Tendre la main au comptoir - Le Moniteur des Pharmacies n° 3438 du 05/11/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3438 du 05/11/2022
 

Aidants et dépendance

Accompagnement

Auteur(s) : Matthieu Vandendriessche

Les proches aidants sont 9 à 11 millions en France. Tous les jours, ils se présentent dans les officines. Faut-il évoquer avec eux leur situation ? Si oui, comment et pour quoi faire ? Réponses d’experts.

REPÉRER

Qu’est-ce qu’un proche aidant ?

La loi de décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement définit le proche aidant comme celui ou celle « qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » d’une personne en perte d’autonomie du fait de l’âge, de la maladie ou d’un handicap. Une définition large qui engloberait de 9 à 11 millions de personnes en France. « Cette population ne constitue évidemment pas une catégorie homogène, souligne Valérie Bergua, maître de conférences en psychogérontologie à l’université de Bordeaux (Gironde). Il y a une distinction selon l’âge, le type d’aide, sa durée et le niveau d’implication. » Cette implication dépend de la situation de la personne aidée. « Les problématiques peuvent être différentes s’il s’agit d’un cancer, d’une dépression, de la maladie d’Alzheimer ou d’un accident vasculaire cérébral. » L’aide ne sera pas la même si la pathologie est marquée par des rémissions ou une dégradation progressive des capacités cognitives. « De plus, face à une situation identique, deux aidants peuvent ne pas éprouver les mêmes besoins ni les mêmes difficultés », précise Valérie Bergua.

Comment le reconnaître ?

« Les équipes officinales sont en première ligne pour identifier et orienter l’aidant. Il est amené à se présenter seul au comptoir avec une ordonnance qui n’est pas pour lui. Nous pouvons avoir une autre approche que le médecin, qui souvent reçoit en consultation le patient accompagné de l’aidant et travaille en temps limité », affirme Maxime Smadja, pharmacien titulaire à Chatou (Yvelines) et président de l’association de soutien Avec nos proches. L’aidant peut aussi être identifié lors d’un bilan partagé de médication ou d’un entretien pharmaceutique. Dans sa situation, un amaigrissement, des marques de fatigue ou un changement d’humeur sont des signaux auxquels il faut être attentif, relève Juliette Le Rouge, pharmacienne installée à Annequin (Pas-de-Calais) et experte de cette prise en charge.

ABORDER

Comment évoquer sa situation avec lui ?

« L’échange autour de sa situation d’aidant et de ses difficultés éventuelles émanera le plus souvent de la situation médicale de la personne aidée. L’ordonnance peut ainsi être un support de communication sur la situation et les appuis dont l’aidant peut avoir besoin », rapporte Valérie Bergua. Pour approfondir le questionnement, Juliette Le Rouge préconise de l’axer sur l’organisation (« C’est vous qui vous occupez de votre père ? Comment cela se passe-t-il pour vous au quotidien ? ») plutôt que sur l’état de l’aidant (« Et vous, comment allez-vous ? »), qui peut faire illusion. C’est moins le cas aujourd’hui qu’il y a quelques années mais l’aidant peut éprouver une difficulté à s’identifier comme tel. C’est pourtant l’une des étapes indispensables pour qu’il soit reconnu et accepte d’être soutenu. « L’aidant doit être conscient de ce qu’il fait pour son proche et de l’impact que cela peut avoir sur sa vie personnelle », synthétise Maxime Smadja. Le pharmacien lui demande pour ce faire : « Pourriez-vous partir en vacances sans que cela pose problème ? » Plus tard dans la conversation, il peut être bénéfique pour l’aidant qu’il quantifie son implication hebdomadaire en nombre de jours et d’heures. « Il faut lui permettre de verbaliser ce qu’il n’arrive pas à faire », conseille Juliette Le Rouge. Selon cette dernière, « l’échange peut être très court, de l’ordre d’une poignée de minutes. Il peut avoir lieu pendant la facturation de l’ordonnance de la personne aidée ». La pharmacienne rappelle que tous les aidants ne sont pas en situation de détresse : « Ne cherchez pas absolument à leur trouver des problématiques. Mais soyez vigilant à celles qui pourraient survenir du fait d’un manque d’informations. » Autre préjugé à battre en brèche : les niveaux d’implication et de souffrance seraient corrélés. Or « la situation peut être plus pesante pour un aidant peu impliqué que pour un autre proche qui interviendrait plus régulièrement », souligne Valérie Bergua.

Quelle attitude adopter lorsqu’il se confie ?

« Certains aidants peuvent avoir des réactions émotionnelles vives si l’on s’est peu intéressé à eux jusqu’ici, constate Maxime Smadja. En ouvrant le dialogue, l’aidant peut exprimer une souffrance, un épuisement moral ou même une culpabilité à se plaindre et le sentiment de ne pas être à la hdiv. » L’échange mobilise une écoute active et sans jugement. « Ce n’est pas à l’équipe de mettre des mots sur ce qui arrive à l’aidant, recommande le pharmacien. Il ne s’agit pas de penser à sa place car nous avons très souvent des idées préconçues sur sa situation. »

ORIENTER

Quels sont les besoins de l’aidant ?

Lorsque l’aidant évoque ses difficultés, vous pouvez identifier ses limites. « Prenez un acte en particulier et demandez-lui si cela le dérange de l’exécuter, suggère Maxime Smadja. C’est à l’aidant de voir ce qui lui pèse et ce qu’il aime faire dans la liste de ses interventions qu’il a dressée. » Certaines de ses activités seront donc préservées. « C’est le cas d’aidants qui aiment faire les courses. Ils n’ont pas besoin de portage de repas mais de la présence d’une auxiliaire de vie pour continuer à sortir pour leurs achats et rencontrer des connaissances », pointe Valérie Bergua. Attention : les aidants peuvent avoir besoin de soutien au-delà de la période durant laquelle ils se sont mobilisés. « Si le proche intègre une institution ou qu’il décède, l’aidant peut éprouver du jour au lendemain une sensation de vide alors même que ses difficultés perdurent, expose la spécialiste en psychogérontologie. Il lui faut alors se repositionner, se réorganiser. Il y a des aidants qui le restent toute leur vie. Lorsqu’ils sont jeunes en particulier, ils se construisent comme tels dans leur rapport à l’autre. »

Quelles solutions lui apporter ?

« Il y a deux types d’aides : celles associées à la prise en charge de la personne aidée et celles directement liées aux problématiques des aidants », rappelle Valérie Bergua. Le professionnel doit pouvoir orienter vers des structures d’écoute et de soutien. « Certaines solutions sont à mettre en place de manière précoce car la situation peut se dégrader et l’aidant perdre pied », indique Maxime Smadja. A l’officine, des flyers sont mis à disposition avec le contact d’une ligne d’écoute. Un membre de l’équipe est formé et sera référent de l’approche auprès de ses collègues. « Si on est amené à orienter un aidant, il faut que ce soit concret, affirme Valérie Bergua. Une information précise vaut mieux que dix dont il ne fera rien. Cela veut dire donner le nom d’un professionnel, d’un coordonnateur ou le numéro de téléphone d’un service du centre communal d’action sociale (CCAS) en particulier. » Une précaution qui ne garantit pas la réussite de l’entreprise. « Même lorsqu’on leur présente, les aidants ne se saisissent pas des dispositifs, qui sont complexes. Et ils peuvent avoir affaire à des interlocuteurs différents et devoir les contacter à des heures durant lesquelles ils sont eux-mêmes au travail », témoigne Juliette Le Rouge. L’aidant peut être orienté si besoin vers la consultation d’un médecin, si possible différent de celui du patient aidé. Il est utile, dans tous les cas, de faire un retour de cette prise en charge auprès du médecin traitant. A l’officine, tout n’est cependant pas possible. « Les ateliers collectifs au cours desquels des aidants pourraient s’exprimer en groupe ne peuvent être organisés à la pharmacie car ils ne seraient pas conformes au devoir de confidentialité qui s’applique aux professionnels de santé », précise Maxime Smadja.

Aide aux aidants : auprès de qui se former ?

- Association Avec nos proches, en partenariat avec l’université de Bordeaux : formation éligible au développement professionnel continu (DPC), en e-learning, sur l’accompagnement et l’orientation des proches aidants à l’attention des professionnels de santé. L’association fournit également un kit de sensibilisation à la situation des aidants, avec affiches et flyers.

Informations sur avecnosproches.com.

Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped), université de Bordeaux : diplôme universitaire (DU) aide psychosociale à l’aidant ouvert aux professionnels du champ sanitaire et médicosocial et permettant d’évaluer les besoins des proches aidants.

De janvier à septembre.

Durée de l’enseignement : 140 heures (présentiel et distanciel).

Informations sur isped.u-bordeaux.fr/FORMATION/Masters-DUs-DIUs.

Association française des aidants : nombreuses formations portant notamment sur la prise en compte de la santé des aidants ou leur accompagnement par l’éducation thérapeutique.

Informations sur aidants.fr, onglet « Vous êtes professionnels ».

- L’enseigne Pharmodel, impliquée depuis une dizaine d’années sur le sujet des aidants, propose une démarche de formation et de certification pour les accompagner.

- Le groupe Welcoop, les enseignes Giropharm et Alphega Pharmacie, le laboratoire Teva Santé se sont également positionnés sur cette thématique.

Professionnels de santé : peuvent encore mieux faire !

Une enquête menée en 2019 par l’association Avec nos proches révèle que les trois quarts des professionnels* interrogés remarquent une détérioration de l’état de santé des proches aidants. Mais seulement la moitié d’entre eux considère l’aidant comme un patient à part entière. Aux yeux du professionnel, il est d’abord un vecteur d’information entre le patient et lui, mais aussi un appui pour améliorer sa prise en charge. Les professionnels admettent avoir des difficultés à communiquer avec les aidants. En premier lieu parce que la relation patient-aidant ne permet pas au soignant de s’y insérer, en particulier lorsqu’elle est conflictuelle. Seulement 18 % des professionnels de santé abordent systématiquement les difficultés rencontrées par les aidants (66 % les évoquent souvent). C’est à ces derniers qu’il reviendrait de se manifester…

* 631 professionnels de santé interrogés : médecins, pharmaciens, préparateurs, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes.

VALÉRIE BERGUA, maître de conférences en psychogérontologie à l’université de Bordeaux (Gironde).

MAXIME SMADJA, pharmacien titulaire à Chatou (Yvelines) et président de l’association de soutien Avec nos proches.

JULIETTE LE ROUGE, pharmacienne installée à Annequin (Pas-de-Calais) et experte de cette prise en charge.

La mise à jour Ségur de votre LGO a-t-elle été installée ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !