Aujourd’hui, une entreprise qui ne propose pas de service sort du marché - Pharmacien Manager n° 160 du 26/08/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 160 du 26/08/2016
 
L’INVITÉ XAVIER QUÉRAT-HÉMENT

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Auteur(s) : MYRIAM LORIOL

LE SERVICE CLIENT. C’EST DEVENU L’ENJEU DES ENTREPRISES, Y COMPRIS DE LA PHARMACIE, ET LA PRÉOCCUPATION DE XAVIER QUÉRAT-HÉMENT. APRÈS AVOIR PILOTÉ LA « RÉVOLUTION » DE L’ACCUEIL DANS LES BUREAUX DE LA POSTE, IL A FONDÉ L’ASSOCIATION ESPRIT DE SERVICE FRANCE. RENCONTRE.

Diplômé de Sciences Po Paris, de l’ENSPTT (« l’ENA des PTT ») et de l’Essec, Xavier Quérat-Hément a fait carrière au sein des services financiers de La Poste. Après deux passages en cabinet ministériel, il prend en charge la Direction de la Qualité du Groupe en 2006. Il crée Esprit de Service France en 2014. Animateur du blog xavierquerathement.fr sur l’esprit de service, il a aussi rédigé un ouvrage sur le sujet (aux éditions Lexitis).

« Pharmacien Manager ». Comment avezvous réussi l’exploit de changer l’attitude des postiers, passés de derrière leurs guichets au-devant des clients ?

Xavier Quérat-Hément. C’était pour nous un enjeu stratégique, bien sûr, pour éviter la dégradation de l’image de La Poste, diminuer les files d’attente et redorer le blason de la Banque Postale. Mais avant tout, il fallait que les guichetiers comprennent ce qu’ils avaient à gagner en misant sur l’accueil du client. On a commencé dans 40 bureaux pilotes et on a montré que le fait d’aller vers le client diminuait les incivilités dont se plaignaient nos agents. On a aussi communiqué sur les bénéfices de la nouvelle organisation, sur la nouvelle posture de conseil, plus valorisante que le simple fait de rendre la monnaie.

P.M. J’imagine qu’il y a eu des réticences à ce changement radical…

X.Q.-H. En fait, tout le personnel a été associé à la nouvelle organisation pour créer ensemble la nouvelle prise en charge de la clientèle. Ainsi, personne ne s’est senti isolé. Chacun savait qu’il faisait partie d’un projet global et pourquoi il y participait. Autrement dit, il s’agissait pour tout le monde - les dirigeants des bureaux de poste comme les guichetiers - de sortir de l’impasse des files d’attente.

P.M. Comment avez-vous motivé les équipes afin qu’elles acceptent ce bouleversement ?

X.Q.-H. Pour avoir l’engagement des collaborateurs, l’exemplarité du manager est capitale. Il ne peut pas demander à chacun d’avoir l’esprit de service sans se poser la question « suis-je moi-même au service de mon équipe ? » Il ne peut pas non plus exiger de son personnel qu’il travaille le samedi s’il ne le fait pas. Le manager - titulaire inclus - doit donner à son équipe l’envie de changer en lui expliquant tout l’intérêt du projet.

P.M. Avez-vous créé de véritables process d’accompagnement du client ?

X.Q.-H. Nous avons mis en place des standards de services avec la collaboration des responsables des bureaux de Poste et des guichetiers. Il ne s’agit pas de « process », trop connotés « actes automatiques » alors qu’on parle d’accueil et d’adaptation face à une situation humaine. L’idée est que chacun sache ce qu’il a à faire à tel moment du parcours client. Dans un second temps, nous nous sommes engagés dans la certification de services des bureaux de Poste (en partenariat avec des utilisateurs). Mais ce n’est pas un objectif, c’est un outil d’amélioration.

P.M. La prise en charge du client en pharmacie pourrait-elle suivre l’exemple de La Poste ?

X.Q.-H. Je crois fondamentalement que oui. Comme à La Poste, il y a des clients en pharmacie qui peuvent se débrouiller seuls, et d’autres qui ont besoin de conseils. A l’officine, on trouve, dans une même file d’attente, un patient qui vient avec une ordonnance de chimiothérapie, une personne qui veut acheter une boîte d’aspirine et une autre qui souhaite payer le produit cosmétique qu’elle a pris en rayon. Ça ne va pas ! Tous n’ont pas les mêmes besoins en termes d’accompagnement, et pourtant, toute expérience client doit être réussie.

P.M. Comment faire alors ?

X.Q.-H. Il n’y a pas de baguette magique ! Il est vrai aussi que les nouvelles postures d’accueil adoptées par La Poste avec différents pôles en fonction des besoins sont plus faciles à mettre en place dans les grands espaces. Mais tout pharmacien peut cependant commencer par faciliter le choix de ses clients avec une signalétique claire et simplifier les parcours (caisse rapide, comptoir para, espace ordonnances…). Le but étant de diminuer le temps d’attente. Il faut être sans cesse dans une démarche d’amélioration et oser entreprendre des modifications. Ensemble. Un peu comme s’il s’agissait de partir à l’aventure, de découvrir l’Amérique en équipe.

P.M. Qu’est ce que l’esprit de service ?

X.Q.-H. C’est ce qui fait une belle expérience client. Cela inclut une posture en termes d’accueil et de considération de l’autre. Il faut commencer par se mettre à la place du client pour avoir l’esprit de service ! On a aussi montré que, si l’attitude de service envers le client se retrouve en interne au sein de l’équipe, la démarche est gagnante. Pour aller chercher le sourire du client, il faut déjà aller chercher le sourire de l’entreprise. Tous les collaborateurs doivent vivre une belle expérience, et se sentir engagés, impliqués et considérés.

P.M. Parlez-nous de votre association…

X.Q.-H. J’ai créé Esprit de Service France en 2014. L’idée étant de regrouper différentes entreprises ayant l’esprit de service, et de mettre en commun les enjeux de chacune pour améliorer l’expérience du client. En tenant compte de la digitalisation. Cette année en avril, nous avons conçu un modèle Esprit de Service avec la participation de 50 organisations. Nous avançons…

P.M. Des pharmacies peuvent-elles adhérer ?

X.Q.-H. Absolument ! Un groupement de pharmacies pourrait rejoindre Esprit de Service pour, par exemple, améliorer son parcours client. Imaginons que ce groupement soit situé en région lyonnaise. Nous pouvons le mettre en contact avec l’Institut Paul Bocuse - un de nos adhérents - et ils peuvent ainsi réfléchir ensemble.

P.M. Pouvez-vous citer des entreprises modèles en termes de service ?

X.Q.-H. Dans le domaine de la santé, je citerai deux adhérents de l’association : BMS et l’hôpital Saint- Joseph qui est en train de repenser le parcours patient.

P.M. Selon vous, un service à valeur ajouté doit-il être payant ?

X.Q.-H. Honnêtement, on tâtonne encore pour définir les critères de services haut de gamme qui demandent une rémunération. Aujourd’hui, si une entreprise ne propose pas de service, elle sort du marché. Pour autant, il n’y a pas de raison à ce que ce service soit toujours gratuit. Ainsi, nous envisageons de faire payer l’intervention de nos facteurs dans l’offre « veiller sur mes parents », qui devrait voir prochainement le jour. À la demande des enfants, nos facteurs auraient un rôle d’« accompagnement » des personnes âgées.

P.M. La Poste arrive donc dans l’univers de la santé…

X.Q.-H. Il y a de nombreux besoins dans ce domaine - et notamment en ce qui concerne les seniors. Or, nous avons des facteurs partout en France, même dans les coins les plus reculés. Nous travaillons aujourd’hui sur la façon de faire évoluer leur métier, dans un condiv de diminution du courrier postal. Il y a beaucoup de choses à imaginer, et même des partenariats avec des pharmaciens, en dehors de la livraison pure et simple de produits. D’ailleurs, notre filiale numérique Docapost s’est associée à l’Ordre cette année pour lancer un Hackathon autour du dossier pharmaceutique.

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