Marketing à plein nez - Pharmacien Manager n° 145 du 12/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 145 du 12/02/2015
 

côté marchés

tendances

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

Que serait Abercrombie & Fitch sans son parfum reconnaissable ? Les enseignes travaillent de plus en plus sur le marketing olfactif pour créer une ambiance sur le point de vente. Et un code identitaire. Une stratégie qui peut se diffuser à la pharmacie.

Que l’on entre dans une boutique, un hôtel, un bureau, chez un médecin ou tout simplement chez soi, on aime y percevoir une bonne odeur. Cela nous permet de trouver dans ce lieu une ambiance agréable, voire d’y ressentir un certain bien-être. En effet, les odeurs agissent directement sur les zones de notre cerveau liées à l’émotion et la mémoire, réveillant ainsi certains souvenirs qui nous aident à nous sentir bien. Dans un commerce, si les clients se sentent bien, ils vont rester plus longtemps, flâner, toucher plus de produits et être davantage sujets à l’achat complémentaire. « L’odeur est une façon créative de communiquer qui joue sur le plaisir et l’émotion », affirme-t-on chez Nat’arom, société spécialisée dans le marketing olfactif. Des recherches ont pu montrer l’influence positive de la diffusion d’une odeur sur l’évaluation de produits ou sur le temps passé en magasin. Et il semble que l’adéquation de la senteur avec le produit ou le public visé joue un rôle prépondérant. « Selon une étude réalisée en 2009 par BVA, on s’aperçoit que la création d’une atmosphère olfactive exerce une influence positive sur l’humeur des consommateurs, renchérit Stéphane Arfi, P-DG et fondateur d’Emosens, agence de marketing olfactif. L’ambiance olfactive est remarquée par deux tiers des clients et leur plaît quasiment à l’unanimité (97 %). Dans un environnement parfumé, les clients ont un comportement plus calme, plus respectueux, plus apaisé. » Toujours selon l’étude BVA, l’animation olfactive d’un rayon doperait les achats d’impulsion à hdiv de 38 %. Un pourcentage non négligeable en ces temps de crise.

En marketing olfactif, le pionnier du genre reste l’enseigne Nature&Découvertes avec son odeur caractéristique de bois de cèdre évocatrice de la forêt. En mettant en place cette démarche, l’enseigne souhaitait créer une connivence avec ses clients et renforcer son image de marque naturelle. En plein essor depuis une dizaine d’années, le « parfum d’ambiance » devient une vraie signature de marque. Il séduit ainsi de nombreuses enseignes qui exploitent ce « logo olfactif ». Citons Tara Jarmon, Cop. copine, Sandro, Maje, Ba&sh, Tartine et Chocolat, Eric Bompard, Bonpoint, Zadig et Voltaire…

« Le parfum permet aux consommateurs de se remémorer l’instant passé en magasin. C’est aussi un produit à vocation commerciale, puisqu’il est d’ailleurs disponible à la vente », souligne Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Certaines signatures olfactives sont devenues tellement populaires que lorsque l’on sent leur fragrance, on reconnaît immédiatement la marque associée ! Champion dans le domaine, Abercrombie & Fitch a su séduire les ados par une odeur qui se repère depuis la rue. Pour Frank Rosenthal, le marketing olfactif peut permettre à un point de vente ou une enseigne de se différencier, uniquement dans la mesure où la démarche fait partie d’une stratégie globale. « Il faut dans un premier temps assurer les fondamentaux du commerce et de la relation client (problème d’attente aux caisses, de personnel, de parcours client, de compréhension du parcours) avant de lancer un parfum ! C’est un moyen de faire mieux quand on fait déjà très bien. » Un point de vue que partage Cyrille Gerhardt, fondateur de l’agence Smell Marketing. « Le parfum va apporter une touche finale à la communication déjà mise en place par la marque. Il doit être conçu en cohérence avec l’ambiance visuelle (affiches, télévision), sonore (radio, musique de fond) mais aussi tactile et gustative (saveurs rappelant l’enfance) du magasin. L’olfactif vient compléter cette palette sensorielle qui devra présenter une certaine harmonie pour convaincre les clients de revenir et potentiellement acheter dans le magasin. »

Stratégie inspirée

En France, on compte une dizaine d’acteurs spécialisés sur le marché. Ils proposent plusieurs senteurs préalablement conçues (près de 250 fragrances chez Smell Marketing). Mais il est aussi possible de les créer sur mesure. Dans tous les cas, pour faire coller un parfum à une marque ou un type de point de vente, une étude marketing en amont est obligatoire. « Il faut définir l’ADN de la marque, connaître ses valeurs, ses clients, l’agencement de ses magasins… », insiste Stéphane Arfi (Emosens), qui collabore avec des chercheurs, des parfumeurs et des spécialistes du marketing. « On ne choisit pas un parfum en fonction de ses goûts personnels mais en se mettant à la place du client. » Emosens dispose d’une collection de 500 fragrances créées à Grasse. « Aujourd’hui, un commerce peut s’équiper et débuter une stratégie olfactive pour environ 50 euros par mois, contre 800 euros à l’achat auparavant », poursuit Stéphane Arfi. Le tarif comprend la location du diffuseur et la fragrance. En revanche, pour la création d’un parfum, il vous coûtera entre 2 500 et 5 000 euros. « Compte tenu de l’investissement, le sur-mesure s’adresse davantage à des réseaux qu’à des indépendants. » La démarche olfactive n’est pas à négliger car il a été prouvé (par une étude de l’Université de Rockefeller) que nous mémorisons en premier ce que nous sentons, et cela à hdiv de 35 %. Nous retenons ensuite 5 % de ce que nous voyons, 2 % de ce que nous entendons et 1 % de ce que nous touchons.

En pratique

Quelle fragrance pour l’officine ?

Le marketing olfactif se décline dans tous les univers. Donc pourquoi pas en pharmacie ? « C’est un commerce qui peut avoir sa propre signature olfactive, assure Stéphane Arfi (Emosens). Le pharmacien n’est pas obligé de s’orienter vers une fragrance médicale comme le menthol, le camphre ou l’eucalyptus. Etant donné qu’il vend également des cosmétiques, il peut partir vers une image de bien-être avec des notes d’agrumes dynamisantes ou fleuries apaisantes. » Pour Cyrille Gerhardt, « la fragrance doit faire écho au rayon aromathérapie (notes vertes ou agrumes) de l’officine. Mais on peut aussi opter pour un parfum de caractère dans le cas d’une pharmacie à la déco boisée ou avec du parquet ». Côté huiles essentielles pures, elles peuvent être utilisées en diffusion – et avec modération. « C’est d’autant plus intéressant qu’elles sont vendues en pharmacie », note Frank Rosenthal. Et a priori efficace. Une étude américaine a montré que 70 % des patients chez le dentiste étaient stressés à cause de l’odeur. Et lorsque l’endroit était traité aux huiles essentielles (notamment de lavande), cela calmait les gens et baissait le taux de stress à moins de 5 %. Une version moderne de la madeleine de Proust ?

P.C.-C.

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