Des clients aux p’tits oignons - Pharmacien Manager n° 143 du 02/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 143 du 02/12/2014
 
TENDANCE CONSOMMATION

Cahier spécial point de vente

Des clients aux p’tits oignons

Auteur(s) : Sophie Goldfarb

Le consommateur va-t-il délaisser le point de vente au profit d’Internet ? Non. Mais le virtuel fait évoluer son comportement. Le client attend une relation toujours plus personnalisée. Comment l’officine peut-elle s’adapter à cette tendance de fond ?

Hyperconnecté, surinformé, connaisseur, voire expert, un nouveau consommateur a émergé. Quel que soit son âge ou sa catégorie socio­professionnelle, il a évolué avec l’apparition de l’ordinateur portable, du smartphone et de la tablette… Tous ces appareils, appelés « devices », permettent l’accès direct, rapide et à tout moment, à l’information grâce à Internet.

On aurait pu craindre que ce consommateur multi­canal et suréquipé devienne un adepte exclusif d’e-commerce et déserte les points de vente réels. Ce n’est finalement nullement le cas, nous disent toutes les études, au contraire. Selon le 3e Baromètre Omniretail établi par Ça.com et Ipsos en juillet dernier, 82 % des Français fréquentent au moins un point de vente par semaine (contre 78 % en 2013). Et, contre toute attente, les possesseurs de tablette et de smartphone sont encore plus friands de points de vente. Malgré l’explosion des opportunités transactionnelles, le commerce physique ne semble donc pas quantitativement impacté. Les conclusions de la récente étude « 1,2,3 Contacts » réalisée par le cabinet conseil en retail marketing Sens’O pour le Popai France (lire encadré p. 7) vont dans le même sens : la maîtrise du Web et de la mobilité connectée stimule en fait les emplettes en magasin, qui reste le principal lieu d’achat.

Pour autant, si ces nouveaux clients sont loin de bouder le point de vente, ils en attendent aujourd’hui autre chose. D’acheteurs passifs, ils sont devenus consommateurs actifs. Ainsi que le précise le Baromètre Omniretail, « le consommateur ne veut plus qu’on lui vende de tout, tout le temps ». Le pharmacien se retrouve donc face à des clients qui ne veulent plus seulement se voir délivrer le contenu d’une ordonnance et conseiller derrière un comptoir. L’autorité du pharmacien prescripteur n’est pas remise en question mais, semble-t-il, un peu chahutée. Car elle est confrontée à une typologie de consommateurs plus complexes, plus engagés dans l’acte d’achat, plus exigeants aussi. Comment les séduire ?

L’achat commence avant d’entrer

Le consommateur sait qu’il peut trouver facilement ce qu’il cherche sur Internet quitte à accepter le manque de conseils et de personnalisation et les délais et frais de livraison. S’il choisit toujours le point de vente physique, son comportement d’achat a cependant changé. Une étude réalisée par Evoke (spécialiste des solutions Web destinées à créer du trafic en magasin) pour la division « Cosmétique Active » de l’Oréal sur les attentes des clients envers la pharmacie, montre que le consommateur a déjà commencé son parcours d’achat bien avant d’arriver à l’officine. Et ce en s’étant déjà fait une opinion par le biais d’Internet (sites, blogs, forums). Mais pas seulement… Comme l’explique Béatrice Boussard, directrice associée de Sens’O : « Notre étude “1,2,3 contacts” pour Popai France montre que, sur les 39 % de personnes qui font une recherche sur le produit préalablement à l’achat, 52 % vont sur Internet et 57 % vont en magasin. Il faut donc savoir repérer le client qui est dans ce moment, être disponible pour répondre à sa demande d’information et de conseil mais aussi savoir ne pas forcément conclure la vente tout de suite. » Selon l’étude Popai toujours, les consommateurs tiennent pour acquis une organisation claire du point de vente, son ambiance, le choix des marques et des produits, la disponibilité et l’amabilité du personnel et la qualité de son conseil. Olivier Macé, directeur du Développement distribution de Cosmétique Active France, a précisé les attentes des clients de la pharmacie lors de la Convention Master Pharmaciens 2014 : la connexion, la proximité, la personnalisation et l’achat facilité. Si la proximité a toujours été un des points forts de la pharmacie française, les autres points restent sans doute à améliorer.

• LE B.A.-BA POUR LA PHARMA – Quand on sait que 83 % des internautes utilisent Internet pour rechercher le point de vente le plus proche (source : Evoke/CosmétiqueActive), on voit mieux l’intérêt d’avoir une page Web référencée par Google qui indique au minimum les horaires, la situation, s’il y a un parking à proximité… Et, chaque mois, 500 000 recherches Google concernent des pharmacies. La totalité des pharmacies répondent-elles à ces attentes de base ?

L’interactivité devient constructive

Etre connecté est une nécessité aujourd’hui mais ne doit en aucun cas être une fin en soi. Comme l’explique Béatrice Boussard, « il ne sert à rien d’installer de beaux écrans et des tablettes dans le point de vente si votre merchandising n’est pas aisément compréhensible, si vos collaborateurs restent immobiles derrière leur comptoir et ne sont pas disponibles pour le client ». Pour plaire au consommateur ultra-connecté et fan de blogs, voire lui-même acteur de la Toile, on peut imaginer, comme le propose Béatrice Boussard, « d’encourager la prise de parole de client sur les produits qu’ils ont testés et aimés pour alimenter les conseils d’expert sur le site Internet ou sur les tablettes, ou en soulignant dans les linéaires les produits préférés des clients. » Jean-Philippe Chavatte, directeur général de Carré Noir, agence de design stratégique, va plus loin : « Aujourd’hui l’utilisation des “devices” converge vers une seule chose : apporter de la valeur ajoutée à l’humain. Il s’agit pour demain de créer le vendeur – ou ici le pharmacien – augmenté. » Se cantonner à poser des tablettes dans le point de vente est inutile.

• INITIATIVE – Xavier Schneider, titulaire de la Pharmacie cantonale à Truchtersheim, a mis en place des Rendez-Vous Santé auprès de sa patientèle et les relaie de façon multicanale : « Il peut aussi bien s’agir de rendez-vous thérapeutiques pour le suivi de maladies chroniques que d’entretiens diététiques. Nos actions sont soutenues par le réseau IFMO-Pharmelia, ce qui nous permet de communiquer à travers notre site Internet, une télévision locale, des bornes tactiles dans la pharmacie et chez des confrères… Nous avons déjà touché une centaine de patients. »

• LE B.A.-BA POUR LA PHARMA – Munir ses collaborateurs de tablettes avec du contenu, qui sont une aide à la vente, et les former à savoir les utiliser intelligemment, voilà le pharmacien augmenté. C’est faisable : Sephora a déjà doté ses conseillères d’iPad Touch permettant de lire les cartes de fidélité, d’y trouver toutes les données client et de lui proposer promotions et produits qui lui sont le mieux adaptés !

La relation client est « multidevices »

Pour ce consommateur toujours plus connecté se développe une gestion de la relation client (CRM) poussée et de grande qualité, comme on trouve justement chez Yves Rocher ou Sephora. Comme l’analyse Éric Ducournau, directeur général de Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, « il faut valoriser l’expérience Web-to-store avec des outils digitaux dans les points de vente au service de programmes de fidélité personnalisés, qui puissent aider à améliorer le diagnostic, apporter de l’information produit, permettre de flashcoder des produits pour obtenir des informations sur son propre device ». Jean-Philippe Chavatte appelle cela « lier le “Big data” et le CRM : le patient devrait être reconnu dès son entrée dans l’officine. Et le pharmacien devrait connaître son cheminement (voir outils page 8, N.D.L.R.), ses points d’intérêt, là où il a commencé et fini son acte d’achat ». Sans aller jusque-là, il faudrait déjà agréger les données sur le client que le pharmacien a déjà (via la Carte Vitale et le DP) et qu’il peut enrichir des achats parapharmacie pour catégoriser le consommateur. Car les nouveaux consommateurs apprécient d’être « reconnus ». Et cela ne signifie pas seulement, comme autrefois, leur dire « Bonjour, M. Durand » lorsqu’ils entrent dans l’officine, mais créer avec eux un lien personnalisé et numérique. Une façon aussi de créer une relation « multidevice » qui garde le lien avec le client hors du point de vente.

Sur ce point, les groupements peuvent apporter à leurs adhérents une vraie valeur ajoutée qui pourrait en outre fidéliser la patientèle à un réseau à défaut d’une seule pharmacie. Les cartes de fidélité (et donc leur contenu) étant alors reconnues dans différentes officines au gré des déplacements du client.

• LE B.A.-BA POUR LA PHARMA – L’objectif est de personnaliser son conseil, en diffusant vers les outils digitaux du client : par e-mail ou SMS pour lui rappeler qu’il faut renouveler son ordonnance ou son traitement, que son dernier achat de shampooing ou soin date de trois mois, etc. Ainsi, l’appli Ma Pharmacie Mobile de Pharmagest à destination des patients permet non seulement l’envoi d’ordonnance mais aussi le rappel par le pharmacien des prises de médicaments et donc le suivi de l’observance.

La praticité s’impose

Faciliter la vie des clients. Cette démarche est d’autant plus importante lorsqu’on a affaire à des hyperactifs ayant peu de temps, à des personnes âgées et dépendantes, à des ultrapragmatiques qui ne viennent en officine qu’avec un besoin précis. Pour tous ceux-là, le besoin est d’aller directement à l’essentiel, voire de ne pas se déplacer du tout. On peut évidemment imaginer, comme chez Apple ou McDo, que les équipes officinales, munies de tablettes, réalisent un encaissement mobile, au moins pour les achats hors médicament. Mais aussi du Click & Collect (commande sur Internet et retrait sur le point de vente) comme chez les groupements PHR, Pharmavance ou Lafayette, et bientôt chez Forum Santé.

• INITIATIVE – Alexandre Timsit, titulaire de la pharmacie du centre commercial E.Leclerc à Rambouillet (78), effectue les livraisons à domicile dans un rayon de 15 km autour de la ville, avec un véhicule électrique, et qu’il facture 2 €, entièrement reversés à une association humanitaire.

• LE B.A.-BA POUR LA PHARMA – On peut aussi faciliter la vie du consommateur en lui indiquant via le site Internet si le produit qu’il recherche est en stock et lui proposer une réservation qu’il peut faire à toute heure, même hors des horaires d’ouverture. Pierre Fabre vient de lancer un service similaire sur le site de sa marque Naturactive.

L’expérience client s’invite

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à « l’expérience d’achat ». Ils veulent un magasin à l’ambiance agréable, où ils se sentent bien, où le merchandising est clair et attractif. De plus en plus de grandes surfaces, à cet égard, revoient leur agencement. Dans l’hypermarché Carrefour d’Auteuil, les allées ont été élargies, avec des plaques de rue et du carrelage de métro. L’Auchan de Caluire a carrément créé des petits stands façon magasins de proximité (produits locaux, boucher…). Ces magasins subliment le sensoriel mais aussi l’humain, aussi bien côté conseillers, qui doivent être disponibles, que côté client, qui doit être valorisé.

On peut apporter, même en pharmacie, une touche d’émotion à l’achat, à travers évidemment la parapharmacie, avec plus de service et de merchandising. L’étude Popai sur l’achat de soins montre l’importance de l’accès au produit. Or les testeurs et les échantillons sont encore peu fréquents en pharmacie… On peut aussi envisager de ne pas laisser aux seules marques l’apanage de la mise en place des « bars à texture », comme l’a fait Sanoflore, ou des diagnostics de peau.

• INITIATIVE – Myriam Abihssira, qui s’est installée en février dernier avec la pharmacie Bleuzen à Vanves (92), affiliée Leader Santé, organise en plus des animations de marque (Lierac, Caudalie), des journées avec une naturopathe qui accorde de petits entretiens d’un quart d’heure sur rendez-vous ou non. « Nous en sommes à la troisième. Les clients sont ravis, car c’est un service en plus. La pharmacie rentre pour l’instant dans ses frais mais je songe à rappeler les clients qui ont déjà eu un entretien pour un suivi. »

• LE B.A.-BA POUR LA PHARMA – Jean-Philippe Chavatte (agence Carré Noir), qui a travaillé sur des agencements de pharmacie, met en avant la demande croissante de création d’espaces indépendants pour recevoir certains clients en face-à-face et pouvoir donner des conseils personnalisés. « Ces espaces scénarisés apportent un point de contact serviciel à haute valeur ajoutée », conclut-il. Et pas seulement pour les entretiens pharmaceutiques dédiés au suivi des AVK et de l’asthme.

L’enjeu

L’apparition de nouveaux consommateurs très informés et exigeants, car très connectés, ne doit pas pousser vers une digitalisation qui ne ferait que reproduire les écueils de l’e-commerce sans ses avantages. L’idée est de se recentrer sur l’humain en améliorant l’accueil et le conseil d’un côté, et en approfondissant la connaissance de sa clientèle de l’autre, le tout avec l’aide des outils digitaux.

Béatrice Boussard Directrice associée de Sens’O : « Inutile d’installer de beaux écrans dans le point de vente si vos collaborateurs restent derrière leur comptoir » Jean-Philippe Chavatte

Directeur général de Carré Noir : « Le pharmacien devrait connaître le parcours et les points d’intérêt de son patient »

Officine

Destination clé pour le soin

Si les habitudes d’achat changent, les Français restent attachés à l’officine pour leurs achats de cosmétiques. L’étude « 1,2,3 Contacts » parue en octobre dernier, faite pour le Popai, une association de professionnels de la publicité sur le lieu de vente, sur les parcours d’achats de soins visage et corps, montre que la pharmacie demeure une destination de prédilection sur ces segments. Et pour cause : 44 % des acheteurs sont allés en pharmacie sur les trois derniers mois pour acheter des soins corps et 36 % pour les soins du visage. La pharmacie reste n° 1 sur l’achat de soins visage devant les marques-enseignes (Yves Rocher…) et 3e sur le soin corps à peine derrière les marques-enseignes et la GMS. Autre information de taille : le taux de transformation des visites (tous réseaux de distribution confondus) en achat reste trois fois plus important en magasin que sur le Web. Car les interrogés attendent de la boutique avant tout de voir et essayer les produits (60 %), de bénéficier de conseils (45 %) et enfin de comparer les prix (42 %), repérer les promotions (27 %), découvrir les nouveautés (22 %) quand Internet sert essentiellement à consulter les avis des consommateurs (51 %).

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