La lévodopa - Le Moniteur des Pharmacies n° 3456 du 11/03/2023 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
LE MONITEUR DES PHARMACIES n° 3456 du 11/03/2023
 

EXPERTISE

PHARMACOLOGIE

Auteur(s) :
Par Maïtena Teknetzian

La lévodopa, précurseur de la dopamine, constitue le traitement de référence de la maladie de Parkinson. Cependant, elle expose à des fluctuations d’efficacité plus marquées que les agonistes dopaminergiques, dépendantes de ses caractéristiques pharmacocinétiques.

Mode d’action

 

Précurseur de la dopamine

La lévodopa (ou L-dopa) est utilisée dans le cadre d’un traitement substitutif dopaminergique appelé dopathérapie. Acide aminé précurseur physiologique de la dopamine, elle franchit la barrière hématoencéphalique à la différence de la dopamine.  

La lévodopa est transformée en dopamine par la dopadécarboxylase, enzyme présente au niveau cérébral mais également au niveau digestif. Elle est donc systématiquement associée à un inhibiteur de la dopadécarboxylase (le bensérazide ou la carbidopa), ne passant pas la barrière hématoencéphalique : ainsi, cet inhibiteur évite la transformation périphérique de lévodopa en dopamine et prévient ses effets indésirables (toxicité cardiaque et digestive), sans bloquer la conversion au niveau cérébral en dopamine.

Un inhibiteur de catéchol-O-méthyltransférase peut être ajouté à la dopathérapie (entacapone dans Comtan et Stalevo ou tolcapone dans Tasmar). Inhibant l’enzyme qui dégrade la lévodopa en métabolite inactif, il augmente les taux de lévodopa et en prolonge la durée d’action. La tolcapone est moins utilisée que l’entacapone en raison de son risque d’hépatotoxicité. Ces médicaments ne s’emploient que conjointement à la dopathérapie.

Indications

 

Patients parkinsoniens

La dopathérapie est indiquée dans le traitement symptomatique de la maladie de Parkinson et des syndromes parkinsoniens neurodégénératifs.

Elle est recommandée chez les sujets de plus de 65 ans en cas de gêne fonctionnelle marquée et chez des sujets plus jeunes lorsque les agonistes dopaminergiques ne suffisent plus ou s’ils sont mal tolérés.

Les inhibiteurs de catéchol-O-méthyltransférases sont indiqués en association avec la dopathérapie chez des patients présentant des fluctuations motrices de fin de dose.

Pharmacocinétique

 

Demi-vie courte

La lévodopa n’est pas absorbée au niveau de l’estomac et atteint plus ou moins vite le jéjunum, lieu de son absorption, en fonction de l’acidité gastrique et du bol alimentaire.

Elle est distribuée dans le sang sous forme non liée aux protéines plasmatiques et franchit la barrière hématoencéphalique par transport actif.

La lévodopa est principalement métabolisée en dopamine (décarboxylation par la dopadécarboxylase) et en 3-O-méthyldopa (méthylation par la catéchol-O-méthyltransférase), métabolite inactif.

Elle est éliminée majoritairement par les reins sous forme de métabolites de la dopamine. Sa demi-vie est de 1 heure en moyenne et de 3 heures lorsqu’elle est associée à un inhibiteur de dopadécarboxylase.  

Effets indésirables

 

Digestifs et psychiques

La dopathérapie peut induire des effets indésirables digestifs (nausées, vomissements, troubles du transit) et des difficultés motrices liées aux fluctuations d’action du traitement et à la progression de la maladie de Parkinson : dyskinésie aux pics de dose (mouvements anormaux involontaires), akinésie en fin de dose (difficulté à instaurer un mouvement), effet « on/off » (fluctuations motrices très brutales). Elle peut aussi provoquer une somnolence, des accès brutaux de sommeil, ainsi que des troubles psychiques (confusion, hallucinations visuelles, troubles du contrôle des impulsions : jeux d’argent, hypersexualité, dépenses compulsives, troubles alimentaires) en raison de la stimulation de la zone mésocorticolimbique. Des troubles cardiovasculaires (hypotension orthostatique, palpitations) sont liés à une stimulation dopaminergique périphérique.

La dopathérapie induit moins de perturbations psychiques que les agonistes dopaminergiques mais elle expose davantage au risque de fluctuations d’efficacité et de dyskinésies en raison d’un effet plus long à se mettre en place (résorption digestive longue) et plus bref (demi-vie courte) entraînant une stimulation pulsatile du striatum.

La lévodopa peut colorer la salive et les urines en noir (sans signification clinique). A noter que les inhibiteurs de catéchol-O-méthyltransférases sont également susceptibles de modifier la couleur des urines (en rouge orangé pour l’entacapone et en jaune intense pour la tolcapone).

L’arrêt brutal de la dopathérapie expose au risque de survenue d’un pseudosyndrome malin de neuroleptique (hyperthermie, hypertonie, etc.).

Contre-indications

 

Psychoses graves

 

La lévodopa est contre-indiquée en cas de psychoses graves, de confusion mentale, d’accidents cardiaques avec angor, de troubles du rythme cardiaque récents et de glaucome à angle fermé.

Interactions

 

Ne pas associer aux antagonistes dopaminergiques

Du fait d’un antagonisme réciproque, l’association de la lévodopa avec les neuroleptiques antiémétiques qui passent la barrière hématoencéphalique est contre-indiquée (métoclopramide, métopimazine et alizapride). Celle avec les neuroleptiques antipsychotiques (sauf la clozapine) est déconseillée, comme avec le tétrabénazine (Xenazine).

La lévodopa est également contre-indiquée avec la réserpine (Tensionorme), car cette dernière inhibe ses effets.

Surveillance

 

Pression artérielle

La pression artérielle doit être surveillée pour dépister une hypotension orthostatique. Il convient de signaler l’apparition de troubles du comportement au médecin.

Des mouvements anormaux signent un surdosage alors que la persistance de la rigidité ou de l’akinésie traduit une posologie insuffisante. Ces troubles moteurs nécessitent d’orienter vers le médecin en vue d’une modification de la galénique (forme orodispersible d’action plus rapide, le matin par exemple, pour jouer le rôle de « starter ») comme d’une réévaluation des posologies ou des rythmes de prise (fractionnement des doses ou utilisation de formes à libération prolongée). 

 
 
 
 
 
 
 

Administration entérale continue de lévodopa

L’administration de lévodopa/carbidopa par sonde entérale permet de s’affranchir du passage de l’estomac et d’assurer des taux réguliers de lévodopa dans le sang puis dans le cerveau.

Dans quelles situations ? Elle est proposée en cas d’insuffisance des traitements antiparkinsoniens administrés par voie orale chez des patients très gênés par des fluctuations motrices. Une intervention chirurgicale (suivie d’une hospitalisation de 2 semaines) est nécessaire pour créer une stomie permettant de mettre en place une sonde intrajéjunale reliée à une pompe qui délivre en continu un gel de lévodopa/carbidopa dans une cassette (Duodopa). Duodopa est inscrit sur la liste de rétrocession et dispensé par les pharmacies hospitalières. 

En pratique. Dans la pompe, les cassettes de Duodopa doivent être changées quotidiennement. Elles se conservent au réfrigérateur. La pompe n’étant pas étanche, il est nécessaire de la déconnecter de la sonde pour la toilette ; cette dernière est obturée par un bouchon et la stomie recouverte d’un pansement imperméable.

Surveillance. Une surveillance infirmière de la stomie et de la sonde est nécessaire. Il existe un risque de carence en vitamine B12, ce qui nécessite d’être attentif aux signes évocateurs de neuropathie distale : des fourmillements ou des engourdissements dans les jambes doivent être signalés sans tarder au médecin.

  • Sources : site du Collège national de pharmacologie médicale, pharmacomedicale.org ; congrès Formathon, « La maladie de Parkinson »  ; guide « Chaque jour avec Duodopa », abbVie ; guide Prescrire des interactions médicamenteuses ; Thésaurus des interactions médicamenteuses de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé ; base de données publique des médicaments.

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