La migraine - Le Moniteur des Pharmacies n° 3425 du 02/07/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3425 du 02/07/2022
 

Cahier Formation

ORDONNANCE

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PATHOLOGIE

La migraine en 5 questions

Pathologie neurovasculaire, la maladie migraineuse est caractérisée par la répétition d’épisodes de céphalées associés à des symptômes caractéristiques. Selon l’intensité et la fréquence des céphalées, le retentissement sur la qualité de vie peut être particulièrement important.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

La maladie migraineuse est caractérisée par l’apparition de céphalées récurrentes, qui durent de quelques heures à quelques jours avec des périodes sans céphalées. L’examen clinique entre les crises est normal. On distingue les migraines sans aura, les plus fréquentes, et les migraines avec aura. Les patients peuvent souffrir soit d’un seul type de migraine, soit des deux types alternativement. La troisième édition de la Classification internationale des céphalées (ICHD-3) en précise les diagnostics.

Migraine sans aura

• Elle est diagnostiquée lorsque le patient a eu au moins 5 crises réunissant les critères suivants :

- la céphalée migraineuse dure entre 4 et 72 heures en l’absence de traitement ;

- elle présente au moins deux des caractéristiques suivantes : unilatérale, pulsatile, modérée à sévère, aggravée par les activités physiques de routine ;

- les crises sont accompagnées de nausées et de vomissements et/ou d’une photophobie (aggravation par la lumière) et phonophobie (aggravation par le bruit).

• Bien que ne faisant pas partie des caractéristiques retenues pour le diagnostic, les dernières recommandations précisent qu’une osmophobie (aggravation par les odeurs) est également un critère spécifique de la céphalée migraineuse.

Migraine avec aura typique

• Elle est diagnostiquée en présence de 2 crises présentant les critères suivants :

- un ou plusieurs symptômes de l’aura sont totalement réversibles : symptômes visuels - les plus fréquents - avec phénomènes positifs (lumière ou tache scintillante) et/ou négatifs (perte de la vision), symptômes sensitifs avec phénomènes positifs (fourmillements, sensation de piqûre) et/ou négatifs (engourdissements), troubles phasiques (du langage) - plus rares ;

- ces symptômes présentent au moins trois des caractères suivants : l’un au moins se développe progressivement (supérieur ou égal à 5 minutes) ; deux au moins surviennent successivement ; chaque symptôme dure de 5 à 60 minutes ; au moins l’un est unilatéral ; au moins l’un est positif ; l’aura est le plus souvent suivie ou accompagnée dans les 60 minutes d’une céphalée.

• Ainsi, l’aura consiste en des symptômes neurologiques d’installation progressive dans le temps ou successive. A noter que la migraine avec aura visuelle est parfois appelée migraine ophtalmique.

• Il existe des formes plus rares d’aura se manifestant par des vertiges ou un déficit moteur (migraine hémiplégique).

Prodromes et symptômes postdromiques

Des prodromes peuvent précéder de quelques heures et jusqu’à 1 ou 2 jours la céphalée ou l’aura (fatigue, sensation de faim, difficulté de concentration, etc.). Des symptômes peuvent également persister jusqu’à 48 heures après la crise (fatigue, humeur exaltée ou dépressive, etc.).

Chez l’enfant

La migraine concerne environ 7 % des enfants. Les crises durent généralement moins longtemps que chez l’adulte et débutent fréquemment par une pâleur. Elles se caractérisent le plus souvent par une localisation bilatérale et la présence de troubles digestifs au premier plan.

2 COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

• Le diagnostic est clinique et n’est possible que s’il y a déjà eu plusieurs crises similaires. La migraine doit être distinguée des autres céphalées primaires, notamment la céphalée de tension, la plus fréquente (douleur diffuse, bilatérale, non pulsatile, sans signes digestifs), et l’algie vasculaire de la face (douleur brusque et intense durant en moyenne 1 heure et demie, pouvant se répéter jusqu’à 8 fois par 24 heures, centrée sur un œil, rouge et larmoyant, et diffusant souvent à la moitié du visage). L’impact de la migraine sur la qualité de vie est évalué via un questionnaire en 6 points (échelle HIT-6, pour headache impact test).

• Une imagerie cérébrale est indiquée au moins une fois en cas d’apparition des crises après l’âge de 50 ans, chez un patient souffrant de migraine avec aura, et en cas de migraine chronique. Elle est réalisée en urgence si une céphalée secondaire est suspectée : hémorragie méningée (céphalée en « coup de tonnerre »), hypertension intracrânienne (céphalée récente dont l’intensité se majore de façon rapidement progressive), signes neurologiques atypiques d’installation brutale ou de durée brève (suspicion d’accident ischémique transitoire, de crise d’épilepsie), aura atypique (vertiges, par exemple).

• Le diagnostic écarte également une cause médicamenteuse liée à un vasodilatateur (dérivés nitrés, inhibiteurs calciques de type dihydropyridine, etc.) ou à un abus d’antalgique.

3 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

Une prédisposition génétique est reconnue dans la maladie migraineuse. Cette prédisposition est aggravée à la fois par l’imprégnation hormonale féminine et par l’âge, avec une prédominance des crises entre 30 et 40 ans.

4 QUELS SONT LES FACTEURS DÉCLENCHANTS ?

• Ils peuvent varier d’un patient à l’autre et au cours du temps. Le cumul de plusieurs facteurs est souvent à l’origine du déclenchement des crises.

• Le facteur le plus fortement impliqué est le cycle hormonal féminin. Le stress et l’anxiété ainsi que les changements de rythme de vie semblent avoir un impact important : manque ou trop-plein de sommeil (migraine du week-end), rythme des repas (excès ou jeûne) etc. Des facteurs sensoriels (exposition à la lumière, au bruit, à certaines odeurs), climatiques (variations de pression atmosphérique, orage, chaleur, grand vent), un effort physique intense sont également incriminés, ainsi que certains aliments, en particulier une consommation excessive d’alcool ou de caféine.

5 COMMENT ÉVOLUE-T-ELLE ?

• L’évolution est variable et imprévisible d’un patient à un autre. Les crises peuvent, selon leur intensité et leur fréquence, impacter fortement la qualité de vie des patients. La migraine est associée à une plus grande fréquence de troubles du sommeil, de troubles anxieux ou dépressifs.

• Avec l’âge, les crises tendent toutefois à devenir moins fréquentes. Une grossesse s’accompagne généralement d’une amélioration.

• Une migraine sévère est notamment diagnostiquée en présence de 8 jours ou plus de migraine par mois. Une migraine est dite chronique quand le patient souffre de céphalées 15 jours au moins par mois dont au moins 8 sont des migraines, et ce durant plus de 3 mois. Le diagnostic peut être établi d’emblée ou faire suite à un abus des traitements de la crise qui favorise la chronicisation de la douleur. Certaines comorbidités sont associées au risque de migraine chronique : dépression, asthme, lombalgies chroniques, insomnie…

• L’abus médicamenteux est défini par la consommation plus de 15 jours par mois d’antalgiques non opioïdes (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, aspirine) ou plus de 10 jours par mois d’antalgiques opioïdes, d’un triptan ou d’un dérivé ergotés.

• L’état de mal migraineux, défini par une crise persistant plus de 72 heures, est rare.

Par Delphine Guilloux, avec la collaboration du Dr Michel Lantéri-Minet, neurologue, département de l’évaluation de la douleur, centre hospitalier universitaire de Nice (Alpes-Maritimes).

PATHOLOGIE

Physiopathologie et pharmacodynamie

La physiopathologie de la migraine est complexe et sa compréhension encore incomplète, faisant intervenir des altérations neuronales et vasculaires. Les traitements visent à soulager l’intensité des crises et à en réduire la fréquence.

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MIGRAINE

• La migraine est due à une excitabilité neuronale anormale, elle-même liée à une prédisposition génétique et modulée par des facteurs environnementaux (hormones, stress, aliments, etc.).

• La céphalée migraineuse est considérée comme secondaire à l’activation excessive du système trigéminovasculaire, constitué par les nerfs trijumeaux innervant les méninges et les vaisseaux intracrâniens.

• Cette activation entraîne la libération dans l’espace périvasculaire de neuropeptides inflammatoires, vasoactifs et algogènes, dont la substance P, le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP, pour calcitonin gene related peptide), le monoxyde d’azote, la sérotonine. Selon les récepteurs sur lesquels elle se fixe, la sérotonine exerce une action vasoconstrictrice ou vasodilatatrice.

• Il en découle une vasodilatation des vaisseaux méningés associée à une inflammation et à une activation des neurones nociceptifs au niveau bulbaire contribuant au déclenchement, à l’amplification comme à la persistance du message douloureux.

• L’aura migraineuse semble provoquée par un dysfonctionnement neurologique transitoire du cortex entraînant une vague lente de dépolarisation des neurones de l’arrière vers l’avant du cerveau : on parle de dépression corticale envahissante (DCE). Ce phénomène s’accompagne d’une diminution transitoire de l’activité des neurones et d’une légère baisse du débit sanguin cérébral à l’origine des signes neurologiques (visuels, sensitifs, etc.).

LES TRAITEMENTS DE LA MIGRAINE

Traitement de la crise

Il fait appel aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et à des médicaments spécifiques vasoconstricteurs, les triptans.

• Les AINS réduisent l’extravasation de substances algogènes et l’inflammation méningée.

• Les triptans exercent un effet agoniste sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT1B, à l’origine d’une action vasoconstrictrice. Ils sont aussi agonistes sur les récepteurs 5HT1D, ce qui diminue la libération neuronale de peptides vasoactifs.

• Les dérivés ergotés, agonistes sérotoninergiques 5-HT1D, ne sont plus utilisés qu’en dernier recours en raison de leurs effets indésirables.

Traitement de fond

Il peut faire appel à différentes molécules au premier rang desquelles figurent les β-bloquants ou, en cas de contre-indication, l’amitriptyline ou le topiramate. Lors d’échecs de plusieurs traitements prophylactiques oraux, des anticorps monoclonaux anti-CGRP peuvent être utilisés.

• Les β-bloquants exercent un effet antagoniste sur les récepteurs β2, à l’origine d’un effet vasoconstricteur.

• L’amitriptyline, antidépresseur tricyclique, diminue le recaptage présynaptique de la noradrénaline et de la sérotonine. Son mécanisme d’action dans la migraine et les douleurs neuropathiques inclut également des effets de blocage des canaux sodiques, potassiques et des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA, récepteurs au glutamate).

• Le mode d’action du topiramate dans la migraine n’est pas précisément connu. Il est évoqué que le blocage des canaux calciques voltage-dépendants diminuerait la libération de CGRP.

• Les anti-CGRP se lient sélectivement au CGRP (frémanezumab, galcanézumab) ou à son récepteur (érénumab, à l’hôpital), bloquant ainsi son action : modulation du signal nociceptif et vasodilatation.

Par Delphine Guilloux et Maïtena Teknetzian, pharmaciennes, avec la collaboration du Dr Michel Lantéri-Minet, neurologue, département de l’évaluation de la douleur, centre hospitalier universitaire de Nice (Alpes-Maritimes).

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la migraine ?

Une bonne connaissance de la stratégie thérapeutique à adopter et de la pharmacologie des différents traitements est indispensable pour bien prendre en charge le patient et éviter l’abus médicamenteux.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La prise en charge de la migraine repose sur le traitement des crises, symptomatique et ponctuel, et lorsque leur fréquence est importante ou a un impact délétère sur la qualité de vie, sur un traitement de fond. La tenue d’un agenda de crises est recommandée pour évaluer leur fréquence et apprécier l’efficacité d’un traitement de fond.

Traitement de la crise

Il doit être administré précocement, dans l’heure qui suit le début de la céphalée. L’objectif est de la soulager dans les 2 heures sans récurrence dans les 24 heures.

Antalgiques

• L’aspirine (éventuellement associée au métoclopramide), ainsi que les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont indiqués en première ligne lorsque la céphalée est d’intensité légère à modérée. En cas d’échec, il peut être légitime de tester une autre molécule.

• Le paracétamol n’est pas recommandé en première intention sauf en cas d’intolérance ou de contre-indications aux AINS et aux triptans. Les antalgiques combinés à la caféine ne sont pas non plus préconisés en raison d’un risque de chronicisation de la migraine, tout comme les antalgiques opiacés qui exposent de plus au risque de mésusage et de dépendance.

Triptans

• Les triptans constituent le traitement spécifique de référence de la crise de migraine. Un patient non répondeur à un triptan lors de la première crise peut être répondeur lors d’une autre crise. Avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan et d’en changer, il convient donc de le tester sur au moins 3 crises successives.

• Dans les céphalées d’intensité légère à modérée, ils sont recommandés en cas d’intolérance ou d’échecs successifs des AINS (évalués sur 3 crises), ainsi qu’en traitement de secours si le patient n’est pas soulagé suffisamment 1 heure après la prise d’un AINS.

• Dans les céphalées d’intensité modérée à sévère, les triptans sont prescrits d’emblée selon les dernières recommandations de la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC)*. Un AINS peut être pris 1 heure après en cas de soulagement insuffisant. Lors de crise d’intensité sévère (crise nocturne, cataméniale, etc.) ou de crises récurrentes (symptômes réapparaissant dans les 48 heures après un soulagement initial), l’association simultanée de l’AINS et du triptan peut être recommandée. L’optimisation des posologies (passage de 50 à 100 mg pour le sumatriptan, de 40 à 80 mg pour l’élétriptan) ou un changement de galénique (spray nasal, forme à délitement oral) est également possible.

• En cas de migraine avec aura, l’AINS est recommandé dès le début de l’aura et le triptan au début de la céphalée, en sachant qu’aucun médicament n’a montré son efficacité sur l’aura migraineuse.

Dérivés ergotés

Du fait du risque cardiovasculaire associé à leur utilisation, ils ne sont utilisés qu’en dernière intention chez les patients ne répondant pas aux AINS ni aux triptans (dihydroergotamine - Diergospray - et association ergotamine et caféine - Gynergène caféiné).

Traitement de fond

Objectifs

• Il est recommandé d’instaurer un traitement de fond chez les patients qui souffrent d’une migraine sévère, dont ceux utilisant un traitement de la crise au moins 8 jours par mois ou dont l’impact des céphalées sur la qualité de vie est important, et les patients présentant une migraine chronique (voir page 3).

• L’objectif est de diminuer la fréquence des crises de 50 % en cas de migraine épisodique ou de 30 % en cas de migraine chronique, de réduire la consommation des traitements de la crise (et ainsi de prévenir les abus médicamenteux) et d’améliorer la qualité de vie.

Choix de la molécule

• Les β-bloquants (propranolol ou métoprolol) sont recommandés en première intention dans la migraine épisodique. En cas d’échec ou de contre-indications, l’amitriptyline, le candésartan, hors autorisation de mise sur le marché (AMM), ou certains antiépileptiques, notamment le topiramate, sont des traitements de première ligne. L’oxétorone et le pizotifène sont utilisés en seconde intention. La flunarizine est un traitement de dernière intention (voir page 9).

• Dans la migraine chronique, le topiramate est préconisé en première intention.

Stratégie

• Une monothérapie instaurée à doses progressives est recommandée. L’efficacité est jugée au bout de 3 mois.

• Elle est maintenue 6 à 12 mois en cas d’efficacité et de bonne tolérance avant d’envisager une diminution progressive des posologies. Si des crises réapparaissent, le traitement de fond peut être réinstauré.

Place des anti-CGRP

Les anticorps monoclonaux anti-calcitonin gene related peptide ou anti-CGRP (frémanezumab, galcanézumab disponibles en ville et érénumab, réservé à l’usage hospitalier à ce jour) sont recommandés après échec d’au moins 2 traitements de fond chez les patients présentant au moins 8 jours de migraine par mois.

Autres

• La toxine botulinique a obtenu en 2021 une extension d’ AMM en prophylaxie de la migraine chronique chez des patients n’ayant pas répondu ou intolérants aux autres traitements de fond. Le traitement, administré en service spécialisé sous forme d’injections intramusculaires au niveau de la tête et du cou tous les 3 mois, permet de diminuer la libération de CGRP.

• Des traitements non médicamenteux ont été évalués et sont recommandés en prophylaxie de la migraine : activité physique (sports d’endurance, notamment), acupuncture, thérapies comportementales (relaxation, thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress, etc.). La neuromodulation non invasive (stimulation supraorbitaire par neurostimulation électrique transcutanée ou TENS peut aussi être proposée.

Profils particuliers

Grossesse

• Le paracétamol peut être administré ponctuellement. L’aspirine et les AINS sont contre-indiqués à partir du début du sixième mois de grossesse et déconseillés avant. L’utilisation ponctuelle d’un triptan est possible. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) recommande le sumatriptan ou, en cas d’inefficacité de ce dernier, le rizatriptan ou le zolmitriptan. Le métoclopramide doit être évité en fin de grossesse (risque de syndrome extrapyramidal néonatal).

• Les crises étant généralement moins fréquentes pendant la grossesse, la pertinence d’un traitement de fond peut être remise en question. S’il est maintenu, les β-bloquants, notamment le propranolol (molécule la plus étudiée pendant la grossesse), peuvent être utilisés. Si les β-bloquants sont contre-indiqués, l’amitriptyline est utilisable.

Enfants

Chez l’enfant et l’adolescent, un AINS est recommandé en première intention si le paracétamol n’est pas efficace. Parmi les triptans, seul le sumatriptan en pulvérisation nasale est indiqué à partir de 12 ans. En traitement de fond, l’apprentissage des techniques de relaxation est recommandé en première intention.

TRAITEMENTS

Traitements de la crise

AINS

• L’ibuprofène, le kétoprofène et l’association aspirine métoclopramide bénéficient d’une AMM dans la crise de migraine. Le naproxène, le diclofénac et le flurbiprofène sont également recommandés (hors AMM) du fait de leur efficacité élevée.

• Effets indésirables : atteintes digestives et rénales (en particulier en cas de déshydratation ou d’association aux diurétiques, à des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou à des antagonistes des récepteurs à l’angiotensine), manifestations allergiques (dont asthme) et atteintes cutanées parfois sévères, risque d’aggravation d’une insuffisance cardiaque ou d’une hypertension. L’aspirine augmente notamment le risque de saignement.

• Principales interactions. Association déconseillée ou contre-indiquée pour l’aspirine, selon les doses employées, avec les anticoagulants oraux ou les héparines à doses curatives, le méthotrexate (plus de 20 mg par semaine). L’association des AINS au lithium est déconseillée.

Triptans

• Ils agissent sur l’ensemble des symptômes : céphalée, nausées et vomissements, photo et phonophobie. Le spray nasal et les formes orodispersibles sont privilégiés en cas de vomissements.

• Leur efficacité est meilleure s’ils sont administrés dès l’apparition de la céphalée, mais ils sont sans effet sur l’aura. Lorsqu’une première dose n’est pas efficace, l’administration d’une seconde dose n’est pas conseillée au cours de la même crise. En revanche, si la première a été efficace mais que les symptômes réapparaissent, une deuxième dose peut être administrée en respectant un intervalle de 1 à 4 heures selon les molécules et les formes galéniques.

• Effets indésirables : troubles digestifs, fourmillements, sensation de chaleur, d’oppression thoracique, de pesanteur de la tête (« effet triptan », réversible en quelques heures), élévation transitoire de la pression artérielle. Il existe un risque d’allergie croisée avec les sulfamides pour la plupart des triptans (sauf rizatriptan et zolmitriptan).

• Interactions : outre celles mentionnées dans le tableau ci-dessous, leur association aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (sélectifs ou non) doit prendre en compte le risque de syndrome sérotoninergique (troubles de la conscience, dysautonomie et troubles musculaires).

Traitements de fond

β-bloquants

• Ils agissent par vasoconstriction et sont également particulièrement intéressants lorsque le stress est un facteur déclenchant. Seuls le propranolol et le métoprolol bénéficient d’une indication dans le traitement de fond de la migraine. L’aténolol, le nadolol et le timolol sont également efficaces.

• Effets indésirables : bradycardie, dyspnée, hypotension, refroidissement des extrémités, cauchemars et risque de masquer les signes annonciateurs d’une hypoglycémie.

• Interactions : l’association aux inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem et vérapamil) est déconseillée en raison d’un risque de troubles du rythme.

Amitriptyline

• Antidépresseur dont l’activité préventive sur les crises de migraine est la mieux établie, elle a une AMM dans le traitement de fond de la migraine.

• Effets indésirables : troubles atropiniques, somnolence, hypotension orthostatique, troubles du rythme ou de la conduction cardiaque.

• Interactions : voir tableau. De plus, l’association avec la clonidine est déconseillée (risque de réduction de l’effet antihypertenseur), ainsi que celle à l’alcool. L’association avec les médicaments allongeant l’intervalle QT impose la prudence.

Topiramate

• L’utilisation d’anticomitiaux dans la prophylaxie de la migraine est justifiée par leur action sur les douleurs neuropathiques et par certains mécanismes neuronaux impliqués dans la migraine, analogues à ceux de la maladie épileptique (embrasement neuronal). Seul le topiramate dispose d’une AMM dans le traitement de fond de la migraine. Effets indésirables : risque de troubles neuropsychiques (paresthésies, somnolence, vertiges, troubles de l’équilibre et de l’élocution, ainsi que de l’humeur), digestifs (avec risque d’anorexie et de perte de poids) et visuels.

• Interactions : voir tableau p. 8.

Candésartan

• Cet antihypertenseur de la famille des antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II) est utilisé hors AMM.

• Effets indésirables : hypotension, vertiges, céphalées, hyperkaliémie et, plus rarement, hyponatrémie, risque d’insuffisance rénale aiguë, voire d’angioœdèmes.

• Interactions : l’association au lithium, aux sels de potassium et aux diurétiques hyperkaliémiants est déconseillée.

Autres

• L’oxétorone (Nocertone) agit par antagonisme sérotoninergique sur les récepteurs 5-HT2B (récepteurs couplés à la production de monoxyde d’azote), ce qui inhibe la vasodilatation.

Effets indésirables : somnolence et diarrhées profuses (exceptionnelles) nécessitant l’arrêt du traitement.

• Le pizotifène (Sanmigran) est un dérivé tricyclique présentant des propriétés antisérotoninergiques.

Effets indésirables : somnolence, effets atropiniques, prise de poids.

• La flunarizine (Sibelium) possède un effet inhibiteur calcique stabilisant le tonus vasculaire. Elle présente une activité antagoniste dopaminergique à l’origine de certains effets indésirables. Elle est utilisée en dernière intention pour une durée n’excédant pas 6 mois. En l’absence de réponse au bout de 8 semaines, elle doit être arrêtée.

Effets indésirables : somnolence, prise de poids, constipation, nausées, syndrome extrapyramidal (raideur musculaire, troubles de coordination motrice).

• La consommation d’alcool est déconseillée en association avec l’oxétorone, le pizotifène et la flunarizine.

Anti-CGRP

• Le frémanezumab (Ajovy) et le galcanézumab (Emgality) sont des anticorps monoclonaux spécifiquement dirigés contre le CGRP dont la prescription est réservée aux neurologues. Ils ont une AMM dans la prophylaxie de la migraine avec au moins 4 crises par mois, mais la Haute Autorité de santé (HAS) les recommande chez des patients souffrant au minimum de 8 jours de migraine par mois après échec d’au moins 2 traitements de fond.

• Effets indésirables : r éactions locales au point d’injection, constipation fréquente sous galcanézumab. Des réactions d’hypersensibilité peuvent survenir (rares).

Par Maïtena Teknetzian, pharmacienne. Nos remerciements au Dr Christian Lucas, neurologue, président de la Société française d’études des migraines et céphalées

ANALYSE D’ORDONNANCE

Nouveau traitement de fond pour Cécile T.

Cécile T., 33 ans, souffre de migraines épisodiques sans aura depuis l’âge de 25 ans. Cela fait quelques années qu’elle prend un traitement de fond par β-bloquant en plus d’un triptan et d’un anti-inflammatoire (AINS) pour gérer des crises qui devenaient trop fréquentes. Elle avait rendez-vous aujourd’hui avec le neurologue car cette prise en charge ne suffit plus à la soulager.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme T., migraineuse depuis 8 ans, prend régulièrement un triptan, l’élétriptan, ou du kétoprofène pour calmer ses céphalées. Depuis 5 ans, elle est également sous traitement de fond par propranolol LP 80 mg. Malgré une sensation de fatigue, le β-bloquant a permis d’espacer les crises dont elle souffre encore 2 à 3 fois par mois. Son nouveau travail commencé il y a 3 mois l’accaparant beaucoup, elle ne parvient plus à gérer cette sensation d’asthénie chronique et, peut-être dues à ce changement d’emploi et au stress qui en découle, les dernières crises migraineuses ont été plus intenses et rapprochées. La patiente a donc pris rendez-vous chez son neurologue. Mme T. est par ailleurs sous contraception œstroprogestative.

Que lui a dit le médecin ?

Le neurologue a proposé un changement de traitement de fond et a fait le point sur la gestion du traitement de la crise pour un meilleur soulagement de la céphalée. Actuellement, Mme T. utilise un comprimé d’életriptan pour soulager une crise de migraine et renouvelle la prise 2 heures après si le soulagement est insuffisant. Elle a recours à l’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas d’échec de cette stratégie. Le médecin lui a donné de nouvelles consignes : prendre l’AINS 1 heure après la prise d’un comprimé d’életriptan lorsque le soulagement est insuffisant. En cas d’échec ou de migraine s’annonçant intense, prendre l’AINS et le triptan en même temps ou avaler 2 comprimés d’élétriptan.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Le propranolol est un β-bloquant et l’amitriptyline un antidépresseur tricyclique. Tous deux ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de fond de la migraine.

• L’élétriptan, traitement spécifique de la crise de migraine, est un agoniste sélectif des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1B et 5-HT1D.

• Le kétoprofène est un AINS ayant une AMM spécifique dans le traitement de la crise de migraine.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

• Oui, un traitement de fond de la migraine est recommandé en cas de crises fréquentes (plus de 8 par mois) ou lorsque l’impact des crises sur la vie quotidienne est important. L’amitriptyline est l’un des traitements de fond de référence de la migraine. Il est recommandé en deuxième intention en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance des β-bloquants, dont le propranolol. La patiente ne présente pas de contre-indication à la prescription du tricyclique (troubles du rythme cardiaque, insuffisance coronarienne).

• Le traitement de la crise de migraine repose sur l’administration d’un AINS et/ou d’un triptan selon l’intensité des crises migraineuses.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Oui. La posologie initiale de l’amitriptyline de 10 mg dans la migraine ne peut être obtenue qu’avec la solution buvable. Elle est augmentée par pallier jusqu’à la dose minimale efficace, 25 mg par jour en moyenne dans la migraine, dose disponible en comprimé.

• Les posologies de l’élétriptan et du kétoprofène ne posent pas de problème. La patiente connaît le triptan dont la posologie quotidienne ne doit pas dépasser 80 mg. A noter que l’életriptan est le seul triptan dont la dose journalière peut être prise en une seule administration quotidienne. Concernant le kétoprofène, la dose de 150 mg correspond à la dose journalière maximale.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant le traitement de fond

Utilisation de l’amitriptyline

• La solution buvable présentée en dispositif compte-gouttes peut être diluée dans l’eau. Elle est à prendre le soir en raison du risque de somnolence.

• Insister sur l’observance rigoureuse de la posologie prescrite : augmenter les doses plus vite ne permet pas une action plus rapide, mais accroît les effets indésirables (hypotension orthostatique, par exemple).

• Parallèlement, la patiente doit arrêter progressivement le β-bloquant pour ne pas provoquer de rebond migraineux notamment.

• Encourager à tenir un agenda des crises qui permettra d’évaluer le changement de prise en charge proposé.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

L’efficacité du traitement de fond ne se fait ressentir qu’après plusieurs semaines et sera jugée à 3 mois par le médecin. L’objectif étant une diminution de 50 % des crises de migraine.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Liés aux effets atropiniques de la molécule, il s’agit surtout d’une sécheresse buccale, d’une constipation, de troubles de l’accommodation, de palpitations et d’une prise de poids.

• Des troubles graves du rythme dont un allongement de l’intervalle QT et des arythmies sont rapportés, notamment favorisés par une pathologie cardiaque ou des troubles hydroélectrolytiques (tels que l’hypotension).

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

L’hypotension orthostatique et la somnolence sont limitées par l’augmentation progressive de la posologie. Une bonne hydratation et des sprays humectants peuvent pallier la sécheresse buccale. Des conseils hygiénodiététiques limitent la prise poids et la constipation : alimentation riche en fibres, fruits et légumes et pauvre en graisses, pratique d’une activité physique régulière.

Concernant les traitements des crises

Le pharmacien en vérifie sa bonne compréhension qui en conditionne la pleine efficacité.

Utilisation

• Mme T. connaît le triptan. Il est important de lui rappeler de le prendre le plus tôt possible, dans l’heure qui suit le début de la céphalée.

• Le kétoprofène doit être pris en cas de soulagement insuffisant du triptan au bout de 1 heure. Si cette stratégie ne fonctionne pas, la patiente peut reprendre 1 comprimé d’életriptan sans dépasser 2 comprimés par 24 heures. Lors d’une prochaine crise, surtout si elle s’annonce sévère, la patiente peut essayer soit la prise simultanée des 2 antalgiques soit la prise de 2 comprimés d’életriptan. Dans ce dernier cas, l’AINS peut être pris en recours 1 heure plus tard.

Comment juger de l’efficacité du traitement ?

Le traitement de la crise est efficace s’il permet un soulagement dans les 1 à 2 heures qui suivent et durant 24 heures. L’agenda des crises aide à en suivre l’efficacité et alerte sur un abus (8 jours ou plus par mois de prise du triptan) qui favorise la chronicisation des troubles.

Par Delphine Guilloux et Nathalie Belin, pharmaciennes, avec la collaboration du Dr Caroline Roos, neurologue, responsable du Centre d’urgences céphalées de l’hôpital Lariboisière (Paris)

CONSEILS ASSOCIÉS

Accompagner le patient

Pathologie chronique, la migraine est une céphalée faisant fréquemment l’objet d’automédication. Le pharmacien peut jouer un rôle clé d’alerte pour encourager au diagnostic en plus de son rôle essentiel d’accompagnement à la bonne gestion des traitements.

LA MIGRAINE VUE PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

• Les crises migraineuses sont à l’origine d’un fort retentissement fonctionnel et émotionnel. Leur survenue « à l’improviste » est une source de stress et d’angoisse importante. Si les patients parviennent à identifier certains facteurs déclencheurs, ces derniers ne sont pas toujours évitables. Dans ses dernières recommandations, la Société française d’études des migraines et céphalées estime d’ailleurs inutile de chercher à les éviter à tout prix au risque d’altérer la qualité de vie des patients et d’augmenter la sensibilité à ces paramètres.

• Les patients migraineux sont plus à risque de souffrir de dépression majeure, de troubles paniques et d’anxiété généralisée.

Impact sur la vie quotidienne

• La vie sociale, professionnelle, familiale peut être fortement perturbée du fait de la nécessité de s’isoler, voire de s’aliter, en cas de crise migraineuse. Les migraines cataméniales peuvent être particulièrement invalidantes et sont souvent redoutées.

• 35 % des migraineux ont une perte de productivité d’au moins 6 jours par trimestre (d’après la Fédération française de neurologie). En cas de migraine sévère ou chronique, la médecine du travail peut aider à l’adaptation du temps de travail et du poste et/ou le salarié peut être reconnu travailleur handicapé.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Distinguer migraine et céphalées de tension. La migraine est une pathologie spécifique qui doit être diagnostiquée pour faire l’objet d’un traitement adapté. Ce dernier diffère en effet de celui des céphalées classiques (ou céphalées de tension) et fait appel en première intention aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), et non au paracétamol (insuffisamment efficace), ou à un traitement spécifique (triptan). Or, de nombreux patients s’automédiquent. Devant des demandes récurrentes d’antalgiques et lorsque le diagnostic de migraine n’a pas encore été posé, un test rapide en 3 questions peut orienter vers cette céphalée (voir encadré page 15). En sachant qu’un patient peut avoir des céphalées de tension entre les crises de migraine.

• Connaître les signes d’alerte. Un avis médical est dans tous les cas nécessaire devant une crise dont le déroulé est inhabituel ou non soulagé par le traitement prescrit.

• Gérer une crise. Idéalement s’isoler dès le début de la crise dans une pièce fraîche, au calme et sombre. L’application de menthol sur les tempes (macaron, huile essentielle diluée, rollers) ou de froid (masque oculaire réfrigérant) soulage certains patients.

• Tenue d’un « agenda des crises ». Véritable outil de suivi des crises, il permet de surveiller l’efficacité des traitements, la fréquence des crises et de détecter un abus médicamenteux, dès lors que les crises se répètent plusieurs fois par mois. Différentes versions sont disponibles : papier (à télécharger sur sfemc.fr ou lavoixdesmigraineux.fr) ou via notamment l’application mobile Apo Migraine mise au point par des neurologues et des patients. L’utilisation de ces traitements de la crise plus de 8 jours par mois doit alerter et conduire à une consultation médicale et idéalement à un avis spécialisé (neurologue).

• Migraine avec aura. Elle est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire, en particulier d’accident vasculaire cérébral (AVC). Le sevrage tabagique est fortement recommandé. Chez la femme, elle contre-indique la contraception œstroprogestative.

A propos du traitement

Traitements de la crise

• Clarifier leur utilisation. AINS et triptan sont souvent prescrits sur une même ordonnance. Leur utilisation doit être bien comprise des patients car elle conditionne leur efficacité. Celle-ci s’évalue sur au moins 3 crises avec pour objectif un soulagement en 2 heures de la céphalée avec une réponse soutenue sur 24 heures.

Selon l’intensité de la crise, un AINS ou un triptan est recommandé en première intention et doit être pris dans l’heure qui suit le début de la céphalée. En cas de soulagement insuffisant au bout de 1 heure, le médicament non utilisé (triptan ou AINS) doit être pris. En cas de crises sévères ou récurrentes, il est préconisé de prendre simultanément AINS et triptan.

En cas de migraine avec aura, l’AINS doit être pris durant l’aura et le triptan au début de la céphalée.

• Prévenir l’abus médicamenteux. Les opioïdes (à l’origine d’une dépendance) et les antalgiques à base de caféine en automédication ne sont pas recommandés : ils favorisent en effet l’entretien de la céphalée et peuvent conduire à des céphalées chroniques (plus de 15 jours par mois depuis plus de 3 mois). Rappeler l’importance de tenir un agenda et de comptabiliser les jours de prise des traitements de la crise.

Traitements de fond

• Il n’a pas pour objectif de faire disparaître totalement les crises mais d’en diminuer la fréquence, l’intensité et/ou la durée. Expliquer que son action ne se fait ressentir qu’après plusieurs semaines. Elle est évaluée après 3 mois de prise environ.

• Le neurofeedback, qui se pratique au sein de structures spécialisées dans la prise en charge de la migraine, consiste en la réalisation d’exercices visuels et auditifs à l’aide d’électrodes posées sur le cuir chevelu. Le but est de permettre au cerveau d’autoréguler sa réponse face à des situations à l’origine de migraines.

Prévention

• Dans la mesure du possible, repérer et limiter des facteurs déclenchants, dont certains peuvent être alimentaires (alcool, sucres rapides, excès de café, etc.). Avoir sur soi des lunettes de soleil, un chapeau pour pallier les fortes intensités lumineuses, des protections auditives en cas d’ambiances bruyantes. En pratique, ce sont surtout les variations brutales de rythme de vie qu’il est souhaitable de « maîtriser » : éviter de sauter des repas, s’hydrater régulièrement, maintenir un temps de sommeil suffisant mais sans excès (le relâchement durant les vacances ou le week-end peut déclencher des crises).

• L’activité physique peut aider à diminuer la fréquence des crises à condition d’être régulière et progressive. Des activités intenses et brutales sont au contraire susceptibles de déclencher des crises.

• Les thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress sont reconnues et peuvent aider à améliorer la qualité de vie et à espacer les crises. Les dernières recommandations soulignent également l’intérêt de l’acupuncture et de la méditation pleine conscience.

Par Delphine Guilloux, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Julia Devianne, Centre d’urgences céphalées de l’hôpital Lariboisière (Paris)

L’ESSENTIEL À RETENIR

La migraine

PATHOLOGIE

→ La migraine est une pathologie neurologique chronique évoluant par crises récurrentes. Le diagnostic est posé devant des critères bien précis : céphalées pulsatiles, unilatérales, aggravées par l’effort, associées à des nausées et des vomissements, ainsi qu’une sensibilité à la lumière et au bruit.

→ Dans la migraine avec aura, la céphalée s’accompagne ou est précédée de signes neurologiques (visuels, sensitifs, troubles du langage le plus souvent) d’installation progressive. La migraine avec aura augmente le risque d’accident vasculaire, notamment cérébral ischémique.

→ La migraine chronique est définie par au moins 15 jours de céphalées par mois dont 8 de migraines. Une surconsommation des médicaments de la crise peut la favoriser.

PRISE EN CHARGE

→ Traitement de la crise. Il repose sur les AINS et les triptans (voire les dérivés ergotés en cas d’échec) avec pour objectif un soulagement complet de la céphalée dans les 2 heures, sans récurrence dans les 24 heures :

- céphalée d’intensité faible à modérée : AINS en première intention +/- triptan au bout de 1 heure ;

- céphalée d’intensité modérée ou sévère : triptan d’emblée +/- AINS au bout de 1 heure.

→ En cas d’échec : vérifier que l’antalgique est pris dans l’heure qui suit le début de la céphalée. Une optimisation des posologies ou changement de molécules (après échec sur 3 crises successives) doivent être envisagés.

→ En cas de migraine avec aura, l’AINS doit être pris durant l’aura et le triptan au début de la céphalée.

→ Traitement de fond. Il est recommandé en cas de migraine sévère (au moins 8 crises par mois ou retentissement important sur la qualité de vie) ou chronique : β-bloquants, amitriptyline, candésartan (hors AMM), topiramate. L’efficacité est évaluée après 3 mois.

→ Les anti-CGRP, non remboursés à ce jour (frémanézumab, galcanézumab), sont recommandés après résistance à deux traitements de fond chez des patients présentant au moins 8 jours de migraine par mois.

ACCOMPAGNEMENT DU PATIENT

→ La tenue d’un agenda des crises est essentielle lorsque les crises se répètent plusieurs fois par mois.

→ Avoir un rythme de vie le plus régulier possible (sommeil, éviter de sauter des repas, etc.), repérer les facteurs déclenchants (alcool, excès de café, etc.).

→ Activité physique régulière, thérapies cognitives et comportementales de gestion du stress, acupuncture, méditation pleine conscience ont fait l’objet d’études cliniques montrant leur intérêt pour améliorer la qualité de vie et diminuer la fréquence des crises.

* Publiées par Elsevier Masson et téléchargeables pour les abonnés sur le site em-consulte.com. La traduction française est en cours et sera mise en ligne sur le site de la SFEMC.

CHIFFRES

- La migraine affecte environ 15 % des adultes avec un pic entre 35 et 39 ans. Elle touche deux femmes pour un homme. Environ un tiers des migraineux ont une migraine avec aura. Plus de 90 % des auras sont visuelles.

- Environ 3 % des patients souffrant de migraine épisodique développent une migraine chronique chaque année.

- Durée d’une crise : moins de 6 heures chez la moitié des migraineux et plus de 24 heures chez 15 % des patients.

Sources : Recommandations 2021 de la Société française d’étude des migraines et céphalées ; dossier « Migraines » Inserm publié le 23/06/2017, modifié le 25/09/2020.

TÉMOIGNAGE

BÉNÉDICTE, 38 ANS

« J’ai été diagnostiquée migraineuse à l’adolescence. Un traitement de fond a été mis en place et j’ai été relativement soulagée pendant une quinzaine d’années. Mon état a empiré lorsque j’ai changé de travail. J’ai géré les crises en prenant de plus en plus de médicaments. Mon médecin m’a alors orientée vers le centre antidouleur de ma région. Après adaptation de mon traitement de fond et essai de différentes mesures (acupuncture, kinésithérapie, méditation, etc.), l’équipe m’a proposé un sevrage à l’hôpital, mais je ne peux pas risquer d’avoir plus de crises avec mon travail. Aujourd’hui, le problème est loin d’être résolu et j’attends mon prochain rendez-vous pour savoir si je suis éligible à un traitement par anti-CGRP1. »

1 Anticorps du peptide relié au gène calcitonine.

L’ESSENTIEL

- La migraine se caractérise par des épisodes répétés de céphalées d’intensité modérée à sévère associés à des nausées et des vomissements ou à une photophobie et une phonophobie. La céphalée est souvent pulsatile aggravée par l’effort, les odeurs et soulagée partiellement par le repos au calme dans l’obscurité.

- La migraine avec aura, moins fréquente, est caractérisée par la présence de symptômes neurologiques visuels (le plus souvent), sensitifs ou phasiques. L’aura est suivie ou non d’une céphalée.

- La principale complication est le risque de chronicisation qui peut être lié à un abus médicamenteux.

AURA

Symptômes neurologiques transitoires, totalement réversibles, précédant ou accompagnant une crise de migraine.

ALGIE VASCULAIRE DE LA FACE

De cause inconnue, elle se manifeste généralement de façon épisodique durant quelques semaines, avec des rémissions de quelques mois à quelques années.

VIGILANCE !

Certaines contre-indications doivent être connues.

AINS et aspirine : ulcère gastroduodénal évolutif ou antécédent lié à un AINS, insuffisances rénale, hépatique ou cardiaque sévères, grossesse (à partir du sixième mois), lupus érythémateux disséminé (pour l’ibuprofène).

Triptans : antécédents de pathologie cardiaque ischémique, hypertension artérielle (HTA) sévère ou non contrôlée, antécédents d’accidents vasculaire cérébral ou ischémique tranistoire, syndrome de Raynaud, insuffisance rénale sévère (élétriptan, naratriptan et rizatriptan).

Dérivés ergotés : insuffisance coronarienne, HTA sévère ou mal contrôlée, affection vasculaire oblitérante, syndrome de Raynaud, artérite temporale, infection sévère, insuffisance rénale sévère, grossesse, allaitement.

β-bloquants : bloc auriculoventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie, hypotension, maladie de Raynaud, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et asthme (dans leurs formes sévères pour le métoprolol, cardiosélectif, et quelles que soient leurs formes pour le propranolol, non cardiosélectif).

Amitriptyline : infarctus du myocarde récent, trouble du rythme cardiaque, insuffisance coronarienne.

Topiramate : grossesse, absence de contraception chez la femme en âge de procréer.

Pizotifène : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques.

Flunarizine : maladie de Parkinson, antécédents de symptômes extrapyramidaux ou de syndrome dépressif.

Anti-CGRP : grossesse. Faute de données disponibles, non recommandés chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires sévères.

CATAMÉNIALE

Se produisant lors des menstruations.

TENS

Transcutaneous electrical nerve stimulation, technique utilisant un courant électrique de faible tension transmis par des électrodes placées sur la peau.

POINT DE VUE

« Les anti-CGRP sont efficaces chez 70 à 80 % des patients »

DR CHRISTIAN LUCAS, neurologue et chef de service du centre d’évaluation et de traitement de la douleur au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille (Nord), président de la Société française d’études des migraines et céphalées

Quelle est l’efficacité en pratique des anti-CGRP ?

Ce sont des traitements efficaces et bien tolérés qui constituent une petite révolution dans la prise en charge des migraineux sévères. Leur utilisation, avec un recul de plusieurs années dans certains pays, montre qu’ils sont efficaces chez 70 à 80 % des patients dont la fréquence des crises diminue de 50 à 75 %, 10 % d’entre eux n’ont même quasiment plus de migraines. Ils n’entraînent pas d’interactions médicamenteuses et sont par ailleurs bien tolérés, ce qui est un atout par rapport aux autres traitements de fond dont les effets sédatifs ou la prise de poids conduisent régulièrement à des arrêts de traitement. Reste que la France est le seul pays occidental développé où ils ne sont pas remboursés. L’eptinézumab (Vyepti), qui a obtenu une AMM européenne, le sera prochainement mais sa prescription, réservée aux neurologues hospitaliers, et son administration, en perfusion intraveineuse tous les 3 mois en hospitalisation de jour, en limiteront l’accès.

Quelles sont les autres perspectives thérapeutiques ?

Les « gépants » (rimégépant, atogépant), des antagonistes oraux du CGRP sont efficaces en cas de crise de migraine et également en traitement de fond. Déjà commercialisés aux Etats-Unis, ils vont faire l’objet d’études cliniques de phase 3 ou 4 en Europe. Un agoniste des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1F pourrait aussi être disponible ces prochaines années en France : le lasmiditan. Plus efficace que les triptans, il est cependant à l’origine d’effets sédatifs et de vertiges les heures suivant son administration, limitant fortement son usage.

L’ESSENTIEL

Traitement de la crise. AINS (ou aspirine) et triptans doivent être prescrits en même temps. Le paracétamol n’est pas recommandé sauf contre-indications aux AINS, tout comme la caféine qui majore le risque de chronicisation.

- Céphalée migraineuse d’intensité faible à modérée : AINS en première intention +/- triptan au bout de 1 heure.

- Céphalée migraineuse d’intensité modérée ou sévère : triptan d’emblée +/- AINS au bout de 1 heure.

Traitement de fond. Les β-bloquants sont recommandés en première intention, puis l’amitriptyline, le candésartan (hors AMM) ou le topiramate. L’efficacité est évaluée à 3 mois. Les anti-CGRP peuvent être recommandés chez les patients ayant au moins 8 jours de migraine par mois en cas d’échec à au moins 2 traitements de fond.

QU’EN PENSEZ-VOUS ?

Six mois plus tard, Mme T vient renouveler son traitement. Toujours sous amitriptyline, ses crises de migraine se sont stabilisées mais restent fréquentes. Elle doit revoir le neurologue et souhaite lui demander si les anti-CGRP pourraient être efficaces pour elle. Elle vous questionne sur leurs indications, coût et tolérance. Quelles informations lui donnez-vous ?

Ils sont recommandés :

1) en cas d’échec d’au moins 2 traitements de fond.

2) chez des patients ayant au moins 4 jours de migraines par mois.

3) mais ne sont remboursés qu’en cas de migraine chronique.

Par ailleurs, ils s’administrent par voie sous-cutanée :

4) toutes les semaines.

5) tous les mois ou tous les 3 mois.

Réponse : les anti-CGRP sont recommandés chez des patients cumulant au moins 8 jours de migraine par mois et en échec d’au moins 2 traitements de fond. Ces traitements, dont la prescription est réservée aux neurologues, ne sont pas remboursés à ce jour. Ils s’administrent par voie sous-cutanée à une fréquence mensuelle ou trimestrielle et sont bien tolérés. La première réponse ainsi que la cinquième sont les bonnes.

Les principaux effets indésirables sont des réactions locales au point d’injection et parfois une constipation.

QUESTION DE PATIENT

« Le café est-il un faux ami ? »

« La caféine exerce des effets paradoxaux. Ayant des propriétés analgésiques et vasoconstrictrices, elle aide chez certains patients au soulagement d’une crise, mais, consommée en excès, elle peut favoriser la chronicisation de la céphalée. Les antalgiques renfermant de la caféine ne sont d’ailleurs pas recommandés pour soulager les crises migraineuses. »

QUESTION DE PATIENT

« Comment gérer la migraine qui survient au cours des règles ? »

« Souvent d’intensité sévère, la migraine cataméniale peut être gérée en prenant l’AINS et le triptan en même temps. Une contraception hormonale (progestative ou œstroprogestative) prise en continu peut également être proposée de manière à induire une aménorrhée. »

DIFFÉRENCIER MIGRAINE ET CÉPHALÉE DE TENSION

Validé scientifiquement, le test ID Migraine est un questionnaire court qui peut orienter vers le diagnostic de migraine.

- Au cours de l’année écoulée, les maux de tête vous ont-ils obligé à limiter vos activités pendant une journée ou plus ?

- Sont-ils associés à des nausées et/ou des vomissements ?

- S’accompagnent-ils d’une gêne à la lumière ?

Si deux réponses ou plus sont positives, la probabilité de céphalées migraineuses est estimée à 90 %. Un avis médical doit alors être recommandé pour établir le diagnostic.

L’ESSENTIEL

- La prise en charge des céphalées migraineuses implique un traitement spécifique des crises et parfois un traitement prophylactique. Toute demande récurrente d’antalgiques en automédication doit alerter et conduire à orienter vers un avis médical pour établir le diagnostic (médecin généraliste) ou adapter la prise en charge (neurologue ou médecin généraliste).

- La tenue d’un agenda des crises est essentielle au suivi de la maladie lorsque les crises se répètent et au repérage des abus médicamenteux.

- Activité physique, techniques de gestion du stress et acupuncture peuvent améliorer la qualité de vie.

EN SAVOIR PLUS

Collège des enseignants en neurologie

cen-neurologie.fr

Un cours en ligne (« Migraine, névralgie du trijumeau et algies de la face »), clair et détaillé sur le diagnostic et la prise en charge de la migraine.

Société française d’études des migraines et céphalées

sfemc.fr

Les dernières recommandations élaborées en 2021 ne sont pas encore mises en ligne, mais le site propose de nombreuses explications sur la migraine et les céphalées, ainsi que des outils pour les patients et professionnels de santé (agenda, questionnaire de l’impact des céphalées sur le quotidien, etc.).

Association de patients

lavoixdesmigraineux.fr

Témoignages, conseils au quotidien, gestion d’une crise… De nombreuses informations pour les patients et parents d’enfants migraineux.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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