Troubles du sommeil et stress de l’adulte - Le Moniteur des Pharmacies n° 3429 du 03/09/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3429 du 03/09/2022
 

Cahier Formation

CONSEIL

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SOMMEIL ET MÉLATONINE

« La mélatonine… en spray ou à libération prolongée ? »

REPÈRES SUR L’INSOMNIE

Définition

• L’insomnie est caractérisée par un mauvais sommeil (difficultés d’endormissement, de maintien du sommeil, réveil précoce) associé à des répercussions diurnes : fatigue, troubles de la concentration, irritabilité, somnolence, etc. A titre indicatif, un délai d’endormissement supérieur à 30 minutes est généralement considéré comme long.

• On parle d’insomnie d’ajustement (appelée ausi « occasionnelle » ou « transitoire ») si les troubles durent depuis moins de 3 mois, et d’insomnie chronique s’ils évoluent depuis plus de 3 mois et au moins 3 nuits par semaine.

Causes et déterminants

• Les causes peuvent être multifactorielles, en particulier dans l’insomnie chronique, faisant intervenir des facteurs prédisposants (hérédité, sexe féminin, etc.), déclenchants (événements émotionnels importants, problèmes de santé) et de maintien de l’insomnie (mauvaises habitudes de sommeil, prise d’alcool, pensées intrusives, notamment).

• Des troubles qui perdurent font rechercher des comorbidités : dépression ou troubles anxieux en particulier, maladies à l’origine d’une gêne physique, comme un reflux gastro-œsophagien, des douleurs, des pathologies du sommeil (apnées, syndrome des jambes sans repos, etc.) ou des causes iatrogènes (corticoïdes, ß-bloquants, psychostimulants, etc.).

Prise en charge à l’officine

Elle implique notamment d’avoir écarté des comorbidités, de vérifier que les troubles n’induisent pas une somnolence excessive et qu’ils puissent s’améliorer avec les traitements d’automédication associés aux conseils d’hygiène de vie et du sommeil (voir page 13) qui sont primordiaux en première intention.

LA MÉLATONINE

Propriétés

• La mélatonine est une hormone sécrétée principalement au niveau cérébral par l’épiphyse à partir du tryptophane. Sa sécrétion débute le soir, continue environ 10 heures avec une concentration maximale entre 3 et 4 heures du matin. Elle est influencée par la longueur du jour (la sécrétion de mélatonine est plus importante en hiver), la lumière artificielle (les écrans la diminuent) ou par l’activité physique journalière (qui augmente les taux nocturnes de mélatonine). Sa synthèse peut diminuer avec l’âge.

• Le taux de mélatonine sécrété par chaque individu lui est propre, avec de grandes variations interindividuelles limitant l’intérêt des dosages biologiques.

Effets

Sur la régulation du rythme veille-sommeil. Un apport exogène de mélatonine administré dans l’après-midi ou en soirée entraîne une avance de phase des rythmes biologiques avec un endormissement et un lever plus précoces. Cette action chronobiotique est obtenue avec de faibles doses (dès 0,125 mg).

« Soporifique ». Une augmentation des doses (généralement à partir de 2 mg) entraîne, outre l’effet chronobiotique, une action légèrement sédative, en partie liée à une diminution de la température corporelle.

Autres. La mélatonine agit par ailleurs sur d’autres fonctions de l’organisme : par exemple la modulation de l’humeur, le comportement sexuel, le système immunitaire.

Utilisation dans les compléments alimentaires

Allégations

• La mélatonine est autorisée dans les compléments alimentaires à une dose inférieure à 2 mg avec deux allégations reconnues : limiter les effets du décalage horaire à partir de 0,5 mg par prise et favoriser l’endormissement à une dose d’au moins 1 mg par prise.

• Ses effets les mieux documentés sont le retard de phase, se traduisant par un endormissement et un réveil tardifs, et le jet lag. En cas de mauvais sommeil, seule la mélatonine à libération prolongée au dosage de 2 mg (Circadin) a montré son efficacité au cours d’essais cliniques chez les personnes âgées de plus de 65 ans, pour réduire la latence d’endormissement et la qualité subjective du sommeil.

Présentations

• Outre des plantes aux propriétés sédatives et/ou anxiolytiques, la mélatonine est parfois associée à du magnésium (voir page 11) et à des vitamines du groupe B ou à du tryptophane notamment (voir page 11). Elle est présentée en différents dosages, seule ou associée à ces composants, et sous formes à libération immédiate, prolongée ou différée.

• La biodisponibilité de la mélatonine étant faible, de l’ordre de 15 % du fait d’un fort effet de premier passage hépatique, les formes sublinguales pourraient avoir un intérêt en augmentant potentiellement sa concentration sanguine.

En pratique

Retard de phase. En cas de tendance à se coucher tard et à se lever tard, la mélatonine à libération immédiate est proposée au moins 2 heures avant l’heure du coucher, en débutant par une dose de 0,5 mg. Parallèlement, il faut se lever à l’heure souhaitée (sans s’attarder au lit) et s’exposer à la lumière. Quelques jours de prise permettent généralement de recaler son rythme.

Jet lag. Lors des voyages vers l’Est, induisant un retard de phase, le principe est le même en recommandant une prise avant l’heure du coucher (heure locale de destination) durant les 3 à 4 jours qui suivent l’arrivée. Comme l’organisme met plusieurs jours pour s’adapter, il est inutile d’y recourir pour des séjours brefs. Son utilisation étant plus complexe lors de voyages vers l’Ouest, il est préférable de s’en passer et de retarder l’heure du coucher en faisant du sport et en s’exposant à la lumière.

Autres. En cas de difficultés d’endormissement ou de plaintes de mauvais sommeil associant des réveils nocturnes, les plus forts dosages peuvent être nécessaires, en particulier une forme à libération prolongée qui « lisse » l’apport de mélatonine. Une mélatonine à libération différée (dont le pic plasmatique ne survient que plusieurs heures après la prise) est disponible pour les personnes ayant des réveils précoces ou des insomnies en fin de nuit.

Précautions

• Les principaux effets indésirables rapportés sont des céphalées, des vertiges, une somnolence, des tremblements, des troubles de l’humeur et digestifs. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) déconseille son utilisation en automédication aux personnes souffrant de maladies inflammatoires ou auto-immunes, aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants et adolescents. Les personnes asthmatiques, épileptiques (la survenue de crises ayant été rapportée) ou souffrant de troubles de l’humeur ne devraient y recourir que sur avis médical.

• La mélatonine est notamment susceptible d’interagir avec les anticoagulants et antiagrégants plaquettaires. Elle peut augmenter l’effet sédatif des hypnotiques.

Conseils associés

• Sans résultat après une semaine, il est inutile de poursuivre les prises avec la formule utilisée. Préciser que hors suivi médical, il ne faut pas augmenter les doses au-delà de 2 mg, mesure qui nécessite une prescription médicale.

• Avec l’âge, les éveils physiologiques entre chaque phase de sommeil sont davantage perçus, d’où une impression de mauvais sommeil. L’endormissement survient généralement plus tôt ainsi que le réveil : on parle d’avance de phase. Si la somnolence ne se manifeste pas en journée, en dehors d’une sieste de durée raisonnable, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Expliquer cet aspect peut permettre à la personne âgée de mieux accepter et s’adapter à ces modifications de sommeil, en étant par exemple active plus longtemps le soir.

• La mélatonine n’induit pas d’accoutumance aux doses préconisées dans les compléments alimentaires ni de somnolence, mais pour tirer pleinement bénéfice de ses effets, il faut a minima des conditions propices au sommeil, c’est-à-dire réduire les bruits et l’éclairage, éteindre les écrans (voir page 13).

Par Nathalie Belin, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Patrick Lemoine, psychiatre, spécialisé dans les troubles du sommeil

SOMMEIL ET PHYTOTHÉRAPIE

« J’ai du mal à m’endormir depuis que j’ai appris ma mutation »

AVANTAGES ET LIMITES

• En favorisant la relaxation, les plantes sédatives raccourcissent le délai d’endormissement, prolongent la durée du sommeil et en améliorent la qualité. Leur efficacité sur les réveils nocturnes est moins bien établie.

• Aux doses recommandées, elles ne provoquent pas de dépendance ni d’accoutumance, n’altèrent pas la mémoire et n’entraînent pas de somnolence résiduelle au réveil. En revanche, leur délai d’action peut ne pas être immédiat et nécessiter plusieurs jours de prise avant de constater un effet bénéfique.

• Elles sont déconseillées en cas de grossesse ou d’allaitement et chez les moins de 12 ans (18 ans pour l’eschscholtzia) faute de données de sécurité suffisantes. Chez des personnes sensibles à leur action, elles peuvent altérer la vigilance et la faculté à conduire.

LES PLANTES À CONSEILLER

Principales plantes sédatives

Elles sont traditionnellement utilisées pour diminuer les symptômes modérés liés au stress mental (nervosité, inquiétude, irritabilité) et faciliter l’endormissement.

A effet hypnotique

Le houblon (Humulus lupulus, cône femelle) exerce une activité hypnotique et antispasmodique. Son mécanisme d’action passerait par une activation des récepteurs à la mélatonine. Adapté aux troubles de l’endormissement, voire aux réveils nocturnes en particulier lorsqu’ils sont accompagnés de tension nerveuse, le houblon est souvent utilisé en association avec la valériane, notamment dans Cyclamax Sommeil + Stress, Vit’all + Complexe Relax, etc.

A la dose recommandée et avec le recul de sa consommation chez les buveurs modérés de bière, aucun effet indésirable de type œstrogénique n’est à craindre. Il n’est donc pas déconseillé en cas de cancer hormonodépendant, aux dosages usuels en cas d’insomnie.

Posologie : infusion de 10 à 15 minutes, 500 à 1 000 mg (1 cuillère à café = 400 mg) pour une tasse, en 1 prise le soir au coucher ou 500 mg par tasse, 3 fois par jour ; gélules de poudre : 800 à 2 000 mg 30 minutes avant le coucher ou, en cas de stress, 400 mg 2 fois par jour.

A effet anxiolytique

L’eschscholtzia (Eschscholtzia californica, partie aérienne fleurie ), ou pavot de Californie, possède, outre des propriétés anxiolytiques, une action antalgique périphérique. Il convient aux troubles du sommeil liés à une douleur et aux difficultés d’endormissement chez une personne anxieuse qui a du mal à « décrocher » le soir.

Posologie : poudre en gélules, 480 à 600 mg par prise pour une posologie journalière de 960 à 1 500 mg.

On la trouve en association avec d’autres plantes dans des spécialités comme Sympathyl, dans des compléments alimentaires à l’instar de Noctesia et d’Olisma Chrono Phyto Sommeil ou en association au magnésium dans D-Stress Sommeil, etc.

La valériane (Valeriana officinalis, parties souterraines) semble améliorer la structure du sommeil. Elle peut être conseillée aux personnes âgées qui ont souvent une mauvaise perception de leur sommeil et aux sujets se plaignant de ne pas arriver à s’endormir à la suite d’un stress prolongé, légèrement dépressives et ayant tendance à la rumination. Sa prise peut entraîner des nausées et crampes abdominales.

Posologie : sous forme d’extrait hydroalcoolique sec, elle s’est montrée aussi efficace que l’oxazépam (10 mg), avec une meilleure tolérance chez des personnes souffrant d’insomnie. Cette forme galénique bénéficie d’un usage bien établi dans les troubles du sommeil à une posologie de 400 à 600 mg avant le coucher et si nécessaire au dîner. Toutefois la valériane ne convient pas aux troubles aigus nécessitant une intervention rapide, car son efficacité, graduellement croissante, s’établit pendant 2 à 4 semaines de prise.

On la trouve dans le médicament Sedinax et en association dans les spécialités Tranquital, Euphytose, Spasmine, DormiCalm, etc., ainsi que dans de nombreux compléments alimentaires sous différents types d’extraits ou plantes entières, comme Chrono Phyto (Sommeil), Noctesia, Cyclamax Sommeil + Stress, Les 3 Chênes Bio Sommeil Valériane, etc.

La passiflore (Passiflora incarnata, partie aérienne) doit son action sédative et anxiolytique à une modulation du système gabaergique. Elle s’adresse aux personnes anxieuses, nerveuses, agitées, hyperémotives et hypersensibles au stress, aux bruits ou aux odeurs.

Quoique très rare, une hypersensibilité à la passiflore est possible et contre-indique son utilisation. Un cas d’anaphylaxie avec menace du pronostic vital a ainsi été rapporté en France en 2019.

Posologie : infusion de 5 à 10 minutes, 1 à 2 g (1 cuillère à café = 2 g) par tasse, 1 à 4 fois par jour ; gélules de poudre : 0,5 à 2 g par prise 1 à 4 fois par jour.

On la trouve dans le médicament Anxemil, en association dans les spécialités Passiflorine, DormiCalm, Euphytose… et dans des compléments alimentaires tels que Chrono Phyto (Sommeil), Les 3 Chênes Bio Sommeil Valériane, etc.

Les plantes complémentaires

Leur emploi repose sur la tradition, en l’absence d’études cliniques probantes.

Sédatives, anxiolytiques et antispasmodiques

Ce sont des plantes de choix en cas de troubles du sommeil liés à des douleurs gastro-intestinales d’origine nerveuse. Leur prise sous forme de tisane est fréquente et contribue à établir un rituel apaisant avant le coucher.

La mélisse (Melissa officinalis, feuille) est la plante des personnes sensibles, submergées par un excès de stimulations inhérentes à la vie active (précipitation, agitation, bruit incessant).

Posologie : infusion de 5 à 10 minutes, 1,5 à 4,5 g (1 cuillère à café = 1 g) par tasse, 1 à 3 fois par jour.

On la trouve en association à d’autres plantes, notamment dans les médicaments Omezelis et DormiCalm.

La verveine odorante (Aloysia citriodora, syn Lippia citriodora, feuille) modulerait l’activité du système gabaergique.

Posologie : infusion de 10 à 15 minutes, 1 à 2 g par tasse, 1 à 5 fois par jour.

La lavande officinale (Lavandula officinalis, sommités fleuries) se montre également diurétique et anti-inflammatoire. Bien que moins étudiée que son huile essentielle, l’infusion de fleurs garde son intérêt dans les troubles du sommeil associés à une digestion difficile avec tendance aux maux de tête.

Posologie : infusion de 5 à 10 minutes, 1 à 2 g (1 cuillère à café = 0,8 g), 1 à 3 fois par jour.

Sédatives et antispasmodiques

L’aubépine (Crataegus spp, feuilles et fleurs) exerce une action élective sur le système cardiovasculaire. C’est la plante de l’adulte hyperactif, souffrant de surmenage, présentant une hypertension d’origine nerveuse et dont les troubles du sommeil sont liés à une hypersympathicotonie vespérale (sentiment d’énervement, tachycardie, perception exagérée des battements cardiaques, bouche sèche, mains moites).

Posologie : gélules de poudre, 190 à 380 mg par prise pour 1 dose journalière de 570 à 1 750 mg.

On la trouve dans la spécialité Cardiocalm et, en association, notamment dans Tranquital, Omezelis, Spasmine et Sympathyl.

Le bigaradier ou oranger amer (Citrus aurantium var amara Link, feuille et fleur) peut s’employer en infusion de 15 minutes, 20 g/l, 250 à 500 ml par jour pour les feuilles. Les fleurs sont plus adaptées à l’enfant.

Par Chantal Ollier, pharmacienne

SOMMEIL ET AROMATHÉRAPIE

« Comment utiliser l’huile essentielle de mandarine pour le sommeil ? »

LES LIMITES

L’aromathérapie est déconseillée en cas de grossesse et d’allaitement. Il est important de ménager des pauses thérapeutiques (par exemple, traitement de 5 jours sur 7 ou pas plus de 15 jours consécutifs suivis de 1 semaine d’arrêt entre deux cures) et de varier les huiles essentielles pour éviter toute utilisation chronique et en conséquence risquer de majorer leur toxicité.

LES DIFFÉRENTS USAGES

Voie orale

• Pratique et rapide d’utilisation, elle expose en revanche à davantage d’effets indésirables, dont un risque de surdosage avec les présentations compte-gouttes surtout, de toxicité digestive à type de gastralgies et de toxicité propre à certaines huiles essentielles prises oralement. Sauf avis contraire d’un spécialiste, elle se pratique sur des périodes courtes : 5 à 7 jours.

• Elle est déconseillée en cas d’ulcère gastroduodénal, de gastrite aiguë ou de reflux gastro-œsophagien. Les huiles essentielles s’administrent après dilution dans une cuillère à café d’huile végétale ou de miel, ou absorbées sur un comprimé neutre ou sous forme unitaire (capsules, gélules).

• La voie sublinguale est intéressante pour les huiles essentielles non irritantes pour les muqueuses, car elle permet un passage rapide dans le sang, mais favorise des « renvois » désagréables.

• Exemples de compléments alimentaires associant plusieurs huiles essentielles proposés dans les troubles du sommeil : Pranarôm Capsules Sommeil Relaxation, Olioseptil Sommeil, Capsules Sommeil Phytosun arôms.

Voie cutanée

• C’est la principale voie d’utilisation des huiles essentielles. Diluées dans une huile végétale suffisamment fluide pour faciliter leur pénétration en profondeur (amande douce, macadamia, colza, noisette, etc.), les huiles essentielles sédatives s’appliquent en massage au choix sur la face interne des poignets ou le plexus solaire, voire les deux, 30 minutes avant le coucher pour faciliter l’endormissement.

• Ce mode d’utilisation associe aussi l’action de la voie olfactive à laquelle certaines personnes peuvent être particulièrement sensibles et réceptives si l’odeur leur plaît. Chez les personnes allergiques ou ayant une peau fragile, conseiller de faire un test de tolérance cutanée avant utilisation. Un emploi en bain qui apporte des bienfaits relaxants est également possible : 4 à 6 gouttes ou la quantité indiquée à diluer dans une base neutre moussante pour un bain à + 35-37 °C pendant 10 à 20 minutes. Les bains sont déconseillés en cas de plaies ouvertes ou de dermatoses aiguës notamment.

• Exemples : Stress Roller et Huile de massage Bio Détente Puressentiel, So Aroma Relax Roll-on Bio, Pranarôm Aromanoctis Roller Sommeil Bio.

Voie olfactive

• Les huiles essentielles agissent sur le système nerveux et peuvent ainsi influencer certaines fonctions de l’organisme (pression artérielle, rythme cardiaque, etc.), le comportement (vigilance, attention), les sentiments et l’humeur (agressivité, anxiété). Pour ce faire, il est nécessaire que l’odeur plaise et soit perçue comme agréable.

• Les huiles essentielles peuvent s’employer en inhalation sèche (1 à 3 gouttes sur un mouchoir, inspirer profondément ou utilisation d’un stick inhaleur) ou en diffusion atmosphérique réalisée de préférence à froid (et dans tous les cas sans dépasser + 50 °C) : pas plus de 5 minutes toutes les 1 à 2 heures si des personnes sont dans la pièce pour favoriser la détente ; 20 minutes dans la chambre vide 1 heure avant le coucher pour faciliter l’endormissement. Recommander de ne pas dépasser 1 heure de diffusion journalière pour une pièce et d’aérer quotidiennement.

• La diffusion aérienne est possible (bien que déconseillée d’une manière générale dans les autres voies d’administration) durant la grossesse. Elle ne doit pas en revanche être réalisée en présence de personnes allergiques aux huiles essentielles (s’en informer au préalable) ou d’enfants de moins de 8 ans (sauf s’il s’agit d’huiles essentielles très douces). La prudence est requise chez les patients asthmatiques.

• A noter : la diffusion atmosphérique d’huiles essentielles est sujette à controverse car elle contribue à la pollution de l’air intérieur par émission possible de composés organiques volatils.

• Exemples : SOS Aroma Spray relaxant sommeil, Le comptoir Aroma Spray ambiant relaxant bio, brume d’oreiller BIO’ Sommeil Ladrôme.

LES HUILES ESSENTIELLES À PROPOSER

Les huiles essentielles sédatives et calmantes contiennent des esters, des aldéhydes ou des alcools terpéniques.

Lavande fine ou officinale (Lavandula angustifolia, syn. L. vera, sommités fleuries). Elle a fait l’objet de nombreuses études cliniques qui confirment son emploi traditionnel pour diminuer l’agitation et la nervosité et pour faciliter l’endormissement. Son action anxiolytique s’est montrée comparable à celle d’une benzodiazépine. Elle peut altérer la vigilance chez des personnes qui y sont sensibles (mettre en garde en cas de conduite d’un véhicule).

Posologie : en inhalation, 2 gouttes sur l’oreiller pour favoriser l’endormissement ; par voie orale, 20 à 80 mg par jour ; en bain, 1 à 3 g pour un bain.

L’huile essentielle de lavande est présente dans un médicament par voie orale : Huile essentielle de lavande Schwabe. Des troubles digestifs (nausées, éructations, dyspepsies) sont possibles.

Petit grain bigaradier (Citrus aurantium ssp amara, feuille). D’odeur agréable, elle se prête à la diffusion atmosphérique et constitue une bonne alternative lorsque la lavande déplaît. Elle est indiquée dans toutes les dystonies neurovégétatives tels les troubles du sommeil, les palpitations et les spasmes musculaires.

Posologie : par voie orale, 1 goutte diluée sous la langue à répéter selon les besoins, sans dépasser 5 gouttes par jour (1 goutte = 40 mg) pendant 2 à 10 jours ; par voie cutanée, 3 gouttes diluées dans 18 gouttes d’huile végétale à répéter selon les besoins ; en inhalation sèche, 1 goutte sur un mouchoir 2 fois par jour pour gérer l’anxiété.

Mandarine et bergamote (Citrus réticulata et Citrus bergamia, zeste). Ce sont parmi les huiles essentielles les plus utilisées pour leur action relaxante et calmante. Elles se prêtent à la diffusion atmosphérique pour favoriser l’endormissement et parfumer l’atmosphère.

Irritantes pour la peau, elles peuvent s’appliquer diluées, mais ne doivent pas être utilisées avant une exposition au soleil, en raison de la présence de furocoumarines phototoxiques.

Posologie : utilisation possible par voie orale, 2 gouttes 1 à 3 fois par jour pendant 2 à 7 jours. Elle est déconseillée en cas de calculs biliaires en raison de son activité cholagogue.

Orange douce (Citrus sinensis, zeste). Elle est conseillée en diffusion atmosphérique et en application cutanée dans toutes les affections d’origine nerveuse. Pas d’utilisation avant une exposition au soleil en raison de la présence de furocoumarines.

Posologie : par voie cutanée, 2 à 3 gouttes diluées dans 3 gouttes d’huile végétale à répéter selon les besoins.

Litsée citronnée (Litsea cubeba, fruit). Moins onéreuse que la verveine citronnée, elle a une odeur proche de cette dernière favorisant la détente. Sédative, anxiolytique et « antidéprime », elle peut être irritante pour les peaux sensibles.

Posologie : toujours diluée en application cutanée à une concentration ne dépassant pas 10 %, soit 2 gouttes dans 18 gouttes d’huile végétale, 2 fois par jour. En diffusion, elle contribue, mélangée avec d’autres huiles essentielles calmantes, à créer une atmosphère antistress.

Camomille romaine (Chamaemelum nobile, capitules). Exerçant une activité calmante et antispasmodique puissante, elle est indiquée dans tous les traumatismes nerveux générateurs de troubles du sommeil et d’anxiété ainsi qu’en préanesthésie.

Posologie : par voie cutanée, 2 gouttes dans 18 gouttes d’huile végétale, 1 à 2 fois par jour ; pour gérer une crise d’angoisse, 1 goutte pure 3 à 5 fois par jour sur la face interne des poignets.

Par Chantal Ollier, pharmacienne

STRESS ET PHYTOAROMATHÉRAPIE

« Je passe mon temps à stresser pour le travail… et je suis épuisée ! »

LE STRESS ET SES CONSÉQUENCES

• Elément moteur pour certains lorsqu’il reste modéré et ponctuel, le stress peut avoir des répercussions importantes lorsque qu’il se répète, perdure ou que les réactions individuelles sont inadaptées. Les symptômes peuvent être physiques (troubles gastro-intestinaux, du sommeil, tensions musculaires, fatigabilité, migraine, etc.), psychiques (anxiété, nervosité, irritabilité voire baisse de l’estime de soi) ou à type de troubles du comportement (addictions, tendance à s’isoler).

• Si le stress n’est pas pris en charge, il peut aller jusqu’à l’épuisement avec dépression, burn-out, désordres cardiovasculaires et immunitaires.

PRISE EN CHARGE PAR LES PLANTES

Les « plantes du stress » sont à visée calmante et anxiolytique ou tonifiante selon que le stress se traduit par de l’agitation ou de la fatigue.

Les plantes adaptogènes

• Elles facilitent la capacité de l’organisme à s’adapter aux facteurs environnementaux. Elles augmentent ainsi de façon générale et non spécifique la résistance au stress qu’il soit physique, chimique, psychique ou biologique. Cela se traduit par une amélioration des fonctions cognitives, de la résistance à l’effort, au froid, l’apparition d’un « retard » à la sensation de fatigue, une diminution de la susceptibilité et des réactions aux événements anxiogènes, un effet immunomodulateur et tonique général.

• Leur action tonifiante et normalisatrice des fonctions physiologiques comme celle du taux de cortisol sérique justifie leur emploi en cas de fatigue et faiblesse liées au stress. Dépourvues de toxicité aux doses conseillées, elles permettent à l’organisme d’atteindre ses capacités maximales dans ces différents domaines, sans les dépasser.

Utilisation

• Réservées à l’adulte (sauf l’éleuthérocoque utilisable dès l’âge de 12 ans) et déconseillées en cas de grossesse et d’allaitement, les plantes adaptogènes se prennent le matin et à midi (le soir, elles peuvent gêner l’endormissement). Leur effet nécessite plusieurs jours de prise. En l’absence d’amélioration après 2 semaines d’utilisation, il convient de consulter.

• Des compléments alimentaires les proposent en association avec d’autres composants (plantes, Lactium, magnésium, tryptophane, etc.), par exemple Arkorelax Stress Control, Ergystress Seren, Granions Apaisia, Lavilab Epuisement, Neurogenius Stress-out 3C Pharma, DYNARegul, NoStress Flash, Seriane Stress.

En pratique

L’éleuthérocoque (Eleutherococcus senticosus, racine) ou ginseng sibérien vise surtout la fatigue physique et s’adresse aux frileux. Il exerce un effet antidépresseur.

Des effets indésirables à type d’insomnie, irritabilité, tachycardie, maux de tête sont possibles.

Posologie : en décoction de 15 minutes, 0,5 à 4 g pour 1 tasse (150 ml) à prendre en 1 à 3 fois ; gélules de poudre : 0,75 à 3 g par jour en 2 prises. Ne pas dépasser 2 mois de prise.

La rhodiole (Rhodiola rosea syn. Sedum roseum, parties souterraines), intéressante dans les états de fatigue mentale, améliore les performances cognitives et la capacité d’adaptation. Anxiolytique et antidépresseur, c’est un stabilisant de l’humeur.

Son utilisation doit être prudente en cas de troubles bipolaires.

Posologie : en extrait sec hydroalcoolique, 144 à 200 mg par prise, 1 à 2 fois par jour.

L’ashwagandha (Withania somnifera, racine) ou ginseng indien est une plante majeure de la médecine ayurvédique (traditionnelle de l’Inde) utilisée comme tonique général. Stabilisant de l’humeur, il se distingue des autres adaptogènes par son action sédative. Il convient particulièrement aux personnes âgées.

Des troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements) sont possibles. Certaines personnes peuvent être sensibles à son effet sédatif. Le risque de somnolence est accru en cas de consommation d’alcool. Il peut potentialiser l’effet des barbituriques et réduire celui du diazépam et du clonazépam.

Posologie : gélules de poudre à 250 mg, 2 fois par jour.

Le ginseng (Panax ginseng, racine) est la plante de la personne fatiguée qui se plaint d’agitation mentale (anxiété, troubles du sommeil avec rêves anormaux) et de perte de mémoire.

Des effets indésirables à type de réaction d’hypersensibilité, insomnie, troubles gastro-intestinaux sont possibles.

Posologie : en infusion de 5 à 10 minutes, 1 à 2 g par tasse, 2 à 3 fois par jour jusqu’à 3 mois consécutifs si nécessaire ; gélules de poudre : 250 à 1 200 mg par prise pour une dose journalière de 600 à 2 000 mg.

Les plantes anxiolytiques et sédatives

Ce sont des plantes de choix lorsque le stress s’exprime par de l’irritabilité, de l’anxiété, de la nervosité, en répartissant la dose journalière en 3 prises, dont la dernière 30 minutes avant le coucher. Sont à privilégier la valériane, la passiflore, l’eschscholtzia, la mélisse et la lavande (voir page 5), ainsi que l’inflorescence de tilleul pour ses propriétés anxiolytiques et antispasmodiques : en infusion de 5 à 10 minutes, 1,5 g par tasse (environ 1 cuillère à café), 2 à 4 fois par jour pour une dose journalière de 3 à 6 g.

L’aromathérapie

La prise en charge peut faire appel aux huiles essentielles sédatives et calmantes (voir page 6) et/ou à d’autres plus spécifiques du stress.

L’ylang-ylang totum (Cananga odorata, fleur) convient en cas de stress associé à de l’anxiété, une déprime, des palpitations. En application cutanée diluée à 20 % au maximum (car cette huile essentielle peut irriter la peau) : 2 gouttes dans 11 gouttes d’huile végétale, à répéter selon les besoins. En olfaction, elle est reconnue pour son effet relaxant, mais sa fragrance prononcée peut ne pas être appréciée et il est conseillé de la diffuser en mélange.

La marjolaine à coquilles (Origanum majorana, sommité fleurie) est à la fois tonique et calmante, elle donne envie d’agir et rééquilibre. Elle s’emploie diluée en application cutanée : 2 gouttes dans 11 gouttes d’huile végétale, à répéter selon les besoins.

Le laurier noble (Laurus nobilis, feuille) régule le système nerveux sympathique et parasympathique et redonne confiance (avant un examen, par exemple) : 1 goutte sur un mouchoir à respirer.

Par Chantal Ollier, pharmacienne

MAGNÉSIUM ET TRYPTOPHANE

« Une cure de magnésium, ça aide en cas de stress ? »

LE MAGNÉSIUM

Propriétés

• Essentiel au sein de la cellule, il intervient dans de nombreuses réactions enzymatiques, voies métaboliques et fonctions physiologiques : cardiaque et neuromusculaire, production d’énergie, échanges ioniques, métabolisme calcique et de la vitamine D, par exemple. Il agit notamment dans le stockage puis la libération de neurotransmetteurs comme la sérotonine.

• Il dispose de plusieurs allégations santé dont la réduction de la fatigue et le fonctionnement normal du système nerveux, des muscles et des fonctions psychologiques.

• Le magnésium est stocké principalement au niveau du tissu osseux et des muscles squelettiques, le reste se situant dans différents organes (foie, cœur, reins, etc.). Seul 1 % environ du magnésium est présent dans le sang.

Signes et causes d’un déficit

• La magnésémie reflétant mal le stock de magnésium, ce sont les signes cliniques qui alertent au sujet d’un déficit : fatigue, nervosité, hyperémotivité ou irritabilité, tendance aux crampes ou aux fourmillements, palpitations et tressautement des paupières. Dans les cas les plus sévères, une tétanie, des convulsions ou des troubles du rythme peuvent survenir en lien avec une hypocalcémie ou une hypokaliémie.

• Deux principaux mécanismes sont susceptibles d’entraîner une carence en magnésium :

- une diminution de son absorption intestinale du fait d’une pathologie gastro-intestinale (telles une diarrhée chronique liée à une maladie inflammatoire chronique intestinale, une malabsorption) ou de la prise d’inhibiteurs de la pompe à protons ;

- une augmentation de son élimination urinaire favorisée par des médicaments (diurétiques, en particulier le furosémide, antirétroviraux, cisplatine, inhibiteurs de tyrosine kinase, ciclosporine, tacrolimus, etc.), un diabète mal équilibré, un taux élevé de cortisol lié à un état de stress chronique.

• Par ailleurs, une alimentation riche en produits raffinés ou transformés est pauvre en magnésium. Enfin, une carence en vitamine D peut être associée à un déficit en magnésium.

Apports recommandés

• L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a retenu, en 2021, les apports satisfaisants* suivants pour le magnésium chez l’adulte : 300 mg par jour pour les femmes et 380 mg par jour pour les hommes, soit environ 5 mg par kg et par jour.

• Les aliments qui en contiennent le plus sont les oléagineux (noix, amandes, noisettes), le chocolat noir, les légumineuses (tels les lentilles et haricots secs), les céréales complètes et les graines, les fruits de mer ainsi que certaines eaux minérales (par exemple Rozana, Hépar, Quézac, Donat Mg et Hydroxydase).

La supplémentation

• Le magnésium est disponible dans des médicaments ou des compléments alimentaires. Dans ces derniers, la dose journalière limite est de 360 mg. La vitamine B6 et la taurine, un acide aminé soufré, sont connues pour favoriser sa captation et son utilisation par les tissus. Beaucoup de compléments alimentaires proposent des formules l’associant à des vitamines du groupe B qui aident à lutter contre la fatigue et/ou à des plantes adaptogènes et/ou à du tryptophane.

• Le type de sel conditionne la biodisponibilité et la tolérance du magnésium. Ceux de première génération (oxyde, hydroxyde, carbonate, etc.) sont moins bien assimilés et moins bien tolérés (diarrhées, douleurs abdominales) que :

- ceux de seconde génération de type gluconate, citrate, lactate, pidolate, etc. : dans les médicaments Magné B6, MagnéVie B6, Mag 2 sachets ou solutions buvables et de nombreux compléments alimentaires ;

- ceux plus récents de type glycérophosphate ou complexés à des acides aminés (bisglycinate, hydrolysat de protéines) : comme dans le médicament Uvimag B6 et dans Magnésium 300 +, Formag, D-Stress, Magnésium amino-chélatée NHCO, Magtorine, MagneRegul, Physionorm Magnésium.

• Certaines formules combinent plusieurs sels, par exemple Ergymag, Magnésium 300 +, Bion 3 Equilibre Magnésium. Le magnésium marin est un mélange de différents sels.

En pratique

• Des cures de 1 à 3 mois peuvent être recommandées en orientant vers les dosages les plus élevés en cas d’exposition au stress, de prise de médicaments entraînant un déficit, de régimes restrictifs, entre autres. Il n’y a pas de risque de surdosage, sauf en cas d’insuffisance rénale : une supplémentation nécessite alors un avis médical pour adapter la posologie. Une insuffisance rénale sévère contre-indique une supplémentation en magnésium.

• Les prises doivent se faire à distance de fortes doses de calcium et de certains médicaments, comme les hormones thyroïdiennes, cyclines, fluoroquinolones, bisphosphonates, etc.

LE TRYPTOPHANE

Propriétés et allégations

Le tryptophane est un acide aminé essentiel transformé dans l’organisme en 5-hydroxytryptophane (5-HTP), précurseur de la sérotonine et présent dans les graines de Griffonia simplicifolia, plante d’origine africaine. Le 5-HTP a fait l’objet d’études cliniques notamment dans la dépression et l’anxiété, ainsi que dans les céphalées, les migraines, la fibromyalgie et les compulsions alimentaires. Aucune allégation de santé ne lui est reconnue.

Apports recommandés

• Dans un avis publié en 2009, l’Anses estime que les besoins moyens en tryptophane sont de 4 mg par kg et par jour et sont couverts par l’alimentation : riz complet, viande, poisson, œufs, produits laitiers, protéines de soja, fruits secs, légumineuses.

• Dans ce même avis, l’agence recommande de ne pas dépasser la dose de 220 mg par jour dans les compléments alimentaires. Des céphalées et des troubles gastro-intestinaux notamment sont rapportés pour des doses élevées (généralement plus de 700 à 1 000 mg de 5-HTP).

En pratique

• Le tryptophane est parfois associé au magnésium, à des plantes adaptogènes ou ayant des propriétés sédatives ou anxiolytiques et/ou à la mélatonine comme Granions L-Tryptophane, Griffonia L-5-HTP Copmed, Ergystress Seren, Neurobiane, Somnil.

• Il est déconseillé au cours de la grossesse et en cas de trisomie 21 (risque de convulsions en usage prolongé). Son association aux inhibiteurs de la monoamine-oxydase, aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou au tramadol notamment peut exposer à un syndrome sérotoninergique (tremblements, agitation, confusion, sueurs, tachycardie, diarrhées). Il n’est pas recommandé de l’associer à la carbidopa (risque d’augmentation des taux de 5-HTP).

Par Nathalie Belin, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Didier Chos, médecin spécialisé en nutrition et micronutrition, président de l’Institut européen de diététique et micronutrition (IEDM).

HYGIÈNE DE VIE

« Il paraît qu’il faut éteindre son portable la nuit ? »

FAVORISER LE SOMMEIL

• Tout comme il existe des gros et petits dormeurs, certaines personnes sont plutôt du matin et d’autres du soir. L’idéal est de respecter au mieux ses rythmes, en sachant que dormir moins de 6 heures par nuit semble associé à long terme à un risque de survenue de pathologies cardiovasculaires et de dépression.

• S’exposer à la lumière et être actif en journée permet d’augmenter la pression de sommeil qui s’accumule au fil de la journée et favorise une sécrétion plus précoce de la mélatonine le soir.

• Rythme de vie. Se lever, prendre ses repas et se coucher à heure régulière structure la journée et régule l’horloge biologique interne. Des horaires de lever et de coucher réguliers sont recommandés dans la prise en charge de l’insomnie chronique. En dehors de cette situation, s’autoriser des grasses matinées le week-end ou en vacances permet de rattraper un déficit de sommeil accumulé en semaine, en évitant de se lever plus de 1 à 2 heures après son heure habituelle. A noter qu’une sieste, même courte (20 minutes), est plus bénéfique qu’une grasse matinée car elle permet de tomber plus rapidement en sommeil profond.

• Exercice physique. Il a un effet synchronisant en augmentant le contraste veille-sommeil et, pratiqué en début de journée, il entraîne une légère avance de phase. Il augmente par ailleurs le sommeil lent profond et diminue le sommeil paradoxal. S’il faut idéalement le pratiquer en journée, il reste utile après une journée de travail, ne serait-ce qu’en contribuant au lâcher-prise.

• Couvre-feu digital. La lumière bleue des écrans envoie un signal d’éveil bloquant la sécrétion de mélatonine et favorisant un sommeil moins profond. De plus, l’excitation cognitive liée aux écrans est préjudiciable au sommeil, tout comme l’effet « sentinelle » induit par un téléphone laissé allumé la nuit. Pour s’endormir, il est nécessaire de se mettre en retrait du monde extérieur. Cela peut être fait en instaurant un rituel : éclairage tamisé (ou si besoin masque sur les yeux), musique douce, lecture, verre de lait, tisane, se concentrer sur un souvenir agréable… et éteindre les écrans l’heure précédant le coucher.

• Rappeler le b.a.-ba. Eviter les repas tardifs et lourds, mais ne pas jeûner non plus afin d’éviter les fringales nocturnes. Limiter les excitants après 16 heures. Maintenir une température fraîche dans la chambre et éviter les bains chauds juste avant le coucher. Se coucher lorsqu’on se sent somnolent et éviter de s’endormir devant la télévison.

DOMPTER LE STRESS

• Contrôle respiratoire. Technique simple et accessible, elle consiste en une respiration abdominale lente et profonde favorisant le temps expiratoire. On parle de cohérence cardiaque lorsque le cycle avoisine 6 respirations par minute : 4 secondes à l’inspiration, 6 à l’expiration. S’entraîner régulièrement stimule le tonus parasympathique et a un effet régulateur sur l’anxiété.

• Méditation pleine conscience. Elle a pour but de centrer son attention sur l’instant présent et de ne pas s’« accrocher » aux pensées ou ruminations. Les programmes de méditation pleine conscience associés aux thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont montré leur intérêt dans la prise en charge de l’insomnie chronique et des troubles anxieux.

• Activité physique. Intense, elle a un effet immédiat sur l’anxiété en entraînant la sécrétion d’endorphines qui procurent un bien-être. Des activités nécessitant de la vigilance (par exemple l’escalade ou le tir à l’arc) ou de s’investir au sein d’un groupe (sports collectifs) permettent de centrer son esprit et de limiter les pensées négatives. Certaines personnes se tournent vers des pratiques de lâcher-prise (yoga, tai-chi, qi gong, etc.) intégrant souvent aussi le contrôle respiratoire.

Par Delphine Guilloux, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Isabelle Poirot, psychiatre, vice-présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) et du Dr Claire Colas des Francs, médecin généraliste spécialiste du sommeil, membre du réseau Morphée.

INTERVIEW

Dr Patrick Lemoine, psychiatre, div du livre Docteur, j’ai mal à mon sommeil, édité chez Odile Jacob (2021)

Qu’attendre vraiment des compléments alimentaires renfermant de la mélatonine ?

Un bénéfice dans 60 à 70 % des cas ! La mélatonine, comme les plantes et les thérapies comportementales et cognitives (TCC), permet de prendre en charge de nombreux patients en court-circuitant les hypnotiques et les benzodiazépines et peut aider d’ailleurs au sevrage de ces traitements. Mais elle ne fonctionne pas chez tout le monde, ni sous n’importe quelle forme, ni parfois aux doses autorisées par la réglementation des compléments alimentaires ! En pratique, la mélatonine est un peu comme le magnésium, les dosages sanguins et urinaires ne sont pas un bon reflet d’un déficit éventuel. Difficile donc de savoir qui en a besoin. On peut dans tous les cas la conseiller quelques jours sans risque : pour ma part, en dehors de sensations de fatigue ou de tête lourde - qui sont en fait liées à l’augmentation du temps de sommeil ! -, je n’ai jamais constaté d’effets indésirables. La dose de 1,9 mg ne suffit pas toujours, car il existe une grande susceptibilité individuelle et je propose de l’augmenter avant de conclure que cela ne fonctionne pas, en complément bien sûr des conseils d’hygiène du sommeil et des TCC. Une cause d’échec peut être éventuellement un terrain anxieux. Dans ce cas, les plantes peuvent donner de bons résultats notamment la valériane ou, en cas de stress ou angoisse importante, la rhodiole le matin et la passiflore en fin de journée.

Que pensez-vous des applications ou autres objets d’aide au sommeil ?

La luminothérapie a fait ses preuves et les objets ou applications créant une aube artificielle - qui permettent à l’organisme de se réveiller en douceur - sont intéressants pour les personnes qui ont du mal à sortir du lit. Pour favoriser l’endormissement, le halo lumineux oscillant projeté au plafond sur lequel on cale sa respiration - sur le principe de la cohérence cardiaque - fonctionne bien chez certaines personnes. Enfin, des applications comme iSommeil, mise au point par le Pr Damien Léger et validée par un protocole médical, aident à mieux cerner les difficultés de sommeil et proposent des conseils pour les gérer. Mais il ne s’agit pas de faire une fixation sur ces outils et en conséquence sur son sommeil, au risque d’aggraver la situation. Je ne les recommande que durant 1 à 2 mois, le temps de mieux appréhender et comprendre son sommeil !

* Apports satisfaisants (AS) : défini comme l’apport moyen d’une population pour lequel le statut nutritionnel est jugé satisfaisant lorsque les données sont insuffisantes pour établir des références nutritionnelles.

BON USAGE DE LA DOXYLAMINE

La doxylamine (Donormyl, Lidène, etc.), anti-H1 sédatif, est indiquée en traitement court (5 jours au maximum) dans l’insomnie occasionnelle, 15 à 30 minutes avant le coucher.

Elle expose à une somnolence et à des effets atropiniques (constipation, sécheresse buccale, palpitations, troubles de l’accommodation, confusion, vertiges). Elle s’utilise avec prudence pour la personne âgée, chez qui ces troubles peuvent être plus marqués et entraînent un risque de chute plus élevé.

Elle est contre-indiquée en cas de troubles urétroprostatiques et de glaucome par fermeture de l’angle.

PRINCIPES D’UTILISATION

Il est intéressant d’associer 2 et au maximum 4 plantes sédatives pour un effet de synergie entre elles. Les plantes sédatives considérées comme mineures (voir paragraphe « Les plantes complémentaires ») ont leur place dans cette stratégie car elles permettent de s’adapter au profil du patient et d’obtenir une stabilisation plus durable.

Si la plainte porte sur le sommeil, conseiller 1 prise après le repas du soir et 1 prise 30 minutes avant le coucher. Si les troubles du sommeil s’accompagnent de nervosité ou d’anxiété dans la journée, la dose journalière doit être répartie en 3 prises dont la dernière 30 minutes avant le coucher.

En l’absence d’amélioration des symptômes après 2 semaines de prise, il convient de consulter.

DES MÉLANGES EN TISANE

Sous la dénomination « espèces sédatives », la monographie de l’Agence européenne du médicament (ema.europea.eu, mot clé : Species sedativae) décrit un mélange de 2 à 4 des plantes suivantes : houblon, lavande, passiflore, mélisse, valériane. Mélangées dans des proportions spécifiques, elles s’emploient en tisane pour gérer le stress mental ou faciliter l’endormissement.

Autre option couramment proposée par les phytothérapeutes : valériane 30 g, houblon 30 g, mélisse 30 g, écorce d’orange amère 5 g (aromatisant), réglisse 5 g (aromatisant) : 1 cuillère à café pour une tasse en infusion de 15 minutes, 1 tasse au repas du soir et 1 tasse 30 minutes avant le coucher.

UNE SYNERGIE D’HUILES ESSENTIELLES POUR LE SOMMEIL

LES SOLUTIONS HOMÉOPATHIQUES

Dépourvue de toxicité et avec très peu de contre-indications, l’homéopathie peut être proposée à une large patientèle, y compris en cas de grossesse et d’allaitement après avis, si nécessaire, du médecin traitant.

Pour couvrir l’ensemble des symptômes et leurs spécificités, les formules composées de plusieurs souches sont un atout. Dans les troubles du sommeil : Passiflora composé, L 72 ; en cas de troubles anxiodépressifs : Zenalia, Sédatif PC, Biomag ou encore Gelsemium complexe n° 7…Tilia tomentosa Bourgeons MG 1D est une autre option pour faciliter le sommeil.

Quant au trac, il peut être maîtrisé avec des souches comme Gelsemium et Argentum nitricum : 1 dose en 15 CH 1 heure avant la situation stressante.

LES MÉLANGES ANTISTRESS

Pour diffusion. Mélange à parties égales d’huile essentielle de litsée citronnée, mandarine zeste, lavande fine.

En application cutanée. Huiles essentielles ylang-ylang 20 gouttes, litsée citronnée 20 gouttes, petit grain bigaradier 60 gouttes dans de l’huile végétale de macadamia QSP 50 ml : 20 à 30 gouttes sur le plexus solaire ou la face interne des poignets 2 à 3 fois par jour + 3 à 5 gouttes à répéter dans la journée si besoin.

CANNABIDIOL, ENCORE BEAUCOUP DE QUESTIONS

Le cannabidiol (CBD) est le deuxième plus important cannabinoïde du chanvre après le Δ-9-tétra-hydrocannabinol (THC). Son action in vitro sur de nombreux récepteurs et canaux ioniques serait à l’origine de ses effets : anxiolytique, sédatif, antidépresseur, anti-inflammatoire, antalgique, antiépileptique, dans la maladie de Parkinson et les troubles métaboliques du diabète de type 2. Ses effets antagonistes ou sa faible affinité pour les récepteurs aux endocannabinoïdes expliquent qu’il n’induise pas de dépendance à la différence du THC.

En pratique, certains chercheurs émettent l’hypothèse qu’il se comporte plutôt comme un perturbateur membranaire (et non comme un ligand) et relèvent qu’en dehors de l’épilepsie, les études et essais cliniques sont limités et de faible qualité. Aucune allégation européenne n’est reconnue au CBD.

Par ailleurs, le chanvre produit des centaines de cannabinoïdes et le cannabidiol du commerce peut être un mélange de plusieurs composés de structure très proche, difficiles à séparer, et non une substance pure.

Interactions. Les données in vitro ou chez l’animal montrent que c’est un puissant inhibiteur des cytochromes P450 2B6, 2C19 et 3A4 et qu’il altère l’ADN cellulaire. Un essai clinique montre qu’il interfère avec le clobazam ; des cas d’interactions médicamenteuses susceptibles de l’impliquer sont rapportés chez des patients sous warfarine, tacrolimus et méthadone.

Doses efficaces. Les études ont été menées à des posologies allant de 300 à 1 500 mg par jour, ce qui est élevé par rapport aux doses généralement proposées dans les produits non médicamenteux. La biodisponibilité par voie orale est faible mais meilleure lorsque le CBD est pris par voie sublinguale ou inhalé. En l’absence de réglementation à ce jour sur les doses autorisées dans les compléments alimentaires, il convient d’être prudent.

L’ α-CASOZÉPINE

L’α-casozépine (ou Lactium, ingrédient breveté) est un peptide issu d’un hydrolysat de protéines de lait possédant des propriétés anxiolytiques reconnues chez l’animal. Quelques études cliniques chez l’homme, dont certaines en double aveugle versus placebo, ont montré son intérêt pour surmonter le stress et réduire les symptômes qui lui sont liés (troubles du sommeil, troubles digestifs, augmentation de la pression artérielle, etc.). L’une des études les plus pertinentes n’a toutefois inclus que des femmes.

Bien toléré, y compris en cas d’intolérance au lactose (il en contient très peu), il est à éviter par prudence en cas d’allergie aux protéines de lait. Il est souvent présent associé à des plantes adaptogènes ou au magnésium comme dans Adrenisol, Chrono Phyto Zen, Lavilab Épuisement, gamme Sériane.

POINT DE VUE

Dr Didier Chos, médecin micronutritionniste, président de l’Institut européen de diététique et de micronutrition (IEDM)

Un déficit en magnésium est-il fréquent ?

Oui, en raison d’apports souvent insuffisants par l’alimentation et de la fréquence du stress psychoémotionnel. Il existe, de plus, un fort polymorphisme génétique qui fait que certaines personnes « fixent » mal le magnésium dans les cellules. Des cures régulières de 15 jours à 1 mois peuvent tout à fait être proposées à titre préventif, en particulier chez les personnes qui ont une alimentation trop acidifiante - on parle d’acidose métabolique latente - favorisant la fuite des minéraux dans les urines. Les aliments acidifiants étant les protéines - surtout dans les fromages à pâte dure - et plus ou moins les produits céréaliers. Les fruits et légumes sont alcalinisants. Une alimentation équilibrée et variée est donc une fois de plus la clé pour optimiser ses apports en micronutriments et favoriser leur utilisation par l’organisme.

ORIENTER LES PATIENTS

Sites d’information sur le sommeil : Institut national du sommeil et de la vigilance (institut-sommeil-vigilance.org) ; Réseau Morphée (reseau-morphee.fr) qui propose un questionnaire du sommeil destiné aux personnes souffrant d’insomnie chronique.

Méditation pleine conscience : association-mindfulness.org ; applications : Petit BamBou, Namatata, Pleine Conscience, Mind, Calm…

Hypnose : Institut français d’hypnose (hypnose.fr).

Thérapeutes formés aux TCC : liste sur le site de l’Association française de thérapie cognitive et comportementale (aftcc.org).

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