Les professionnels de santé doivent descendre de leur piédestal - Pharmacien Manager n° 167 du 03/05/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 167 du 03/05/2017
 

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Auteur(s) : Pascale Caussat

Pionnier du web, le docteur Didier Mennecier anime un site sur l’hépatologie, un blog sur la santé numérique et un groupe facebook sur la maladie de Crohn. Selon lui, médecins et pharmaciens sont encore trop absents des réseaux sociaux.

« Pharmacien Manager ».Pourquoi vous êtesvous intéressé à Internet ?

Didier Mennecier. J’ai toujours été sensible aux nouvelles technologies. Dès l’an 2000, j’ai créé le site Hepatoweb autour de ma spécialité, l’hépatologie, la gastroentérologie et l’alcoologie. Au début, le but était d’aider ma pratique, de rassembler une information médicale éparse et de la partager avec mes patients. Ensuite, il y a eu l’apparition de l’Internet 2.0 avec les forums, il était naturel de me servir d’Internet comme support complémentaire de mes consultations.

P.M. Qu’apporte Internet à votre pratique médicale ?

D.M. Parallèlement à mon site, je suis modérateur du groupe Facebook Mieux vivre le Crohn qui regroupe près de 5 000 adhérents. Au début, j’intervenais surtout pour éclaircir de mauvaises compréhen sions des explications des médecins. Cela m’a permis d’adapter mon contenu sur le site Hepatoweb : j’ai constaté, par exemple, qu’il y avait beaucoup de questions sur la fertilité et la grossesse, j’ai donc construit des pages d’informations complémentaires. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus d’autogestion de la part des patients, notamment sur la question de la non observance thérapeutique. Je considère que les personnes qui sont derrière leur ordinateur ont une vraie expertise à partager.

P.M. Comment expliquer que les professions de santé soient très peu présentes sur le Web ?

D.M. Tout dépend des spécialités. Il existe des sites de gynécologie et de cardiologie très bien faits. Le docteur Dominique Dupagne est très présent sur Facebook et Twitter, et via son blog atoute.org. Mais il y en a trop peu. à mon sens, c’est plus un problème de manque de temps que de non connaissance de la bureautique de la part des médecins. Avec des outils assez simples, on peut créer un site informatif. Mais il est vrai que c’est chronophage. Moi-même, je suis hyperactif !

P.M. Quel usage les médecins et les pharmaciens peuvent-ils faire des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter ?

D.M. Avant tout, attention à ne pas partager sa page Facebook personnelle avec ses patients ! Je n’accepte aucun patient sur mon compte personnel, je ne les tutoie pas et je ne communique pas mon numéro de portable. On n’est pas « ami » avec son médecin, il faut garder sa place. En revanche, participer à un forum fermé et modéré est intéressant, non pas pour faire une consultation en ligne, mais pour connaître la vraie vie des patients. Un pharmacien peut avoir son site Internet et sa page Facebook quand il estime qu’il a développé une expertise et qu’il peut participer à l’éducation thérapeutique de sa clientèle. Concernant Twitter, beaucoup de médecins l’utilisent pour se moquer de leurs patients et ceux-ci peuvent se reconnaître. Ce n’est pas déontologique et cela confirme que cette plateforme est une grande cour de récréation.

P.M. En janvier dernier, la vidéo d’une interne qui interpellait le gouvernement a fait 10 millions de vues sur Facebook en quelques jours. Est-ce l’avenir de la communication santé ?

D.M. Il est dommage que, dans ce cas précis, la jeune femme était encartée dans un parti. Le gouvernement a trouvé la faille pour lui répondre. Mais ce qu’elle dit sur l’hôpital est très juste. C’est là que l’on voit la force des réseaux sociaux. Des praticiens pourraient utiliser le Web comme les Youtubeurs, avec des chaînes d’information sur les maladies. Il existe déjà des Mooc très suivis, soit des formations en ligne avec intervention filmée d’experts.

P.M. On parle beaucoup du développement de la télémédecine. Qu’en pensez-vous ?

D.M. Cette pratique me semble inévitable dans le futur à partir du moment où la nomenclature sera validée. La télémédecine est adaptée à des consultations de maladies chroniques, dans lesquelles les patients ne nécessitent qu’une ordonnance ou une autorisation pour le sport. On a des applications très intéressantes en psychiatrie pédiatrique, avec des enfants psychotiques difficiles à recevoir en cabinet. Avec une webcam dans leur chambre, on peut mener une très bonne consultation. L’intelligence artificielle Watson d’IBM utilise un avatar pour suivre des malades atteints de Parkinson : grâce à une webcam qui filme les mouvements des mains et des yeux, le système est capable de suivre l’évolution de la maladie et de transmettre les informations à un praticien. L’intelligence artificielle apporte une aide à la décision des médecins. C’est une évolution obligée, comme le montre bien le docteur Laurent Alexandre, dont l’intervention au Sénat sur le sujet, en janvier dernier, a été vue plus d’un million de fois en une semaine sur Facebook. Dans ma pratique, j’ai déjà éliminé le papier à l’hôpital, ce qui me permet d’être plus disponible pour mes patients.

P.M. Pour aller dans le sens de la digitalisation des professions de santé, êtes-vous favorable à une notation de ceux-ci, comme sur Tripadvisor ou La Fourchette ?

D.M. Bien sûr. Cela suscite une levée de boucliers de la part des médecins car cela les fait tomber de leur piédestal mais c’est l’évolution du Web. Dans l’Internet 1.0, le médecin avait le savoir et les données de santé. à l’étape 2.0, le savoir s’est diffusé sur Internet avec parfois plus d’expertise que chez le médecin. Aujourd’hui, avec le web 3.0 et les objets connectés, même les données de santé appartiennent au patient. Il faut savoir comment fonctionnent les réseaux sociaux et s’adapter aux pratiques des nouvelles générations.

P.M. Concrètement, quelle forme cela pourrait prendre ?

D.M. Je pense que l’on va assister à l’émergence d’un Tripadvisor de la santé avec un système d’étoiles, y compris dans les pharmacies où les clients pourront dire s’ils ont été bien accueillis et bien conseillés. Un patient qui ne trouvait pas l’hôpital correspondant à sa pathologie a créé le site Hospitalidée, qui note l’accueil, le relationnel. Actuellement, il existe un grand nombre de médecins compétents techniquement, mais défaillants sur le plan humain. Il faut qu’ils comprennent que leurs patients vont sur les réseaux sociaux, qu’il est normal qu’ils puissent compléter leur information. Les études de médecine n’ont pas beaucoup évolué depuis 40 ans, il n’y a aucune formation aux réseaux sociaux et l’on continue à propager l’idée qu’Internet, c’est le mal. Or un patient connecté ne perd pas pour autant confiance dans son médecin, au contraire.

→ Didier Mennecier est médecin militaire. Pendant 17 ans, il a exercé à l’hôpital en tant qu’hépato-gastroentérologue et addictologue. Depuis 2015, il est directeur du Centre du traitement de l’information médicale des armées (CeTIMA) avec comme objectif sa transformation en Direction des système d’information et du numérique (DSIN). Pionnier du Web et autoproclamé « geek », il a a créé dès 2000 le site d’information Hepatoweb qui compte 5 000 à 7 000 vues par jour. Il a également lancé plusieurs applications mobiles.

L’INVITÉ Didier Mennecier MÉDECIN FONDATEUR D’ HEPATOWEB

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