Honoraires : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! - Pharmacien Manager n° 175 du 22/02/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 175 du 22/02/2018
 

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Auteur(s) : François Pouzaud

1,4 milliard d’euros de marge basculeront en 2019 dans la rémunération de l’acte de dispensation. Et avec pas moins de cinq nouveaux honoraires de dispensation, la gestion officinale va se complexifier.

Dans un peu moins de douze mois, la rémunération officinale sur le médicament remboursable deviendra une impressionnante salade russe, tant elle se compose d’une multitude d’ingrédients : marge commerciale, honoraires de dispensation à la boîte et à l’ordonnance avec niveaux variables… « Le transfert de la marge commerciale vers les honoraires est une nouvelle étape dans l’évolution du modèle économique de la profession des pharmaciens, qui se traduit par l’injection dans le réseau de 215 millions d’euros supplémentaires sur trois ans », rappelle Gilles Bonnefond, président de l’USPO (Union des syndicats des pharmaciens d’officine). Si bien qu’à terme, les honoraires représenteront les trois quarts de la rémunération officinale.

FAIRE FACE à la complexité

Une inflation sur les honoraires, qui a pour but de diminuer le lien avec les prix et les volumes et d’enrayer les effets mécaniques liés à leur baisse respective, mais qui va, à coup sûr, rendre plus compliquée la lecture de la rémunération à l’échelle de chaque officine. Pour connaître l’impact de ces nouveaux honoraires, les pharmaciens titulaires vont devoir appréhender avec précision le nombre des ordonnances délivrées dans leur officine, en distinguant celles destinées aux jeunes enfants ou aux personnes âgées ou qui comportent des médicaments spécifiques. « Ça fait un peu usine à gaz, non ? », ironise Claude Le Pen, professeur de sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine et consultant pour IMS (Iqvia). Les quelques lignes de code informatique et le tiers payant permettront de gérer techniquement la complexité de la nouvelle rémunération, au prix d’une absence totale de transparence pour le public « et d’une visibilité guère améliorée pour le pharmacien sur les marges commerciales, par rapport au précédent mode de rémunération mixte », ajoute Philippe Besset, vice-président de la FSPF (la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France).

RECHERCHER la précision des données analytiques

À partir de janvier 2019, la convention pharmaceutique proposera jusqu’à cinq honoraires différents, en fonction du type d’ordonnance dispensée. Une valse des honoraires qui n’échappe pas non plus aux experts comptables. « Évaluer la rémunération officinale d’une ordonnance va devenir de plus en plus complexe pour un pharmacien. De même que la réalisation des budgets prévisionnels », prédit Véronique Budin, expert-comptable, associée du cabinet KPMG. Quel chiffre d’affaires à venir ? Quel taux de marge moyen ? Quels honoraires ? Autant de questions qui restent sans réponse, quand le mode de calcul diffère en fonction des médicaments prescrits et/ou de l’âge du patient… Et elle ajoute : « Hormis mettre sous monitoring plus étroit les officines, il sera difficile de répercuter les impacts de ces changements sur les rentabilités et budgets prévisionnels des officines. » Pour Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial, la solution passera forcément par la création de nouveaux outils de pilotage, d’où une plus grande dépendance du pharmacien à l’égard de son éditeur de logiciel. « L’instauration d’honoraires de dispensation, l’apparition de missions rémunérées, même si elles sont à peine visibles dans un compte de résultat et la coopération commerciale vont modifier les paramètres économiques de l’officine. La notion de chiffre d’affaires change. Il faudra désormais bien préciser la définition des données à analyser, les mesures de performance brute que l’officine compte réaliser, les connaissances à acquérir sur la typologie de la clientèle… Les extractions de données seront plus importantes, ce qui va obliger les pharmaciens à exploiter davantage les fonctionnalités de leur logiciel », conclut-il.

QUI SONT les grands gagnants ?

Les pharmaciens doivent-ils regretter une rémunération intégrale à l’ordonnance ? Outre sa simplicité, il faut bien avouer que cette mesure aurait eu du sens au regard des tendances de fond. En dépit des mesures de baisse de prix sur les médicaments et de l’encadrement des prescriptions, le nombre d’ordonnances reste relativement stable (- 0,13 % au vu du bilan de la convention et de l’honoraire de dispensation du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2017). « Sauf que d’une officine à une autre, la distribution des grosses et des petites ordonnances est très inégale », explique Claude Le Pen. Un forfait unique pénaliserait les pharmacies installées dans des zones de populations vieillissantes où les ordonnances ont tendance à être peu nombreuses et lourdes au profit des pharmacies de passage, où les ordonnances sont plus courtes et plus nombreuses. » Une situation qui se serait traduit par moins de travail et plus de revenus pour les secondes et le contraire pour les premières ! « L’instauration d’un honoraire unique à l’ordonnance aurait introduit trop de disparités entre les officines et fait voler en éclats le réseau, notamment en milieu rural, ajoute Gilles Bonnefond. Grâce au système de diversification des honoraires liés à l’acte de dispensation, 93 % des officines sortiront gagnantes à l’issue des trois ans de la réforme et compenseront, ainsi, une baisse éventuelle du nombre des ordonnances. »

La réforme

Cinq nouveaux honoraires intronisés

À partir de 2019, trois nouveaux honoraires seront introduits dans la rémunération du pharmacien et progressivement revalorisés (source : avenant N° 11 à la convention pharmaceutique). 0,51 € seront accordés pour l’exécution de toute ordonnance, tandis qu’un honoraire de dispensation de 2,04 € (3,57 € en 2020) est prévu pour les médicaments spécifiques (stupéfiants, antirétroviraux, antinéoplasiques, hypnotiques…). Un troisième honoraire, équivalent à 0,51 € (1,58 € en 2020), rémunèrera toute dispensation liée à l’âge, c’est-à-dire visant des patients âgés de 70 ans et plus et les enfants de moins de trois ans. Ces trois nouveaux forfaits à l’ordonnance s’ajouteront à l’honoraire à la boîte (1,02 €) et à l’honoraire pour ordonnance complexe de plus de 5 lignes (0,51 €) existants. Tous ces honoraires seront cumulables et seront perçus pour chaque dispensation d’une ordonnance, y compris pour les renouvellements.

L’ESSENTIEL

→ La création de nouveaux honoraires a pour but de réduire l’impact des baisses de prix et des volumes des médicaments sur la rémunération de l’officine.

La rémunération du pharmacien est composée de la marge commerciale, des honoraires à la boîte et à l’ordonnance (5 au total) et des prestations de services.

La diversité des honoraires va compliquer la visibilité économique de l’officine, notamment sur la marge brute et l’établissement des budgets prévisionnels.

Les honoraires de dispensation deviennent une donnée essentielle à suivre. Tout dépendra de la qualité des tableaux de bord des éditeurs de logiciel officinal.

600 MILLIONS

c’est le nombre d’ordonnances (avec au moins un médicament remboursable) délivrées par an par le réseau officinal. Plus d’une dispensation sur trois (215 millions) concerne un médicament spécifique, soit près de 10 000 ordonnances par officine.

Source IMS/IQVIA

SANS ORDONNANCE

Selon une ordonnance relative aux composantes de la rémunération du pharmacien publiée au Journal Officiel du 9 juin 2017, les honoraires de dispensation s’ajoutent le cas échéant aux prix de vente public des médicaments remboursables. Ils peuvent donc être perçus par le pharmacien, lorsqu’il les délivre avec ou sans ordonnance.

215 MILLIONS

d’ordonnances sont liées à l’âge, soit une moyenne de plus de 9 800 ordonnances par officine et par an à l’échelle nationale.

Source IMS/IQVIA

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