Let’s connect ! - Pharmacien Manager n° 164 du 20/01/2017 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 164 du 20/01/2017
 

NEWS

Auteur(s) : PASCALE CAUSSAT

LES VENTES DE DISPOSITIFS MÉDICAUX CONNECTÉS NE DÉCOLLENT PAS DANS LES OFFICINES. LES PHARMACIENS DOIVENT-ILS POUR AUTANT DÉLAISSER CE MARCHÉ ? LE POINT.

Lors de la journée sur la santé connectée, organisée par Les Échos le 20 septembre dernier, Ghislaine Alajouanine, présidente du Haut conseil français de la télésanté, présentait ainsi l’avenir de notre paysage sanitaire : « Imaginons qu’un foyer équipé en objets connectés permette à une personne âgée de rester cinq ans de plus chez elle. Même à 10 000 euros le budget d’équipement du logement, cela coûte moins cher que 4 000 euros par mois en maison de retraite. » Un discours pragmatique qui place le pharmacien au coeur de la santé de proximité : avec le vieillissement de la population et la hausse du nombre de maladies chroniques, les dispositifs permettant le maintien à domicile des patients vont automatiquement renforcer son rôle de conseil et d’accompagnement. Celui-ci est donc en première ligne pour vendre des outils de mesure du poids, de la tension ou du taux de glycémie promus par des industriels comme iHealth, Withings ou encore Visiomed.

Et pourtant, les faits sont là : les ventes de dispositifs de santé connectés en officines sont dérisoires. Giphar a fait ses comptes sur un an : « Sur les 1 350 pharmacies du réseau, 122 proposent des produits du catalogue iHealth et 75 en ont vendu pour un chiffre d’affaires mensuel moyen de 20 000 euros. Cela représente 1 500 unités par mois, avec un pic en décembre à 3 000 », précise Laetitia Hible, présidente du groupement. Pas de quoi bouleverser le bilan des officines. Pendant ce temps, les bracelets mesurant le nombre de pas et de calories font fureur à la Fnac et chez Decathlon.

LOCATION en ligne de mire

Est-ce à dire que le marché des objets connectés en pharmacie est voué à l’échec ? PHR est le groupement le plus avancé sur la question. Il a lancé en 2015 l’enseigne Ma Pharmacie Référence, spécialisée dans la santé connectée avec web bar, écrans tactiles, borne d’accueil, etc. Lucien Bennatan, son président, a lui aussi des chiffres : « Nous avons 150 pharmacies dans le groupement qui proposent des objets connectés, et 28 pharmacies sous enseigne. Les premières vendent trois objets connectés par mois en moyenne, les secondes dix à douze. » La preuve pour le dirigeant que les DMP (dispositifs médicaux connectés) ont du potentiel en officine, s’ils sont valorisés et théâtralisés. Mais il y met des conditions : « Je ne crois pas à la vente d’un produit seul qui a une durée de vie limitée et un prix élevé. Je crois davantage à la vente de solutions de santé et à la location de l’objet. » Pour Lucien Bennatan, les pharmacies sont légitimes sur les solu tions de santé non transposables en magasins d’électroménager : surveillance du poids chez les malades en cancérologie ou atteints d’obésité, suivi de l’hypertension artérielle, prévention des risques de mort subite du nourrisson… PHR suit de près l’exemple de la chaîne CVS aux États-Unis, qui a pris une part de marché de l’ordre de 10 % sur ces produits grâce à un modèle de location.

RÉMUNÉRATION à venir

Mais comment rémunérer le conseil du pharmacien qui assure le suivi des données et le « service après-vente » de ces dispositifs ? « La loi de santé de 2009 nous reconnaît comme professionnels de santé et nous encourage à mettre en place des actions contre rémunération, souligne Laetitia Hible. Peut-être que dans le cadre d’un retour à domicile après hospitalisation, le patient accepterait de payer un accompagnement “connecté” par le pharmacien. » Giphar a monté un groupe de travail en octobre dernier pour réfléchir à toutes ces évolutions car il croit malgré tout à l’avenir de ce marché. « Pour le moment, le pharmacien a peur d’investir dans un stock qu’il ne vendra pas, de s’engager dans un service après-vente qu’il ne maîtrise pas », reconnaît Laetitia Hible. « Si le business model de la location existe, les mutuelles devraient pouvoir s’impliquer dans le remboursement. Pour le moment, on me présente cinq objets connectés par jour mais la réglementation et la labellisation ne sont pas claires », s’impatiente Lucien Bennatan. Pour autant, est-ce parce que le marché n’est pas encore mûr que le pharmacien doit attendre ? Et laisser d’autres acteurs se positionner ? « Il faut donner un signal fort à ses clients, car ce n’est pas la Fnac qui pourra revendiquer de vendre un médicament avec un dispositif connecté », estime Lucien Bennatan.

INDUSTRIELS en embuscade

Si le modèle économique de la vente d’objets connectés en pharmacie se cherche encore, la technologie existe déjà. Visiomed est présent depuis 2009 sur ce marché avec des produits (comme le thermomètre sans contact Thermoflash) reliés aux plateformes BeWell Connect et BeWell Checkup. « Sur les 15 000 pharmacies qui distribuent nos produits (y compris les non connectés), 2 000 sont déjà équipées de nos objets connectés, et 6 000 auront bénéficié de notre formation d’ici fin 2017 », témoigne éric Sebban, son fondateur. Dans Pharmacien Manager d’octobre 2016, Stéphane Kerrien, PDG d’iHealth Europe, annonçait un plan de formation et de support technique : « Nous sommes persuadés que la pharmacie deviendra notre principal canal de distribution. » Une chose est sûre : les industriels croient au potentiel de la pharmacie. Et si ce n’était autre que le pharmacien lui-même qui se mettait des freins ou qui n’était pas encore prêt à passer dans l’ère connectée ?

À savoir

Les bases de la réussite

Une espace dédié. Les objets connectés se vendent mieux quand ils sont présentés dans un corner à part entière.

Un personnel formé. On ne vend bien qu’un produit que l’on sait soi-même l’utiliser et que l’on peut le recommander à sa clientèle. Il faut prévoir un plan de formation, souvent proposé par les fabricants.

Des produits de santé. La pharmacie est légitime sur les objets connectés de santé : lecteurs de glycémie, tensiomètres… Les objets de bien-être (compteurs de pas ou de calories) ont plus leur place dans les magasins de sport et d’électroménager.

Des services associés. Pour réussir, la vente d’objets connectés doit être liée à un conseil, c’est pourquoi les spécialistes plaident pour de la location ou une formule d’abonnement.

Des baisses de prix. À près de 90 euros pour un tensiomètre connecté, les prix sont encore prohibitifs. Les fabricants estiment que plus la technologie se développera, plus les prix vont baisser.

L’ESSENTIEL

→ Le marché des objets connectés a du potentiel, mais reste limité en officine.

→  Les pharmaciens sont pourtant légitimes pour proposer les dispositifs connectés de santé (DMP) comme les tensiomètres ou électrocardiogrammes.

→ Les DMP ont du potientiel en pharmacie, à condition qu’ils soient valorisés et proposés avec des services (suivi de la mesure, etc.)

→ L’avenir des objets connectés en officine passe par leur location ou leur remboursement par les mutuelles.

15 % C’EST LE TAUX

de pharmacies qui proposaient des dispositifs médicaux connectés, en juin 2016, contre 9 % en juillet 2015.

Source Occurrence Healthcare

CONFIDENTIALITÉ ?

Le stockage et l’exploitation des données du patient via les objets connectés posent question.

La crainte ? L’utilisation des informations par les assureurs ou Google, à des fins commerciales. Selon éric Sebban de Visiomed, les fabricants n’ont pas accès aux données. « Le seul propriétaire est le patient lui-même. » Libre à lui de les communiquer à son médecin ou à son pharmacien. Ou encore à Facebook…

65 % DES CLIENTS

souhaitent disposer d’une offre d’objets connectés dans leur pharmacie selon un sondage Ifop/PHR de janvier 2015.

DIGITAL NATIVE

Les 18-24 ans seraient prêts à débourser 10 à 12 € par mois pour un objet connecté et son application, contre 5 € pour l’ensemble de la population.

Source Deloitte, étude Les Français et la santé 2016

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