100 % confort

Impossible de passer à côté de la Pharmacie Eich à Durmenach, dans le Haut-Rhin (68). L’unique officine de la commune arbore un look moderne, qui tranche avec l’habitat traditionnel de ce bourg rural alsacien. Elle est implantée dans un bâtiment au toit plat enduit d’aplats blanc et rouge, qui abrite, également, un médecin généraliste et un ostéopathe dans l’aile droite. Un pôle médical que le titulaire Franck Eich et la généraliste, à l’initiative du projet, ont imaginé comme « un lieu où l’on ait plaisir à venir ». Tout est parti d’un risque de désertification médicale. En 2007, Franck Eich, devenu assistant à Durmenach après dix ans passés dans l’industrie, a l’opportunité de racheter la pharmacie de sa titulaire qui part à la retraite. Au moment de la signature, il apprend coup sur coup la fin de carrière de deux des trois médecins de la commune. Des rumeurs courent sur le départ du troisième. Il décide de s’en assurer en la rencontrant. Elle reste et le courant entre eux passe bien. Ouf ! Ainsi, démarre le projet de créer un pôle médical, dont l’investissement représente plus d’un million d’euros. L’officine est transférée en décembre 2015. La partie du bâtiment réservée aux prescripteurs communique avec l’officine, via un couloir uniquement emprunté par les professionnels de santé. Mais, chacun bénéficie d’une entrée personnelle pour accueillir les patients.

C’EST CONFORT !

Au sein de l’officine, tout est fait pour faciliter la vie de tous. « Confort » est le mot-clé de cette surface de vente de 120 m². Sous le plafond, la signalétique rouge donne le ton, avec des mots qui se veulent rassurant : « Confort, confiance et sécurité », « Services et proximité »… En dessous, un second niveau de lecture indique les catégories de produits, tels que « bébé », « podologie »… Grâce à de larges allées, la circulation entre les rayons est aisée. Côté couleurs, le sol gris s’accorde avec la frise rouge qui réveille la base des meubles blancs, un mobilier signé M2 Agencement. Pour une présentation harmonieuse de l’offre, les étagères en verre sont quasi toutes espacées de 23 cm. « Comme chez Sephora, car cela apaise l’oeil », précise le titulaire. Enfin, il a opté pour un classement par marque pour le rayon parapharmacie.

UNE DIGITALISATION opportune

Le regard des clients est également attiré par quatre vastes écrans lumineux, situés derrière les comptoirs, aux côtés d’étagères classiques. Ces linéaires virtuels de BD Dispensing (5 000 € pièce) sont là pour « valoriser le conseil ». Certains ont été programmés pour présenter des protocoles de soin. « C’est rapide à faire. On écrit les divs, choisit des photos parmi une base de données… Et en cas de rupture, la mise à jour s’effectue en cinq minutes », détaille Franck Eich. Il a, par exemple, consacré une page aux problèmes oculaires. Ainsi, quand une patiente se plaint de l’oeil, d’un glissement de doigt sur l’écran, comme sur une tablette géante, la démarche à suivre apparaît : se nettoyer l’oeil, déterminer s’il s’agit d’une conjonctivite, d’une allergie… Le patient voit alors les boîtes sélectionnées et comprend mieux le traitement à suivre grâce à l’explication illustrée. Les médicaments sont ensuite délivrés immédiatement par le robot, sans que le pharmacien ne se déplace et « ne quitte des yeux » le patient. Autre avantage, ces écrans constituent autant d’étagères à ne pas remplir manuellement. « On gagne une heure par jour », constate Franck Eich. Le robot a fait son apparition dans l’officine au moment du transfert. Épaulée par Capital Pharma Consulting, Franck Eich a d’abord dû démontrer à son équipe, les avantages procurés par le robot : plus de temps passé avec les patients et moins en manutention. Ensuite, le staff a eu pour mission d’expliquer son rôle à une clientèle souvent conservatrice voire, parfois, réfractaire aux nouvelles technologies. Le discours à tenir était de rappeler que « la pharmacie a réalisé de lourds investissements et que l’arrivée du robot permettait à l’équipe de mieux les conseiller », précise le titulaire. Au final, chaque salarié l’a dit avec ses mots. Tantôt en français, tantôt en allemand et le plus souvent en alsacien, car la langue régionale est courante dans cette zone frontalière.

D’ABORD la médicalisation

Au-delà de la disponibilité du personnel, l’officine communique également sur l’accompagnement santé, qu’elle considère comme l’une de ses priorités. Au début de l’été, un des écrans lumineux annonçait l’arrivée d’une ostéopathe dans le cabinet voisin. Un autre interpelle les clients sur la présence d’une diététicienne à l’officine : « Consultation d’une diététicienne diplômée et expérimentée ». La diététicienne, Coralie, reçoit sur place le mardi et le jeudi. Au comptoir, l’équipe parle de ses services et remplit son carnet de rendez-vous. L’ex-patineuse de haut niveau, sélectionneée en équipe de France, reçoit les patients individuellement, pour les aider à adopter une meilleure hygiène alimentaire durable à l’occasion d’une grossesse, en cas de diabète, de cholestérol, ou encore d’activités sportives. Si en libéral, elle facture 30 € sa consultation, ici le patient débourse 10 €. « Dans la logique du discours sur la modernisation de l’officine, on explique que l’officine prend en charge le reste. » Et quid du panier moyen en sortant de ce rendezvous ? « Ce n’est pas ce qui m’intéresse », explique le titulaire éthique. « Il s’agit d’une stratégie à long terme pour fidéliser les patients et mieux les accompagner. Aujourd’hui, il est important de re-médicaliser l’officine », conclut Franck Eich. Et à croire les chiffres, cette stratégie du confort pour tous est payante. La pharmacie Eich enregistre, aujourd’hui, 160 clients par jour. Le bouche à oreille sur la qualité de sa prise en charge a fonctionné. Depuis son transfert, la fréquentation de l’officine a progressé de plus de 12 %. Quant à la marge, elle a encore grimpé de + 1,33 point à 32,2 % sur l’exercice 2016/17. Des performances à saluer, d’autant plus qu’elles sont réalisées dans une commune de moins de 1 000 habitants.