Amazon Pay : attirance ou répulsion ? - Pharmacien Manager n° 183 du 01/12/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 183 du 01/12/2018
 

PRATIQUES

Auteur(s) : François Pouzaud

Le principe d’Amazon Pay qui repose sur un modèle gagnant-gagnant est séduisant. C’est très commode pour un cyber-acheteur de payer à un guichet unique en un seul clic ! Et pour le site marchand partenaire, cette facilité de paiement booste son chiffre d’affaires tout en renforçant la confiance des clients. Enfin, pour Amazon, outre la commission qu’il prélève sur les ventes de ses partenaires réalisées via son système de paiement, il récupère de précieuses données sur ses clients ayant un compte (informations de paiement, adresses de livraison…).

LES AMIS de nos ennemis.

Cette stratégie a attiré Doctipharma, la première plateforme française de sites de vente en ligne de médicaments sans ordonnance et de produits de parapharmacie. L’Union des groupements de pharmacies d’officine (UDGPO) est, d’ailleurs, en procès, contre Doctipharma. Son président, Laurent Filoche, dénonce les relations dangereuses entre Doctipharma et Amazon : « En choisissant Doctipharma comme prestataires de services, les pharmaciens doivent savoir qu’Amazon est derrière », met-il en garde, agitant le risque que « ce dernier collecte les données des patients des pharmacies partenaires de cette plateforme, dans le but de s’immiscer sur le marché français et de détruire notre modèle de réseau officinal. »

Une accusation immédiatement démentie par Stéphanie Barré, Directrice Générale de Doctipharma. « L’UDGPO prétend que Doctipharma fournit des données de patients à Amazon, sans avoir vérifié ce qu’il en était réellement », rétorque-t-elle. « Les échanges informatiques entre Doctipharma et Amazon sont très simples : Amazon Pay est un moyen de paiement qui fournit à Doctipharma des données (e-mail, prénom, nom, adresse) de leurs clients. En retour, Doctipharma ne transmet à Amazon que le montant à régler. C’est donc Amazon qui fournit des informations sur le client à Doctipharma, et non l’inverse ! » Stéphanie Barré certifie qu’aucune information sensible n’est transmise sur les clients et le contenu de leur commande à Amazon Pay. Et de dissiper toute ambiguïté auprès des pharmaciens : « Amazon est, aujourd’hui, un des concurrents de Doctipharma et des pharmaciens. Il n’est pas question pour Doctipharma d’apporter, d’une manière ou d’une autre, une aide quelconque à Amazon. »

A L’AVENIR, rien n’est moins sûr !

Julien Mazerolle, président de 1001Pharmacies, plateforme qui agit en tant que Marketplace dans la commercialisation de produits de parapharmacie et de matériel médical qui fédère un réseau d’une centaine d’officines, ne se dit pas intéressé pour le moment par Amazon Pay. Mais, il a conscience qu’il faudra peut-être y venir un jour, car « l’amélioration d’un taux de conversion d’un e-commerce (le pourcentage de visiteurs ayant effectué un achat par rapport au nombre de visiteurs total) est un vrai challenge à concrétiser », explique-t-il. Selon lui, 80 % des sites d’ e-commerce dans l’univers de la parapharmacie et de la pharmacie, sont hébergés par une structure, telle qu’Amazon. Pour lui, c’est un leurre de croire que les données des consommateurs ne sont pas siphonnées par les hébergeurs de sites e-commerce tels que Microsoft, Google ou Amazon. « Même OVH, une entreprise française spé- cialisée dans les services de cloud computing, monte des datas aux Etats-Unis et se trouve de facto liée par ces dispositions. Aborder ce sujet est politiquement incorrect, mais c’est techniquement une réalité et un fait de société. Il convient de comprendre et/ou d’accepter ces mécanismes de publication sur le cloud. Et être conscient des risques. », ajoute-t-il. L’avis de Christian Grenier, président de Fédergy (un autre collectif de groupements) est, en revanche, beaucoup plus mesuré. « Nous devons aller vers le paiement en un clic, mais sans pour autant se jeter dans la gueule du loup en s’alliant avec un opérateur en ligne concurrent de la pharmacie. La pharmacie n’est pas suffisamment organisée et en l’état actuel des développements, elle ne ferait pas le poids par rapport au géant du e-commerce et risquerait de se faire souffler son marché. »

SUSPENSE…

Une autre partie de la réponse dépend désormais de la Commission européenne chargée de la concurrence, qui a ouvert le 19 septembre dernier, une enquête préliminaire sur les pratiques d’Amazon concernant la collecte de données qu’il réalise grâce aux commerçants présents sur sa propre Marketplace et un éventuel abus de position dominante. L’objectif de la commission est de déterminer si Amazon utilise les données de ces commerçants, afin de favoriser ses propres ventes. L’enquête n’en est qu’à son début. Il sera intéressant d’en connaître les conclusions. Sachant qu’Amazon réalise la moitié de ses ventes dans le monde via de petites et moyennes entreprises…

LE CAS DU MOIS

Face à l’emprise croissante du géant du e-commerce sur le marché français de la pharmacie, la question d’offrir sur un site pharmaceutique de vente en ligne son système de paiement en ligne, Amazon Pay, laisse perplexe. Débarqué en France en avril 2017, Amazon Pay permet à des cyber-acheteurs de commander sur des sites partenaires, en utilisant les données stockées dans leur compte Amazon. En pratique, le détenteur d’un compte Amazon n’a plus qu’à saisir son identifiant et son mot de passe lors de la validation d’une commande sur un site partenaire. Les informations de paiement et de livraison stockées dans le compte client sont, alors, utilisées pour finaliser l’achat. Cette recette, empruntée à PayPal, facilite les transactions. Vingt millions de Français possèdent, aujourd’hui, un compte Amazon, selon LSA. Difficile de faire abstraction de ce chiffre quand on est commerçant… et pharmacien !

LES EXPERTS

Laurent Filoche PRÉSIDENT DE L’UNION DES GROUPEMENTS DE PHARMACIES D’OFFICINE (UDGPO)

Stéphanie Barre. DIRECTRICE GÉNÉRALE DE DOCTIPHARMA

Julien Mazerolle PRÉSIDENT DE 1001PHARMACIES

AH OUI !

Proposer un moyen de paiement pratique, rapide et sécurisé. 60 % du trafic sur mobile représentent, aujourd’hui, 40 % des ventes en ligne.

OH NON !

Etre négligeant par rapport aux tentatives de fraudes et d’usurpation d’identité autour de la marque PayPal. Brandsays, spécialiste dans la protection de l’identité des marques en ligne, a passé au crible la marque PayPal pendant une semaine. Bilan : 134 noms de domaines jugés dangereux et 150 à risque, 214 sites signalés comme du phishing.

INTERVIEW

« Il ne restera qu’une marketplace »

Hélène Charrondière directrice du pôle Pharmacie-Santé des Echos Etudes

« Le système Amazon Pay profite autant à Amazon (accès à des données clients + rémunération sur les transactions), qu’aux e-commerçants qui passent par Amazon pour vendre leurs produits (meilleure connaissance des clients, adaptation progressive de l’offre en fonction de leurs achats, etc.). Pour un pharmacien, la question n’est pas tant de savoir s’il doit proposer le service Amazon Pay sur son site marchand (ou passer par une Marketplace, comme Doctipharma, qui propose Amazon Pay), que de choisir Amazon comme place de marché généraliste pour développer son activité e-commerce. Mais, les pharmaciens ont-ils vraiment besoin de passer par des marketplaces généralistes ? Sachant que pour certains experts (dont Olivier Dauvers, expert de la grande conso et du retail), le secteur des marketplaces obéit à la logique de la « dynamique cumulative » : A la fin, il ne restera qu’une marketplace généraliste (ou un nombre très réduit). Et il est probable que ce soit Amazon ! »

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