Passez à l’ère connectée - Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 139 du 30/06/2014
 

dossier

Auteur(s) : Fabienne Colin*, André-Arnaud Alpha**, Claire Frangi***, Yves Rivoal****

Face à un consommateur qui utilise Internet pour chercher de l’information et acheter, les points de vente doivent s’adapter. Et se connecter. La pharmacie suit le pas.

Le commerce vit une profonde mutation. Sephora dote ses conseillères beauté de tablettes sur lesquelles elles peuvent encaisser. A La Fnac, le vendeur peut commander un produit manquant et le faire livrer au magasin ou chez le client. Chez McDonald’s, on choisit soi-même ses hamburgers favoris sur une borne… Sur marionnaud.fr, un acheteur en ligne sur cinq choisit de récupérer ses emplettes directement dans l’une des parfumeries de la chaîne. Acheter une crème hydratante, un livre ou un canapé ne se fait presque plus sans passer par la case Internet. Pourtant, le commerce est encore en retard face à des consommateurs très connectés. Par exemple, peu de boutiques offrent la WiFi alors que 92 % des Français affirment « se renseigner sur Internet avant d’acheter en magasin », selon l’étude « L’expérience marchande connectée » de DigitasLBi. « Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut faire interagir son point de vente avec Internet mais de placer le digital au service d’un objectif précis : conquérir de nouveaux clients, animer la pharmacie, fidéliser… », estime Valérie Piotte, directrice générale de Publicis Shopper, agence spécialisée dans le parcours d’achat du consommateur connecté. Car la digitalisation du point de vente a bien des vertus.

1° Etendre son offre

Avec moins de stock

« L’une des très grosses tendances actuelles du magasin connecté, c’est le store-to-Web. Concrètement, le point de vente présente une interface digitale [borne, tablette, écran tactile… N.D.L.R.] permettant de commander en ligne », remarque Valérie Piotte. Dans ce cas, une borne donne accès à des produits physiquement absents des rayons. Le magasin, même petit, étend d’un coup son offre. Ainsi, la chaîne Mr Bricolage dispose de quelques abris de jardin en magasin mais on retrouve la totalité de ces produits encombrants sur une borne. En pharmacie, on transpose facilement l’idée sur le matériel de maintien à domicile (MAD). Mais pas seulement. Ainsi Pharmagest, fournisseur de solutions interactives, finalise son futur « linéaire digital », une sorte d’extension virtuelle de l’officine visible via une borne interactive. C’est aussi une borne aux fonctions assez similaires et baptisée « G+ de choix » que teste actuellement le réseau Univers Pharmacie. « Le pharmacien sélectionne des marques qu’il ne référence pas, pour se créer un stock virtuel. Le client choisit son produit sur un écran tactile, un numéro lui est attribué, et il va régler en caisse. Soit on remet un bon de manquant, soit on expédie à domicile. Enfin, le pharmacien passe commande en ligne comme il le ferait avec un fournisseur », détaille Daniel Buchinger, fondateur du groupement. Avec ce service, Univers Pharmacie vise un chiffre d’affaires additionnel de 10 % dans les rayons concernés. « Ce système permet d’avoir moins de stock et plus de réactivité, via une borne ou une tablette, ce qui est parfaitement adapté au commerce de proximité », relève François Hannebicque, directeur associé de l’agence de design AKDV.

Agenda partagé

Toujours dans l’esprit de capitaliser sur le lien entre le point de vente et Internet, la société AKDV vient de mettre en place un système de trombinoscope digital. L’outil est installé dans l’agence des Grands Boulevards de la Banque Populaire, à Paris. En quelques minutes, sur un écran à taille humaine, le client accède à l’emploi du temps de son conseiller et programme un rendez-vous avec lui sans le déranger. Daniel Buchinger (Univers Pharmacie) transpose volontiers ce système d’agenda partagé en pharmacie. « Demain, pour bénéficier de nos services (diététique, aromathérapie, onco-esthétisme ou entretiens pharmaceutiques), les gens pourraient prendre rendez-vous tout seul, dans le point de vente ou depuis le site. »

La tendance est aux miroirs intelligents comme dans certains magasins de mode, ou comme aussi chez Burberry Beauty Box (voir notre reportage page 28) où les clients peuvent se faire une manucure virtuelle. La chaîne de prêt-à-porter Morgan a quand à elle mis en place un écran (baptisé Tweet Mirror) qui permet à ses clients de se prendre en photo, d’envoyer les clichés par e-mail ou de les poster sur un réseau social comme Facebook. Une façon de solliciter l’avis de ses copines ! En pharmacie, le système pourrait être décliné pour l’essayage de prothèses capillaires afin que les patientes puissent avoir en direct les réactions de leurs proches. « Il va falloir créer cet outil. L’avenir de la pharmacie passe par ce genre de services », estime Daniel Buchinger.

2° Informer les patients

Messages ciblés

L’officine, qui veut par exemple se positionner comme le spécialiste de la dermocosmétique, peut se doter d’un logiciel d’accompagnement à consulter avec le patient. Et les Français sont d’accord. « 74 % d’entre eux estiment que les vendeurs en magasin seraient plus efficaces s’ils étaient équipés de tablettes abritant des informations produit », selon DigitasLBi. Le groupement Pharmactiv se lance sur ce terrain dans le nouveau concept d’enseigne « European Pharmacy Network » décliné pour la première fois en France à la pharmacie Choplin-Montmartre à Paris. « Je dispose désormais de quatre tablettes fixes dans l’officine, explique Rémi Choplin. Les deux premières sont positionnées sur un skin-bar à l’entrée de la pharmacie. Elles permettent de consulter les promotions du mois, de découvrir nos services et de scanner les produits pour accéder à leur fiche. » Les deux autres tablettes sont, elles, situées dans les univers « dermocosmétologie » et « douleur », qui constituent les deux principaux pôles d’attraction du nouveau concept. « Elles abritent également des informations spécifiquement orientées sur les problèmes de peau et la prise en charge de la douleur. » Après une dizaine de jours de fonctionnement au nouveau concept, Rémi Choplin dresse un premier bilan positif. « Les clients les plus jeunes se dirigent déjà spontanément vers les tablettes pendant les temps d’attente. »

Entretiens facilités

Les tablettes commencent également à être utilisées comme support pour les entretiens pharmaceutiques. La société d’informatique officinale Periphar propose avec « Mon suivi patient » une solution Web de gestion et suivi des entretiens qui peut être couplée avec une tablette intégrant un lecteur de carte SESAM-Vitale. La société Observia a, elle aussi, lancé en début d’année un outil gratuit utilisable sur ordinateur ou tablette, avec la possibilité de louer une tablette dédiée à raison de 10 € par mois en WiFi ou 20 € par mois avec un abonnement 3G. « Le mode de fonctionnement est très simple, assure Olivier Berthélemy, responsable commercial d’Observia. Après avoir créé la fiche du patient dans l’application, le pharmacien peut choisir parmi les différentes thématiques proposées sur la page d’accueil comme les principes du traitement ou la surveillance biologique. » Titulaire de la pharmacie de l’Avenue, à Vitry-sur-Seine (94), Cécile Schrevel a décidé de s’abonner à la solution d’Observia qui lui a été présentée par les laboratoires Sandoz. « L’application est très pratique et très interactive, car c’est le patient qui répond aux questions qui lui sont posées sur chaque écran. Et en fonction des réponses, je peux lancer une petite vidéo ou un div d’explication. Et avant de passer à l’écran suivant, je dois indiquer si la notion est acquise, partiellement acquise ou non acquise. » A la fin de l’entretien, le patient repart avec un document de synthèse qui lui donne aussi des informations sur les points à travailler et la date de son prochain rendez-vous, l’application se chargeant de lui envoyer un rappel par SMS quelques jours avant. Pragmatique !

3° Revoir la relation client

Au-delà du comptoir

Autre moyen de rendre service, le magasin connecté peut aider à mieux gérer l’attente, grâce à des bornes qui font bien plus qu’attribuer un numéro « comme à la Sécu ». Aujourd’hui, certaines sont équipées de la WiFi. La borne devient intelligente. Avec le Pack Start de la société ESII par exemple, le titulaire peut imprimer sur le ticket une promo. Un cran plus sophistiqué, la borne peut proposer au client de prendre un ticket virtuel depuis son smartphone (via le site de l’officine). En échange, on lui indique un horaire approximatif de prise en charge. Arrivé sur place, le consommateur n’a plus qu’à se signaler en tapant les références de son ticket sur la borne. Ingrid Portier Espinas, titulaire de la pharmacie du Centre Mayol, dans une zone commerciale à Toulon (83), et Jean-Yves Roux, à la pharmacie des Rochettes à Oyonnax (01), ont adopté ce système mais n’en utilisent pas encore toutes les fonctionnalités.

Conversation à trois

Fini la barrière entre le pharmacien d’un côté du comptoir et les clients de l’autre. « Le digital dans la surface de vente doit permettre tout ce qu’il ne peut pas offrir lorsqu’on l’utilise à la maison. Il doit être au service de la relation client », insiste François Hannebicque (AKDV). « Désormais, le client n’est plus face à un conseiller et son dos d’écran. Il est face à un écran partagé. Ou, mieux encore, le conseiller est mobile, doté d’une tablette et peut aller vers son client. »

Les équipes vont devoir s’adapter à ce troisième interlocuteur, l’écran partagé. « Je constate que la présence des tablettes oblige l’équipe à aller à la rencontre des patients dans le point de vente », remarque Rémi Choplin (pharmacie Choplin-Montmartre). De facto, une nouvelle façon d’aborder le client – et donc le patient – émerge. Dans les pharmacies américaines Walgreens, des écrans sont placés sur un plot non loin de l’espace de retrait des médicaments. Les vendeurs se rendent auprès des patients en train de pianoter. « Jusqu’à présent, c’était plutôt le client tout seul qui utilisait l’écran. Désormais, clients et vendeurs sont l’un à côté de l’autre. On observe aussi cette évolution dans les Apple Stores », observe Georges Duarte (Design Day). « En pharmacie, on va encore rarement aussi loin. Boots et Walgreens sont les plus avancés dans le domaine du point de vente connecté. Mais je pense que demain la transaction dans les officines frnçaises sur les produits hors ordonnance se fera debout via une tablette. »

Smartphone

L’écran du futur

Alors que le nombre de bornes statiques serait déjà en train de diminuer dans certaines enseignes avant-gardistes, l’écran du futur pourrait se trouver dans la poche des consommateurs. Pas de doute pour Valérie Piotte, directrice générale de Publicis Shopper : « Se doter d’écrans a un coût. Avec le smartphone, on supprime un investissement – c’est le client qui paie. En retail, on utilise le smartphone bien au-delà du point de vente: pour accéder à de l’information complémentaire d’une notice, obtenir des avis de consommateurs… Si le client a préalablement donné son accord pour être localisé, l’enseigne va pouvoir personnaliser ce qu’elle lui dit : au moment où il approche du magasin, quand il entre puis à la sortie. » Ainsi, chez Starbucks, un système repère le client dans les environs, lui prépare son café préféré de sorte que la boisson est prête et payée quand le client entre dans le bar. La chaine de prêt-à-porter Celio teste de son côté un système baptisé Step-in : en entrant dans la boutique, le client reçoit des offres ciblées. « En pharmacie, je miserai sur les services d’accompagnement après la visite, par exemple via des rappels pour la prise de médicaments », indique Valérie Piotte. Déjà, sur l’appli Ma Pharmacie Mobile (fournie gratuitement par Pharmagest), le patient reçoit la posologie de son ordonnance et il est alerté à l’heure de chaque prise. Le groupement Giphar propose un service similaire à ses adhérents. La m-communication est en marche. F.C.

Avant-gardiste

Une borne pour vos promos

Convaincu que le magasin connecté peut aider les officines à trouver une nouvelle dynamique économique, Michel Gicquel, titulaire à L’Hermitage (35) innove dans ce sens. Il teste depuis début juin dans son officine une borne iPad, de la société rennaise Dolmen Technologies, qui génère des promotions. Le client choisit celle qui l’intéresse. Il reçoit une fiche après avoir rempli un questionnaire sur ses centres d’intérêt et donné ses coordonnées. Une carte de fidélité est simultanément créée. Après validation, un coupon est envoyé sur son smartphone. « L’idée étant d’envoyer ensuite des promotions privées par e-mail », poursuit Michel Gicquel. « Si on implique les gens sur le point de vente pour participer à un abonnement et obtenir une réduction, je pense qu’ils vont suivre. Regardez dans les centres commerciaux, quand une tombola est organisée via une borne, les gens font la queue. De même, à Pharmagora sur le stand du Moniteur. Le temps du flyer promotionnel qui va dans un sac puis dans une poubelle est révolu », analyse le titulaire. F.C.

Groupements

Mutualisation inéluctable

Pour un pharmacien, gérer seul le contenu de son site et des autres écrans (bornes, tablettes, appli…) semble risqué tant cela nécessite des compétences pointues et du temps. Les groupements l’ont compris. Ainsi, la totalité du contenu des tablettes du concept « European Pharmacy Network » est gérée à distance par Pharmactiv, et non par le titulaire. « Concevoir un point de vente connecté coûte très cher au démarrage, à l’entretien… C’est pourquoi il faut mutualiser les moyens », tranche Daniel Buchinger à la tête du réseau Univers Pharmacie. Les sites marchands sont également complexes à gérer. « Toute ambition cross-canal [qui fait interagir différents canaux comme le point de vente physique, le site Internet, les applications mobiles… N.D.L.R.] n’a de sens que si on a un site marchand correct. Je parle là de site collectif, d’une enseigne. Si le groupement n’est pas capable de le fournir, c’est un problème », lâche Georges Duarte, gérant de l’agence Design Day. F.C.

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