Oups, les caisses sont vides ! - Pharmacien Manager n° 171 du 29/09/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 171 du 29/09/2017
 

PRATIQUES GESTION

Auteur(s) : François Pouzaud

Quel titulaire n’a jamais été confronté au « trou du mois d’août » ! Faute de chiffre d’affaires, la trésorerie plonge à la rentrée et les difficultés se prolongent jusqu’à l’hiver. Comment se prémunir contre la rupture de cash lors de cette période critique ?

La rentrée est souvent une période où la trésorerie des officines est tendue. Le mois de septembre rime avec « pic de charges », notamment dû aux échéances trimestrielles d’Urssaf et des impôts à régler. À celà s’ajoute les achats de juillet à payer au grossiste, alors qu’en parallèle la baisse de l’activité estivale a anémié les recettes… Et en conséquence d’une reprise d’activité généralement molle en septembre, la souffrance perdure. Mais face aux difficultés financières passagères, un certain nombre de solutions existent. Pour en venir à bout, le mieux est, encore, de les anticiper… Oui, mais comment ?

RESSERRER sa gestion

Une mauvaise maîtrise du besoin en fonds de roulement (BFR*) est fréquent. Elle provient d’une augmentation inconsidérée des stocks et des créances clients. Les premières mesures à prendre viseront à limiter les achats en direct, pour réduire les immobilisations financières : « Les gains possibles se situent entre 10 et 20 000 € », estime Joffrey Blondel, directeur gestion officinale à la CERP Rouen (groupe Astera). Ensuite, il faut accélérer la rentrée des impayés : « Corriger une politique laxiste des recouvrements de créances, auprès de la Sécurité sociale et des complémentaires santé, permet de récupérer jusqu’à 8 000 € de trésorerie », complète-t-il.

ÉTALER ses échéances

Le recours au crédit fournisseur permet de surmonter les problèmes financiers passagers. Mais les répartiteurs n’apportent pas leur soutien à l’aveuglette. « Nous commençons par un diagnostic des difficultés, explique Joffrey Blondel. Une analyse du bilan est systématique pour savoir si un phénomène conjoncturel ne cache pas un problème de fond. » Différentes solutions sont envisageables tels que un allongement du crédit fournisseur et/ou un étalement d’une échéance mensuelle…

OUVRIR une ligne de crédit

Prendre rendez-vous avec son banquier est une autre piste à creuser. Des lignes de découvert à utiliser à bon escient, « car leur coût est prohibitif, quand les difficultés de trésorerie sont régulières », met en garde Laurent Cassel, expertcomptable du cabinet AdequA. Pour couvrir des décalages ponctuels entre les dépenses et les recettes, au moment du paiement des salaires, de l’Urssaf ou de la TVA, une facilité de caisse est souvent suffisante. En revanche, un découvert autorisé s’avère plus adapté lorsque des décalages se répétent. Pour limiter le coût, Laurent Cassel conseille « de ne pas attendre d’aller mal. Quand tout va bien, vous avez le plus de chances d’obtenir de meilleures conditions ! » Mais compte tenu des faibles taux d’intérêts d’emprunt actuels, « la négociation d’un crédit de trésorerie étalé peut être une alternative moins chère au découvert », souligne Joffrey Blondel. Enfin, concernant l’emprunt sur le fonds, il est possible de discuter avec la banque, pour obtenir une franchise en remboursement de capital de quelques mois. « Seuls les intérêts du crédit devront être remboursés pendant cette période. »

ANTICIPER ses besoins

À partir des relevés bancaires et, avec l’aide de son expert-comptable, on peut établir un prévisionnel mensuel de trésorerie sur les douze prochains mois. « Il permet de mieux visualiser les entrées et les sorties, auxquelles le pharmacien doit faire face et, du même coup, appréhender ses besoins éventuels en découvert », explique Emmanuel Leroy, expert-comptable, responsable Île-de-France du réseau santé de KPMG. Quoi qu’il en soit, l’anticipation des phénomènes de saisonnalité reste la pierre angulaire pour se prémunir. Par prudence, Laurent Cassel suggère d’avoir entre 5 % et 10 % de son C.A hors taxe en trésorerie.

BON ou mauvais calcul

« S’il est sain d’auto-financer une partie de ses investissements, il est prudent de réserver l’essentiel de sa trésorerie pour faire face aux besoins d’exploitation courants », recommande Stéphane Renaud, expert-comptable du cabinet Exco Nexiom à Paris. Même avec une trésorerie confortable, il faut toujours garder en mémoire que « tout bien d’une durée de vie supérieure à un an peut être financé par crédit-bail, crédit, ou location financière. Il est plus judicieux de financer une croix d’officine ou de l’équipement informatique en location financière sur 36 mois. Cela permet de lisser ces dépenses plutôt que d’appauvrir brutalement sa trésorerie », conseille Joffrey Blondel.

ÉCHELONNER ses dettes

Dernier levier à actionner : solliciter un étalement des paiements des cotisations sociales auprès de l’Urssaf ou, en cas de baisse de revenu, prévenir les administrations compétentes pour anticiper la baisse d’impôt et des cotisations sociales correspondantes. Si l’Urssaf constate que les difficultés financières concernent plusieurs créanciers publics, elle invitera le chef d’entreprise à prendre contact avec la Commission des chefs de services financiers (CCSF). Cette commission départementale examine les demandes de délais de paiement des passifs fiscaux et sociaux formulées par les entreprises rencontrant des difficultés conjoncturelles. La Commission peut accorder un échéancier de paiement concernant des dettes sociales (cotisations patronales Urssaf), fiscales professionnelles (TVA, impôt sur les sociétés, etc.) et d’assurance chômage, pour une durée pouvant dépasser une année. En plus, une remise des intérêts et majorations de retard est possible.

BFR* : c’est la somme nécessaire pour couvrir la différence entre les montants bloqués en crédits clients et stocks et les dettes fournisseurs.

Le B.A.-ba sur les difficultés financières

Dans la grande majorité des cas, les difficultés de trésorerie rencontrées par les pharmaciens sont d’ordre structurel : insuffisance de fonds propres, charge de remboursement des emprunts trop élevée par rapport à l’autofinancement dégagé par l’exploitation, prélèvements du titulaire excessifs au regard des possibilités de l’officine, baisse tendancielle du niveau d’activité ou de la marge en raison des baisses de prix sur le médicament remboursable, ou à la suite d’un événement déstabilisant dans sa zone de chalandise (arrivée d’une pharmacie discounter, perte d’un gros prescripteur, déplacement de l’attractivité commerciale, etc.). Et plus les difficultés croissent, moins les solutions sont faciles à trouver : augmenter les capitaux propres, ré-étaler le prêt, s’associer, vendre, déposer le bilan… Autant de complications qui peuvent, aussi, n’être que passagères, en rapport avec une baisse temporaire d’activité, des charges exceptionnelles (un licenciement, un redressement fiscal ou social, des échéances fiscales et sociales qui se bousculent, des retards de paiement, etc.). Mais, quoi qu’il en soit, en rechercher les causes, c’est déjà résoudre une partie du problème ! D’autant que nombre d’entre elles peuvent être traitées par des mesures correctives immédiates : réduction des charges, ajustement des prélèvements personnels avec la capacité bénéficiaire de l’officine, crédit à court terme…

Trésorerie

Action-réaction

J acques Nadaud s’est installé à Perpignan (66), en octobre 2016. Ayant engagé des travaux – pour une valeur équivalente à celle de son fonds de commerce – qui ont pris quatre mois de retard et ayant supporté un licenciement d’un salarié pour inaptitude pour un montant de 12 000 €, le niveau de sa trésorerie est descendu en deçà de son budget prévisionnel. Pour trouver un second souffle, sans affoler son banquier, il a pris plusieurs dispositions. « J’ai arrêté mon bilan fin août, sur onze mois, et j’ai réduit mes stocks avant la clôture de l’exercice, pour bénéficier de plus de trésorerie au bilan. J’ai obtenu une facilité de caisse auprès de ma banque, avec une autorisation de découvert de 15 000 €, et demandé à mon grossiste un découpage de mes achats d’un mois sur dix mois. »

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