« Afficher son parti pris » - Pharmacien Manager n° 145 du 12/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 145 du 12/02/2015
 
PHILIPPE VINCENT FONDATEUR DE RETAIL & DETAIL SOLUTIONS

côté point de vente

interview

Auteur(s) : Fabienne Colin

Impliqués dans leur mission de profession de santé, les titulaires n’appliquent pas forcément les bons codes de la commercialité. Et si vendre un peu de tout pour satisfaire tout le monde était obsolète ? Le point avec le consultant Philippe Vincent. Philippe Vincent

« Pharmacien Manager » : La grande distribution est très puissante face aux marques, est-ce un rapport de forces souhaitable en pharmacie ?

Philippe Vincent : Même si les grands groupes mondiaux comme Unilever, Nestlé ou Coca ont plus de poids que les petits producteurs, la grande distribution a eu raison de ne pas laisser la main aux marques. Elle est passée à un marketing d’enseigne et au « category management ». La stratégie de catégorie implique de réfléchir à ce qu’on va vendre, à ce que le client veut acheter, rayon par rayon : santé, hygiène, orthopédie… Pour l’enseigne comme pour le pharmacien, il s’agit d’identifier une stratégie d’offre, de choisir ce qu’on va apporter à son client, pour le satisfaire dans ses besoins au quotidien. L’offre est la source de tout. La pharmacie est un métier de commerce. Donc il faut utiliser les outils du commerce, non pas en singeant la grande distribution mais en utilisant certaines de ses méthodes.

P.M. : Quelles méthodes sont applicables à l’officine ?

P.V. : Au-delà de la réflexion sur l’offre et la stratégie de catégorie, on peut aussi développer des marques propres. Certains groupements le font pour constituer un élément de préférence pour le patient. Autre technique reproductible : le concept commercial. Cela consiste à rendre un parcours client le plus agréable et le plus commercial possible. Dans les pharmacies, il existe encore de gros efforts à faire sur la manière d’agencer les différents espaces, la façon d’optimiser le merchandising, la communication avec le client… On peut imaginer bien d’autres choses qu’un pharmacien derrière son comptoir. Par exemple, le positionnement côte à côte pour générer une meilleure proximité entre la pharmacie et la clientèle.

P.M. : L’agencement a donc toujours de l’importance…

P.V. : Certainement. Mais avant de se lancer dans des investissements, il serait judicieux de réfléchir ou de se faire accompagner sur la meilleure pratique à mettre en œuvre pour avoir un bon parcours client, sur la façon dont se succèdent les différents rayons… Cette phase de réflexion peut faire la différence. Elle permet d’être dans le bon tempo par rapport à ce que l’on veut exprimer et ce que le patient perçoit en fréquentant le lieu de vente.

P.M. : Que pensez-vous des groupements de pharmacie actuellement ?

P.V. : Leur principale force est celle du partage, de la mise en commun de moyens pour réfléchir, développer une image de service… Mais ils ont aussi leurs faiblesses qui tiennent souvent dans l’hétérogénéité du réseau. Dans tous les commerces classiques, on crée des typologies de magasin. Dans le circuit pharmaceutique, on peut distinguer les officines rurales, les urbaines, celles où le prix ou le service est particulièrement important… Il est important pour les groupements de penser plusieurs concepts marchands, adaptés à chaque typologie.

P.M. : Une pharmacie doit-elle être généraliste ?

P.V. : La pharmacie a une grande mission de service public. Elle doit pouvoir délivrer les médicaments. En cela, elle est généraliste. Cela n’interdit pas certains points d’aspérité sur quelques types d’offre pour faire la différence sur le conseil, les produits ou leur mise en place. Regardez, le maintien à domicile. C’est un marché en progression. Pourtant, il est souvent caché, mal présenté. Or un merchandising bien travaillé peut valoriser ces produits et dégager des ventes fortes. Pour le client, il est important de voir l’offre ne serait-ce que pour connaître son existence. Bien sûr, on n’expose qu’une partie du MAD dans l’officine et le reste sera visible sur un écran. Mais un catalogue seul ne suffit pas.

P.M. : Vous parlez de différenciation… La démarche est-elle possible au sein d’une même enseigne ?

P.V. : Attention à ne pas confondre l’enseigne et le concept marchand. Une enseigne c’est une même bannière, c’est une marque qui apporte la confiance. Au sein d’un réseau, l’enseigne va pouvoir s’exprimer avec une offre de produits et des services qui peuvent varier selon la zone de chalandise. C’est plus délicat sur le positionnement prix. On peut avoir deux ou trois pharmacies d’une même enseigne dans une même ville. Chacune aura intérêt à développer une catégorie différente.

P.M. : Quelles questions un pharmacien qui s’installe doit-il se poser ?

P.V. : Il faut mener une étude de sa zone de chalandise, savoir ce que font les concurrents, quels produits ils vendent, à quel prix, et connaître la typologie de la population, savoir s’il y a des écoles, des hôpitaux, des maternités… Ensuite, il faut repérer d’éventuels manques, voir s’il ressort des tendances. Plutôt que de « moyenniser » l’offre, il faut prendre un parti pris, se dire « Je veux être le référent sur ma commune, mon quartier ou mon département de tels produits » afin de pouvoir recruter au-delà de sa zone naturelle. Comme tout entrepreneur, un pharmacien doit se faire accompagner, ne serait-ce que pour une seule séance de coaching commercial. Il ne peut se contenter de vouloir des murs blancs ou verts, il va falloir sortir du cadre.

P.M. : Comment tirer parti d’Internet ?

P.V. : Aujourd’hui la visibilité sur la Toile est capitale pour un commerce. Un pharmacien seul aura du mal à suivre. Avec un groupement, il peut travailler sur le conseil en ligne, la façon de faire venir des clients en magasin. Par exemple en donnant accès au stock sur son site, de sorte que le client saura qu’il aura le produit s’il se déplace. C’est une autre façon d’utiliser les codes du commerce moderne.

Philippe Vincent Fondateur de Retail & Detail Solutions

Après avoir passé plus de 20 ans chez Système U et Intermarché à plancher sur des problématiques de concept marchand et de commercialité (merchandising, animations…), Philippe Vincent dirige sa propre agence Retail & Detail Solutions depuis 2012. Il y propose du conseil et de la formation sur la stratégie d’enseigne et de marque, sur l’organisation de réseau, les concepts de magasins… Titulaire d’un master management et direction d’entreprise de l’Ecole supérieure de commerce de Paris et diplômé de l’école de management IFAG Lyon, il tient un blog (http://www.retail-and-detail.fr/) où il publie des études de cas.

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