisation et une discrétion attendue par les fumeurs en présentant la même efficacité », souligne Delphine Rampant. La référence NicopatchLib 21 mg (diffusion 24 heures) se situe au top 5 des meilleures ventes à l’instar de Nicoretteskin 25 mg, le patch le plus fortement dosé du marché. « Il est adapté à une utilisation en journée, pendant 16h, et ne provoque pas les troubles du sommeil parfois constatés lors d’une administration de nicotine la nuit », indique Elisabeth Airiau.

LES FORMES orales dans la course.

Souples d’utilisation (abstinence temporaire, réduction de sa consommation, gestion du “craving” ou l’envie irrépressible de fumer), les formes orales séduisent encore un grand nombre de fumeurs avec une préférence donnée aux comprimés et gélules (+ 20,4 % en volume, en cumul annuel mobile à fin septembre 2019, selon Iqvia,). Et font intégralement partie de l’arsenal de décrochage, leur association avec des patchs permettant d’optimiser, voire de doubler, les chances de réussite d’un sevrage tabagique. Toutefois, en toute logique, leur part de marché, en nombre de patients traités, baissait de 9 points entre 2018 et 2017 pour atteindre 45,7 % (Source : OFDT). Leader sur le segment des gommes, la marque Nicorette continue de se distinguer avec son offre large, disponible dans plusieurs arômes (classique, menthe fraîche et glaciale, fruits) : elle réalise 79,5 % de pdm en valeur, en octobre 2019 (soit + 12,6 points en un an, source fabricant). « Les médecins généralistes connaissent très bien les gommes Nicorette et les prescrivent largement », commente Elisabeth Airiau. L’offre innovante de Nicorette, qui se différencie sur le marché avec des références rupturistes, inclut l’inhaleur, un produit de niche pour les fumeurs pour lesquels le geste reste problématique, et des sprays buccaux (menthe et fruits rouges), pour soulager les envies irrésistibles de fumer. Non remboursées, ces références sont en involution (- 16,7 % en volume, pour l’inhaleur et - 16,4 % en volume, pour les sprays, en cumul annuel mobile à fin octobre 2019, source fabricant) mais tendent à se stabiliser. L’autre best-seller du secteur : les pastilles Nicopass de Pierre Fabre Heath Care et, plus spécifiquement, la référence 1,5 mg menthe fraîcheur qui caracole en tête du segment (+ 64,8 % en volume, selon Ospharm). Leur force : la galénique sucre cuit (sans schéma masticatoire) qui se délite en 30 minutes, assurant une libération optimisée de la nicotine. Au global, le marché des substituts nicotiniques ne s’est jamais aussi bien porté. Son remboursement a délié les derniers freins financiers au sevrage.

140,2 M € EN PHARMACIE

ÉVOLUTION en valeur

- 1,5 % En cumul annuel mobile à fin septembre 2019.

Source : Iqvia

7,9 M D’UNITÉS VENDUES EN PHARMACIE

ÉVOLUTION en volume

+ 18,6 % En cumul annuel mobile à fin septembre 2019.

Source : Iqvia

La TENDANCE

La consommation du tabac est en baisse. En mai 2018, l’agence Santé publique France annonçait 1,6 M de fumeurs en moins, entre 2016 et 2018. « Une telle diminution signifie que des fumeurs se sont arrêtés de fumer, mais aussi que les jeunes rentrent moins nombreux dans le tabagisme », détaillait l’agence. L’augmentation continue du prix du tabac, la mise en place du paquet neutre, la réitération de l’opération “Moi(s) sans tabac” (plus de 200 000 inscrits sur la plateforme dédiée en 2019), fixée en novembre depuis 2016, sont autant de mesures qui expliquent partiellement la baisse annoncée. Néanmoins, le taux de prévalence du tabagisme en France reste très élevé (env. 13 M de fumeurs) en comparaison à d’autres pays. Lancé en 2018, le Plan national de lutte contre le tabac prend le relais du précédent programme gouvernemental. Objectif fixé : en 2027, abaisser à moins de 16 % la part des fumeurs quotidiens chez les 18-75 ans, et en 2032, voir éclore la première génération d’adultes sans tabac (enfants nés depuis 2014).

LES GOÛTS ET LES COULEURS…

Les formes orales font varier les plaisirs en proposant toute une palette d’arômes (menthe fraîche, eucalyptus, fruits rouges, menthe réglisse, etc), à la fois pour convenir à tous les goûts et favoriser une bonne observance des traitements.

L’AROMATHÉRAPIE.

La gamme Aromastop de Pranârom comprend 3 synergies d’huiles essentielles aux visées complémentaires : traitement des symptômes du manque et gestion du « craving ». Des solutions alternatives pour les adeptes du naturel.

E-cigarette

Des ventes en net recul

Longtemps concurrente directe des substituts nicotiniques, la e-cigarette connaît des jours difficiles en raison d’une actualité anxiogène.

Présentée comme un moyen de décrocher du tabac par la Fivape (Fédération interprofessionnelle de la vape), qui se positionne en acteur de santé public, la cigarette électronique traverse une période trouble qui aurait inversé sa courbe de croissance (de l’ordre de + 20 % en 2018), soit un repli des ventes estimé entre - 20 et - 30 % à fin octobre 2019 (estimation Fivape). En cause : le rapport de l’OMS, publié en juillet 2019, qui la juge « incontestablement nocive », et l’actualité américaine marquée par la mort de 26 personnes touchées par des maladies pulmonaires liées au vapotage de THC, le principe psychoactif du cannabis. En résulte « un climat anxiogène qui vient écorner, actuellement, l’image de la cigarette électronique et qui fait chuter les ventes », commente Jean Moiroud, président de la Fivape.

INTERDITE en pharmacie. Pour autant, l’arrivée de l’e-cigarette en France aurait permis d’aider 700 000 personnes à arrêter de fumer, pointait l’agence nationale Santé Publique France dans son baromètre de 2017. Rappelons également la position de l’Académie nationale de pharmacie qui s’étonnait via Twitter, en juillet dernier, de la position de l’OMS : « L’e-cigarette permet d’arrêter de fumer. Ses composants sont à l’évidence moins nocifs que le tabac ». Si quelques marques s’étaient essayées, au tout début, au circuit pharmaceutique, leur commercialisation a tout bonnement été interdite en officine par l’Agence française de sécurité des produits de santé, depuis 2013. Les réseaux de vente se répartissent entre les boutiques spécialisées (environ 3 000) qui réalisent environ 60 % des ventes globales, le web (15 %) et les bureaux de tabac. La proposition de vendre exclusivement ces dispositifs en pharmacie ou encore de les doter d’un statut de médicament est bien derrière nous. Et, rassurons-nous, l’ombre portée par la cigarette électronique sur le marché des substituts nicotiniques n’est plus à craindre en raison du remboursement de ces derniers. Le marché s’est clairement inversé.

CORNER.

Nicozone, situé dans la pharmacie Citypharma de la rue du Four dans le 6ème arrondissement parisien, vient d’ouvrir ses portes. Ce premier espace de conseil dédié exclusivement au sevrage tabagique dispose d’un comptoir spécifique en accès libre ou sur rendez-vous.

LES PATCHS EN PRIORITÉ.

Après s’être fait voler la vedette par la cigarette électronique, les patchs redeviennent le traitement phare des sevrages. Les médecins les prescrivent majoritairement.

Communication

Inciter le fumeur à décrocher

Motivé pour vous libérer du tabac ? » (NicopatchLib), « Gommes à mâcher, pour combattre activement vos envies » (Nicorette)…, « Pour arrêter de fumer, mettez la gomme dès maintenant ! » (Eg Labo), les messages émis par les fabricants à destination des fumeurs interpellent et incitent le fumeur à se libérer du tabac. Relayées sur le point de vente via des PLV (affichage vitrines), les communications grand public sont majoritairement déployées sur le web sous la forme de bannières publicitaires (sur des sites spécialisés tels doctissimo.fr) ou encore de VOL (video online). Offrant un espace explicatif, la presse a également sa place. Si les produits sont, pour la plupart, remboursés, ces communications conservent tout leur intérêt à la fois pour soutenir les produits et « encourager les fumeurs à se rapprocher de leur médecin et surtout de leur pharmacien, pour les tenir informés du statut remboursable de nombre de produits s’ils l’ignoraient », indique Florence Masson, responsable marketing du laboratoire Eg Labo.

CHIFFRES CLÉS EN PARTENARIAT AVEC OSPHARM* ET IQVIA

68,9 % C’EST LA PART DE MARCHÉ EN VALEUR DES PRODUITS REMBOURSABLES SUR LE SEVRAGE TABAGIQUE. EN CUMUL ANNUEL MOBILE À FIN AOÛT 2019.

Source : Ospharm.

UNE CROISSANCE MOINDRE !

Au 3e trimestre 2019, les ventes de traitements d’aide à l’arrêt du tabac étaient toujours orientées à la hausse (+ 12 % par rapport aux ventes du 3e trimestre 2018), mais moins fortement qu’aux 1er et 2e trimestres (respectivement + 33 % et + 24 %).

Source : Observatoire Français des drogues et toxicomanies (OFDT), Tableau de bord tabac.

3,4 M C’EST LE NOMBRE DE PATIENTS TRAITÉS POUR L’ARRÊT DU TABAC À FIN 2018.

Source : Observatoire Français des drogues et toxicomanies (OFDT).

*Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

TOP 5* des produits

1 NicopatchLib (+ Nicopatch) 21 mg : 12,6 %

2 Nicopass 1,5 mg menthe fraîcheur : 9,5 %

3 NicopatchLib (+ Nicopatch) 14 mg : 7,8 %

4 Champix 1 mg : 5,3 %

5 NicoretteSkin 25 mg : 5,2 %

* La gamme Nicopatch n’est plus commercialisée et a été remplacée par la gamme NicopatchLib.

Parts de marché en valeur à fin août 2019. Source : Ospharm.

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