La pharmacie experte

Les gens vont principalement dans une pharmacie parce qu’ils ont un problème et non pas pour acheter quelque chose » voilà comment érika Mallarini, professeur de management à la très réputée Université d’économie Bocconi de Milan, a justifié en septembre à Turin l’approche du nouveau réseau d’officines Experta. Lancé en 2016 dans le Piémont par Uninetfarma – groupe rassemblant le distributeur Unifarma Distribuzione, la coopérative Farmauniti ainsi que les officines communales de Turin –, le concept Experta se veut à contre-courant des réseaux de pharmacies misant tout sur la vente massive d’OTC. Ses objectifs ?

Proposer une alternative aux pharmaciens menacés par l’ouverture du capital des officines aux grands groupes d’une part, mais aussi offrir aux Italiens une nouvelle expérience en pharmacie.

Sourire, Cœur, Diabète, Femmes, Cheveux, Bien-être à table : ici, les rayons sont établis en fonction des véritables besoins des clients, une première. « Experta ne vend ni produits, ni services mais propose des solutions, explique à Pharmacien Manager érika Mallarini, qui a donc planché sur ce concept. Le fait de mettre le consommateur au centre du dispositif est le grand principe de la philosophie Experta. Cette idée de rayon thématisé vient d’une analyse des besoins de santé et de bien-être des patients. Ces besoins ont ensuite été traduits en catégories basées sur leurs exigences ». Et pour chaque « exigence » ou thème, Experta propose à chaque fois directement dans le rayon un conseil, grâce à un pharmacien spécialisé sur le sujet, ou même un service. Ainsi, chez Experta, le client peut consulter un psychologue au rayon énergie et humeur,, analyser sa glycémie au rayon Diabète (16 €), ou encore prendre rendez-vous depuis la pharmacie avec un spécialiste dans un hôpital. « Experta a pour objectif de prendre soin de la personne, de ses symptômes, de sa perception de la maladie, et pas seulement de la maladie en soi., Notre approche est holistique », insiste érika Mallarini.

PROXIMITÉ

Et pour sortir des codes santé et pharmaceutiques traditionnels, le vert a laissé la place au rose fuchsia dans le point vente, histoire d’insuffler la bonne humeur. Exit aussi le traditionnel comptoir au fond de l’officine et la classique présentation de produits en vitrine. Dans l’optique d’accompagnement de la clientèle, ils ont été respectivement remplacés par des postes éclatés et par l’affichage d’une photographie de l’équipe avec un message personnel. Cela permet « une communication directe avec le patient », souligne Marco Cossolo, directeur général d’Uninetfarma. Il se félicite aussi d’avoir transformé « la barrière du comptoir » en « petits îlots près de chaque rayon où des pharmaciens qualifiés sont prêts à aider le patient ».

Les officines Experta ont aussi la particularité d’être très connectées pour renforcer le lien avec les clients. Elles bénéficient enfin d’au moins un écran tactile donnant des informations sur les services de la pharmacie ou des conseils sur des maladies saisonnières. à cela s’ajoute la possibilité d’obtenir des applications pour Smartphone, comme Pharmacare, qui permet de réserver un rendez-vous avec une infirmière, selon une méthode similaire à Uber. L’autre application partenaire d’Experta s’appelle Carepy. Elle rappelle à son utilisateur de prendre son traitement, lui signale que la boîte de médicaments est bientôt vide et permet de tchatter en direct avec un pharmacien. Ces officines expertes, profitant de la réforme de 2009 qui a créé en Italie la « pharmacie de services », proposent également une trentaine de services, gratuits, comme la prise de tension ou le dépistage du cancer du colon. Mais pas que. On y trouve aussi des services payants comme l’électrocardiogramme facturé 25 €, la mesure ambulatoire de la pression artérielle rémunérée 20-30 €,.le diagnostic de la peau ou des cheveux (5 à 10 €), la mesure de l’indice de masse corporelle (10 €), la mesure salivaire du taux de cortisol (70 €) etc.

L’analyse des intolérances alimentaires s’élève, elle, à 200 à 300 €.

SOUPLESSE

Dix officines Experta ont pour l’instant vu le jour. Le groupe italien espère en compter 20 d’ici la fin de l’année et 70 en 2018. L’objectif est de comptabiliser au moins 350 pharmacies Experta dans la Botte dans les cinq ans, sans diffuser pour l’instant le concept à l’étranger. Pour rejoindre ce réseau, le pharmacien doit débourser 6 000 euros et reverser par la suite 0,3 % de son chiffre d’affaires annuel. Il signe un contrat de réseau, baptisé « contratto di rete soggetto », qui lui permet de rester propriétaire de sa pharmacie et de l’enseigne, tout en déléguant la gestion des achats et du point de vente. Experta promet une adaptation de son offre à chaque officine, grâce à une enquête de géomarketing, une analyse de la clientèle et des spécialisations des salariés, une étude sur les pathologies présentes sur le territoire…

Le pharmacien est par ailleurs formé par le réseau (une formation annuelle puis des mises à jour) qui lui enseigne de nouveaux protocoles de prise en charge de chaque pathologie.