Arrivederci monopolio - Pharmacien Manager n° 142 du 30/10/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 142 du 30/10/2014
 
LIBÉRALISATION

News

Auteur(s) : Eléonore Kern-Gorse

En Italie, les pharmaciens n’ont pas été aussi bien entendus par leur gouvernement qu’en France. Depuis 2006, le médicament sans ordonnance y est aussi vendu dans les supermarchés. Quelles conséquences sur l’officine ? Enquête au pays de la dolce vita.

Huit ans après la libéralisation de la farmacia, adoptée par le gouvernement de centre-gauche de Romano Prodi, la pilule de la perte du monopole a toujours du mal à passer pour les pharmaciens italiens. Même s’ils estiment que le sujet n’est plus crucial dans un pays en pleine récession, où nombres d’officines sont dans le rouge. De fait, l’autorisation de vente des médicaments à prescription facultative dans tout commerce en présence d’un pharmacien a permis l’ouverture de quelque 4 000 parapharmacies (auparavant inexistantes) et de 340 « corners de santé » dans les grandes surfaces. Reste qu’environ 18 000 officines sont loin d’avoir été détroussées par les supermarchés. Elles ont même su garder la main sur les médicaments en vente libre. « 94 % des OTC sont vendus dans les pharmacies », clame fièrement Annarosa Racca, présidente de Federfarma, la fédération des titulaires de pharmacies. Et, selon les statistiques d’IMS, 89 % des médicaments sans ordonnance avaient été vendus en pharmacie en 2013 en Italie, contre seulement 6,9 % dans les parapharmacies et 4,1 % dans les supermarchés. Ces médicaments sans ordonnance représentent environ 9 % du chiffre d’affaires des pharmacies italiennes (IMS).

La bataille sur les prix a tourné court

Outre le fait que les citoyens privilégient la figure du pharmacien dans son officine, la conservation de cette suprématie sur l’OTC peut s’expliquer par l’échec de la bataille promise sur les prix. Car après avoir proposé des rabais alléchants, parapharmacies et supermarchés ont revu leurs prix à la hausse, respectivement de + 8,7 % et + 6,1 % entre 2008 et 2009. En 2013, l’association de défense des consommateurs Altroconsumo estimait cependant que les médicaments étaient encore 14?% moins chers dans les supermarchés mais soulignait que leurs prix avaient grimpé de 9,1 % en deux ans.

Graziella Mazzotti, business manager du pool santé de la coopérative italienne de supermarchés Coop, le reconnaît : « Au départ, nous proposions des médicaments 30 % moins chers qu’en pharmacie et des rabais de 15 % en parapharmacie. Mais ces écarts ont diminué car les pharmacies ont baissé leurs prix et font désormais des offres promotionnelles. »

« Sur le médicament, le gain économique dans un supermarché est vraiment minime, de l’ordre de 10 ou 20 centimes !, assure Andrea Mandelli, président de la Fédération des ordres des pharmaciens italiens. C’est le prix de l’essence que la personne consomme pour se rendre dans une grande surface. » Les parapharmaciens admettent pour leur part sans sourciller qu’ils ne sont plus en mesure d’offrir des réductions. « Au fur et à mesure, les parapharmacies n’ont pas réussi à être incisives. Pour avoir une nouvelle baisse des prix, il faudrait étendre la libéralisation à la vente des médicaments de type C ! [NdlR : utilisés pour des pathologies mineures, entièrement à la charge du patient et délivrés sur ordonnance) », s’emporte le pharmacien Davide Giuseppe Gullotta, président de la Fédération nationale des parapharmacies italiennes, qui milite farouchement pour que les pharmaciens travaillant dans les parapharmacies puissent délivrer des ordonnances comme le leur permet leur diplôme.

Les supermarchés rarement bénéficiaires

Les supermarchés attendent eux aussi un nouveau pas en avant du gouvernement Renzi. D’autant que Mario Monti avait évoqué la possibilité d’élargir la libéralisation aux médicaments sur ordonnance. Mais, en 2012, il a fait machine arrière. Seule nouvelle mesure : l’unification du quorum sur tout le territoire, l’abaissant à une officine pour 3 300 habitants (contre 4 000 dans les communes de plus de 25 000 habitants et 5 000 habitants dans les communes de moins de 25 000 habitants). Près de 2 500 officines pourraient voir le jour, selon Federpharma.

Graziella Mazzotti (Coop) ne cache pas son insatisfaction. « Pour le moment, nos corners santé sont avant tout un service pour les clients. Certains ne sont pas bénéficiaires. Nos offres, nous les faisons en rognant sur notre marge. Si nous avions le droit de vendre plus de produits, nous pourrions augmenter le nombre de corners, comme nous le réclame la population. Il faudrait une véritable libéralisation et non pas une libéralisation partielle. Pour l’instant, nous ne sommes pas en mesure de peser sur le marché du médicament et nous ne passons pas non plus d’assez grosses commandes pour obtenir des prix auprès des industriels ».

Un nouveau genre de pharmacie

Des propos qui continuent de hérisser les pharmaciens. « Je reste absolument contre le fait qu’un citoyen qui fait ses courses se dise : tiens, je vais aussi acheter ce médicament même si je n’en ai pas besoin parce qu’il y a une offre intéressante. Dans cette dérive, le médicament est considéré comme une marchandise ! », s’offusque Andrea Mandelli. Néanmoins, la libéralisation a secoué les pharmacies italiennes : selon Altroconsumo, d’une officine à l’autre, les prix sur certains médicaments OTC peuvent désormais varier de 64 % !

La fin du monopole a quoi qu’il en soit introduit la notion de concurrence. Une brèche dans laquelle des chaînes de pharmacies indépendantes, comme l’italien EssereBenessere ou le britannique Lloyds (groupe Celesio), se sont immédiatement engouffrées en proposant des offres en pagaille dans des points de vente au look… de minisupermarchés !

Contrepartie

Le statut de pharmacie protégé

Suite au décret Bersani du 3 juillet 2006, mettant fin au monopole des officines sur le médicament, les pharmaciens italiens ont riposté par une grève massive le 19 juillet. Mais, rapidement, le mouvement de riposte s’est essoufflé pour s’arrêter fin juillet. Car un accord a été trouvé avec le gouvernement. Les pharmaciens ont vu leur statut protégé par la promesse d’avoir un rôle élargi dans la chaîne de la santé, et l’assurance que les autres points de vente distribuant des médicaments ne soient pas considérés comme des pharmacies.

En France

Leclerc ne baisse pas les bras

Emmanuel Macron a tranché. « On ne mettra pas des médicaments en grande surface », a-t-il annoncé au micro de France Inter le 16 octobre dernier, au lendemain de la présentation du projet de loi pour l’activité et l’égalité des chances. Mais le ministre n’a pas peur des contradictions. Et d’évoquer l’éventualité future, pour les centres commerciaux Leclerc, de disposer d’une vraie pharmacie. Toutefois, les pharmaciens qui y exerceraient devront être indépendants et non salariés… « On marche sur la tête », comme l’assène actuellement la campagne TV des parapharmacies Leclerc. Michel-Edouard Leclerc ne compte pas baisser les bras et a lancé une pétition en ligne « Oui aux médicaments sans ordonnance moins chers ». Il a aussi commandité une étude IPSOS, selon laquelle 77 % des Français se déclareraient prêts à acheter leurs médicaments sans ordonnance en parapharmacie ! Si le trublion de la GMS (qui emploie 240 pharmaciens) n’a pas gagné le médicament, on peut d’ores et déjà parier l’extension de ses rayons « santé ». Et pour cause : Marisol Touraine et l’Ordre envisagent la perte d’AMM pour les dentifrices comme Fluocaril ou encore des pastilles Valda…

M.L.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !