Optimisation de la prise en charge du sujet âgé - Le Moniteur des Pharmacies n° 3437 du 29/10/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3437 du 29/10/2022
 

Cahier Formation

CONSEIL

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Portrait de la personne âgée

QU’EST-CE QU’UN PATIENT ÂGÉ ?

Définitions

• L’entrée dans la vieillesse ne peut être déterminée à partir du seul âge chronologique. L’hétérogénéité de l’état de santé de la population âgée explique qu’il n’existe pas, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de personne âgée « type ». C’est pourquoi on considère comme patient âgé la personne de plus de 75 ans mais aussi celle de plus de 65 ans polypathologique.

• 75 ans est l’âge à partir duquel les hôpitaux accueillent les patients en service de gériatrie. Toutefois, certains seniors sont robustes et en bonne santé alors que d’autres, éventuellement plus jeunes, sont considérés comme fragiles, voire dépendants. Selon la Société française de gériatrie et gérontologie, « le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’événements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisations et d’entrées en institution ». Fragilité et comorbidités sont étroitement liées.

Critères de fragilité

Il existe plusieurs approches pour repérer les personnes âgées fragiles. Parmi celles validées par les gériatres (grille Sega, échelle de Rockwood, etc.), le modèle décrit par Fried en 2001 est simple à mettre en œuvre mais présente l’inconvénient de ne pas tenir compte de l’état cognitif du patient. Il retient cinq critères : sédentarité, perte de poids récente, épuisement, diminution de la force musculaire, ralentissement de la vitesse de marche. Un sujet âgé est considéré comme fragile s’il réunit au moins trois de ces critères.

MODIFICATIONS PHARMACOCINÉTIQUES

Absorption

La vitesse de vidange gastrique et la motilité intestinale diminuent avec l’âge, ce qui peut retarder l’absorption des médicaments. Par ailleurs, le pH gastrique augmente, ce qui peut favoriser une libération plus précoce des principes actifs contenus dans les formes galéniques gastrorésistantes, majorant leur toxicité digestive.

Distribution

Hypoalbuminémie

Chez le sujet âgé, l’albuminémie est diminuée par rapport à celle de l’adulte jeune. Les médicaments à forte affinité pour l’albumine (antivitamine K, sulfamides hypoglycémiants, hormones thyroïdiennes, antifongiques azolés, anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS, etc.) circulent davantage dans le sang sous forme libre (non liée à l’albumine), avec un risque accru de surdosage.

Modification des volumes de distribution

La diminution de la masse maigre au profit de la masse grasse augmente le volume de distribution des médicaments liposolubles, comme les benzodiazépines, dont la demi-vie s’allonge (celle-ci étant proportionnelle au volume de distribution). Le volume de distribution des médicaments hydrosolubles est en revanche diminué du fait d’une baisse d’environ 15 % du volume d’eau corporelle consécutive aux troubles d’hydratation fréquents chez le sujet âgé. Ces particularités modifient les concentrations plasmatiques des médicaments avec une potentielle majoration de leur toxicité.

Métabolisme

Du fait d’une diminution de la perfusion hépatique et de l’activité des cytochromes P450, la capacité à métaboliser les médicaments et la clairance hépatique diminuent chez la personne âgée. Cela augmente la biodisponibilité des médicaments fortement soumis à l’effet de premier passage hépatique et les concentrations plasmatiques des médicaments métabolisés par le foie.

Elimination

Le vieillissement s’accompagne d’une diminution de la perfusion rénale, ainsi que d’une réduction du nombre de néphrons fonctionnels. Cela provoque une altération progressive de la filtration glomérulaire dont la valeur chez le sujet de 80 ans est inférieure de 30 à 50 % à celle de l’adulte jeune. Il en résulte un allongement de la demi-vie des médicaments avec un risque d’accumulation de ceux à élimination rénale majoritaire : paracétamol, morphine, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), dabigatran, digoxine, héparines de bas poids moléculaire (HBPM), inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), lithium, metformine, méthotrexate, etc.

MODIFICATIONS PHARMACODYNAMIQUES

Chez la personne âgée, des altérations des systèmes de régulation ou des fragilités tissulaires modifient la réponse à certains médicaments et majorent leur toxicité.

Altération de la barrière hématoencéphalique

La barrière hématoencéphalique est plus perméable chez la personne âgée, ce qui majore le risque d’effets indésirables centraux des médicaments, y compris de ceux visant une cible périphérique comme les anticholinergiques urinaires ou à visée décongestionnante, les antiémétiques antagonistes dopaminergiques ou les β-bloquants liposolubles.

Altération du système de thermorégulation

• L’altération du système de régulation de la température corporelle rend la personne âgée plus vulnérable au syndrome d’épuisement-déshydratation, en particulier en cas de traitement par diurétiques, IEC, ARA II ou AINS. Cela est renforcé par les troubles de l’hydratation, fréquents du fait de la diminution de la sensation de soif.

• Le syndrome d’épuisement-déshydratation apparaît en quelques jours et se manifeste par une asthénie, une hypotension, une tachycardie, une sécheresse cutanéomuqueuse et une confusion. En cas d’hyponatrémie (< 135 mmol/l) associée, on retrouve aussi des nausées et des vomissements, une faiblesse, voire des convulsions.

Altération des barorécepteurs

Chez la personne âgée, les barorécepteurs (détectant les variations de pression lors des changements brutaux de position) sont altérés. Cela prédispose à une hypotension orthostatique notamment lorsque le sujet âgé est traité par antiparkinsoniens, médicaments adrénolytiques (comme les antidépresseurs tricycliques et les neuroleptiques), α-bloquants urinaires, dérivés nitrés, mais surtout antihypertenseurs, lesquels représentent la première cause iatrogène d’hypotension orthostatique dans la population âgée.

Altération des systèmes de régulation glycémique

• Du fait du vieillissement du système nerveux autonome, on observe une diminution de la sensibilité des récepteurs aux catécholamines (avec une réduction des réponses sympathiques permettant de corriger une hypoglycémie) et une diminution de la sécrétion de glucagon. Les personnes âgées sont donc particulièrement sensibles aux épisodes d’hypoglycémie.

• Par ailleurs, les manifestations cliniques annonciatrices d’hypoglycémie sont atypiques chez le sujet âgé, ce qui peut retarder le diagnostic ainsi que la prise en charge et en aggraver les conséquences. En effet, chez le sujet âgé, une hypoglycémie est susceptible de se traduire par une asthénie, des nausées, des troubles de l’humeur, une dégradation psychomotrice, voire une confusion.

Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), diplômée en gérontologie et pharmacie clinique

Iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé

FACTEURS DE RISQUE

Polypathologie

• Les comorbidités ont des répercussions sur la tolérance des médicaments. Elles peuvent aussi décompenser sous l’effet de certains traitements. La polymédication qui en résulte est également un facteur de risque d’iatrogénie.

Comorbidités

• Les pathologies rénales ou hépatiques modifient le métabolisme et l’élimination des médicaments. Une infection intercurrente aiguë peut déséquilibrer un traitement antidiabétique ou anticoagulant oral.

• L’ostéoporose, dont l’incidence augmente avec l’âge, aggrave les conséquences d’une chute iatrogène (liée à une hypotension orthostatique, à une hypoglycémie, etc.).

• Par ailleurs, les pathologies s’aggravent parfois sous l’effet de certains médicaments : les anticholinergiques peuvent provoquer une rétention urinaire aiguë et un globe vésical (distension de la vessie liée à la rétention), chez les patients souffrant d’adénome de la prostate, ou aggraver une démence ; les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent provoquer la décompensation d’une insuffisance cardiaque ; les vasoconstricteurs exposent au risque de poussée hypertensive en cas d’hypertension artérielle sous-jacente.

Polymédication

• La polymédication est un facteur de risque iatrogène car elle diminue la qualité de l’observance thérapeutique et majore la probabilité de survenue d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses.

• Le seuil le plus fréquemment retenu pour considérer un patient comme polymédiqué est celui de 5 médicaments journaliers. Selon le « Guide d’accompagnement des patients » validé par la Haute Autorité de santé dans le cadre du bilan partagé de médication, 3,9 millions de personnes âgées sont considérées comme particulièrement exposées aux risques iatrogènes liés à la polymédication.

• D’après l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), le fait d’être en affection longue durée (ALD) augmente le risque de polymédication. Les trois ALD les plus associées à une polymédication sont l’insuffisance respiratoire, le diabète et la maladie de Parkinson.

Entraves à l’observance

• Selon un sondage mené en 2015 par l’Institut français des seniors à la demande du Leem (Les Entreprises du médicament), 19 % des seniors reconnaissent qu’il leur est arrivé d’oublier de prendre leur médicament, 16 % disent avoir arrêté un médicament de leur propre initiative et 2 % s’être trompés dans les doses.

• En plus des défauts d’observance intentionnelle par crainte d’effets indésirables ou méconnaissance de l’intérêt de ses médicaments et/ou de sa pathologie, une personne âgée peut être confrontée à différents obstacles générant involontairement une mauvaise adhésion thérapeutique.

Troubles cognitifs. Les éventuels troubles mnésiques sont responsables d’erreurs d’observance et donc de sous-dosages ou au contraire de surdosages.

Déficits sensoriels. Les troubles auditifs perturbent la bonne compréhension des informations données par les professionnels de santé. L’existence de troubles visuels peut être à l’origine de confusions entre médicaments, de difficultés à visualiser des quarts de comprimé, à compter des gouttes ou à lire les notices.

Troubles fonctionnels et moteurs. Ils constituent une entrave à l’ouverture de blisters ou de flacons, à la préhension des comprimés, à l’utilisation correcte des dispositifs d’inhalation, ou à l’instillation de collyres.

Troubles de la déglutition. Ils rendent plus difficile l’administration orale des médicaments et peuvent constituer une entrave à la bonne observance. Ils sont susceptibles d’entraîner des fausses-routes, qui peuvent par exemple être à l’origine de pneumopathies lipoïdes en cas d’inhalation bronchique de laxatifs lubrifiants.

Facteurs sociaux. L’isolement social (qui touche en France un quart des personnes de plus de 75 ans), la dépendance et la précarité sont des facteurs de mauvaise adhésion thérapeutique.

Automédication

• Selon le sondage mené à la demande du Leem par l’Institut français des seniors, la part de l’automédication dans la population gériatrique apparaît importante : 63 % des seniors disent prendre des médicaments par eux-mêmes, 39 % utilisent ceux disponibles dans leur armoire à pharmacie et 45 % achètent des médicaments sans ordonnance. Selon l’étude Iatrostat, conduite en 2018 par le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (RFCRPV), pour l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), afin d’actualiser les données sur l’iatrogénie médicamenteuse, l’automédication ou le mésusage volontaire par le patient seraient en cause dans 11,6 % des cas d’iatrogénie.

• Quatre types de risque sont associés à l’automédication : les effets indésirables, les interactions, le mésusage et le retard de diagnostic. Dans un tel condiv, le pharmacien d’officine joue un rôle primordial pour valider ou non la demande d’automédication et adapter son conseil aux éventuelles pathologies chroniques et aux traitements pris par le patient (voir page 10). L’enregistrement des produits conseils et des médicaments prescrits dans le dossier pharmaceutique constitue une aide précieuse.

Changement dans la vie du patient

• Déménagement, deuil, hospitalisation, modification du lieu de résidence sont reconnus comme facteurs de risque iatrogène, entraînant un risque de rupture de la continuité des traitements.

• Par ailleurs, certains médicaments pris depuis longtemps et initialement bien tolérés peuvent ne plus l’être à l’occasion d’une affection intercurrente. En effet, la moitié des événements indésirables médicamenteux sont déclenchés par une infection aiguë, la fièvre, la déshydratation, etc.

• La modification du traitement est également un facteur de risque d’iatrogénie : augmentation de posologie exposant au risque d’effets indésirables dose-dépendants (atteintes musculaires sous statines, dyskinésies sous antiparkinsoniens dopaminergiques) ; introduction d’un nouveau médicament interagissant avec le traitement habituel ; modification du conditionnement, de la forme et/ou de la couleur du comprimé consécutive à la substitution d’un générique. Ainsi les pharmaciens sont-ils encouragés à dispenser toujours la même marque de génériques à un patient âgé (la stabilité de la délivrance de 14 molécules pour les patients de plus de 75 ans fait partie des indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique des pharmaciens). Le pharmacien peut également choisir de ne pas substituer, s’il estime que le changement peut avoir des répercussions sur la bonne observance du traitement. En cas de substitution destinée à un patient de plus de 75 ans, il est recommandé de bien noter sur le conditionnement du générique le nom du médicament qu’il remplace. Se méfier de la coprésence d’anciennes et de nouvelles présentations au domicile et, le cas échéant, demander au patient de ramener ses anciennes boîtes pour éviter toute erreur.

CONSÉQUENCES DE L’IATROGÉNIE

• Selon l’étude Iatrostat, l’incidence des hospitalisations (tous âges confondus) liées à un effet indésirable médicamenteux est passée en 10 ans (2007-2018) de 3,6 à 8,5 % et elle augmente avec l’âge : 3,3 % chez les enfants, 6,6 % chez les adultes jeunes et 10,9 % chez les plus de 65 ans.

• Les conséquences de l’iatrogénie médicamenteuse sont également plus graves dans la population âgée. En effet, le diagnostic d’accident iatrogène est souvent retardé chez le patient âgé car les signes cliniques évocateurs peuvent être atypiques (comme ceux d’une hypoglycémie) ou cohabiter avec d’autres plaintes somatiques considérées comme banales à type de fatigue, de confusion ou de dyspnée… Celles-ci conduisent parfois à prescrire des traitements symptomatiques qui ne font qu’alourdir la prise en charge et augmenter le risque iatrogène (cercle vicieux).

• En pratique, les effets iatrogènes répertoriés le plus souvent chez les personnes âgées sont des accidents hémorragiques, des atteintes hématologiques, des insuffisances rénales aiguës, des troubles hydroélectrolytiques et des chutes.

Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Ifsi, diplômée en gérontologie et pharmacie clinique

Evaluer la pertinence d’une prescription

LES ANOMALIES DE MÉDICATION EN GÉRIATRIE

Une prescription inappropriée de médicaments est retrouvée chez environ 54 % des patients de plus de 75 ans. Trois anomalies de médication sont décrites chez le patient âgé.

Le surtraitement

• Il s’agit de médicaments prescrits en l’absence d’indication (prescription excessive de benzodiazépines sans tenir compte des modifications physiologiques du sommeil liées à l’âge ou d’inhibiteurs de la pompe à protons - IPP - au long cours) et/ou sans réévaluation lors des renouvellements.

• On entend aussi par surtraitement la prescription de médicaments dont le service médical rendu est insuffisant : vasodilatateurs cérébraux dans le déficit cognitif, par exemple.

La prescription inappropriée

• Le vieillissement en lui-même ne constitue pas, en général, une contre-indication à l’emploi des médicaments. En revanche, certains médicaments présentent un risque qui dépasse les bénéfices attendus chez le sujet âgé.

• En France, une liste des médicaments potentiellement inappropriés à partir de 75 ans a été établie par le centre régional de pharmacovigilance de Limoges (Haute-Vienne) en 2007. Appelée liste de Laroche, elle regroupe une trentaine de médicaments ou classes médicamenteuses. En font partie notamment les médicaments ayant des propriétés anticholinergiques, les benzodiazépines dont la demi-vie est supérieure ou égale à 20 heures, les antihypertenseurs d’action centrale, les laxatifs stimulants, les sulfamides hypoglycémiants à longue durée d’action, la digoxine à des doses supérieures à 0,125 mg par jour…

Le sous-traitement

• Certaines pathologies sont souvent sous-traitées. C’est le cas de la fibrillation auriculaire et de l’ostéoporose. Or, une faible attention portée à des pathologies, associées hâtivement à l’âge, ou à certains signes cliniques (comme la douleur, rapidement mise sur le seul compte de la vieillesse), peut priver le patient d’un traitement qui lui serait pourtant indispensable.

• Par ailleurs, certains médicaments sont sous-utilisés en gériatrie par crainte des effets indésirables, comme les β-bloquants dans l’insuffisance cardiaque.

ANALYSE DES TRAITEMENTS

Une démarche d’analyse rigoureuse des ordonnances peut permettre de déceler des anomalies de prescription. A cette fin, le pharmacien doit se poser certaines questions indispensables.

La prescription est-elle pertinente ?

• En plus de la recherche de contre-indications, se poser systématiquement certaines questions :

Le principe actif est-il celui qui, chez ce patient âgé, a le meilleur rapport bénéfice-risque ? La situation clinique est-elle susceptible d’être aggravée par la délivrance du médicament ? Par exemple, une hypertension artérielle est susceptible d’être aggravée par la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ; des troubles cognitifs ou une constipation par l’administration d’anticholinergiques ; une incontinence urinaire par la prise d’antihypertenseurs α-bloquants…

Le traitement prescrit est-il vraiment nécessaire ? Certaines modifications physiologiques du sommeil liées à l’âge sont abusivement diagnostiquées comme des insomnies et la prescription de benzodiazépines est dans ce cas excessive.

La demi-vie du médicament est-elle adaptée ? Les molécules à demi-vie courte doivent être privilégiées (exception faite d’un traitement anticoagulant), notamment pour les benzodiazépines et les sulfamides hypoglycémiants.

Lors d’un renouvellement de prescription, est-il toujours utile de poursuivre le traitement ? Ne faut-il pas en diminuer la posologie, voire l’arrêter ? Du fait de l’informatisation des ordonnances, certaines prescriptions sont reconduites automatiquement alors que le patient n’en a plus besoin (IPP, laxatifs, antalgiques, par exemple).

• Enfin, il est primordial de vérifier l’absence d’événements intercurrents ou de modifications physiologiques qui remettent en cause le traitement prescrit : diurétiques en épisodes de canicule, traitement par metformine ou anticoagulants oraux directs (AOD) en cas d’altération de la fonction rénale…

Les posologies sont-elles adaptées ?

• Il convient d’être particulièrement attentif aux posologies prescrites en s’assurant qu’elles sont bien adaptées à la fonction rénale, qui par ailleurs doit être régulièrement contrôlée. Lors des renouvellements, il faut s’assurer que ces posologies restent adaptées.

• D’après le guide PAPA (voir encadré p. 8), la périodicité (en mois) de la surveillance de la fonction rénale est déterminée en divisant par dix le débit de filtration glomérulaire (DFG) : ainsi, le bilan rénal d’un patient dont le DFG est évalué à 60 ml/min doit être contrôlé tous les 6 mois. Tout épisode aigu intercurrent (diarrhées, vomissements, déshydratation, infection) impose de renforcer cette surveillance.

Les objectifs thérapeutiques sont-ils pertinents ?

Les objectifs thérapeutiques chez le sujet âgé sont parfois moins ambitieux que chez l’adulte plus jeune afin de limiter le risque de malaise et de chute. C’est notamment le cas des objectifs tensionnels ou glycémiques.

Y a-t-il des interactions ?

• La multiplication des prescripteurs augmente la probabilité d’interactions médicamenteuses.

• Il importe d’être particulièrement vigilant face aux interactions susceptibles de perturber l’ionogramme sanguin (notamment l’association de deux médicaments hyponatrémiants) ou de provoquer une insuffisance rénale aiguë (diurétiques, IEC, ARA II, AINS).

• Attention également aux associations redondantes susceptibles d’additionner les effets indésirables (2 neuroleptiques ou 2 anticholinergiques, 1 α-bloquant urinaire et 1 traitement antihypertenseur majorant le risque d’hypotension, etc.). Inversement, il faut aussi être attentif aux associations antagonistes (antiparkinsoniens dopaminergiques et neuroleptiques ou anticholinestérasiques et anticholinergiques notamment).

Les conditions d’administration sont-elles adaptées ?

• Il est nécessaire de vérifier ce que le patient comprend de sa maladie, de ses traitements et de leurs modalités de prise. Si son état cognitif ne lui permet pas une bonne compréhension, s’assurer qu’une tierce personne accompagne l’administration des traitements.

• Il convient ensuite de rechercher d’éventuels obstacles à la prise médicamenteuse et de s’assurer que la forme galénique est adaptée : en cas de troubles de la déglutition, le comprimé est-il sécable ou peut-il être broyé, les gélules peuvent-elles s’ouvrir ? Le patient sera-t-il en capacité de s’autoadministrer son collyre ou quelqu’un peut-il l’assister ? Le patient a-t-il des difficultés pour utiliser des aérosols ? Des problèmes de dextérité compliquent-ils la reconstitution de solutions, l’extraction de comprimés d’un blister ou l’usage de comprimés sécables ?

• A l’issue de cet entretien, certains outils peuvent être conseillés : proposer un applicateur de gouttes oculaires à adapter sur les collyres (Opticare Arthro, par exemple) ; s’assurer qu’une chambre d’inhalation est prescrite en cas de troubles de coordination main/inspiration ; suggérer, si la galénique l’y autorise, un coupe-comprimé (Brise pilules Magnien, Pilbox Cutter, Pilomat, etc.) en cas de difficulté à couper les comprimés ou à les avaler.

Le traitement est-il correctement surveillé ?

Une surveillance insuffisante, notamment des traitements anticoagulants ou antihypertenseurs, et/ou un défaut d’information sur le traitement sont responsables de plus de la moitié des effets indésirables graves. Le pharmacien doit vérifier que le rythme des examens biologiques est respecté et orienter le patient vers son médecin en cas de signes évoquant un effet indésirable.

L’arrêt d’un traitement est-il correctement réalisé ?

Le pharmacien doit veiller à ce que l’arrêt de certains médicaments se fasse progressivement (antidépresseurs, benzodiazépines, β-bloquants, corticoïdes, morphiniques, etc.) pour éviter des symptômes de sevrage ou des effets rebonds. Si l’arrêt de plusieurs médicaments est envisagé, il est préférable de les arrêter un par un.

Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Ifsi, diplômée en gérontologie et pharmacie clinique

Spécificités de la prise en charge du patient âgé

L’étude Iatrostat* estime que 16,1 % des effets indésirables médicamenteux conduisant à une hospitalisation auraient pu être évités si le médicament responsable avait été utilisé (par les professionnels de santé et par le patient) conformément aux recommandations de bon usage. Ce chapitre cible 8 pathologies, aiguës ou chroniques, qui touchent fréquemment le sujet âgé et pour lesquelles une vigilance et une adaptation des traitements sont nécessaires.

RAPPELS

• L’hypertension artérielle est définie par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg.

• Chez le sujet âgé, le diagnostic est souvent difficile du fait notamment de l’effet « blouse blanche » qui concernerait de 25 à 50 % des personnes âgées. Ainsi, l’automesure tensionnelle à domicile selon la « règle des 3 » (3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours consécutifs) est particulièrement préconisée pour éviter les diagnostics et les traitements par excès, si besoin avec l’aide d’un aidant ou d’un infirmier, ou via une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA).

OBJECTIFS TENSIONNELS

• Les recommandations françaises et européennes présentent des différences en matière d’objectifs tensionnels dans la population gériatrique.

• Pour la Haute Autorité de santé (HAS), entre 60 et 80 ans, les objectifs à atteindre sont les mêmes que pour l’adulte jeune : 130 < PAS < 139 mmHg et PAD < 90 mmHg au cabinet médical et PA < 135/85 en automesure. Chez le patient âgé de plus de 80 ans, une intervention thérapeutique reste justifiée en raison d’un bénéfice sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux et des autres complications secondaires à l’hypertension, mais les objectifs tensionnels sont moins ambitieux : il est recommandé d’atteindre une PAS inférieure à 150 mmHg au cabinet médical (PAS < 145 mmHg en automesure ou MAPA), en l’absence d’hypotension orthostatique.

• Les dernières recommandations européennes de 2018 sont plus exigeantes, même si, elles aussi, proposent des objectifs moins ambitieux chez la personne âgée par rapport à l’adulte jeune. Ainsi, pour les personnes de plus de 65 ans (y compris chez les insuffisants rénaux et les plus de 80 ans), l’objectif, si le traitement est bien toléré, est une PAS entre 130 et 139 mmHg et une PAD entre 70 et 79 mmHg, contre une PAS entre 120 et 129 mmHg chez le moins de 65 ans.

RECOMMANDATIONS DE PRESCRIPTION

Choix du traitement

• Chez le sujet âgé, un régime hyposodé strict n’est pas recommandé. Le traitement médicamenteux, dicté par les comorbidités du patient, peut faire appel aux diurétiques thiazidiques, aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II), aux antagonistes calciques ou aux β-bloquants.

• En revanche, les antihypertenseurs centraux (clonidine, méthyldopa, moxonidine, rilménidine) ne sont pas préconisés chez le sujet âgé car ils sont particulièrement pourvoyeurs d’hypotension orthostatique. Ils peuvent, en outre, induire des troubles de l’humeur, de la somnolence et une altération de la vigilance. La méthyldopa, dont les propriétés antidopaminergiques sont marquées, expose au risque de syndrome parkinsonien. Les α-bloquants (prazosine, urapidil) ne sont pas non plus préconisés car ils provoquent fréquemment une hypotension orthostatique. Ils sont en particulier déconseillés chez le patient souffrant d’hypertrophie bénigne de la prostate traité par α-bloquant urinaire (risque majoré d’hypotension orthostatique sévère).

Initiation

• Les recommandations européennes proposent, en population générale, d’instaurer d’emblée le traitement antihypertenseur par une bithérapie associant un IEC ou un ARA II avec un inhibiteur calcique ou un diurétique thiazidique. En revanche, chez les patients âgés de plus de 80 ans, une monothérapie doit être instaurée en première intention.

• Chez le patient de plus de 80 ans, le seuil fixé par les recommandations européennes pour débuter un traitement médicamenteux est : 160/90 mmHg. Selon la HAS, au-delà de 80 ans, il ne faut pas associer plus de 3 médicaments antihypertenseurs de façon à prévenir l’iatrogénie : la trithérapie recommandée comprend un diurétique thiazidique, un inhibiteur calcique et un IEC ou un ARA II.

Posologies

• Les doses initiales sont plus faibles et la titration plus lente que chez l’adulte jeune, avec notamment une surveillance étroite de la pression artérielle en position allongée et debout, afin de rechercher une hypotension orthostatique. En cas d’insuffisance rénale, il est nécessaire d’adapter la posologie au débit de filtration glomérulaire (DFG) et d’éviter les médicaments néphrotoxiques. Lors d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/min), un diurétique de l’anse sera utilisé à la place du diurétique thiazidique. Il faut néanmoins tenir compte du risque d’ototoxicité, majoré chez le sujet hypoprotéinémique. Par ailleurs, la rapidité et l’intensité d’effet des diurétiques de l’anse justifient de les administrer préférentiellement le matin afin d’éviter les levers (et d’éventuelles chutes) nocturnes.

• En cas d’altération de la fonction cardiaque, les β-bloquants seront instaurés à très faible posologie.

SURVEILLANCE

Clinique

• L’efficacité du traitement s’évalue au bout de 4 à 6 semaines.

• En complément de la mesure au cabinet médical, l’automesure est recommandée par la HAS chez les personnes âgées.

Biologique

La prescription de diurétiques, d’IEC ou d’ARA II chez une personne âgée impose une surveillance de la fonction rénale et de l’ionogramme sanguin (en particulier de la natrémie et de la kaliémie) dans les 7 jours suivant l’instauration du traitement, puis régulièrement. Tout épisode aigu intercurrent (diarrhées, vomissements, déshydratation, infection) impose de renforcer cette surveillance biologique.

Le diabète de type 2

RAPPELS

L’objectif du traitement du diabète en gériatrie est de se prémunir des complications immédiates (déshydratation, infections, incontinence, troubles comportementaux, etc.) et retardées (micro et macroangiopathie), tout en prévenant le risque d’hypoglycémie. Il faut donc éviter à la fois le sous et le surtraitement. En effet, les hypoglycémies répétées favorisent le déclin cognitif.

OBJECTIFS GLYCÉMIQUES

Ils doivent être adaptés à l’âge, à l’ancienneté du diabète, à ses complications, à l’espérance de vie et tenir compte du risque d’hypoglycémie.

RECOMMANDATIONS DE PRESCRIPTION

Si elle est possible, une activité physique adaptée à l’état du sujet âgé diabétique est à encourager. Les régimes alimentaires trop sévères sont à proscrire en raison du risque de dénutrition et d’hypoglycémie. Il convient aussi d’éviter les longs jeûnes nocturnes.

Metformine

• La metformine est le traitement de première ligne, y compris chez le sujet âgé, sous réserve du respect de ses contre-indications, en particulier rénales.

• A la suite d’une procédure de réévaluation européenne, elle n’est plus contre-indiquée chez l’insuffisant rénal modéré (débit de filtration glomérulaire, ou DFG, compris entre 30 et 60 ml/min) depuis 2016, mais le reste en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG inférieur à 30 ml/min). Cependant, en raison de cas de surdosage avec acidose lactique, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé, en janvier 2018, la nécessité chez l’insuffisant rénal (non sévère) d’adapter les doses de metformine et d’interrompre temporairement le traitement au moment de l’administration d’un produit de contraste iodé ou d’une intervention chirurgicale qui nécessite une anesthésie générale, rachidienne ou péridurale.

• Par ailleurs, la metformine est contre-indiquée en cas d’acidose métabolique, d’affections susceptibles d’altérer la fonction rénale (déshydratation, infection grave, etc.), d’insuffisance hépatique, d’alcoolisme et d’intoxication alcoolique, ainsi que de maladies pouvant provoquer une hypoxie tissulaire (insuffisance cardiaque décompensée, respiratoire, infarctus du myocarde récent).

Insulinosecréteurs

Inhibiteurs d’α-glucosidase

Bien que non-pourvoyeurs d’hypoglycémie, la prescription d’inhibiteurs d’α-glucosidase (acarbose) est limitée par leurs fréquents effets indésirables digestifs (flatulence, nausées, douleurs abdominales, diarrhées).

Voie des incrétines

• Lorsque l’objectif glycémique n’est pas atteint avec la metformine seule, un inhibiteur de la dipeptidyl peptidase-4 (IDPP4 ou gliptines) est préféré chez le sujet âgé en raison de son profil de tolérance favorable (faible potentiel hypoglycémique et posologie adaptable à la fonction rénale). Il peut toutefois entraîner un angio-œdème bradykinique, imposant l’arrêt immédiat du traitement et dont le risque est potentialisé en cas de traitement par inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II). Compte tenu d’un risque suggéré d’insuffisance cardiaque, la saxagliptine est à éviter chez les patients insuffisants cardiaques ou rénaux.

• Les analogues du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) nécessitent d’être utilisés avec prudence car ils peuvent être responsables de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées), susceptibles d’aggraver une dénutrition.

Inhibiteurs du SGLT2

• Chez les personnes de plus de 75 ans, les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2 ou gliflozines) s’utilisent avec précaution du fait d’un manque de recul. Leurs effets cardio et néphroprotecteurs peuvent néanmoins constituer un argument en faveur à leur utilisation chez les insuffisants cardiaques notamment.

• Ces médicaments induisent une déplétion volémique et entraînent un risque de déshydratation et d’hypotension orthostatique. Ils exposent en outre aux risques rares mais graves d’acidocétose (indépendante de la glycémie) et de gangrène de Fournier.

• Par ailleurs, leur efficacité sur la glycémie dépendant de la fonction rénale, ces médicaments sont peu, voire pas, efficaces si le débit de filtration glomérulaire (DFG) est inférieur à 45 ml/min. Leur utilisation n’est pas recommandée si le DFG est inférieur à 25 ml/min.

Insuline

Lorsque les autres médicaments antidiabétiques ne peuvent être utilisés ou en cas de déséquilibre du diabète, l’insulinothérapie est alors la règle. Elle doit être adaptée à l’alimentation et à l’activité physique et non l’inverse.

SURVEILLANCE

Clinique

• En raison de l’atypie des signes cliniques (voir page 3), tout malaise chez une personne âgée diabétique doit être considéré comme une potentielle hypoglycémie.

• Le patient, a fortiori âgé, traité par metformine, doit être éduqué à consulter immédiatement un médecin en cas de survenue de signes cliniques évocateurs d’acidose lactique (vomissements, crampes, dyspnée, asthénie…).

• La survenue de nausées, de vomissements, de douleurs abdominales, de dyspnée ou de confusion sous gliflozines doit faire suspecter une acidocétose et imposer l’arrêt du traitement et une consultation médicale immédiate, tout comme l’apparition de douleurs périnéales avec érythème et fièvre (suspicion de gangrène de Fournier).

Biologique

• L’estimation puis les contrôles réguliers de la fonction rénale permettent d’adapter les posologies. Selon l’ANSM, la fonction rénale du patient âgé traité par metformine doit être contrôlée tous les 3 à 6 mois en prévention des risques d’acidose lactique (au lieu d’une fois par an chez le sujet jeune). Sous gliflozine, elle doit être surveillée a minima annuellement et plus en cas de traitement pouvant diminuer le DFG (diurétiques, AINS) ou d’événements intercurrents susceptibles d’induire une déshydratation.

• Le dosage de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) doit être réalisé 4 fois par an et l’autosurveillance glycémique est recommandée chez les patients traités par insuline ou insulinosécréteurs. La fréquence des autocontrôles doit être renforcée en cas de traitement concomitant par un autre médicament hypoglycémiant (disopyramide, tramadol, IEC, etc.) ou susceptible de masquer les signes d’hypoglycémie (comme les β-bloquants).

La dénutrition et la sarcopénie

RAPPELS

Facteurs de risque

• La dénutrition est un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins de l’organisme. Selon la Haute Autorité de santé (HAS)*, 4 à 10 % des seniors vivant à leur domicile sont concernés par la dénutrition. La diminution des apports nutritionnels peut être liée :

- à des facteurs socioéconomiques (difficultés financières, isolement social, incapacité à faire des courses, etc.) ;

- à un mauvais état buccodentaire ou à des troubles de déglutition ;

- à des troubles psychiques et neurologiques (dépression, maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, etc.), à un régime désodé strict ou trop restrictif pouvant s’avérer anorexigène ;

- et/ou à la polymédication, laquelle peut majorer les troubles de l’appétit, non seulement parce que la quantité d’eau inhérente à l’administration orale des médicaments contribue à ressentir plus précocement la satiété, mais aussi en raison des effets indésirables potentiels (sécheresse buccale, dysgueusie, troubles digestifs, etc.).

• La sarcopénie (ou dystrophie musculaire liée à l’âge) est un syndrome multifactoriel complexe défini par une diminution progressive de la masse, de la force et de la fonction musculaire squelettique. Cette perte musculaire est aggravée par une dénutrition, mais peut aussi s’observer chez un sujet âgé avec un indice de masse corporelle (IMC) normal ou n’ayant pas perdu de poids, et même chez des personnes obèses.

• Elle résulte de la diminution de l’activité physique avec l’âge, d’une diminution de la consommation protéique et d’un déséquilibre entre les processus de synthèse et de dégradation protéique. En effet, chez le sujet âgé, les acides aminés alimentaires sont séquestrés dans les territoires splanchniques, donc moins disponibles pour la synthèse protéique musculaire, tandis que le catabolisme protéique et la protéolyse musculaire sont accrus.

Conséquences

• La sarcopénie accroît le risque de dépendance et d’altération de la qualité de vie. Elle induit une fatigabilité, des difficultés motrices et un moindre équilibre qui augmentent les risques de chutes, de fractures et de perte d’autonomie. Elle expose par ailleurs à un risque accru d’ostéoporose qui aggrave les conséquences d’une chute.

• La sarcopénie et la dénutrition sont responsables de modifications métaboliques : baisse de sensibilité à l’insuline (les muscles étant un site de captation du glucose) qui augmente le risque de diabète de type 2 ou d’obésité ; diminution de la masse maigre au profit de la masse grasse modifiant les volumes de distribution des médicaments.

• La réduction de réserve d’acides aminés a pour conséquences une altération du système immunitaire, un risque d’aggravation de maladies chroniques, des troubles trophiques et un retard de cicatrisation. La dénutrition sévère est ainsi associée à une hausse importante du risque d’hospitalisation, de la durée moyenne de séjour, de l’incidence d’infections nosocomiales et de la morbimortalité. 40 % des hospitalisations du sujet âgé sont dues aux conséquences de la dénutrition.

Importance du dépistage

• Souvent banalisée avec l’idée préconçue qu’en vieillissant on a besoin de moins manger, la dénutrition est parfois perçue comme une fatalité par l’entourage du patient âgé. Or, un dépistage et une prise en charge précoces permettent de limiter la fonte musculaire et d’éviter les complications graves.

• Nécessitant moins de 5 minutes, le questionnaire « Mini nutritional assessment » (MNA) dans sa forme courte est un outil de repérage du risque de dénutrition. Il est en outre important qu’un patient âgé soit pesé à chaque consultation médicale. Selon la HAS, un IMC inférieur à 21 kg/m2 (voire à 22 kg/m2, selon certains experts internationaux) est un critère diagnostique de dénutrition chez le sujet âgé. La dénutrition est considérée comme sévère si l’IMC est inférieur à 18.

PRISE EN CHARGE

• La cause de la dénutrition doit être traitée. Selon les recommandations de la HAS de 2007, les apports en protéines chez une personne de plus de 70 ans dénutrie doivent être compris entre 1,2 et 1,5 g/kg/jour.

• Il convient de privilégier l’alimentation orale. La prise en charge repose sur des conseils diététiques en première intention :

- consommer de la viande, du poisson ou des œufs 2 fois par jour, 5 portions de fruits et légumes et 3 à 4 produits laitiers par jour, ainsi qu’un féculent à chaque repas ;

- s’hydrater suffisamment en buvant 1 à 1,5 litre d’eau par jour sans attendre la sensation de soif ;

- enrichir les plats par l’ajout de dés de jambon ou de poulet, de crème fraîche ou en les saupoudrant de poudre de lait (3 cuillères à soupe = 8 g de protéines), de gruyère râpé (20 g = 5 g de protéines) ou de jaune d’œuf dur écrasé (1 jaune = 3 g de protéines) ;

- adapter les textures aux capacités de mastication et de déglutition du patient ;

- éviter les périodes de jeûnes nocturnes trop longues en retardant l’horaire du dîner et en avançant celui du petit déjeuner.

• Les compléments nutritionnels oraux (CNO) sont proposés en cas d’échec de l’alimentation enrichie ou de dénutrition sévère. Ils ne doivent pas se substituer au repas ni entraîner une diminution de la prise alimentaire habituelle.

• L’alimentation artificielle entérale s’envisage quand l’alimentation orale est insuffisante ou impossible. La nutrition parentérale est indiquée lors d’occlusion, de malabsorption ou en dernier recours en cas d’échec de nutrition entérale bien conduite.

SURVEILLANCE

Clinique

• La délivrance initiale de CNO est limitée à 10 jours au terme desquels le pharmacien évalue l’observance et la tolérance à ces derniers et si besoin adapte les textures, arômes, présentations aux préférences du patient.

• Le poids du patient doit être contrôlé régulièrement pour s’assurer de l’efficacité du traitement, mais aussi pour rechercher un syndrome de renutrition inapproprié (signé par une prise de poids trop rapide en raison d’œdèmes). Ce syndrome, dû au passage du catabolisme à l’anabolisme induisant une sécrétion d’insuline (avec entrée de glucose dans les cellules et un besoin intracellulaire accru en phosphates, en potassium et en magnésium) conduit à des désordres hydroélectrolytiques (hypokaliémie, hypophosphatémie, hypomagnésémie et rétention hydrosodée), à une confusion et à des défaillances organiques. Les patients les plus à risque sont ceux dont l’IMC initial est très bas (< 16 kg/m2). Le risque est également majoré chez des patients souffrant notamment d’alcoolisme chronique ou traités par insuline, antiacides, diurétiques ou chimiothérapie.

Biologique

Chez les patients à risque de syndrome de renutrition inapproprié, il est conseillé de contrôler l’ionogramme sanguin et la glycémie à un rythme variable selon les personnes et leurs facteurs de risque.

L’insomnie et l’anxiété

RAPPELS

• Selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance, 40 % des personnes âgées de plus de 75 ans se plaignent de leur sommeil. Celui-ci se modifie avec l’âge : les éveils nocturnes sont plus fréquents et plus longs, et la durée du sommeil lent (ou sommeil profond) est réduite. La capacité de récupération physique est également moins bonne que chez un sujet plus jeune. Une sieste permet de compenser la baisse de sommeil, mais elle peut aussi aggraver les troubles et gêner le sommeil nocturne si elle est trop longue.

• La prescription de somnifères chez des personnes âgées implique donc de distinguer les vraies insomnies des modifications liées au vieillissement.

• Des plaintes de mauvais sommeil imposent d’éliminer des causes environnementales (bruit, lumière, chaleur, literie de mauvaise qualité) ou des habitudes de vie (sieste trop longue, consommation de café) et de rechercher et de traiter une pathologie sous-jacente (troubles urétroprostatiques, toux, dyspnée, reflux gastroœsophagien, douleurs, apnée de sommeil, syndrome des jambes sans repos, dépression, etc.).

RECOMMANDATIONS DE PRESCRIPTION

Benzodiazépines

• L’usage des benzodiazépines en gériatrie doit être prudent, car celles-ci exposent au risque de somnolence, de chutes, de confusion, de troubles mnésiques et d’aggravation de troubles urinaires. Par ailleurs, il faut tenir compte d’un risque d’augmentation des demi-vies et d’accumulation en cas de prises répétées.

• Quand la prescription de benzodiazépines ou apparentés est justifiée, les molécules à demi-vie courte (moins de 20 heures) et sans métabolites actifs doivent être privilégiées. L’utilisation de molécules à demi-vie longue est à proscrire.

• Il convient, chez le sujet âgé, de diminuer la posologie initiale de moitié et la durée de traitement doit être la plus courte possible en prévoyant un arrêt progressif.

• Il faut éviter d’associer une benzodiazépine à d’autres psychotropes, en raison du cumul du risque de chutes, de troubles de la vigilance et mnésiques. L’association de 2 benzodiazépines n’est pas préconisée.

Antihistaminiques H1

Ils ne sont pas recommandés chez le sujet âgé du fait du risque de somnolence diurne, de sensations vertigineuses et des potentiels effets indésirables anticholinergiques. Ils sont contre-indiqués en cas d’adénome de la prostate et de risque de glaucome par fermeture de l’angle.

SURVEILLANCE

• Il est important de rechercher une éventuelle somnolence diurne ou une hypotonie musculaire.

• Il faut par ailleurs être particulièrement vigilant au comptoir face aux reconductions systématiques de prescription et se demander si le traitement a bien fait l’objet d’une réévaluation. Cette question peut être notamment soulevée dans le cadre du bilan de médication partagée (voir page 23).

CONSEILS HYGIÉNODIÉTÉTIQUES

• Plusieurs mesures sont à rappeler aux patients :

- limiter la durée de la sieste à 30 minutes au maximum et la programmer avant 15 heures ;

- éviter les repas trop lourds et la consommation d’excitants, tels que la caféine, le soir ;

- prendre les diurétiques le matin pour éviter les levers nocturnes, ainsi que les médicaments qui peuvent gêner le sommeil : corticoïdes (effet excitant), β-bloquants liposolubles (propranolol, etc.) inducteur de cauchemars.

- adopter des horaires réguliers de lever et de coucher. Se coucher lorsque l’envie de sommeil se fait sentir. En revanche, en cas de réveil précoce, essayer de retarder l’heure du coucher ;

- maintenir une température de la chambre inférieure ou égale à + 20 °C, veiller à ce qu’elle soit bien aménagée pour éviter les chutes nocturnes et adopter une literie confortable.

• Dans la mesure du possible, promouvoir l’éveil diurne en pratiquant suffisamment d’activités physiques et intellectuelles dans la journée. Recommander l’exposition à la lumière du jour (ouvrir les volets en cas d’impossibilité de sortir).

La dépression

RAPPELS

De nombreux facteurs favorisent le risque d’un épisode dépressif caractérisé chez une personne âgée : polypathologie, isolement, deuil, diminution de l’autonomie, etc. Or, chez elle, les risques de rechute et de chronicisation de la dépression, de dénutrition liée à celle-ci, de décompensation somatique et d’hospitalisation, ainsi que de passage à l’acte suicidaire sont plus fréquents.

RECOMMANDATIONS DE PRESCRIPTION

• Le traitement antidépresseur doit être instauré à des doses plus faibles que chez l’adulte jeune : certains gériatres suggèrent des demi-doses augmentées progressivement par paliers de 15 jours.

• Les molécules recommandées en première intention sont les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) tout en tenant compte du risque d’allongement de l’intervalle QT - le citalopram et l’escitalopram sont contre-indiqués en cas d’allongement de l’intervalle QT et de traitement torsadogène -, d’hyponatrémie, d’altération de l’agrégation plaquettaire et d’interactions médicamenteuses qui majorent le risque de syndrome sérotoninergique (inhibiteurs de la monoamine oxydase ou IMAO, triptans, tramadol, lithium, etc.).

• En deuxième intention, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), comme la venlafaxine, est privilégié, ou la miansérine, ainsi que la mirtazapine, qui présentent un effet intéressant sur l’appétit.

• Les antidépresseurs imipraminiques (ou tricyclique) sont à éviter après 75 ans du fait d’un risque accru de troubles cognitifs, d’hypotension orthostatique, de glaucome par fermeture de l’angle, de constipation, voire d’iléus paralytique. Chez le sujet de plus de 50 ans, un électrocardiogramme (ECG) doit être réalisé avant la mise en route du tricyclique en raison de potentiels troubles du rythme.

• Les nombreuses interactions impliquant les IMAO en font des antidépresseurs de dernier recours.

• L’association de deux antidépresseurs n’est dans tous les cas pas recommandée.

• Les psychothérapies consolident l’effet thérapeutique des médicaments, mais leur mise en œuvre peut être limitée par la présence de troubles cognitifs.

• L’électroconvulsivothérapie, intéressante dans les formes sévères ou en cas de risque suicidaire élevé, est à envisager lors de retentissement somatique important ou de clinophilie (quête de la position allongée en journée durant plusieurs heures, sans dormir) exposant au risque de thrombose veineuse profonde.

SURVEILLANCE

Clinique

• L’efficacité du traitement est évaluée après 6 à 12 semaines, au lieu de 2 à 4 chez le sujet jeune, car la réponse au traitement est plus lente. Le risque de rechute étant plus élevé, la durée du traitement après rémission doit être d’au moins 1 an. L’arrêt se fait progressivement en 1 à 3 mois.

• Sous IRS ou IRSNa associé à un antiagrégant ou à un anticoagulant, la survenue de saignements doit être surveillée.

Biologique

Une surveillance rigoureuse de la natrémie est recommandée avec les IRS et IRSNa.

La douleur

RAPPELS

• Considérée à tort comme normale avec l’âge, toute douleur devrait être évaluée et sa cause recherchée car elle peut avoir des conséquences particulièrement délétères chez le sujet âgé : risque accru de chronicité, altération de la qualité de sommeil, diminution de l’appétit, mais aussi dégradation de l’état général et décompensation de pathologies, repli sur soi, perte d’autonomie, apparition d’une dépression.

• Sa prise en charge est donc absolument nécessaire, mais elle doit être adaptée à ces patients à haut risque iatrogène. Elle nécessite souvent une consultation médicale.

RECOMMANDATIONS DE PRESCRIPTION

Paracétamol

Le paracétamol est l’antalgique de première intention. Son élimination étant retardée en cas d’altération rénale, la dose journalière totale ne doit pas dépasser 3 g par jour en cas de déshydratation ou chez les insuffisants rénaux. Il en est de même chez les patients de poids inférieur à 50 kg ou alcooliques chroniques. Sous antivitamine K (AVK), il existe un risque d’augmentation de l’effet anticoagulant lorsque le paracétamol est administré pendant plus de 4 jours, à 4 g par jour.

AINS

• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) doivent être utilisés avec prudence chez le patient âgé et sont a fortiori à éviter en automédication. Ils exposent à un risque majoré de perforations et d’hémorragies digestives (multiplié par 4 à 5 après 65 ans), d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, d’élévation de la tension artérielle, de diminution de l’effet des antihypertenseurs, de décompensation d’une cardiopathie sous-jacente et, dans le cas des coxibs, de thromboses artérielles.

• En dehors de certains rhumatismes inflammatoires en poussées, le recours à un AINS chez la personne âgée ne sera envisagé, sur avis médical, qu’après échec des autres antalgiques. Le traitement doit être débuté à la posologie la plus faible possible pour une durée d’utilisation la plus courte possible et une protection gastrique par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) doit être envisagée chez le patient de plus de 65 ans.

• Les AINS à demi-vie courte (moins de 6 heures) sont à privilégier : acides niflumique et tiaprofénique, diclofénac, ibuprofène, flurbiprofène, kétoprofène. Il faut tenir compte des éventuelles interactions médicamenteuses (méthotrexate, IEC, ARA II, diurétiques, lithium, anticoagulants, etc.).

Néfopam

L’utilisation du néfopam, qui possède une activité anticholinergique, est à éviter.

Opiacés faibles

• La codéine expose chez le patient âgé au risque majoré de nausées, de constipation, de somnolence, de confusion et de rétention urinaire. La posologie initiale doit être diminuée de moitié par rapport à celle de l’adulte jeune. Elle pourra être augmentée progressivement en fonction de la tolérance.

• Le tramadol expose au risque de convulsions et d’hypoglycémie. Sa demi-vie est doublée après 75 ans. Selon l’observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omédit) du Centre-Val de Loire, chez le sujet de plus de 75 ans, il est préconisé d’augmenter l’intervalle entre les prises de tramadol, notamment en cas d’altération de la fonction rénale (toutes les 12 heures si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min). Il est à éviter si la clairance de la créatinine est inférieure à 10 ml/min. Les formes à libération prolongée ne sont par ailleurs pas recommandées chez les insuffisants rénaux sévères.

• Enfin, les propriétés sérotoninergiques du tramadol l’impliquent dans de nombreuses interactions, notamment avec les antidépresseurs. Son association aux anticoagulants oraux majore le risque de saignements.

Morphiniques

• Le sujet âgé est plus sensible que l’adulte jeune aux antalgiques morphiniques dont l’action est plus rapide, plus intense et prolongée. Les effets indésirables sont donc susceptibles de survenir avec davantage de rapidité et d’être aggravés : la population âgée est particulièrement sensible à leurs effets centraux et digestifs, la constipation doit être systématiquement prévenue, et les pathologies urétroprostatique ou vésicales majorent le risque de rétention urinaire.

• La titration s’effectue avec des formes à libération immédiate en privilégiant la voie orale. Du fait de la diminution physiologique de la fonction rénale, la posologie initiale doit être réduite de moitié par rapport à l’adulte jeune, puis augmentée très progressivement. Le relais, une fois l’efficacité atteinte, peut être pris par une forme à libération prolongée.

SURVEILLANCE

Clinique

• L’appréciation de l’intensité de la douleur se fait grâce à des tests en autoévaluation ou en hétéroévaluation. Un traitement par AINS impose de surveiller l’absence de sang dans les selles et la tension artérielle. Du fait des risques d’insuffisance rénale aiguë, l’hydratation et la diurèse doivent être surveillées, notamment en cas d’association aux diurétiques, aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) et aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC).

• Un traitement par opiacés impose de rechercher systématiquement une constipation, une somnolence excessive et des difficultés respiratoires.

Biologique

Le contrôle de la fonction rénale est impératif pour adapter la posologie d’antalgiques et éviter un surdosage.

Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Ifsi, diplômée en gérontologie et pharmacie clinique

La constipation

RAPPELS

• La constipation peut être définie par un nombre de selles inférieur à 3 par semaine et/ou une difficulté d’exonération (pour au moins 25 % des exonérations). Sa prévalence augmente avec l’âge (33,5 % chez les personnes de plus de 60 ans) et est plus élevée chez les femmes. Chez la personne âgée, elle est liée à une diminution de la musculature abdominale, à un régime alimentaire pauvre en fibres, à un apport hydrique insuffisant, à une diminution de la mobilité, à des causes neurologiques (maladie de Parkinson), endocriniennes (hypothyroïdie) ou iatrogènes (sétrons, anticholinergiques, antiparkinsoniens, inhibiteurs de la pompe à protons ou IPP, opioïdes, vérapamil, etc.).

• Le risque majeur est la formation d’un fécalome qui peut irriter la muqueuse et provoquer une hypersécrétion réactionnelle entraînant une « fausse diarrhée », parfois traitée à tort par le patient par des ralentisseurs du transit en automédication, ce qui aggrave et pérennise les troubles. Un fécalome comprime par ailleurs l’urètre et peut provoquer une rétention urinaire se compliquant d’une incontinence par regorgement.

RECOMMANDATIONS DE PRISE EN CHARGE

• La prise en charge fait appel en première intention aux mesures hygiénodiététiques :

- augmentation de l’apport hydrique (sous forme d’eau, de tisanes, de jus de fruits ou de potages) chez le sujet âgé notamment déshydraté ou buvant moins de 0,5 litre d’eau par jour, en particulier en dehors des repas et en pensant à épaissir les liquides en cas de troubles de la déglutition ;

- enrichissement de l’alimentation en fibres (fruits, légumes verts, céréales complètes) en veillant davantage encore chez la personne âgée - plus fréquemment sujette à un inconfort digestif - à les introduire progressivement ;

- accessibilité aux toilettes : encourager le patient à s’y présenter dès que l’envie d’aller à la selle se fait sentir ou, à défaut, à heure fixe, de préférence dans les 30 minutes suivant un repas pour favoriser le réflexe gastrocolique. Il est recommandé de surélever les pieds à l’aide d’un marchepied afin de favoriser l’action des muscles abdominaux pelviens et de faciliter l’exonération.

• En seconde intention, un traitement médicamenteux est instauré en privilégiant chez le sujet âgé un laxatif osmotique, éventuellement associé, en cas de constipation distale, à un laxatif rectal.

Laxatifs osmotiques

Bien tolérés, ce sont des laxatifs de première intention chez une personne âgée. Douleurs abdominales, ballonnements, flatulences sont possibles en début de traitement.

Laxatifs de lest

Météorismes et flatulences, surtout en début de traitement, nécessitent d’en adapter progressivement la posologie. Des cas d’occlusion œsophagienne ou colique ont été rapportés chez des sujets dont la motricité digestive est altérée, ce qui implique la prudence chez ces patients. Dans tous les cas, ils doivent être administrés avec un volume d’eau suffisant (2 litres par jour).

Laxatifs lubrifiants

A forte dose, ils peuvent induire un suintement huileux anal qui peut être responsable d’irritations périanales et aggraver une incontinence anale. En usage prolongé, ils diminuent l’absorption des vitamines liposolubles (A, D, E, K), d’où la nécessité de les administrer de préférence à distance des repas. En cas de fausses routes, ils sont susceptibles d’induire des pneumopathies lipoïdes. Ils sont d’ailleurs contre-indiqués chez des sujets âgés alités, souffrant de troubles de déglutition ou de reflux gastroœsophagien.

Laxatifs stimulants et osmotiques salins

• Ils entraînent une évacuation rapide et complète du contenu colique, qui peut se traduire par une absence de selles les jours suivant l’exonération. Il est important d’en informer le patient afin d’éviter une réadministration abusive.

• D’action puissante, ils peuvent provoquer des douleurs abdominales et des diarrhées, avec un risque de déshydratation chez les personnes âgées. En usage prolongé, ils mènent parfois à un état de dépendance. Ils sont aussi à l’origine d’hypokaliémies et sont de ce fait impliqués dans de nombreuses interactions avec les médicaments torsadogènes, hypokaliémiants et la digoxine, dont ils peuvent potentialiser les effets toxiques. Ils sont contre-indiqués en cas de déshydratation sévère avec déplétion hydroélectrolytique. Il faut éviter de les proposer sans avis médical à un patient âgé, d’autant qu’ils figurent sur la liste des médicaments potentiellement inappropriés en gériatrie.

• L’hydroxyde de magnésium (Chlorumagène, Magnésie San Pellegrino, etc.) est un laxatif osmotique dont l’intensité d’effet le rapproche des laxatifs stimulants. Il en partage les effets indésirables et les interactions.

Laxatifs rectaux

Indiqués dans les constipations distales, ils peuvent induire une irritation anale et sont à proscrire en cas de poussée hémorroïdaire ou de fissure anale. Leur utilisation prolongée est susceptible d’entraver le réflexe naturel de défécation. En outre, la réalisation répétée de lavements expose au risque de perforation colique.

Autres médicaments

En cas de constipation induite par les opiacés et d’échecs des laxatifs, les antagonistes des récepteurs opiacés périphériques (méthylnaltrexone - Relistor - par voie sous-cutanée ou naloxégol - Moventig - per os) peuvent être prescrits chez le patient âgé. Les doses sont diminuées en cas d’insuffisance rénale modérée.

Ces médicaments exposent fréquemment à des sensations vertigineuses et à des diarrhées, qui, lorsqu’elles sont persistantes ou sévères, doivent conduire à une interruption du traitement. Des cas de perforations gastro-intestinales ont été décrits.

SURVEILLANCE

Clinique

• Le pharmacien peut interroger le patient ou l’aidant sur la fréquence des selles et leur consistance afin de rechercher des diarrhées pouvant faire suspecter un effet indésirable de laxatifs stimulants ou d’antagonistes des récepteurs aux opiacés périphériques, ou un fécalome : ainsi, il faut orienter les patients, notamment très âgés ou en situation de perte d’autonomie, vers un avis médical devant un tableau de diarrhée alternant avec une constipation (ou d’incontinence anale) et/ou de rétention urinaire.

• Lors des renouvellements ou des reconductions de traitement, s’assurer que la prescription reste pertinente. Il convient de s’interroger sur une étiologie iatrogène.

Biologique

• En cas de diarrhées chez le sujet âgé, un contrôle de l’ionogramme sanguin doit être envisagé notamment lors de traitement diurétique ou d’insuffisance rénale.

• Il convient également de contrôler la kaliémie en cas d’utilisation d’un laxatif stimulant chez un patient traité par un autre hypokaliémiant, un digitalique ou un médicament pourvoyeur de torsade de pointes.

Les nausées et vomissements

RAPPELS

• Chez une personne âgée, les vomissements doivent conduire à une consultation médicale pour écarter certains diagnostics sévères (occlusion intestinale, ulcère, lithiase de la vésicule biliaire, infarctus du myocarde). Ils doivent aussi alerter en raison des troubles hydroélectrolytiques qu’ils peuvent induire.

• Les médicaments antiémétiques nécessitent une vigilance particulière chez ces patients. Toutes les spécialités allopathiques antiémétiques disponibles en conseil sont contre-indiquées en cas de risque de rétention urinaire liée à un adénome de la prostate.

RECOMMANDATIONS

• Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le traitement des nausées et des vomissements est avant tout étiologique et la prescription de dompéridone, de métoclopramide ou de métopimazine ne doit être envisagée, a fortiori chez le sujet âgé, que si leur utilisation paraît indispensable.

• La posologie la plus faible doit être employée sur la durée la plus courte possible.

Métoclopramide

• Selon la HAS, l’utilisation du métoclopramide est à éviter chez le patient âgé.

• Capable de franchir la barrière hématoencéphalique, il est considéré comme un neuroleptique caché. Il peut ainsi exercer une action antagoniste sur les récepteurs dopaminergiques cérébraux et est susceptible d’induire des troubles extrapyramidaux, des dyskinésies tardives et d’exacerber les symptômes de la maladie de Parkinson. Son association aux antiparkinsoniens dopaminergiques est contre-indiquée.

Métopimazine

• Egalement antagoniste dopaminergique, la métopimazine semble moins passer la barrière hématoencéphalique que le métoclopramide, mais son association aux antiparkinsoniens est néanmoins contre-indiquée.

• La métopimazine doit être utilisée avec prudence chez la personne âgée car elle peut induire une somnolence, des troubles végétatifs de type hypotension orthostatique et un syndrome atropinique (sécheresse buccale, mydriase, somnolence, vertiges, constipation, troubles mictionnels, hypotension orthostatique, troubles de la mémoire). Elle est contre-indiquée en cas de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques et de risque de glaucome par fermeture de l’angle. Son association à d’autres anticholinergiques augmente le risque d’effets indésirables atropiniques. Son association aux antihypertenseurs ou aux dérivés nitrés doit prendre en compte le risque majoré d’hypotension orthostatique, celle aux dépresseurs du système nerveux central celui d’altération de la vigilance.

Dompéridone

• Cet antagoniste dopaminergique ne passe pas la barrière hématoencéphalique. Ses effets extrapyramidaux sont donc exceptionnels. La dompéridone est potentiellement responsable d’effets indésirables cardiaques graves (allongement de l’intervalle QT, torsades de pointes, arythmie ventriculaire, voire mort subite) plus fréquemment observés chez les patients de plus de 60 ans. Son utilisation est donc à éviter à partir de cet âge, selon la HAS.

• L’administration concomitante de dompéridone avec d’autres médicaments allongeant l’intervalle QT (antiarythmiques, certains neuroleptiques, certains antihistaminiques, etc.) et avec les inhibiteurs puissants du cytochrome P450 (CYP) 3A4 (ritonavir, antifongiques azolés, clarithromycine, télithromycine, etc.) est contre-indiquée. Celle aux autres inhibiteurs du CYP3A4 (diltiazem, vérapamil, certains autres macrolides, etc.) est déconseillée. L’association aux médicaments hypokaliémiants ou bradycardisants requiert la prudence.

• La dompéridone est contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque chez les patients présentant un allongement connu de l’intervalle QT, une bradycardie ou des troubles hydroélectrolytiques importants (hypokaliémie, hyperkaliémie, hypomagnésémie).

Antihistaminiques H1

Les anti-H1 (méclozine, diménhydrinate, diphénhydramine) peuvent induire une somnolence, des troubles végétatifs et des effets atropiniques. Leur utilisation chez le sujet âgé doit donc être très prudente. Ils sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle et de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques. Leur association à d’autres dépresseurs du système nerveux central ou aux autres anticholinergiques doit prendre en compte le risque d’addition des effets indésirables.

SURVEILLANCE

Clinique

• Dans le cas d’une personne peu ou pas autonome, alitée, il faut faire attention à ce qu’elle ne fasse pas une fausse route et n’inhale pas ses vomissures : recommander une position penchée en avant lors de vomissements.

• L’état d’hydratation du patient doit être surveillé. Conseiller de boire par petits volumes à intervalles rapprochés (épaissir les liquides en cas de troubles de la déglutition).

• S’il existe un risque de déshydratation, il peut être nécessaire de faire réévaluer par le médecin la pertinence de certains médicaments à risque d’insuffisance rénale aiguë (diurétiques notamment).

Biologique

En cas de signes cliniques évocateurs de déshydratation et/ou lorsque le patient est traité par des médicaments bradycardisants ou hypokaliémiants, l’ionogramme sanguin doit être contrôlé, notamment la kaliémie (en particulier sous dompéridone).

Maïtena Teknetzian, pharmacienne, enseignante en Ifsi, diplômée en gérontologie et pharmacie clinique

Les dispositifs d’accompagnement à l’officine

Les dispositifs d’accompagnement des patients sous traitements chroniques doivent permettre de favoriser leur adhésion aux traitements, d’améliorer leur prise en charge globale et de faciliter le partage d’informations entre professionnels de santé.

LE BILAN PARTAGÉ DE MÉDICATION

• Effectif depuis 2018, le bilan partagé de médication (BPM) cible spécifiquement la population âgée polymédiquée à risque accru d’accidents iatrogéniques.

• Le dispositif est ouvert aux patients cumulant trois conditions :

- être âgés d’au moins 65 ans ;

- avoir au moins 5 principes actifs prescrits au moment de l’inclusion ;

- être sous traitement pour une durée, rétrospective ou prévisionnelle, d’au moins 6 mois consécutifs.

• Après avoir formalisé l’adhésion du patient, le BPM se déroule en quatre étapes :

un entretien de recueil d’informations qui permet de colliger des données concernant les traitements prescrits, les résultats d’analyse biologique, l’état physiopathologique du patient et ces antécédents médicaux ;

une analyse des traitements, des problèmes d’observance, des effets indésirables et des éventuels obstacles à la bonne prise en charge du patient ;

un entretien conseil pour transmettre au patient (et éventuellement à son aidant) les conclusions de l’analyse pharmaceutique (et, le cas échéant, de l’échange avec le médecin traitant) et les conseils pour améliorer le bon usage des traitements et la qualité de vie du patient ;

un entretien de suivi d’observance pour faire le point sur les stratégies mises en place avec le patient et sur ce qui reste éventuellement à optimiser.

• Le pharmacien rédige des conclusions afin de noter les notions acquises et celles nécessitant une attention particulière. Les conclusions peuvent, avec l’accord du patient, être transmises au médecin traitant.

• Les années suivantes, deux entretiens de suivi d’observance au moins sont à programmer chaque année. Si le traitement est modifié, l’analyse initiale doit être actualisée au travers d’un nouvel entretien suivi d’un entretien conseil et d’un autre de suivi d’observance.

• Depuis mars 2022, les BPM sont réalisables en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

LES ENTRETIENS PHARMACEUTIQUES

Le pharmacien peut également proposer, en complément des BPM, des entretiens pharmaceutiques aux patients sous traitements chroniques par anticoagulants oraux, par corticoïdes inhalés pour l’asthme et sous traitements anticancéreux par voie orale. Ces entretiens permettent de cibler plus spécifiquement le suivi de ces traitements à fort potentiel iatrogénique.

RÉMUNÉRATION

Tous les entretiens de patients chroniques sont payés à l’acte selon un même modèle. Un code acte à l’adhésion fixe le démarrage du parcours de soins. La première année, la facturation intervient dès que l’ensemble des étapes a été réalisé (de 50 à 80 € en fonction du type d’entretien). Les années suivantes, la facturation se fait 12 mois après celle de l’année précédente (de 20 à 30 €). Cette rémunération est exonérée de TVA.

CONCILIATION MÉDICAMENTEUSE

La conciliation médicamenteuse repose sur un partage d’informations entre les différents intervenants qui gravitent autour du patient. Elle permet d’éviter les ruptures ou erreurs de traitement entre le domicile et l’hospitalisation ou lors de changements dans le parcours de soins. Initialement hospitalocentrée, cette action implique aussi les professionnels de ville qui sont invités à y participer et à la mettre en place, notamment dans les structures d’exercice coordonné. Le BPM s’intègre dans cette démarche.

Par Alexandra Blanc, pharmacienne

Explorer les besoins fondamentaux

→ Si la bonne prise en charge d’un patient âgé passe notamment par l’analyse des thérapeutiques mises en place et des prescriptions, il est également intéressant de s’interroger sur quelques points qui définissent l’autonomie du patient sur les plans physiques, psychiques et sociaux.

→ Les points présentés dans ce modèle sont issus du concept des 14 besoins fondamentaux identifiés par l’infirmière américaine Virginia Henderson. Huit d’entre eux peuvent être plus spécifiquement explorés à l’officine, notamment au cours d’un bilan partagé de médication : besoin de boire et de manger (seul ou avec aide partielle ou totale), de respirer (sans gêne, dyspnée, aide technique), d’éliminer (niveau de continence), de se mouvoir et de maintenir une bonne posture (autonomie, aide technique, alitement, etc.), de se vêtir et de se dévêtir (seul ou avec une aide partielle ou totale), de communiquer (aisance, difficultés diverses, aphasie), de dormir et de se reposer (support médicamenteux, insomnie, etc.), de se divertir (désintérêt, incapacité, etc.).

→ Se poser ces huit questions permet d’envisager des pistes d’actions à la frontière entre le médical et le social, qui peuvent s’avérer indispensables pour une prise en charge globale et satisfaisante du patient.

* Menée par le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (RFCRPV), pour l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en 2018.

* «Diagnostic de la dénutrition chez l’enfant, l’adulte, et la personne de 70 ans et plus», novembre 2021.

CHIFFRES

- D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte au 1er janvier 2022, 6 650 289 personnes de plus de 75 ans, soit 1 habitant sur 10. Ce nombre est en augmentation constante.

- 90 % des personnes âgées vivent à leur domicile.

- Selon l’étude « Survey of health, ageing and retirement in Europe » (Share), la prévalence en France de la fragilité (déterminée à partir des critères de Fried) s’élèverait à près de 16 % des plus de 65 ans vivant à leur domicile.

ESTIMATION DE LA FONCTION RÉNALE

- La fonction rénale peut être évaluée à partir de la créatininémie ou de la cystatine C sérique (molécule produite par les cellules nuclées, filtrée au niveau glomérulaire et catabolisée au niveau du tube proximal), soit à l’aide d’équations plus ou moins complexes permettant d’estimer le débit de filtration glomérulaire (DFG), telles que l’équation chronic kidney disease epidemiology collaboration (CKD-EPI) ou modification of diet renal disease (MDRD), soit à l’aide de la formule de Cockcroft et Gault qui permet d’estimer la clairance de la créatinine.

- La Haute Autorité de santé (HAS) recommande d’utiliser l’équation CKD-EPI, qu’elle estime la plus fiable, pour diagnostiquer une insuffisance rénale chronique. Le résultat permet de classer la maladie rénale chronique en 5 stades.

- En revanche, dans les monographies, l’adaptation des posologies des médicaments se fait encore à ce jour en fonction de la clairance de la créatinine, plus simple d’utilisation (nécessitant de connaître uniquement l’âge, le poids et la créatininémie).

LE « RÉFLEXE IATROGÉNIQUE »

Pour éviter de diagnostiquer trop tardivement un événement iatrogénique, il faut acquérir le « réflexe iatrogénique » qui consiste à considérer tout nouveau symptôme rapporté par le patient comme un éventuel effet indésirable d’un médicament.

A cette fin, il convient de se poser trois questions :

1 - La chronologie de survenue du symptôme est-elle compatible avec l’introduction d’un nouveau médicament ou avec une modification du traitement ?

2 - Y a-t-il un événement intercurrent susceptible d’avoir déstabilisé le traitement ou de favoriser l’iatrogénie ? Il convient d’être particulièrement vigilant lors de situations de canicule, d’infection aiguë, de deuil, de déménagement ou de modification de traitement.

3 - Les signes cliniques sont-ils évocateurs d’une iatrogénie ? Les symptômes les plus fréquents d’accidents iatrogènes sont : les troubles digestifs dont la diminution de l’appétit et la perte de poids, une asthénie, des troubles de l’équilibre, des vertiges voire des chutes, des troubles du comportement, de la vigilance ou de la mémoire.

LE MODÈLE 1 + 2 + 3 DE BOUCHON

En 1984, le gériatre français Jean-Pierre Bouchon a proposé un schéma modélisant la décompensation fonctionnelle en gériatrie. Ce raisonnement, appelé modèle 1 + 2 + 3 de Bouchon, analyse les performances organiques chez le sujet âgé sous l’influence du seul vieillissement (1), d’une pathologie chronique de l’organe (2) et d’un événement intercurrent aigu (3).

En pratique, la courbe ci-dessous permet de visualiser les conditions qui mènent à une décompensation d’organes. Le vieillissement d’organe en lui-même (1) n’aboutit pas à la décompensation fonctionnelle mais un organe vieilli et malade peut décompenser (1 + 2). Et cette décompensation s’accélère encore sous l’influence d’une affection intercurrente (1 + 2 + 3).

COMMENT REPÉRER UN PATIENT À RISQUE D’ÉVÉNEMENT INDÉSIRABLE LIÉ AU MÉDICAMENT (EIM) ?

Pour repérer un patient à risque, il faut se poser 5 questions :

1) Est-ce un patient souffrant de 2 maladies chroniques ou d’une insuffisance organique (cardiaque, respiratoire, rénale ou hépatique) ?

2) Le patient prend-il au moins 10 médicaments par jour (automédication incluse) ou 5 médicaments dont 1 diurétique, 1 anticoagulant ou 2 psychotropes ?

3) A-t-il des difficultés à suivre son traitement ?

4) A-t-il un antécédent d’effet indésirable lié au traitement ?

5) S’agit-il d’un patient dont l’accès aux soins est limité (isolement, problèmes financiers, etc.)

INTERPRÉTATION

Si la réponse est affirmative à l’une de ces questions, le patient est à risque d’événement indésirable lié au médicament

Source : « Comment améliorer la qualité et la sécurité des prescriptions de médicaments, chez la personne âgée », Haute Autorité de santé, septembre 2014.

LE QUESTIONNAIRE DE GIRERD POUR ÉVALUER L’OBSERVANCE

Le questionnaire de Girerd (téléchargeable sur ameli.fr), élaboré en 2001 par le cardiologue Xavier Girerd et l’équipe de prévention des maladies cardiovasculaires du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (Paris), permet d’évaluer l’adhésion médicamenteuse grâce à six questions auxquelles le patient répond par oui ou non :

1) Ce matin, avez-vous oublié de prendre votre médicament ?

2) Depuis la dernière consultation, avez-vous été en panne de médicament ?

3) Vous est-il arrivé de prendre votre traitement avec du retard par rapport à l’heure habituelle ?

4) Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que certains jours votre mémoire vous fait défaut ?

5) Vous est-il arrivé de ne pas prendre votre traitement parce que vous avez l’impression que votre traitement vous fait plus de mal que de bien ?

6) Pensez-vous que vous avez trop de comprimés à prendre ?

INTERPRÉTATION

Chaque réponse négative compte pour 1 point.

- Un score de 6 témoigne d’une bonne observance.

- Un score de 5 ou 4 montre un défaut d’observance.

- Un score inférieur ou égal à 3 révèle une non-observance.

LES OUTILS D’AIDE À L’ANALYSE

Guide PAPA

Le guide Prescriptions médicamenteuses adaptées aux personnes âgées (PAPA), élaboré sous l’égide de la Société française de gériatrie et gérontologie et du Conseil national professionnel de gériatrie, est un recueil de fiches de bonne prescription médicamenteuse, listant par pathologie, les médicaments à ordonner et ceux à proscrire chez le sujet âgé. Il précise également les principaux axes de surveillance des traitements.

Critères Stopp/Start

Le site stoppstart.free.fr permet, en rentrant la liste des médicaments d’un patient et ses pathologies, de déceler les médicaments inappropriés (« Stopp ») et ceux qu’il aurait été pertinent d’initier (« Start »).

BROYAGE DES MÉDICAMENTS

Le broyage des comprimés peut exposer aux risques d’erreur de dose, de toxicité pour le patient ou pour l’aidant, de modification des propriétés pharmacocinétiques ou physicochimiques du médicament.

Ainsi, il ne faut pas couper, écraser ou ouvrir :

- les médicaments à marge thérapeutique étroite

- la plupart des formes enrobées, pelliculées ou dragéifiées

- les formes gastrorésistantes à l’exception des gélules contenant des granules gastrorésistants, qui peuvent être ouvertes (gélules d’oméprazole, par exemple)

- les formes à libération prolongée

- les capsules molles contenant un liquide

- les formes contenant des substances irritantes et toxiques (fer, bisphosphonates, anticancéreux, etc.).

S’il est nécessaire d’écraser un comprimé ou d’ouvrir une gélule, le faire juste au moment de l’administration et non à l’avance, car certains principes actifs sont sensibles à la lumière et/ou à l’humidité.

Une liste de comprimés écrasables et de gélules ouvrables (ou non) est disponible sur le site omedit-normandie.fr.

HYPOTENSION ORTHOSTATIQUE

Définition. Elle est définie par une diminution de la pression artérielle systolique d’au moins 20 mmHg et/ou de la pression artérielle diastolique d’au moins 10 mmHg, survenant dans les 3 minutes qui suivent le passage de la position allongée à la position debout. D’après la HAS, qu’elle soit ressentie ou non par le patient, elle constitue un facteur de risque de chute, de morbimortalité cardiovasculaire et est associée au déclin cognitif.

Facteurs de risque. Outre l’âge, l’hypotension orthostatique peut être favorisée par le diabète, l’hypertriglycéridémie, des maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson (du fait de la dysautonomie liée à cette maladie), une ambiance surchauffée, une canicule, etc. A côté des antihypertenseurs qui représentent la première cause iatrogène d’hypotension orthostatique dans la population âgée, de nombreux médicaments sont susceptibles de l’induire ou de l’aggraver : dérivés nitrés, α-bloquants urinaires, neuroleptiques phénothiaziniques, antidépresseurs imipraminiques, agonistes dopaminergiques et dopathérapie, inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5, etc.

En pratique. Informer les patients sur les risques de chutes et l’intérêt d’un lever en 2 temps. Conseiller une hydratation suffisante, d’éviter les environnements trop chauds, de ne pas se lever immédiatement après un repas et de se doucher en position assise. Sur avis médical, des bas de compression veineuse ou une contention abdominale peuvent également s’avérer utiles en prévention.

CONSTIPATION ET SIGNES D’ALERTE

Une consultation médicale en urgence s’impose lorsque la constipation est associée à du sang dans les selles, des douleurs abdominales persistantes, des nausées et des vomissements, un arrêt des gaz, de la fièvre et des frissons.

Il convient par ailleurs d’orienter le patient vers une consultation médicale pour une réévaluation du ou des traitements si une constipation d’origine iatrogène est soupçonnée ou en cas d’échec d’un traitement laxatif.

VOMISSEMENTS ET SYMPTÔMES ASSOCIÉS

Des nausées et vomissements chez une personne âgée doivent orienter vers une consultation médicale dont l’urgence dépend de certains signes associés :

- en cas de diarrhées, consulter un médecin rapidement (dans la journée).

- en cas de signes évocateurs d’occlusion intestinale (ventre dur et gonflé, arrêt des matières et des gaz), d’un infarctus du myocarde (blocage respiratoire, éructations, malaise ; une douleur dans la poitrine n’est pas toujours présente chez un sujet âgé victime d’un accident coronarien aigu), de déshydratation (sensation de soif intense, bouche sèche, yeux cernés, manque de réactivité, diminution de la diurèse) ou de confusion soudaine appeler le numéro d’appel d’urgence (le 15 ou 112).

LES OUTILS DE L’ASSURANCE MALADIE

L’Assurance maladie met à disposition des pharmaciens un guide pour les accompagner dans la réalisation des entretiens des patients sous traitements chroniques. Des fiches proposent une série de questions qui constituent la trame de l’échange avec le patient. Seul ce support doit être utilisé pour réaliser les accompagnements conventionnels et ainsi être éligible à la rémunération associée. Le support complété est à conserver dans le dossier du patient.

Les guides sont accessibles sur le site ameli.fr. Dans l’espace « Pharmacien », aller à « Votre exercice professionnel », « Santé et prévention », puis « Accompagnements ».

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