Devenir sous-traitant - Pharmacien Manager n° 166 du 28/03/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 166 du 28/03/2017
 

PRATIQUES

Auteur(s) : Fabienne Colin

La sous-traitance de préparations pour d’autres pharmacies est un métier à part. Elle nécessite un fort investissement mais assure diversification, satisfaction et, à terme, rentabilité. Témoignages.

Grégoire Cuillerier a le sens du défi. En 2013, le titulaire de la Pharmacie Maginot à Tours (37) a décroché l’autorisation de devenir sous-traitant en homéopathie. Aujourd’hui, son activité à destination de pharmacies clientes est en plein développement. Mais il a fallu beaucoup de motivation pour en arriver là.

ANTICIPER

Pour les préparations magistrales, tout débute par un dossier étayé à présenter à son ARS. Le Tourangeau démarre sa réflexion en 2012. Il se fait épauler par un confrère déjà passé par là. Une tradition dans la sous-traitance. Jean-Michel Challamel, titulaire de la Pharmacie du Pont de Bois à Toulon (83), soustraitant en préparations magistrales depuis 2014, a lui aussi commencé par échanger avec d’autres pharmaciens. « Entre l’idée et le démarrage de l’activité, trois ans se sont écoulés », se souvient-il. Car pour remplir le dossier de l’ARS, il faut prévoir la logistique et la répartition du travail.

S’ORGANISER

Chez Grégoire Cuillerier, le management du préparatoire évolue au fil de la croissance de l’activité. « Il faut être organisé pour ne pas manger la marge gagnée en temps passé », explique le titulaire. Dès le départ, chaque salarié travaillait un jour par semaine au laboratoire. Aujourd’hui, la Pharmacie Maginot sert 200 officines et l’équipe est passée de 7 à 10 personnes dont un pharmacien supplémentaire (diplôme imposé à différentes étapes de la préparation).

Dans les plus grosses structures, on trouve volontiers des équipes dédiées à la préparation et donc à la soustraitance. Ainsi, la Pharmacie Delpech à Paris ne compte pas moins de 100 salariés dont 97 exclusifs au laboratoire ! Impossible avec un tel staff d’improviser les plannings, les formations, ou encore la motivation des troupes…

INVESTIR

La sous-traitance requiert aussi des investissements en matériel : pour fabriquer les produits, les tracer, assurer la sécurité des professionnels… Autant dire des factures à cinq chiffres au minimum. Ainsi, rien que dans les machines, on a investi 75 000 € à la Pharmacie Maginot qui produit 20 000 unités par mois, toutes formes galéniques confondues, 200 000 € à La Pharmacie du Pont de Bois, fabricant de 100 préparations par mois… Celui qui se lance doit aussi penser à l’entretien de son parc. Ainsi à la Pharmacie Delpech (1 400 préparations/jour), le titulaire Fabien Bruno débourse chaque année entre 200 000 et 300 000 € uniquement en maintenance pour la sécurité. Car depuis la publication des bonnes pratiques en 2007, les normes évoluent sans cesse. Fabien Bruno avait anticipé cette évolution en matière de traçabilité. Il a mis au point un logiciel, EasyPrep. Dosage erroné, mauvais ingrédient… aujourd’hui, son système alerte l’équipe à la moindre erreur humaine.

GONFLER la masse salariale

La sous-traitance est bel et bien un investissement… en temps et en argent. Mais c’est aussi un élément de différenciation pour ceux qui disposent d’espace (400 m2 à la Pharmacie Maginot, 1 000 m2 à la Pharmacie Delpech). « C’est une opportunité pour l’officine d’aujourd’hui mais elle nécessite des pré-requis », insiste Hubert Corbet, chef de projet chez Carron Consultants, spécialiste de l’accompagnement des professionnels de santé dans les démarches d’organisation, et partenaire de Pharma Système Qualité. Ainsi, si la masse salariale représente 8 à 15 % du chiffre d’affaires d’une officine classique, ce ratio est plutôt de l’ordre de 50 à 60 % en sous-traitance. De plus, il est préférable de prévoir une comptabilité dédiée. Aussi, se fier à la marge générée serait faire fausse route. « Elle se monte à 75-85 %… Mais en sous-traitance, c’est le résultat net qu’il faut regarder. Il atteint, comme dans une officine classique, 5 à 8 % », détaille Fabien Bruno de la Pharmacie Delpech qui réalise prés de 10 M€ de chiffre d’affaires, dont seulement 400 000 € dans son point de vente perdu dans une petite rue parisienne.

Si la Pharmacie Delpech a trouvé son salut en se lançant dans la sous-traitance dès 1999, d’autres, plus récentes sur le marché, y trouvent aussi leur compte. Ainsi la Pharmacie Maginot comme la Pharmacie du Pont de Bois annoncent être bénéficiaires sur l’activité. Surtout, toutes y ont la satisfaction de réaliser un métier historique de l’officine.

COMMUNIQUER

« Les titulaires d’officines spécialisées dans la sous-traitance ont souvent un profil de chef d’entreprise », remarque Hubert Corbet. De fait, ils doivent aussi consacrer du temps à faire connaître leur activité. Un aspect commercial dans lequel ils se lancent pas à pas. Car remporter un marché, c’est aussi adapter son organisation pour pouvoir y répondre. Ainsi Grégoire Cuillerier, spécialisé dans les produits homéopathiques sans lactose ni saccharose, a d’abord présenté son activité aux adhérents régionaux de son groupement, Giphar. Puis progressivement, il a rencontré ceux du Nord, de la Bretagne, etc. Depuis, la phrase « De l’homéo sans lactose près de chez vous ? » interpelle les internautes sur le site de l’officine. En toute confraternité, le lien présente une carte de France des officines clientes de la Pharmacie Maginot. D’autres, comme la Pharmacie du Pont de Bois, privilégient les clients de proximité. Certains disposent même d’un chauffeur pour livrer dans leur région. Preuve que si la rigueur constitue la qualité impérative pour se lancer dans la sous-traitance, l’activité permet de la développer à sa guise.

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C’est le nombre d’officines habilitées à pratiquer la sous-traitance en Île-de-France. On en compte moins d’une centaine dans tout l’hexagone. Source : ARS

POUR ALLER + LOIN

→ Se procurer « La préparation en un tour de main » aux éditions Porphyre. L’ouvrage fait référence. Lire aussi le décret 2014-1367 du 14/11/2014 sur l’exécution et la sous-traitance des préparations magistrales et officinales.

UN AN

C’est le temps minimum à prévoir entre l’envie de se lancer dans la sous-traitance et la possibilité de démarrer l’activité.

En devenir

La sous-traitance en PDA

C’est un pionnier. Arnaud ponchau, titulaire de la pharmacie du candéou, s’est lancé depuis 2011 dans la sous-traitance de préparations de doses à administrer (PDA). « C’était le projet de ma vie », s’exclame-t-il alors qu’il commence seulement à trouver un rythme de travail « correct ». il figure surtout parmi ceux qui montrent un peu patte blanche. Sur son profil Linkedin, il se dit « spécialisé dans le circuit du médicament en Ehpad ou au comptoir ». Les professionnels comprendront qu’il réalise des piluliers. Seuls les plus avertis pourront deviner qu’il propose une prestation de sous-traitance. Ce n’est pas un signe de timidité de la part d’Arnaud ponchau. Le titulaire tient à rester juridiquement dans les clous d’une activité non encore réglementée. pourtant des premiers signes de structurations pointent leur nez. Ainsi Goldy ichou, ex titulaire et président de l’association QualiPDA, a mis au point un référentiel de qualité pour les piluliers. Une norme qui pourrait aider à accompagner l’encadrement de la sous-traitance en PDA jusqu’ici… non interdite. Arnaud ponchau milite activement pour une légalisation de l’activité pour éviter toute dérive. Il a créé un protocole, formé du personnel dédié, réservé des locaux uniquement à cette activité… De quoi inspirer le législateur…

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