« Trop de style tue le style » - Pharmacien Manager n° 134 du 23/01/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Pharmacien Manager n° 134 du 23/01/2014
 

Face à face

Auteur(s) : Peggy Cardin-Changizi

L’Institut Français du Design (IFD) est devenu une référence, notamment grâce aux différents labels Janus qui récompensent chaque année les projets utilisant le design pour améliorer le cadre de vie. Quel est le rôle du design aujourd’hui et comment la pharmacie peut-elle en profiter ? La présidente de l’IFD nous apporte des éléments de réponse.

« Pharmacien Manager » : Quelles sont les missions de l’Institut Français du Design ?

Anne-Marie Sargueil : Créée en 1951 par le designer Jacques Viénot, l’association avait pour première vocation de faire progresser les produits de l’industrie française grâce au design. Aujourd’hui, elle a une mission de veille, de sélection (à travers le label Janus), de valorisation, de partage et d’expérimentation. Pour mener à bien cette tâche, nous identifions des experts dans différents secteurs avec pour objectif commun la diffusion de la culture de l’innovation. En résumé, nous sommes à la fois un observatoire, un conservatoire et un laboratoire.

P.M. : Vous avez créé les Janus du commerce, pourquoi ?

A.-M. S. : Notre mission avec le label Janus est de sélectionner et valoriser les bonnes pratiques et leur potentiel de déploiement, plutôt que l’œuvre en soi. Depuis 2005, le Janus du commerce récompense les enseignes utilisant le design. Il est désigné selon cinq critères, applicables quel que soit l’univers du point de vente : Economie (investissement dans une création, optimisation des coûts), Ergonomie (prise en compte du parcours client, de l’attente en caisse…), Esthétique (intégration dans l’environnement, qualité de finition, relation harmonieuse avec le produit…), Ethique (réduction de l’empreinte environnementale, solutions de respect et de confort des personnes…) et Emotion (effet whaou !).

P.M. : Comment définir le design ?

A.-M. S. : Le design est lié à la culture de l’usage et c’est en cela que c’est un territoire propre. Le design doit être au service de la personne, de l’entreprise et de la cité. Pour se différencier des autres métiers, il doit réussir plusieurs étapes : au moment de l’achat (attractivité et intérêt), de la promesse tenue à l’usage (praticité et utilité) et dans le respect de la réduction de l’empreinte environnementale. Ce dernier point se gère dès le cahier des charges, en faisant le bon choix au niveau des matériaux, de l’économie, de l’esthétique, de l’ergonomie, de l’éthique…

P.M. : Faire du design veut-il dire faire beau ?

A.-M. S. : Un design réussi doit apporter l’harmonie. Nous souhaitons sortir d’une image d’un design superficiel et onéreux qui du coup n’atteint pas son objectif. Trop de style tue le style. Le client n’est pas dupe : il sait que si le point de vente en fait trop, c’est lui qui va payer au niveau de sa facture

P.M. : Comment le design a-t-il évolué ces dernières années ?

A.-M. S. : On a vu de nouvelles tendances émerger, comme le fait de raconter une histoire, valoriser l’accueil ou l’expertise métier… Les designers sont des sociologues du comportement, des gens qui connaissent nos usages. Ils se mettent à la place du client pour trouver des solutions en matière de circulation et de parcours dans le point de vente. Chaque fois, l’œil doit s’arrêter sur quelque chose (un produit, un détail, une affiche…) qui donne envie. Parfois tout simplement envie d’entrer dans le magasin.

P.M. : C’est avant tout une histoire d’entreprise…

A.-M. S. : Oui car il y a des optimisations à apporter à des lieux. Mais c’est aussi une histoire d’hommes car le ressenti s’applique aussi bien à celui qui travaille dans le magasin qu’à celui qui le fréquente. Un designer se préoccupe de l’amélioration de l’espace de vente mais aussi du confort des collaborateurs.

P.M. : Le design doit-il rendre service ou répondre à un besoin de rentabilité ?

A.-M. S. : Les deux. A partir du moment où il y a un investissement, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur les attentes en matière de rentabilité. Le gain de temps, de conseil, de confort doit être perceptible par le client. Comme on peut l’observer dans le domaine du luxe, le design va chercher l’excellence et la qualité. Si vous n’avez pas de signes qui vont rendre visible cette démarche, elle ne sert à rien. L’idée est de créer de la valeur, c’est à dire créer un lien avec le consommateur et rentrer peu à peu dans le process de la relation. Car un client fidèle dans la durée coûte moins cher que d’en recruter un nouveau.

P.M. : A quoi sert-il pour le commerce qu’est la pharmacie ?

A.-M. S. : Par rapport à la vente de médicaments prescrits, il renforcera tout ce qui concerne le gage de sérieux, de préférence et de singularité de l’officine. Ensuite, il peut améliorer la relation avec le client/patient, la logistique, le développement des produits OTC… L’espace parapharmacie doit être bien designé aussi. Le designer sait comment les clients se comportent dans les points de vente et travaille en cela le parcours consommateur, le merchandising, des éléments de singularité, des services additionnels… L’objectif est que le client se sente bien, achète et revienne.

P.M. : D’après vous, comment se concrétise une pharmacie design ?

A.-M. S. : Déjà en ne mettant pas les mots pharmacie et design côte à côte ! Cela sous-entend que l’on a travaillé le style et que l’on va faire payer plus cher ce qui est à l’intérieur. Le design peut se concrétiser par un accueil soigné, des chaises pour s’assoir, des solutions pour réduire les files d’attente… Dès l’entrée on doit sentir un accueil, une perception de bien-être, d’écoute… Comme dans les magasins de bricolage, on pourrait trouver une zone pour les achats rapides (l’OTC en self-service) et une autre pour les achats conseil. Le designer peut travailler sur la cohérence et l’harmonie : l’offre doit être en phase avec l’endroit où elle est proposée. C’est ce que nous demandons aux designers que nous sélectionnons pour travailler dans l’univers du commerce.

P.M. : A quoi reconnaît-on un bon designer ?

A.-M. S. : C’est celui qui met ses pas dans les pas du client, et ses yeux à hdiv du client. Il doit observer, être curieux, et convainquant. Le bon designer doit faire parler son client sur ses envies, ses besoins, sa clientèle… et ses concurrents. Par ailleurs, un bon designer doit proposer à son client une prise en compte de l’impact environnemental.

Anne-Marie Sargueil, Présidente de l’Institut Français du Design

Par sa formation en sciences humaines et ses responsabilités professionnelles au sein d’industries, d’institutions et de la presse, Anne-Marie Sargueil a choisi la voie de la conjugaison des talents. Convaincue que l’innovation est le fruit de l’aventure collective, elle préside depuis 1984 l’Institut Français du Design qui décerne le label Janus (1953). L’IFD organise des expositions sur les innovations : « Inovi ces marques qui changent nos vies », « I love pack » et « Heritage by Janus ».

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