Inflation sur les prix de vente - Le Moniteur des Pharmacies n° 3460 du 08/04/2023 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
LE MONITEUR DES PHARMACIES n° 3460 du 08/04/2023
 
TRANSACTIONS EN 2022

TEMPS FORTS

ENJEUX

Auteur(s) :
Par François Pouzaud

En 2022, la hausse des prix de cession des officines se confirme sur l’ensemble du réseau malgré des volumes de transactions baissiers. Si la crise du Covid-19 a un été un facteur d’animation du marché, la période post-Covid-19, marquée par la fin de la suractivité dans un contexte de forte inflation, pourrait être à l’origine d’un contrecoup plus défavorable pour la valorisation des pharmacies en 2023.  

 

Pour sa nouvelle édition de l’étude des prix et valeurs des pharmacies, la société de financement Interfimo a analysé environ 900 transactions afin de dégager les tendances du marché 2022. La stabilité des prix en 2021 n'est plus qu'un souvenir.

 

La hausse des prix de cession en pourcentage du chiffre d’affaires (CA) se confirme sur l’ensemble du territoire, se moquant de l’inflation générale dont on aurait pu penser qu’elle affecte la valorisation des officines. La moyenne est passée de 83 à 87 % du CA HT (+ 4 points) pour les officines de plus de 1,2 M€ de CA et de 60 à 64 % (+ 4 points également) pour les officines de CA inférieur à 1,2 M€. A noter que les CA ayant servi à cette étude sont retraités des activités « Covid-19 ».

 

Christian Hayaud, qui dirige le cabinet de transactions Villard (groupe PSP Pharma), explique cette nouvelle surenchère sur le prix des belles affaires par une accumulation de trésorerie : « Le cash disponible a été utilisé par les titulaires pour investir au moment où les taux d’intérêt étaient encore faibles dans des belles pharmacies à des prix de convenance. » C’est également la raison qu’il avance pour justifier du bond important des prix de cession sur Paris (+ 14 points à 89 % du CA HT), qui rejoint les régions les plus chères en 2022. « L’argent d’un investisseur n’a pas la même valeur que celui d’un primo-accédant : il saisit l’opportunité d’un investissement en y mettant le prix afin d’augmenter son capital professionnel, plutôt que de vendre des parts de société dont la plus-value sera soumise à la flat tax », enchaîne Gilles Andrieu, dirigeant du cabinet Espace (groupe PSP Pharma).

Tension à tous les étages

 

Une hausse de 4 points des prix des petites officines a de quoi surprendre. Mais pour Jean-Luc Guérin, directeur général du cabinet Pharmathèque, cette augmentation est en trompe-l’œil. « Celles qui se sont vendues correspondent au gratin de ce marché mais, pour avoir la vraie valeur moyenne, il faudrait prendre en compte les valorisations de toutes celles qui restent invendues faute de repreneur et qui ne rentrent donc pas dans les statistiques d’Interfimo. » Y compris pour des petites officines, « leur prix de cession peut être déconnecté de la réalité économique, si l’achat est stratégique par exemple, suivi d’un transfert », explique Jérôme Capon, directeur du réseau chez Interfimo. 

 

Le prix de cession moyen des officines en fonction du degré de rentabilité reflète aussi la tendance haussière. Jérôme Capon précise que le multiple de l’excédent brut d’exploitation (EBE) pour déterminer le prix du fonds est non retraité des activités « Covid-19 », mais les officines cédées ayant réalisé plus de 4 % de CA « Covid-19 » ont été exclues du panel étudié.

 

Dans ce paysage toujours hétéroclite des cessions d’officine, la tension sur les prix s’accentue sur les pharmacies de taille importante, au-delà de 2 M€ où le prix négocié est souvent supérieur à la valorisation économique, du fait d’une offre assez faible et d’une forte demande. « Il y a une telle distorsion entre les deux qu’elle gomme le surcoût des officines lié à l’évolution du taux de crédit », souligne Jean-Luc Guérin.

 

Si la hausse des taux d’intérêt depuis mai 2022 n’a pas affecté la valorisation des officines, « c’est en raison du décalage lié au calendrier de l’installation : la hausse des taux n’a pas pu se répercuter sur le marché des prix de 2022 », explique Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. « Une transaction réalisée en 2022 s’est négociée entre juillet et septembre 2021 sur la base de bilans comptables de 2020 », illustre Jérôme Capon. Et d’ajouter : « L’inflation et le Covid-19 complexifient l’élaboration des prévisionnels des acquéreurs. Les retraitements d’activité nécessitent de faire appel à des conseils spécialisés (experts-comptables, cabinets de transactions, etc.). »

 

Enfin, la crainte d’un renchérissement des prix induite par la possibilité d’amortir le fonds commercial a été vite balayée d’un revers de manche car « il y a très peu d’engouement des acquéreurs pour cette option », rapporte Jean-Michel Simonetti, dirigeant du cabinet de transactions Channels.

Volumes en diminution

 

En revanche, les volumes de transactions se sont montrés plus sensibles aux événements de l’année écoulée, marquée au premier semestre par une reprise du Covid-19 et par un condiv d’élection présidentielle – période toujours empreinte d’attentisme –, puis surtout au second semestre par une envolée des taux d’intérêt rendant le financement plus élevé et, par conséquent, l’acquisition d’officines par de jeunes diplômés plus difficile.

 

Sur l’exercice 2022, Interfimo recense près de 1 500 opérations, soit un total de cessions de fonds de commerce et de parts sociales en involution de 7 %. Le flottement des cessions a été notable en janvier-février 2022. « On manquait de produits à la vente en début d’année », confie Jean-Michel Simonetti.

 

La fluidité du marché est taille-dépendante. Les ventes de petites pharmacies sont de plus en plus faibles en nombre. « Elles ne représentent plus que 15 % des transactions, contre 25 % l’année dernière. Il s’agit d’un marché à part, avec des prix de cession très bas », commente Jérôme Capon. Les 85 % de transactions restantes polarisent les acquéreurs.

Inflation : des prévisionnels à adapter

 

En 2023, l’inflation des taux risque de dévoiler au grand jour une baisse des prix de cession que les opérateurs du marché appellent de leurs vœux. Mais ce n’est pas garanti. De fait, les prévisionnels des acquéreurs devront se montrer prudents cette année. « Ils devront aussi être vigilants dans le choix de leurs boosters d’apport et de leurs montants », conseille Jérôme Capon. Les boosters d’apport initialement développés pour compléter l’apport personnel du jeune professionnel vont désormais financer le « surprix » lié à l’augmentation des taux d’intérêt. « Un cumul de ces aides financières pourrait mettre en difficulté les jeunes installés en créant un mur de dettes », craint-il. Il ne cache pas que la hausse des taux et celle des coûts d’exploitation des officines commencent à avoir des impacts sur la rentabilité prévisionnelle prise en compte par les banques dans l’analyse des dossiers de financement. « Le condiv inflationniste et le retrait des activités “Covid-19” laissent présager une baisse de rentabilité des officines à volumes constants », lâche Olivier Delétoille.

 

« Soit les jeunes devront présenter plus d’apport personnel, soit le prix de cession devra baisser », tranche Gilles Andrieu. Mais en aucun cas, le jeune ne devra décemment sacrifier sa juste rémunération de gestion pour que son dossier passe auprès des banques. « Elles seront plus attentives aux prévisionnels présentés. En ce qui nous concerne, nous refuserons les dossiers où la rémunération ressort à 24 000 € par an », prévient Jérôme Capon.

 

Les évolutions des prochains mois seront scrutées de près. « Cette période peu lisible sur le plan économique pourrait ne pas épargner l’officine de l’effet de ciseau entre la baisse pressentie de l’EBE et la hausse des taux d’intérêt », prévient Joël Lecoeur. Même s’il décroît, l’EBE devra couvrir la hausse des taux d’intérêt.

Baisse des prix en 2023 : qui sera épargné ?

 

Selon Jérôme Capon, le marché pourrait devenir attentiste en 2023, entre des acquéreurs sensibilisés par la hausse des taux et de l’inflation et les vendeurs qui ne seront pas déterminés à descendre leur prix. Le marché pourrait se crisper et, seulement au bout d’un certain temps, aurait un impact à la baisse sur les prix de cession, toujours d’après lui.

 

L’inflation sur les prix de cession des pharmacies de 2 M€ et plus pourrait se poursuivre, selon les cabinets de transactions, en dépit de la hausse des taux d’emprunt. « Le marché se corrige toujours de lui-même. S’il y a 10 acheteurs pour 1 vendeur, il y aura toujours dans le lot un acquéreur qui aura la capacité financière de surpayer le fonds et le surcoût lié à la hausse des taux », explique Jean-Luc Guérin.

 

Les prix de ventes des officines sont en nette progression en 2022 en pourcentage du chiffre d’affaires (CA), avec une hausse de 4 %, pour les pharmacies de plus de 1,2 M€ de CA (à 87 %), mais aussi pour celles de moins de 1,2 M€ de CA (à 64 %). Le prix de vente en pourcentage de rentabilité n’est pas en reste : il passe à 6,7 fois l’excédent brut d’exploitation (+ 0,1 %) pour les pharmacies de plus de 1,2 M€ de CA.

 

Le marché a été cependant moins animé, avec une baisse de 7 % des transactions, à 1 490 opérations en 2022.

 

L’inflation qui sévit depuis 2022 risque de marquer 2023 et d’entraîner, selon les spécialistes, si ce n’est une baisse des prix de cession, un attentisme du marché.

 
 
 

À retenir 

Les prix de ventes des officines sont en nette progression en 2022 en pourcentage du chiffre d’affaires (CA), avec une hausse de 4 %, pour les pharmacies de plus de 1,2 M€ de CA (à 87 %), mais aussi pour celles de moins de 1,2 M€ de CA (à 64 %). Le prix de vente en pourcentage de rentabilité n’est pas en reste : il passe à 6,7 fois l’excédent brut d’exploitation (+ 0,1 %) pour les pharmacies de plus de 1,2 M€ de CA.

Le marché a été cependant moins animé, avec une baisse de 7 % des transactions, à 1 490 opérations en 2022.

L’inflation qui sévit depuis 2022 risque de marquer 2023 et d’entraîner, selon les spécialistes, si ce n’est une baisse des prix de cession, un attentisme du marché.

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