S’associer pour le meilleur, mais pas le pire ! - Pharmacien Manager n° 174 du 22/01/2018 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 174 du 22/01/2018
 

PRATIQUES

Auteur(s) : François Pouzaud

Le conflit entre associés fait partie des risques de l’entreprise. Au début, tout est rose. Mais après des années, comme dans un couple, des tensions peuvent surgir et l’association peut péricliter. Pour rester sur de bons rails, certaines précautions et règles s’imposent.

Associés la semaine, amis le reste du temps, Sophie Biedermann et Julien Nocella partagent les mêmes loisirs et partent en vacances ensemble. Depuis trois ans, ils vivent leur association avec bonheur. Pourtant, ils ne se connaissaient pas avant de s’installer ensemble à Lodève (34), tordant ainsi le coup à une idée répandue selon laquelle il faut avoir travaillé ensemble avant de se “marier”.

PARLER de tout et de rien

« Lors de notre première rencontre, nous avons parlé de tout sauf de pharmacie : modes de vie, passions, loisirs, visions de l’avenir… », se souvient Julien Nocella. La méthode n’est pas très académique, mais c’est au “feeling” que l’alchimie de leur association a fonctionné. Pour ces deux jeunes pharmaciens, il est indispensable dans un premier temps de clarifier son image de soi, pour savoir si les caractères sont compatibles. Sophie Biedermann reconnaît que cette étape préalable a été déterminante. « Après la première rencontre, nous avons longuement discuté sur la manière dont nous vivions notre métier, comment nous envisagions l’évolution de l’officine… Et, nous nous sommes rendu compte que nous partagions la même vision. Tout s’est ensuite passé naturellement, sans que nous nous sentions obligés de formaliser nos relations par un règlement intérieur. » Le respect de l’autre et une confiance totale sont à leurs yeux des notions plus importantes. Grâce à leurs compétences complémentaires, ils se sont réparti les tâches et chacun a su trouver sa place. « Il est vrai que j’ai un tempérament à arrondir les angles et à me remettre facilement en question », précise Julien Nocella. « Notre complicité, en dehors du travail, nous rend aussi plus indulgent », complète Sophie Biedermann.

ÉTABLIR de la communication

Il n’y a qu’avec le temps que l’on peut se rendre compte si des associés sont faits pour s’entendre. Telle est la philosophie de Benoît Gaillard et Domitille Druelle. « Nous avons travaillé en tant qu’adjoints dans la même pharmacie à Moirans-en-Montagne (39) pendant cinq ans, avant de la racheter, au moment du départ en retraite de la titulaire », explique Benoît Gaillard. « L’ancienne titulaire nous déléguant beaucoup de tâches, nous avons eu la chance d’être confrontés à l’ensemble de la gestion d’une officine. C’est un avantage indéniable, car nous avons été formé dans le même moule, avec une vision identique de l’exercice officinal et des objectifs professionnels clairs », reconnaît Domitille Druelle. « Par ailleurs, nous nous complétons bien. Je suis plutôt fonceuse, alors que mon associé est plus réfléchi. À nous deux, on trouve un juste milieu ! », ajoute-t-elle. Sur le plan organisationnel, tout est décidé sur un pied d’égalité. Et peu importe s’il y a ou non une division des tâches dans l’officine, à partir du moment qu’une bonne communication entre co-associés est établie. Pour ces deux jeunes “couples” de pharmaciens, la communication reste la pierre angulaire d’une association réussie. « Il faut pouvoir se parler en cas de problème, avant que les choses ne dégénèrent et qu’il ne soit trop tard », estime Julien Nocella. Pour parfaire sa recette, d’autres ingrédients que la communication sont à ajouter dans la marmite.

VIVRE une relation égalitaire

Pour éviter les erreurs de casting et limiter les risques, les futurs associés doivent “bétonner” les points suivants : être du même âge, avoir une situation de patrimoine et de revenus identiques, être égalitaire dans la répartition du capital social, travailler le même nombre d’heures et être sur la même longueur d’ondes en termes d’investissement personnel et de sacrifices raisonnés, pour que l’un des associés n’ait pas l’impression de faire progresser l’officine plus que l’autre. Enfin, une association ne peut fonctionner sans communauté d’esprit, de situation et d’objectifs. Si ce n’est plus le cas, il faut se séparer. « En 2013, j’ai revendu mes parts à mon associé après onze ans de vie commune », raconte un pharmacien qui ne souhaite pas révéler son identité. Si celleci a constitué un bon tremplin dans sa vie professionnelle, il a ensuite préféré reprendre une affaire en solo. Car, même en cas de bonne entente, l’association garde son lot d’incertitudes. Le changement de statut d’adjoint à exploitant, les nouvelles responsabilités, le partage du pouvoir et le pouvoir des décisions peuvent inciter à modifier les comportements… Chaque individu évolue différemment et, au bout d’un certain temps, l’un des deux peut souhaiter poursuivre une autre route.

B.A.-ba sur les statuts, règlement intérieur et pacte d’associés

Pour réussir une association, il faut bien la préparer. Notamment, en s’accordant avec son partenaire sur l’objectif économique, le type de société, la politique des investissements, l’affectation du bénéfice d’exploitation (rémunération ou réinvestissement ?), les attributions de chacun, le temps de travail… Des statuts bien rédigés, un règlement intérieur et un pacte d’associés permettent d’anticiper les conflits, notamment sur la rémunération et les prises de décisions.

Le règlement intérieur recueille toutes les conventions personnelles entre associés, pour travailler ensemble : répartition du temps de travail et des résultats, absences, remplacements, congés, gardes…

Le pacte d’associés permet d’anticiper des cessions de parts, le retrait d’un associé… Les statuts ou le pacte d’associés contiennent des mécanismes de résolution extra-judiciaires des conflits (médiation, clauses de conciliation, clauses d’arbitrage ou clauses de sortie) qui sont essentiels lorsque le point de nonretour est atteint. Par exemple, la clause d’exclusion (départ forcé de l’un des associés) ou la clause de retrait (départ volontaire) peuvent être utilisées comme un moyen d’éviter les blocages entre deux associés égalitaires. Les conditions et modalités de départ doivent y figurer en détails (montant de l’indemnisation éventuelle, modalités de cession de parts et de détermination du prix, etc.). Un travail de rédaction minutieux, qui évitera peut-être de voir un simple conflit de personnes se transformer en dépôt de bilan. La pratique des avocats a également dégagé certaines méthodes intéressantes, telles que la clause « d’achat ou vente », où un associé propose un prix pour l’acquisition de ses propres actions par ses associés. En cas de refus, il est tenu d’acquérir les actions de ses associés au même prix.

Conseils

Dix règles pour bien s’entendre

• Avant de s’associer, il est préférable d’avoir déjà travaillé ensemble.

• S’associer en SEL (société d’exercice libéral) avec un partenaire aux intentions louables.

• Communiquer entre associés.

• Donner de la souplesse et oublier son ego.

• La confiance réciproque ne dispense en rien de préciser par écrit les fonctions et les responsabilités précises de chaque associé.

• Formaliser les règles de rétribution du capital et du travail.

• La rémunération doit être calculée en fonction du temps de travail.

• Choisir des conseillers neutres (avocat, expert-comptable, notaire…), c’est-à-dire sans lien avec l’un ou l’autre des associés.

• Éviter l’immixtion des conjoints dans l’affaire, c’est un des facteurs numéro un de mésentente entre associés.

• Prévoir les conditions de sortie.

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