À l’ère de l’intelligence artificielle - Pharmacien Manager n° 177 du 27/04/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 177 du 27/04/2018
 

TENDANCES

Auteur(s) : Yves Rivoal

Annoncée comme la prochaine grande révolution, l’intelligence artificielle s’apprête à bouleverser en profondeur le monde de la santé, et à pousser les portes des officines. Ces technologies vont vite entraîner un impact profond sur l’économie de la pharmacie.

L’intelligence artificielle (IA) est déjà omniprésente dans notre quotidien. Lorsque vous tapez un motclé sur Google, les réponses sont nourries par l’intelligence artificielle. « Et nous ne sommes qu’aux prémices de cette révolution, prévient Louis-Clément Schiltz, fondateur de la start-up Webotit. Les solutions qui tournent aujourd’hui sont construites sur de l’IA faible, qui vise à reproduire l’intelligence humaine, à travers des systèmes auto-apprenants, capables de traiter d’immenses quantité de données, mais qui restent cantonnées à une seule tâche. D’ici une vingtaine d’années, lorsque nous entrerons dans l’ère de l’IA forte, nous aurons des machines dotées de conscience et de sentiments, qui seront en capacité de penser et de prendre leurs propres décisions. »

UN NOUVEAU champ des possibles.

En attendant l’avènement de cette nouvelle ère, qui reste pour l’heure au stade du fantasme, l’IA a déjà trouvé un terrain de jeu à sa mesure avec la santé. « L’intelligence artificielle s’intéresse à tous les stades du parcours patient, confirme Frédéric Bobo, cofondateur de Pharmaseek. Vous avez aujourd’hui des systèmes qui permettent d’effectuer du prédictif, du diagnostic, du conseil, du suivi post-opératoire… Et demain, l’IA sera utilisée pour concevoir de nouveaux médicaments ou pour améliorer le traitement des maladies génétiques. » Depuis 2012, Pharmagest fournit, par exemple, via sa filiale Diatelic, un dispositif de télésurveillance à 400 patients dialysés à domicile, qui doivent tous les jours noter leur poids, leur tension artérielle, l’ultrafiltration ou l’aspect de la poche drainée. « Ces résultats sont analysés par des algorithmes d’IA, afin de prédire le futur état de santé d’un patient dans trois jours, explique Thierry Chapusot, président du conseil d’administration de Pharmagest. Ce qui nous permet, en cas d’anomalie, d’alerter de manière préventive les professionnels de santé qui s’occupent de ce patient. » Dans le même registre, Pharmagest a lancé en 2013 e.nephro, un programme qui vient d’être agréé par le réseau des acheteurs hospitaliers. « Ce programme a pour ambition de suivre les insuffisants rénaux depuis les prémices de la maladie jusqu’à la greffe, précise Thierry Chapusot. L’objectif étant de démontrer l’efficacité des systèmes de télémédecine pour maintenir les patients à leur domicile, et ce à tous les stades de la maladie. »

AU service de la vente.

À l’officine, les premières solutions nourries à l’intelligence artificielle commencent à faire leur apparition. Pharmaseek propose des Smarts Tests, qui sont des outils de diagnostic en ligne articulés autour d’un moteur d’inférences et de logiciels de génération de langage naturel. « Nos questionnaires reproduisent le questionnement éthique d’un pharmacien à son comptoir, sauf que nos algorithmes sont capables de comparer instantanément plus d’une centaine de paramètres sur plusieurs centaines de produits, et de générer en temps réel des conseils ou des préconisations qui répondent précisément à l’expression du besoin de l’utilisateur, explique Frédéric Bobo, co-fondateur de Pharmaseek. Ils ont aussi la particularité de raisonner de manière autonome, en fonction des symptômes exprimés par l’utilisateur, et ils sont capables d’argumenter leurs préconisations. » De son côté, Webotit a déployé dans 62 Parashop de France son chatbot Lisa. Cette conseillère virtuelle échange par écrit avec les clientes pour leur recommander des produits dans cinq univers : le corps, le visage, les cheveux, les mains et les pieds. Lisa peut également être sollicitée pour consulter de l’information produit, en scannant son code-barres, ou pour effectuer un bilan beauté. « Nous utilisons le service d’intelligence artificielle de Microsoft, pour analyser le langage naturel des questions posées par les clientes. Nos algorithmes se chargent ensuite d’identifier les trois produits les plus adaptés à leur profil », explique Louis-Clément Schiltz.

VERS de nouveaux services.

Après le rachat, il y a un an, de la start-up Sailendra, spécialisée dans les solutions d’analyse comportementale appliquée au eCommerce, la coopérative Pharmagest planche, elle aussi, sur un moteur de recommandations pour les pharmaciens et les patients, qui devrait être opérationnel fin 2019. « Avant cela, nous sortirons au second semestre 2018 une nouvelle offre, Noviacare, annonce Thierry Chapusot. Elle permettra, grâce à des capteurs installés au domicile des personnes âgées, et à des algorithmes d’IA, de détecter d’éventuelles chutes ou anomalies dans les habitudes de vie de la personne âgée, et d’adresser des alertes aux aidants et aux pharmaciens. » Tous ces nouveaux services nourris à l’IA et développés par Pharmagest ont vocation à être déployés dans les officines.

UN PUISSANT levier de business.

« Ces développements autour de l’iA n’ont qu’un seul objectif : renforcer l’offre de produits et de services des officines, pour que la profession soit en capacité de positionner le pharmacien comme le coordinateur de santé des patients », confie Thierry Chapusot. Le moteur de recommandations sera ainsi intégré gratuitement au LGO de Pharmagest et les pharmaciens pourront commercialiser Diatelic, e.nephro et Noviacare, en touchant au passage une commission. Chez Pharmaseek, les Smarts Tests sont eux aussi mis gratuitement à la disposition des officines, la start-up se rémunérant sur l’analyse des données recueillies. Webotit facture de son côté aux groupements des frais d’installation et un abonnement mensuel qui oscille entre 190 et 490 € par pharmacie, en fonction du nombre d’officines déployées. Reste à savoir si les consommateurs adopteront ces nouvelles technologies. « Ce sera le cas si l’IA apporte de réels services, en étant transparente pour les utilisateurs, assure Thierry Chapusot. Lorsque sur votre iPhone, vous demandez à Siri d’appeler votre fille, vous utilisez sans le savoir de l’IA basée sur la reconnaissance vocale. Et ça marche… »

En pratique

Des progrès attendus !

Les cas d’usages où l’intelligence artificielle pourrait jouer un rôle utile à l’officine sont légion. « Demain, des systèmes détecteront qu’un patient chronique n’a pas pris son médicament et alerteront le pharmacien, annonce Louis-Clément Schiltz, fondateur de la start-up Webotit. On peut aussi imaginer qu’il y aura du renouvellement automatique d’ordonnances, des outils pour identifier instantanément un risque d’interaction médicamenteuse ou pour effectuer un pré-diagnostic pour les soins de premier recours, ce qui libérerait les cabinets des médecins généralistes et les urgences. Enfin, l’IA permettra de prédire les ventes en analysant les signaux faibles et en annonçant, du même coup, les épidémies de grippe ou de gastro. »

DIAGNOSTIC EN LIGNE

Pharmaseek entend développer une douzaine d’outils de diagnostic en ligne (Smarts Tests), afin de couvrir 80 % des produits de parapharmacie vendus en officines. Dans un second temps, la start-up s’attaquera aux produits d’auto-médication.

PREMIERS PAS

Six mois après son déploiement dans 62 magasins Parashop, le chatbot Lisa est utilisé par 500 nouveaux utilisateurs chaque semaine. 33 % des clientes sollicitent cette conseillère virtuelle pour trouver un produit ou une marque, 15 % pour le moteur de recommandation.

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