Croissance et développement - Pharmacien Manager n° 189 du 01/07/2019 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 189 du 01/07/2019
 

MARCHÉ

Auteur(s) : Carole De Landtsheer

RÉGULIÈREMENT SECOUÉ PAR DES CRISES SANITAIRES, LE MARCHÉ DES LAITS INFANTILES DOIT RASSURER LES PARENTS ET NOMBRE DE MARQUES MONTRENT PATTE BLANCHE. DANS CE CONTEXTE, LA PHARMACIE RESSORT COMME LE CIRCUIT PLÉBISCITÉ PAR LES PRIMIPARES, SOUCIEUCES DE L’ALIMENTATION DE LEUR NOURRISSON.

Le secteur étudié présente la spécificité d’être régulièrement mis à mal par des scandales sanitaires. Citons l’affaire du lait contaminé à la salmonelle de Lactalis, en décembre 2017, et la plus récente crise Modilac, entraînant en janvier dernier, après le signalement de cas de salmonelloses, le rappel par la société Sodilac de 400 000 boîtes de produits infantiles, dont les laits à base de protéines de riz. Des coups de tonnerre réguliers qui viennent fragiliser cette sphère de produits et, surtout, la confiance des parents. Ainsi, dans les mois qui ont suivi le scandale Lactalis, « l’entrée des mères sur le marché a été retardé ; un certain nombre d’entre elles ont prolongé la période d’allaitement », fait remarquer Matthew Stalder, directeur marketing chez Nestlé. Une grande vigilance est désormais de mise. Les parents se renseignent de plus en plus sur la traçabilité des produits. En vue de les rassurer sur leur qualité et sur leur sécurité, les marques jouent la carte de la transparence, comme Picot qui ajoute des QR-codes sur ses boîtes, renvoyant aux garanties de contrôles analytiques effectués. A cette méfiance s’ajoutent la baisse des naissances (- 1,5 %, selon l’Insee) et le développement de l’allaitement maternel. Résultat : le marché officinal est quasi flat avec des évolutions de + 0,9 % en valeur et de + 1,2 % en volume (source : Iqvia, en cumul annuel mobile à fin janvier 2019). Il souffre cependant moins que le circuit des grandes et moyennes surfaces, en involution.

L’OFFICINE : 1ère étape du parcours d’achat.

« 68 % des mères achètent leur premier lait en pharmacie », rappelle Matthew Stalder (étude interne Action plus, Arcane Research 2016). Un chiffre clef qui s’explique par le besoin des jeunes mères et, plus particulièrement, des primipares d’être accompagnées et tranquillisées sur leurs achats après la naissance de leur enfant. « L’officine apparaît comme un commerce de proximité rassurant où elles vont pouvoir recevoir un conseil. C’est aussi un circuit qu’elles fréquentent régulièrement, pour se procurer d’autres produits (vaccins, sérum physiologique, etc) jusqu’à ce que leur bébé atteigne l’âge d’un an. », souligne Amélie Marcel, directrice marketing au sein du laboratoire Modilac. Après quoi, elles se dirigent plus volontiers vers les grandes surfaces. Pour cette raison, les laits 1er âge forment, en pharmacie, le segment le plus important du marché (38,5 % de parts de marché en valeur, selon Ospharm) devant les laits 2ème âge (26,9 % de pdm en valeur). Avec son offre large, conjuguant produits standards et thérapeutiques, l’officine répond à tous les besoins et se distingue par son image à la fois qualitative et spécialiste. Un réseau attractif qui attire de nouveaux acteurs, telle la marque Biostime, nouvelle venue depuis octobre 2018. Quant aux acteurs présents également en grandes et moyennes surfaces, ils lui réservent leur offre experte. Si les ventes en pharmacie sont soutenues par le conseil et par les prix (via des promotions sur les laits standards), elles le sont également par les recommandations des autres professionnels de santé (pédiatres, sages-femmes…).

UN MARCHÉ mouvant.

« Les diverses crises sanitaires qui secouent le secteur bouleversent le marché », constate le porte-parole du laboratoire Novalac. Et font bouger les rangs des acteurs. Ancien fleuron de l’officine, la marque Picot repart de zéro depuis fin 2018 : « Nous revenons étape par étape avec une offre plus courte et des formules de qualité. Notre niveau de sécurité est à son maximum. Nous garantissons la vérification, a minima, de cinq fois plus de produits que ne l’impose la réglementation », expose Anne-Sophie Logeais, directrice développement des ventes chez Lactalis Nutrition. La position de la marque Modilac, à la quatrième place de notre Top 5 marques, est à prendre avec circonspection puisque sa part de marché (9 %, en valeur) a été calculée avant le retrait des laits… et que ses volumes ont chuté de 52 % entre mars et janvier dernier (source Ospharm). « Notre offre nous permet de rester sur le marché, en attendant de trouver une autre solution de production », indique Amélie Marcel. Aux coudes à coudes, les marques Novalac, exclusivement vendue en pharmacie, et Gallia, également distribuée en GMS, occupent, respectivement, en valeur, les 1ère et 2ème places du podium (Gallia écoulant le plus grand volume de laits infantiles avec 29,6 % de parts de marché). La progression de la marque Novalac, la plus forte hausse de la sphère étudiée (+ 33 % en valeur, selon Ospharm), serait, en partie, imputable, estime le porteparole du laboratoire Novalac, à « un report des ventes en sa faveur en raison des différents scandales qui éclaboussent le secteur depuis deux ans ». Les aléas du marché influent directement sur les best-sellers du moment. Le laboratoire Novalac, dont la meilleure vente est la référence anti-régurgitation AR+, voit son produit Allernova propulsé à la deuxième place du top 5 produits, bénéficiant « d’un switch favorable préconisé par la société française de pédiatrie lié à une pénurie des préparations à base de riz en début d’année 2019 », reprend le porte-parole. Les autres blockbusters du marché reviennent à la marque Gallia, introduite dans les maternités (tours de lait) et référencée en pharmacie, comme en GMS. Il s’agit des laits anti-régurgitation (1er et 2ème âge) et Calisma 1er âge, pour les bébés bien portants.

UNE OFFRE complète.

Si les laits standard (39,5 % de parts de marché en valeur, (+ 3,5 %), selon Ospharm) ont trouvé leur place en pharmacie, les gammes spécialistes pour les bébés allergiques (28,2 % de pdm, en valeur) ou souffrant de troubles digestifs (32,3 %) ancrent leur spécificité. Dernière nouveauté, la formule infantile GuigozGest (Nestlé) qui agit sur les troubles fonctionnels digestifs associés (rejet physiologique, colique, constipation, ballonnement, gaz), de la naissance jusqu’à un an. Sa formule enrichie en amidon, intégrant des fibres FOS et GOS ainsi qu’une quantité de lactose réduite de 30 %, contient également du Lactobacillus Reuteri, une souche exclusive des Laboratoires Guigoz. Soulignons la forte hausse du segment Allergies, qui croît de + 10,3 % en valeur (Ospharm). Cinquième marque du marché, Nutramigen (Mead Johnson Nutrition) se distingue avec sa référence hypoallergénique Puramino (2,2 % de parts de marché en valeur, selon Ospharm). Réalisant 13,7 % de parts de marché en valeur, les laits de croissance sont à la traîne en officine (- 2,1 %), mais ne constituent pas moins une opportunité de business, alors qu’ils sont recommandés par le Secteur français des aliments de l’enfance pour couvrir les besoins en fer, vitamines et acides gras essentiels jusqu’aux trois ans de l’enfant. Cinquième meilleure vente du secteur, la référence Novalac 3 Croissance réalise 2,9 % de PDM, en valeur (Ospharm). Un segment qui voit de nouvelles propositions arriver : en janvier dernier, le laboratoire Modilac lançait Doucéa Croissance Nuit. Cette formule favorise une meilleure assimilation et transformation de tryptophane en mélatonine, pour faciliter l’endormissement des tout-petits.

COMME le lait maternel ou presque.

Se rapprocher au plus près de la composition du lait maternel, tel est le défi que les acteurs du marché tentent de relever. Objectif : proposer des formules super premium. En septembre 2018, l’offre Modilac s’étoffait de Doucéa 2 (6-12 mois), enrichi en lactoferrine non dénaturée et fonctionnelle, une protéine contenue dans le lait maternel. « Aucun industriel, dans l’hexagone, n’avait jusqu’alors réussi à la garder bioactive. La lactoferrine intervient dans la mise en place d’un système immunitaire et d’un microbiote équilibrés », résume Amélie Marcel. Autre nouveauté, la gamme Ultima des laboratoires Guigoz, exclusive à l’officine. Après avoir été la première marque à introduire dans ses laits Guigoz Optipro (pour les bébés bien portants) un HMO (Oligosaccharides du lait maternel), le 2’FL, un oligosaccharide structurellement identique à ceux présents dans le lait maternel, Guigoz, troisième marque du circuit officinal (+ 21  % en valeur, selon Ospharm), récidive avec une nouvelle formule. Les laits Guigoz Ultima 1, 2 et 3 incluent un deuxième HMO, le LNnt (Lacto-N-neotetraose). Des laits nouvelle génération qui démontrent une action, prouvée par une étude clinique, sur les infections substantielles des voies respiratoires, et en particulier sur les bronchiolites (risque réduit de 55 % sur les infections respiratoires basses et de 70 % sur les bronchiolites).

LE BIO, une valeur sûre.

Si le bio constitue une tendance forte, tous marchés confondus, la croissance actuelle des laits infantiles estampillés d’un label bio, estimée à + 29 % (source fabricants), est en partie liée aux différents scandales sanitaires cités plus haut. « Ce segment émergeant, qui approche les 5 % de parts de marché, devrait continuer de progresser parce que les références bio rassurent les consommateurs de plus en plus avertis et exigeants », observe Jeanne Barraux, chef de produit, en charge de la gamme Physiolac bio au sein du laboratoire Gilbert, marque leader du segment avec 63 % de parts de marché, en valeur (source fabricant). Tous les acteurs se sont engouffrés dans la brèche, dont Guigoz et Picot. Consciente du potentiel de recrutement de la pharmacie, la marque Biostime (H & H), produite en Normandie et jusqu’alors distribuée dans les magasins bio, a rejoint le circuit officinal avec une gamme courte SN-2 Bio incluant quatre laits (1er, 2ème, 3ème âge et AR). « Leur apport en acide palmitique, provenant de la crème de lait d’Isigny Sainte-Mère, remplace l’huile de palme et facilite la digestion des tout-petits », explique Julie Royer, chef de marque au sein du laboratoire éponyme. L’objectif fixé : une implantation dans 5 000 points de vente d’ici fin 2019. Présente dans plusieurs circuits, Babybio (Vitagermine), marque d’alimentation bio, a de son côté, diversifié son offre qui comprend des laits infantiles au lait de chèvre (offre Caprea). Une alternative au lait de vache présentée comme plus digeste par la marque Capricare (non bio) fabriquée en Nouvelle-Zélande et vendue, en France, par le laboratoire PediAct, depuis 2016. Rappelons que l’autorisation des protéines de lait de chèvre dans la composition des laits infantiles, suite à un avis favorable de l’Autorité européenne de sécurité des aliments émis en 2013, se fonde sur deux études cliniques réalisées sur Capricare. Si, en matière de laits infantiles, le champ des possibles s’ouvre, reste au marché à renouer avec le dynamisme qu’on lui connaissait ces dernières années.

196,2 M€ EN PHARMACIE

ÉVOLUTION en valeur

+ 0,9 %

En cumul annuel mobile à fin janvier 2019. (Source Iqvia)

12,1 M D’UNITÉS VENDUES EN PHARMACIE

ÉVOLUTION en volume

+ 1,2 %

En cumul annuel mobile à fin janvier 2019. (Source Iqvia)

FORMATS NOMADES. L’un des best-sellers du marché se double d’une version prête à l’emploi : Gallia Calisma 2ème âge liquide. Un format bouteille (200 ml) à emmener partout. De son côté, l’offre Babybio inclut un lait de croissance liquide. Une praticité proposée en officine par des acteurs multi-circuits.

La TENDANCE

Partie prenante de la mouvance vegan, l’offre des formules infantiles à base de riz et de soja se développe (à distinguer des laits végétaux déconseillés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation avant les 12 mois de l’enfant). Les parents y recourent en cas d’allergie ou d’intolérance au lait de vache de leur bébé ou encore par choix personnel. Ainsi, le segment des produits à base de riz et de soja enregistre une hausse de 4,4 % en valeur, en cumul annuel mobile à fin janvier 2019, selon Iqvia. Plusieurs marques se sont inscrites sur cette tendance en plein essor : Bébé Mandorle, Gallia, Novalac, Modilac, Premibio. Un segment à suivre de près.

BÉBÉS GOURMANDS. Existante en GMS, la gamme de laits Nidal Bébés Gourmands (Nestlé), est introduite en pharmacie depuis avril 2019. Ses formules sont épaissies à l’amidon et enrichies en oméga 3. Une nouvelle proposition sur un segment peu investi par les marques.

GMS

Le lait de croissance booste le circuit !

La GMS se présente comme le circuit relais de l’officine. Son actuelle décroissance traduit-elle le besoin des mères de se tourner vers leur pharmacien, alors que les crises se répètent ?

C’est en grandes et moyennes surfaces que s’écoule le plus grand volume de laits infantiles, soit 35,9 millions d’unités vendues pour un C.A de 348 millions d’euros (Source IRI, en cumul annuel mobile au 5 mars 2019). Cependant, ce circuit enregistre une baisse de - 1,4 % en valeur et de - 2,9 % en volume. Cette inflexion signe-t-elle un premier report des achats vers l’officine, lieu de conseil, dans un condiv alarmiste ? Un mouvement à confirmer… La catégorie de produits qui souffre le moins est, sans surprise, celui des laits de croissance (+ 1 % en valeur et - 1,9 % en volume), qui composent le premier segment du marché avec 49 % de parts de marché, en valeur. En toute logique, les laits 1er âge, segment phare de l’officine, sont en recul (28,4 % de PDM, en valeur, - 5,1 %), à l’instar des laits 2ème âge (22 % de PDM, en valeur, - 1,6 %, selon IRI).

DES ACHATS facilités. La bascule vers la GMS s’effectue lors de la diversification de l’alimentation de l’enfant, un passage en supermarché permettant, en effet, de réaliser des achats groupés. « Les mères sont alors moins inquiètes et ont moins besoin d’accompagnement », fait remarquer Matthew Stalder, directeur marketing chez Nestlé. Toutefois, « les laits infantiles vendus en grandes surfaces ne s’adressent qu’aux bébés qui n’ont pas de problème ou qui émettent simplement des petites régurgitations », relativise Amélie Marcel, directrice marketing au sein du laboratoire Modilac. Les trois grandes marques du circuit ne sont autres que Gallia, Guigoz et Blédilait, également présentes en officine. De son côté, Lactalis a remplacé sa marque Milumel par son offre Celia, incluant trois laits standard et trois laits bio. Car le bio est, également, en plein essor en GMS. Signalons le lancement récent du lait de croissance Blédilait bio sans sucres ajoutés, sans arômes et sans huile de palme.

CONSEIL OFFICINAL. Les laits 1er âge et spécifiques, dont les références anti-allergies, font la force de l’officine. Dans un condiv de crise renouvelée, l’accompagnement du pharmacien est devenu clef.

Communication

Recruter des mères à tous prix !

Dans un condiv ultra-concurrentiel, pour capter des mères qui composent une cible « tournante », c’est-à-dire sans cesse renouvelée, la télévision et le digital sont les deux principaux médias utilisés. Le digital (bannières publicitaires, contenus en ligne, vidéos), pour toucher des jeunes parents adeptes du web à travers des messages ultra-ciblés. Le petit écran, éventuellement relayé par de la presse papier, en vue de frapper fort et de soutenir la notoriété des marques. Se présentant comme le premier investisseur média du marché, Novalac communique sur son offre complète et son appartenance officinale. De son côté, Guigoz met en avant son expertise et sa formule innovante proche du lait maternel (« Un grand bond pour les bébés »). On retrouve également les marques bio, telle Physiolac qui rappelle sa fabrication française ou encore Biostime qui opte pour l’affichage et un ton décalé (« En Normandie, il fait toujours bio »). Quant à la marque Picot, elle revient sur le devant de la scène avec sa publicité presse, qui met en avant son « niveau d’exigence » et ses nouveaux standards de qualité. Tout le monde est sur les rangs.

CHIFFRES CLÉS EN PARTENARIAT AVEC OSPHARM* ET IQVIA

348 M€ C’EST LE POIDS DES VENTES DES LAITS INFANTILES EN GRANDE DISTRIBUTION. UN MARCHÉ EN BAISSE DE 1,4 % EN VALEUR, EN CUMUL ANNUEL MOBILE AU 5 MARS 2019.

Source : Iri.

88,6 % C’EST LE POURCENTAGE DES VENTES NON REMBOURSABLES SUR LE MARCHÉ DES LAITS INFANTILES VENDUS EN PHARMACIE.

Source : Ospharm.

VENTE CONSEIL

La vente des laits infantiles représente, en moyenne, un peu plus de 2 % du C.A d’une officine. Concernant les ventes de boîtes de lait infantile 1er âge, le pharmacien intervient dans la décision d’achat dans 4 cas sur 10 en tant que prescripteur ou conseiller.

Source : Arcane Research, Rayon laits infantiles, février 2018.

*Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

TOP 5* des produits

1 Gallia 1 Bébé Expert AR : 5,5 %

2 Novalac Allernova AR 0-36 mois : 4,8 %

3 Gallia 2 Bébé Expert AR : 4,4 %

4 Gallia 1 Calisma : 3,8 %

5 Novalac 3 Croissance : 2,9 %

* Le Top 5 est calculé en parts de marché en valeur. Ventes en pharmacie en cumul annuel mobile à fin janvier 2019. Source Ospharm.

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