Les garanties et recours après l’achat d’un bien - Pharmacien Manager n° 175 du 22/02/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 175 du 22/02/2018
 

PRATIQUES

Auteur(s) : François Pouzaud

Vous Venez de racheter une officine et vous vous rendez compte, avec l’effondrement brutal de 20 % de votre ca en quelques mois, que le vendeur vous a fourni des informations inexactes sur son activité. Que pouvez-vous faire ? Et comment prévenir ce risque ?

Les vendeurs ont parfois plus d’un mauvais tour dans leur sac pour tromper les acquéreurs sur la réalité vraie. La disparition de CA lié aux fournitures à des collectivités après la reprise est le litige n° 1 lors d’une revente. « Le vendeur laisse croire à l’acquéreur que les patients se déplacent à la pharmacie, alors qu’en réalité c’est l’EHPAD. Ce CA est donc extrêmement volatil et l’acquéreur n’est pas sûr de le conserver », prévient Luc Bertrand Manry, avocat de l’étude Havre Tronchet. D’autant que « les conventions avec les EHPAD ne sont pas transmissibles de plein droit », ajoute Thomas Crochet, avocat aux Barreaux de Toulouse et de Paris. C’est pourquoi, en pratique, ce CA n’est pas pris en compte dans la valorisation du fonds. Autre arnaque fréquente : les rétrocessions lors d’achats groupés. « Les marchandises rétrocédées sont comptabilisées en vente, alors qu’elles devraient venir en minoration des achats », constate Laurent Cassel, expertcomptable du cabinet AdequA.

TROP BEAU pour être vrai !

L’acquéreur doit apprendre à se méfier. En commençant par vérifier l’édition des ventes journalières en scrutant leur heure d’enregistrement. Au risque sinon de s’apercevoir trop tard que son prédécesseur réalisait une partie de son CA, en dehors des heures d’ouverture annoncées (9 h-19 h). « Le vendeur exerçait à proximité d’un cabinet médical qui fermait à 21 h et tenait officine ouverte jusqu’à cette heure tardive. Dès les premiers jours de son installation, l’acquéreur ferme à 19 h et perd entre 15 et 20 % de son CA », raconte Luc Bertrand Manry. L’acquéreur doit également réclamer l’ensemble des factures de rétrocession, pour se mettre à l’abris d’une fâcheuse découverte : des produits achetés en direct par le pharmacien avec un bon taux de remise, pour être revendus ensuite à un répartiteur. « Ces différentes informations cachées à l’acquéreur rentrent dans la catégorie du dol », signale Guillaume Varga, avocat à l’étude Havre Tronchet. « Tout comme omettre le départ à la retraite de médecins », ajoute-t-il. Dans la foulée, l’acquéreur doit contrôler l’absence de conventions occultes et de compérage avec des médecins, d’ordonnances de complaisance, d’activités à l’exportation, de ventes illicites ou non conformes aux règles du Code de la santé publique et au Code de la sécurité sociale. « Un acheteur avait décidé d’installer un automate et demandé un audit sur les cent premières rotations de l’officine : le Subutex, médicament de substitution aux opiacés, arrivait en tête des ventes », narre Luc Bertrand Manry.

LES PIÈGES à éviter

Nombreux sont les chausse-trappes et l’imagination des vendeurs sans scrupule fertile. « Pour gonfler artificiellement leur CA, certains diminuent leurs ventes de génériques ou pour fidéliser une clientèle proposent majoritairement le princeps et mentent sur leur taux de substitution », rapporte Thomas Crochet. C’est alors la double peine pour l’acquéreur qui cumule baisse de CA et perte de la clientèle modifiant sans le savoir les habitudes de fidèles patients. D’autres vendeurs poussent le vice encore plus loin, en facturant à l’Assurance maladie des médicaments prescrits qu’ils n’ont pas délivré au patient. Un piège que l’on peut déjouer en comparant achats et ventes.

TROIS recours possibles

Le premier recours est l’action en restitution du prix. L’acheteur peut demander la restitution du prix, contre la restitution du fonds au vendeur. Ainsi que le remboursement des frais occasionnés par la vente et des dommages-intérêts s’il est de mauvaise foi. Encore faut-il que la procédure d’annulation de vente en cas de fraudes volontaires de la part du vendeur, de déclarations erronées sur son CA réel ou encore de découvertes de rétrocessions non indiquées à l’acheteur, soient prévues dans les actes. Ce recours est toutefois à utiliser avec discernement, car une procédure d’annulation de vente est toujours longue et difficile à aboutir. Mieux vaut obtenir un accord à l’amiable. Le second recours est une action de diminution du prix, pour inexactitude des mentions rendues obligatoires dans les actes de cession. L’acheteur peut exiger une diminution du prix et garder le fonds, outre des dommages-intérêts si le vendeur est de mauvaise foi. Ces deux actions doivent être exercées dans un délai d’un an à compter de la prise de possession du fonds. Le dernier et troisième recours possible est une action pour vice caché affectant l’usage du fonds. Il concerne uniquement les situations non apparentes au moment de l’achat, qui rendent le fonds impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent très fortement son usage. Il peut être engagé dans les deux ans de la découverte du vice, mais en réalité, cette voie de recours est rarement utilisée. « Une inexactitude du CA ne constitue pas un vice caché affectant l’usage du fonds », précise Séverine Dehaes, avocate du cabinet Pharmadvis.

Le B.A.-ba sur les obligations du cédant

Le vendeur d’un fonds de pharmacie doit obligatoirement fournir un certain nombre de pièces indispensables à la rédaction de la promesse de vente : L’origine de propriété (nom du précédent vendeur, date et nature de l’acte d’acquisition, prix de cet achat), la licence de la pharmacie, sa déclaration d’exploitation, les conditions du bail (date, durée, montant du loyer, nom et adresse du bailleur…), l’état des inscriptions grevant le fonds, privilèges ou nantissements, les CA et résultats d’exploitation des trois derniers exercices, le CA réalisé au jour du compromis (un récapitulatif informatique sur les 12 mois glissants, voire une attestation des CA mensuels établie par l’expert-comptable), le montant des bénéfices commerciaux réalisés pendant la même période…

Le jour de la vente, l’acheteur et le vendeur doivent viser un document présentant les CA mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédent celui de la vente.

Depuis la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, il n’est plus nécessaire de consulter les livres de comptabilité des trois derniers exercices précédents la vente.

Sur la demande de l’acheteur, l’omission des énonciations obligatoires peut entraîner la nullité de la vente. En revanche, l’inexactitude de ces mentions obligatoires n’entraîne pas la nullité, mais permet à l’acquéreur d’obtenir une diminution ou une restitution du prix.

Informations comptables

Le diable se cache dans les détails

Les actes doivent être très exigeants dans leur rédaction afin de recueillir un maximum d’informations du vendeur. Chaque détail sur le CA doit faire l’objet d’un examen de vérification de cohérence et de concordance », recommande Séverine Dehaes, avocate du cabinet Pharmadvis. Pour éviter toute mauvaise surprise, elle préfère exiger du vendeur une kyrielle d’informations : une attestation de l’expert-comptable sur le détail du CA et par taux de TVA si possible, le CA des médicaments PFHT (Prix fabricant hors taxe) de plus de 450 € ou 1 500 €, le CA du site e-commerce, le CA spécialisé (matériel médical, homéopathie…), l’éclatement du CA réalisé avec les maisons de retraite, la ventilation du CA ordonnances par prescripteur, les statistiques fournies par les grossistes et les génériqueurs, les informations en cas de contrôle de la CPAM ou de l’administration fiscale…

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