« Le consommateur a le pouvoir » - Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 140 du 02/09/2014
 
VINCENT LECLABART, FONDATEUR ET PRÉSIDENT DE L’AGENCE DE PUBLICITÉ AUSTRALIE

côté point de vente

interview

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

Pour lui, « la publicité est un mensonge qui dit la vérité ». Peu porté sur la langue de bois, le publicitaire de E. Leclerc porte un regard lucide sur l’évolution de la communication. Vincent Leclabart a bien compris que son métier devait se renouveler en intégrant les nouveaux modes de comportement digital.

« Pharmacien Manager » : Vous êtes président de l’Association des agences-conseils en communication (AACC) depuis un an. Quelles sont vos priorités ?

Vincent Leclabart : J’ai construit un programme autour de la valorisation de notre métier. Aujourd’hui, les publicitaires ne sont ni connus ni reconnus. Alors que nos actions apportent une plus-value importante à l’économie et à la société. Nous supportons une pression financière et réglementaire accrue et notre devenir est handicapé par cet environnement peu favorable. La communication de l’AACC va passer par un recentrage sur la créativité, qui fait la valeur de notre métier.

P.M. : Vous réalisez chaque année une étude sur l’attitude des Français vis-à-vis de la publicité. Comment évoluent les résultats ?

V.L. : Depuis 10 ans que l’étude existe, on a constaté que la relation entre les Français et la publicité se dégradait progressivement. Les campagnes de pub sont jugées comme insuffisamment originales. Le consommateur a le pouvoir. Il est expert et exigeant. Et pour le satisfaire, il faut que nous – agences et annonceurs – nous donnions plus de mal qu’auparavant. Mais, paradoxalement, les Français continuent de bien aimer les marques. Elles sont des repères importants pour eux. En même temps, ils en attendent beaucoup : fidélisation, service consommateur, réseaux sociaux… Si la façon dont les marques s’expriment n’est pas reconnue comme agréable, utile et spécifique, elles s’en prennent plein la tête !

P.M. : Selon vous, comment capter davantage l’intérêt des consommateurs ?

V.L. : La pub peut se renouveler en permanence car l’être humain a une capacité de création très importante. Et l’on voit régulièrement sortir de très bonnes campagnes… Mais il faut prendre en compte l’évolution des relations entre médias et consommateurs. Internet et les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux vecteurs pour entretenir des liens avec sa cible. Mais le rapport de force s’est inversé. Avant on était « top down » : on parlait du haut vers le bas. Le message était envoyé et imposé. Aujourd’hui, on est plutôt « bottom up », du bas vers le haut. Avec des gens qui vont choisir de vous suivre ou pas, de vous accorder leur confiance ou pas…

P.M. : La TV est-elle toujours le meilleur moyen de communiquer pour une marque ?

V.L. : Oui, la TV reste le média roi. C’est magique de pouvoir toucher des millions de gens instantanément. Il n’y a pas d’équivalent. A côté de ça, la presse, la radio, l’affichage ou les supports digitaux sont aussi efficaces. Le digital fonctionne désormais comme la publicité traditionnelle : il faut y acheter de l’espace. C’est très rare qu’une marque arrive à se faire voir uniquement grâce à la viralisation. Pour que le digital marche, il faut inciter les internautes ou les mobinautes à venir voir ce qu’on leur propose comme contenu. Donc cela nécessite de la publicité !

P.M. : La pub doit-elle être multicanale ?

V.L. : Absolument. La publicité n’est plus que de l’image, comme avant. Aujourd’hui on est dans le domaine de l’activation. On demande aux gens de faire quelque chose : de cliquer, de liker, de partager, de renvoyer un coupon-réponse… Les publicités envoient des messages pour que les consommateurs agissent. Avant, les messages demandaient simplement aux gens de changer d’avis. Les réseaux sociaux sont devenus un passage obligé. Si une marque ne veut pas y être, elle s’y retrouve de toute façon car les gens vont en parler.

P.M. : La publicité comparative est-elle vraiment efficace ?

V.L. : Il se trouve que j’ai travaillé pour l’annonceur qui a le plus fait parler de lui en matière de publicité comparative : Leclerc. Avant Leclerc, il y a avait une espèce de présupposé qui disait que la publicité comparative n’était pas efficace parce que la marque citait son concurrent et lui faisait de la pub. La démarche de Leclerc était très audacieuse car la marque citait d’autres enseignes sur des points précis de comparaison. C’était totalement nouveau et gonflé et cela a été très efficace ! Les concurrents s’y sont mis à leur tour plusieurs années après. Du coup, aujourd’hui on se retrouve au milieu d’une cacophonie d’enseignes qui vendent toutes quelque chose moins cher. Leclerc a donc décidé de laisser tomber la publicité comparative pour aller vers la publicité pour son comparateur. La publicité comparative n’est efficace que si on a des choses intéressantes à dire.

P.M. : Quels sont les ingrédients incontournables pour faire une bonne pub ?

V.L. : Il en faut deux : l’étonnement (être inattendu) et la pertinence (être juste par rapport au produit que vous vendez). On appelle ça « l’inattendu heureux » dans notre milieu. Il faut se mettre à la place des gens qui reçoivent le message. Qu’est-ce que ça va leur faire ? Qu’est-ce qu’ils vont dire ?

P.M. : Vous être le publicitaire de Leclerc. Est-ce que cet annonceur ose un peu plus que les autres ?

V.L. : E. Leclerc est un annonceur qui s’exprime de façon audacieuse. Mais cela tient à l’enseigne elle-même et à ses fondateurs. Michel-Edouard Leclerc a été le premier à supprimer les sacs en plastique de ses magasins, contre l’avis de ses adhérents et des consommateurs. Il s’est également démarqué lorsqu’il s’est lancé dans la publicité comparative, lorsqu’il a proposé d’arrêter les prospectus, lorsqu’il a interpellé les politiques sur le fait de vendre moins cher, lorsqu’il a proposé de vendre des médicaments en parapharmacie… Notre job consiste à porter à la connaissance des gens les revendications de Leclerc et à traduire son audace de façon créative.

P.M. : Compte tenu de la législation, comment les pharmaciens peuvent-ils communiquer ?

V.L. : En perception, les pharmaciens ont progressivement quitté leur fonction de conseil pour devenir des commerçants. Quand on rentre aujourd’hui dans une pharmacie, on voit d’abord plein de produits OTC en promo et on se dit je suis chez un commerçant et non chez une profession libérale. La fonction de conseil est camouflée par cette exhibition de promotions. Pour moi, la communication du pharmacien doit passer en priorité par le point de vente.

Diplômé de l’Ecole des hautes études (HEC), Vincent Leclabart débute sa carrière chez DDB en 1973 puis INF14 en 1979 (agence corporate du groupe Havas). Il fonde Australie en 1984. Il a créé et développé l’étude Publicité & Société, qui étudie les relations des Français avec la communication, le marketing et la politique depuis 2004. Ses expériences les plus significatives : E. Leclerc, CIC, Assurance maladie, Sisley, Bonduelle… Australie a été élue agence indépendante de l’année 2013. Chaque année depuis plus de 10 ans au moins une création de l’agence est présente dans le top-10 Ipsos des publicités préférées des Français.

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