Les consultants officinaux mis à nu - Pharmacien Manager n° 138 du 27/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 138 du 27/05/2014
 

dossier

Auteur(s) : André Arnaud-Alpha*, Myriam Loriol**

Ils ont inventé leur métier et sont près d’une vingtaine à exercer à leur compte. Leurs prestations : vous aider à manager votre équipe ou à peaufiner votre stratégie marketing. Les consultants en développement officinal se livrent dans « Pharmacien Manager ».

Pendant longtemps le seul conseiller du pharmacien, ce fut son expert-comptable. Or si ce dernier peut avoir des compétences financières ou en droit du travail, il n’en a pas spécialement en matière commerciale et n’en a aucune dans l’organisation d’une officine », rappelle Jean-Paul Sécheresse, un des plus anciens consultants spécialisés en développement officinal. Créé pour pallier un manque, le conseil en officine concerne aujourd’hui aussi bien la politique commerciale que le management de l’équipe et le merchandising. L’offre apparaît au début des années 80. « Au sortir des années 70, les pharmacies étaient pour la plupart envahies par des boîtes de médicaments dans des étagères si hautes que des échelles étaient requises, disposaient d’une surface client très limitée avec un grand comptoir en chêne… Pas du tout prêtes pour les mutations qui se profilaient », se souvient Gérard Vaël, alors employé par un groupe allemand d’agencement hospitalier et officinal. Il va créer en 1980 un des premiers cabinets de consultants actifs sur le marché de l’officine, CCI consulting. « Tout était à faire. Les titulaires étaient démunis pour gérer leur entreprise à cause de leur absence de formation dans ce domaine », raconte-t-il.

Durant une quinzaine d’années, ils sont une poignée de consultants à œuvrer partout en France pour une minorité pionnière de pharmaciens. La « seconde promotion » est apparue au tournant des années 2000 avec Christian Martin, Laurence Ledreney-Grosjean, Josette Gadea… « Notre marché a connu un beau développement, notamment dans le Sud, constate Jean-Paul Sécheresse. De grosses officines ont été vendues cher. Et leurs acquéreurs souhaitaient tirer profit de la clientèle retraitée. Ces officines devaient être dynamisées et épaulées. La concurrence et la volonté de se distinguer entre elles ont aussi exacerbée la demande. » Aujourd’hui encore, le Sud semble une terre propice aux conseils. « Les pharmaciens de notre région s’interrogent beaucoup sur leur avenir et la conjoncture », observe la Marseillaise et fondatrice d’Emergence Development, Josette Gadea. Est-ce vraiment un hasard si Socco Consult, cabinet de consulting officinal existant depuis 2003, le plus prospère de France, se trouve à Aix-en-Provence ? Les prestations s’adressent aux officines qui souhaitent passer à la vitesse supérieure. Ou qui ont un problème qu’elles ne peuvent résoudre seules  : équipe démotivée, concurrence discount, etc.

Historiquement, les interventions sont très marquées « management et aide à la vente ». Mais l’offre s’est diversifiée. Ainsi, elle peut aller jusqu’à l’étuge géomarketing, ou le montage d’un dossier pour obtenir un prêt bancaire. Force est cependant de constater que les derniers consultants arrivés sur le marché exploitent, eux, de préférence, les ficelles de la politique promotionnelle. Nouveaux, Gregory Balés et François Medioni œuvrent davantage au niveau de l’« opérationnel » et de la stratégie promotionnelle. De l’affichage en vitrine jusqu’aux flyers en passant par les têtes de gondole, ils fournissent tous les documents imprimés et passent régulièrement dans l’officine pour établir ou actualiser le merchandising. Comme chez Emergence Development, où on apporte aux officinaux les outils pour les « animations prix » dans l’officine, avec négociation préalable auprès des laboratoires et création de prospectus promotionnels personnalisés.

Conseillers ou formateurs ?

En 2014, ils sont plus d’une quinzaine de consultants indépendants à œuvrer en France pour une clientèle exclusive de pharmaciens. Les « vieux de la vieille » comme Gérard Vaël et Jean-Paul Sécheresse, mais aussi Joëlle Hermouet (Formaplus) ou Philippe Lebas sont devenus les stars du secteur. Mais qu’entend-on par consultant officinal ? Cette profession encore jeune garde des contours assez flous. Car si en principe le consulting pur et dur (conseil en management, marketing, etc.) n’entre pas dans le champ du DPC et ne bénéficie donc d’aucune subvention, la formation peut s’inviter au programme des prestations. Telle une évolution « naturelle » du métier ou un « produit d’appel » pouvant être pris en charge. « Dans un premier temps, les formations peuvent être utiles pour rentabiliser une activité de conseil », confie Jean-Paul Sécheresse. Fabiole Moreddu (DTAlents) partage aujourd’hui ses interventions entre les deux activités.

En matière de consulting, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Tout commence donc par un audit de l’officine qui sert de point de départ à des recommandations et à un suivi dans le temps. Laurence Ledreney-Grosjean passe l’officine au crible selon quatre points essentiels : le titulaire, l’équipe, l’offre et la clientèle. « J’utilise notamment la méthode Arc-en-ciel ou Jung afin de savoir comment les équipes se sentent dans l’officine. L’extraverti, bon vendeur mais désordonné, ne sera pas à la meilleure place au rangement des rayons. Inversement, d’autres préféreront s’occuper des commandes ou du merchandising. Inutile de les mettre à la vente avant une formation adéquate », indique-t-elle. Retour de la pharmacie Auger à Sévres : « nous avons intégré une véritable approche du client c’est à dire savoir écouter, reformuler les demandes, savoir présenter un prix, offrir des échantillons… » Pour analyser l’équipe, Jean-Paul Sécheresse, lui, dresse un profil des préférences cérébrales selon la méthode Herrmann. Concernant la politique commerciale, Laurence Ledreney-Grosjean, qui a fait du développement de l’offre parapharmacie une de ses spécialisations, étudie le couple produit/marché de l’officine. « Je suis entrée dans une officine ou 50 % de l’offre était représentée par des produits pour bébé. Je me suis dit qu’il devait y avoir une crèche à côté. Mais non. La crèche avait déménagé depuis trois ans… Il s’agissait donc d’actualiser l’offre au lieu de la laisser dormir sur les étagères. Cadres supérieurs et écoles de commerce avaient remplacé les jeunes mamans, il fallait donc davantage de produits pour homme ou d’antiacnéiques par exemple », se souvient-elle.

Quels profils ?

Tous les intervenants que nous avons interrogés insistent sur un point : donner un conseil sur mesure au profit du pharmacien. « Même si je propose une offre générique de trade marketing avec Emergence Development, chacun de mes clients a besoin d’une intervention ciblée, soit en merchandising, soit en marketing, soit en communication point de vente », relate Josette Gadea. Capitalisant sur une expérience de dix-sept ans en tant que commerciale pour L’Oréal Cosmétique active, elle a endossé la casquette de conseillère indépendante il y a treize ans. Force est de constater que les consultants officinaux sont pour la majorité issus du secteur commercial et ont travaillé dans le domaine de la pharmacie avant de se mettre à leur compte. Ainsi, Gérard Vaël est issu d’une école de commerce et a commencé dans l’agencement d’officine. Associé du cabinet Socco Consult, Christian Martin débute sa carrière dans le développement des points de vente pour Hachette, avant de passer chez Novax. Laurence Ledreney-Grosjean, elle, cumule les expériences de visiteuse médicale, déléguée pharmaceutique et directrice de clientèle dans une agence de communication médicale. A son compte depuis peu, François Medioni a travaillé pour L’Oréal, Léa Vital (phytothérapie en grande distribution) et donné des formations en entreprise. Avant de lancer son cabinet Les Nouvelles Pharmacies, Gregory Balés a fait ses armes dans la vente (Fabre Mesurelec, Inex Agencement, Distri Club Médical) puis chez TC2 Développement, un autre cabinet de conseil pour les officines. La formation des consultants ? Ils l’ont acquise sur le terrain. « Parce que le conseil exige crédibilité et maturité, il y a peu de juniors à leur compte », constate Jean-Paul Sécheresse. « Beaucoup de consultants s’installent plutôt en deuxième partie de carrière, après s’être fait les dents dans un groupement de pharmacien, un laboratoire ou un autre secteur commercial », renchérit Laurence Ledreney-Grosjean. Quelques pharmaciens tentent aussi l’aventure du conseil. « C’est une activité exigeante ! Les deux ou trois officinaux, souvent ex-titulaires, qui apparaissent chaque année sur le marché ne tiennent pas longtemps en général », constate Jean-Paul Sécheresse. A moins qu’ils ne soient encore en activité. Tel est le cas de Jean-Patrice Folco, titulaire depuis 35 ans et expert en économie officinale. Après avoir soutenu sa thèse sur les modèles économiques de l’officine, il a fondé Méca-Pharma, un cabinet de conseil en gestion officinale.

Comment choisir ?

La réputation d’un cabinet de consulting officinal repose sur son créateur. Son portefeuille de clients réguliers pour un conseil suivi et approfondi ne dépasse pas la quarantaine par an. Avec cinq salariés à temps plein, Socco Consult, l’un des plus gros employeurs du secteur, a pour ambition de développer des franchises en France, mais aussi en Suisse et au Luxembourg. Emergence Development vient de recruter deux personnes pour faire face à l’augmentation de la demande. TC2 Développement, également basé à Marseille, compte une équipe de sept personnes, dont trois spécialisées marketing et ressources humaines. Reste que la majorité des consultants exercent seuls ou s’adjoignent ponctuellement des collaborateurs en CDD ou auto-entrepreneurs.

Vaut-il mieux s’adresser à un cabinet aguerri ou à un consultant qui débute, mais qui aura peut-être plus de temps à consacrer aux problématiques de la pharmacie ? Dans la pratique, le choix d’un conseiller se fait sur la recommandation d’un confrère. « Le bouche-à-oreille est aujourd’hui mon principal mode de recrutement, en complément de mailings », confirme Josette Gadea. Pour se faire connaître, d’autres consultants utilisent la bonne vieille méthode du démarchage téléphonique. Plus subtilement, certains se rapprochent d’experts-comptables, interviennent dans les facultés de pharmacie (Bernard Soccodato, de Socco Consult), ou encore multiplient les conférences pour les groupements ou les centres de gestion agréés.

A quel prix  ?

L’engagement d’une officine vis-à-vis d’un consultant s’étend sur la durée pour espérer des résultats. Le suivi s’étale sur un à trois ans avec facturations régulières (mensuelles, trimestrielles…) contre visite à dates convenues. Sauf réalisation de l’audit ou étude ponctuelle facturée à l’unité, le consultant est généralement rémunéré par abonnement. Ses interventions successives ont pour but de vérifier l’application des recommandations et de mesurer l’évolution vers les objectifs fixés. Les prix demandés varient selon autant de paramètres que la réputation et l’ancienneté du consultant, sa prestation, la relation tissée avec le pharmacien, etc. Jean-Paul Sécheresse a la réputation d’être cher. Pour un accompagnement annuel portant sur l’équipe, l’environnement concurrentiel, des préconisations sur les prix, la communication, l’espace de vente, l’assortiment et un suivi mensuel des résultats ainsi qu’une aide à la décision sur les choix stratégiques (incluant une veille concurrentielle), il a émis une proposition à 2 400 € par trimestre. Laurence Ledreney-Grosjean facture 2 200 € l’audit, 800 € ses visites mensuelles. Pour ses prestations d’une demi-journée à une journée, Socco Consult demande 600 € à 1 600 € (selon la taille de l’officine). Il confie accomplir près de 1 100 interventions par an  ! Le conseil opérationnel restreint à la politique commerciale est plus accessible. Il démarre à 249 par mois chez Emergence (une cinquantaine de clients abonnés). François Medioni propose des services à la carte  : le covering en vitrine est à 150 € par mois, le merchandising est à près de 50 € par mètre linéaire (300 € à 650 € en cas d’abonnement mensuel). Il travaille pour une quinzaine de clients sur du conseil pur et une centaine sur des prestations à la carte.

Une réponse à la crise ?

Tous les consultants s’accordent sur une augmentation de la demande. « Les besoins sont énormes, le pharmacien qui a la tête dans le guidon à du mal à prendre du recul seul », constate Laurence Ledreney-Grosjean. C’est bien connu : on ne s’aperçoit pas de ses propres défauts alors que ceux des autres sautent aux yeux ! Jean-Paul Sécheresse constate une évolution des officines intéressées par ses services. « A mes débuts, c’étaient les grosses structures qui me consultaient. Puis les difficultés s’amplifiant, des pharmacies plus modestes, mais qui voulaient rester dans la course, m’ont sollicité. Hélas, aujourd’hui, quand certaines appellent elles sont déjà trop malades pour être sauvées ! », analyse-t-il. D’autres n’ont carrément plus les moyens de s’offrir un accompagnement global pour une vraie conduite de projet… D’où la pertinence du diction « mieux vaut prévenir que guérir ».

Katrine Giovannangeli, titulaire de la Pharmacie des Graviers à Verneuil-sur-Seine (Yvelines)

« Des promos efficaces »

C’est sur le conseil de mon expert-comptable que j’ai eu recours à un conseiller. Je souhaitais optimiser mon merchandising pour développer mes ventes. Avec le consultant, nous avons cerné mes objectifs et il m’a indiqué de quels moyens il disposait. Pendant deux ou trois jours, il a refait la signalétique, l’étiquetage, le merchandising dans l’espace de vente ainsi que l’exposition des produits OTC en libre accès et derrière le comptoir. Puis nous avons décidé d’une opération de promotion mensuelle avec installation d’un covering en vitrine relayé par un emplacement spécifique à l’intérieur de l’officine montrant les produits en promotion. Mon consultant sait les prix à afficher pour être compétitifs. Mes sorties sont très significatives lors des promos, parfois avec des ventes multipliées par plus de trois ! »

Propos recueillis par A.A.-A.

François Roosen, titulaire à Pamier (Ariège)

« Une étude qui le vaut bien »

Après avoir repris en 86 une officine de ville, j’ai été tenté en 2006 par un transfert en zone périphérique. J’en escomptais plus de place, un parking et plus de trafic. Mais rien de sûr. Je redoutais de sauter le pas ! J’ai donc voulu m’appuyer sur une étude de marché que je pouvais aussi produire à mon banquier pour le rassurer. J’ai alors fait appel à un consultant qui s’est chargé de cette étude : reconstitution des chiffres des pharmacies du secteur, évaluation de nos futures parts de marché sur les différentes zones… Les prévisions concluantes ont déclenché le transfert qui s’est achevé en 2009, et les résultats dépassent ces prévisions ! Certes, l’étude m’a coûté 5 000 ou 6 000 €. Mais cela représente peu par rapport aux sommes investies dans le transfert. Et pour partir du bon pied sur un terrain de 2 800 m2 et une officine de 250 m2, cela les valait bien ! »

Propos recueillis par A.A.-A.

Xavier Dautezac, cotitulaire de la Pharmacie Réveillon à Albi (Tarn)

« Un regard extérieur pour avancer »

Avec près de 50 employés dans la pharmacie, nous voulions réadapter les horaires de travail inchangés depuis des années et qui étaient devenus inadaptées à la fréquentation. Ils étaient aussi complètement disparates : certains faisant 35 heures, d’autre 23 heures. Certains tenaient à leurs heures supplémentaires, d’autres n’en voulaient pas, etc. Grâce à l’intervention du consultant, nous avons pu remettre ces emplois du temps à plat sans que les changements soient mal pris. Un gros chantier. Nous avons pu aussi nous rendre compte des différents projets de vie de chacun de nos collaborateurs et de leurs attentes par rapport à l’officine. Qui voulait s’impliquer dans l’entreprise ? Qui n’en n’attendait qu’un salaire ? Enfin, avec un regard extérieur et plus objectif, nous avons évité des errements qui nous auraient longtemps pollués avec des personnes qui n’étaient pas au moment au bon endroit. Inversement, des personnes que l’on croyait démotivées ont été très faciles à remotiver. »

Propos recueillis par A.A.-A.

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