En pleine lune de miel - Pharmacien Manager n° 171 du 29/09/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 171 du 29/09/2017
 

MARCHÉ

Auteur(s) : Charlotte Nattier

Moins de chimie et plus de naturel… l’homéopathie bénéficie largement des messages de santé publique, en faveur d’une médecine moins auto-centrée sur les antibiotiques. Elle s’installe doucement mais sûrement et se dote d’une notoriété croissante.

Mieux vaut prévenir que guérir. Cet adage populaire semble convenir à merveille au marché de l’homéopathie, qui ne cesse de séduire de nouveaux patients à la recherche d’une médication plus douce et en amont de traitements lourds. À moindre coût, les médicaments homéopathiques à nom commun (HNC) – remboursables ou non – représentent 66,9 % du C.A de la catégorie et offrent une véritable alternative aux médicaments chimiques pour traiter les maux du quotidien. « L’homéopathie se développe tant sur le symptomatique que sur la prévention des pathologies chroniques », constate Anabelle Flory-Boiron, directrice de Boiron France. Selon IMS Pharmatrend Micro, l’homéopathie de spécialité (non remboursé) a réalisé 172,2 millions d’euros de C.A en cumul annuel mobile à fin avril 2017. Sans préciser le C.A global,Ospharm estime, pour sa part, que le marché de l’homéopathie, tous segments confondus (OTC, souches remboursables et non remboursables), a progressé de 6,3 % en valeur et de 1,9 % en volume. Une inflation justifiée par de nouveaux grands formats, qui font mécaniquement grimper les prix, à l’instar d’Arnigel, de Boiron, commercialisé désormais en format généreux de 120 grammes en plus du traditionnel tube de 45 grammes.

Si le marché de l’homéopathie a toujours été dynamique, les comportements des patients, des médecins et des pharmaciens convergent tous vers plus de naturalité et la catégorie, pionnière dans cette approche, en bénéficie largement. Anabelle Flory-Boiron confirme la tendance : « La moitié des Français se soigne au moins occasionnellement avec l’homéopathie et 20 % des médecins généralistes ainsi que trois quart des sage-femmes en prescrivent régulièrement. » (sources : étude EPI3 + étude Imago). Le nombre de prescripteurs croissant assoit évidemment sa crédibilité. En effet, la recherche de solutions efficaces et sans risque soutient largement le marché. Les quelques 6 300 praticiens à orientation homéopathe, dont 20 % prescrivent au quotidien, achèvent de soutenir le marché, selon une étude Ipsos 2012.

BOIRON, leader incontestable

Hors souches homéopathiques remboursables, Boiron comptabilise 88,3 % de parts de marché en valeur, en croissance de 7,7 %. Fondé en 1932 par les pharmaciens Jean et Henri Boiron, le laboratoire français est le premier à proposer des solutions fiables et, surtout, élaborées dans des conditions de fabrications rigoureuses sur la base de procédés scientifiques et à partir d’une matière première contrôlée et de qualité constante. Sous l’impulsion des frères Boiron, l’homéopathie intègre la Pharmacopée française en 1965 et sera, ensuite, inscrite à la pharmacopée américaine en 1982 et européenne en 1995. Boiron a acquis une longueur d’avance, laissant peu de place aux challengers qui misent sur leurs différences. Loin derrière, mais tout de même sur la seconde marche du podium, Lehning, groupe industriel français, fourbit ses armes. « Contrairement à Boiron, notre business model n’est pas uniquement basé sur l’homéopathie. Nous sommes, aussi, spécialisés dans la phytothérapie, qui nous permet de réaliser des synergies industrielles et de proposer aux patients ces deux approches médicales complémentaires à base de plantes », souligne Stéphane Lehning, PDG du laboratoire éponyme. Ce dernier enregistre près de 11 % de parts de marché, en hausse de 2,8 %, selon Ospharm. De son côté, Weleda entend profiter de son aura « cosmétique », pour augmenter la performance de son linéaire homéopathique. En effet, le laboratoire d’origine allemande propose une dilution décimale – plus basse – en BH (versus centésimales CH pour les laboratoires français). Cette structure presque monopolistique du marché n’a pourtant pas découragé le laboratoire Gilbert de se lancer sur l’homéopathie en mars 2016 avec sa gamme LG Homéo. « Les Français sont inquiets et l’automédication prend de l’essor, explique émilie Dubrulle, chef de groupe ORL et homéopathie chez Gilbert. Notre laboratoire très présent sur la gestion des maux du quotidien, complète son offre avec neuf complexes OTC. » À quelques mois du lancement, sa présence reste encore marginale : 0,07 % de parts de marché.

LE NATUREL revient au galop

La recherche d’innocuité et de naturalité est véritablement la carte jouée par l’homéopathie OTC. « Tous les messages de santé publique vont dans le sens de moins d’antibiotiques et plus largement d’abaisser la consommation du chimique », développe Stéphane Lehning. Et Florian Petitjean, pharmacien et directeur général Weleda France, d’ajouter : « Il y a une forte adhésion pour des pathologies aigües ou bénignes mais l’OTC présente beaucoup d’intérêt également dans la prise en charge des problèmes de santé plus récurrents ou chroniques (allergies, stress, troubles du sommeil…) : ils peuvent jouer un rôle intéressant dans la démarche de prévention. » Dans la ligne de mire des autorités de santé : antibiotiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens et psychotropes. Rien d’étonnant, donc, à ce que les pathologies habituellement traitées avec ces médicaments soient aussi les plus porteuses en homéopathie. Porteuses mais déjà très largement couvertes par les laboratoires déjà présents sur le marché, laissant donc peu de place à de nouveaux entrants. Selon Ospharm, les ventes en volume pour des pathologies de systèmes respiratoires représentent 34,74 %. Puis, viennent les troubles du système nerveux qui représentent 22,05 % du marché grâce à une réponse naturelle, alternative aux psychotropes. Sédatif PC de Boiron est encore une fois sur la première marche du podium, troisième meilleure vente en homéopathie, avec 5,5 % de parts de marché, en valeur. En cinquième position, les troubles du système musculaire qui sont naturellement traités par des bases d’arnica présentes chez de nombreux laboratoires.

PEU de nouveautés

Soumis au statut de médicament, et donc encadré par une réglementation très contraignante, le marché de l’homéopathie n’est vraiment pas dynamisé par l’actualité produit. « Obtenir une autorisation pour un nouveau lancement prend cinq ou six ans minimum. Il faut identifier les besoins de demain, car l’investissement reste lourd », résume Stéphane Lehning. Cependant, les challengers ont tout intérêt à se positionner sur des sous-catégories moins saturées, comme l’ophtalmologie ou encore les troubles génitourinaires ou biliaires, comme Weleda et sa référence Choleodoron. « Chez Weleda, l’innovation OTC va tenir une vraie place dans notre feuille de route, annonce Florian Petitjean, directeur général Weleda France. Aujourd’hui, la santé au naturel profite davantage aux compléments alimentaires qu’à l’homéopathie et principalement à cause des contraintes qui pèsent sur l’innovation. » En attendant les nouveautés, les laboratoires travaillent donc sur le packaging et le format. Oscillococcinum a initié la tendance avec son format 30 récipients unidose de granules, venant prêter main forte au format six doses pour une cure tout l’hiver. Plus récemment, Boiron décline aussi Arnigel, sa pommade dans un tube 120 grammes versus 45 g pour les besoins des sportifs, qui appliquent le gel sur de grandes zones et pas uniquement sur des petits coups et bosses. « Les besoins et les attentes évoluent et l’offre va se développer en ce sens pour les besoins de toute la famille. », insiste émilie Dubrulle chez Gilbert. Ainsi, LG Homéo propose plutôt des cures complètes « Ce qui permet, aussi, de faciliter le conseil du pharmacien », ajoute t-elle.

MISER sur l’homéopathie

Malgré le peu d’innovation, capitaliser sur la catégorie peut se révéler une stratégie porteuse, notamment au niveau du recrutement, car de nombreuses pathologies sont aujourd’hui couvertes. Le pharmacien joue un rôle clé dans l’intégration de la catégorie au sein du parcours du patient, comme solution d’automédication naturelle ou même en complément de l’ordonnance. Ce n’est pas un hasard, s’il est écrit « homéopathie » sur les devantures des 22 000 pharmacies françaises. « Les malades vont en première intention à la pharmacie, avant de prendre rendezvous chez le médecin si les symptômes persistent », raconte Émilie Dubrulle. Cette spécificité française valorise clairement le rôle du pharmacien. Les jeunes mamans en quête de solutions plus naturelles pour leurs enfants à commencer par le sacro-saint Camilia, cette spécialité Boiron pour apaiser bébé quand il fait ses dents, ou les personnes âgées déjà polymédicamentées sont des cibles particulièrement intéressantes dans le processus de recrutement. « Nous travaillons également avec des oncologues, qui sont séduits par l’homéopathie en soin de support, explique Anabelle Flory-Boiron. Son atout : « L’homéopathie ne présente aucun risque d’interaction médicamenteuse, en complément d’un autre traitement même lourd. C’est un point majeur et le pharmacien est, de plus en plus, en première ligne. » Formation et merchandising sont au centre de ce parcours. « Dans les linéaires des pharmacies, l’homéopathie a un véritable intérêt en double implantation : en catégorie complète mais, aussi, au côté des médicaments OTC classiques », propose Florian Petitjean chez Weleda. Et il ajoute : « S’intéresser à nos OTC, c’est aussi proposer aux patients une offre différenciée, efficace et qui répond aux mêmes attentes que celles pour lesquelles les consommatrices se tournent vers la cosmétique biologique Weleda. Souvent, celles-ci ne connaissent pas les OTC Weleda, alors qu’elles apprécient notre marque et notre qualité… Le pharmacien peut nous aider à créer ce lien. » Les nombreux atouts du rayon homéopathique mériteraient encore d’être mieux mis en avant, lui assurant, ainsi, une prospérité encore plus florissante, dans les années à venir.

20,6 MILLIONS D’UNITÉS VENDUES (produits finis non remboursés)

ÉVOLUTION en volume

+ 0,4 % Les patients sont de plus en plus nombreux à rechercher une médicamentation douce en amont de traitements lourds. L’homéopathie est perçue comme une véritable alternative aux médicaments chimiques pour traiter les maux du quotidien.

Source : IMS en cumul annuel mobile à fin avril 2017.

172,2 MILLIONS D’EUROS de CHIFFRE D’AFFAIRES (produits finis non remboursés)

ÉVOLUTION en valeur

+ 3,5 % Une évolution en valeur supérieure à celle en volume, qui s’explique par le lancement de produits en grands formats, qui font mécaniquement grimper les prix.

Source : IMS en cumul annuel mobile à fin avril 2017.

Y’A PAS QUE DES GRANULES !

L’homéopathie s’étend aux pommades, solutions liquides ou aux gouttes comme la version Arnica Montana, la teinture mère signée Weleda qui s’applique sur la peau pour le traitement des traumatismes fermés ou encore L 114 de Lehning.

La TENDANCE

Les plus grosses ventes d’OTC homéopathiques sont réalisées par des produits qui traitent le système respiratoire : « On observe une concentration de leurs ventes en septembre et octobre, corrélées au vaccin contre la grippe », raconte Stéphane Lehning. Et c’est sur ce fameux état grippal de l’automne que s’est forgée la réputation du leader de l’OTC homéopathique, Oscillococcinum. Cette spécialité Boiron enregistre 30,6 % de parts de marché, car elle correspond parfaitement à une demande alternative aux antibiotiques ou aux propositions plus “chimiques” comme Fervex. « La concurrence est pourtant de taille », se félicite Anabelle Flory-Boiron. Avec Infludo, une solution buvable en gouttes, Weleda s’est également positionné sur le traitement des symptômes de l’état grippal. La solution naturelle buvable L52 de Lehning connaît un bel essor, même si elle ne représente que 4 % de parts de marché. En bon meneur, Boiron a complété son offre avec Coryzalia !

CHIFFRES CLÉS
EN PARTENARIAT AVEC OSPHARM* ET IMS

88,3 % C’est la part de marché, en valeur, du laboratoire Boiron sur le marché de l’homépathie hors souches remboursables. Source Ospharm

* Ospharm Datastat comprend un panel de 5 500 pharmacies. Ospharm traite et restitue l’ensemble des flux de ventes de ses adhérents en temps réel.

Top 3* des produits

1 Oscillococcinum globule 30,6 % (+ 10,1 %)

2 Camilia solution buvable nourrisson 9,1 % (+ 5,1 %)

3 Sédatif PC 5,5 % (- 0,9 %)

Le Top 3 des produits calculé par Ospharm (hors souches remboursables). Parts de marché en valeur et progression en cumul annuel mobile à fin avril 2017.

UTILISATION

Entre 30 et 50 % des patients atteints d’un cancer adoptent l’homéopathie en complément de leur traitement. Source : étude « médicaments homéopathiques : quelle place ont-ils en France ? » menée par Ipsos pour Boiron, en 2012.

DÉVELOPPEMENT

56 % des Français utilisent l’homéopathie pour se soigner, dont 36 % régulièrement. Source : étude « médicaments homéopathiques : quelle place ont-ils en France ? » menée par Ipsos pour Boiron, en 2012.

MISER SUR L’AVENIR !

Des propositions moins médiatisées comme la crème Calendoron de Weleda, Homéodrain de Lg ou L 117 de Lehning offrent de belles alternatives au marché de l’homéopathie.

Communication

Une notoriété portée par la pub digitale !

Si Boiron ne lésine pas sur les moyens – TV, radio, presse et même affichage – pour soutenir ses blockbusters, les challengers misent plutôt sur une stratégie digitale autour du SEo (search engine optimization) et des mots-clés. Les laboratoires Gilbert ont opté pour un webzine, destiné aux familles, Hi families, qui propose du contenu général autour de toutes les problématiques de ses marques. Mais, la publicité sur les médicaments est réglementée par un cadre très strict, si bien que les professionnels de santé restent le meilleur vecteur pour asseoir la notoriété des marques.

GRAND FORMAT

Les laboratoires développent des contenants plus gros, pour répondre aux besoins de toute la famille et/ou des traitements à prendre sur du long terme.

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