L’acide mycophénolique - Le Moniteur des Pharmacies n° 3422 du 18/06/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3422 du 18/06/2022
 

EXPERTISE

PHARMACOLOGIE

Auteur(s) : Maïtena Teknetzian

Immunosuppresseur indiqué dans la prévention du rejet d’allogreffe, l’acide mycophénolique est hautement tératogène. Sa dispensation chez la femme en âge de procréer est soumise à la vérification d’un formulaire d’accord de soins et de contraception.

Mécanisme d’action

Inhibition de la synthèse des bases puriques

• L’acide mycophénolique est un antimétabolite qui inhibe la synthèse de novo de la guanine, base purique constitutive de l’ADN et de l’ARN. Il agit en inhibant sélectivement et de façon non compétitive et réversible l’inosine monophosphate (IMP) déshydrogénase, enzyme impliquée dans la synthèse de la guanine.

• Il exerce ainsi un effet cytostatique particulièrement marqué sur les lymphocytes T et B à l’origine de son action immunosuppressive (mise à profit dans la prévention des rejets d’allogreffe), mais aussi sur certaines cellules à division rapide (muqueuse digestive et moelle osseuse, notamment), ce qui explique ses effets indésirables.

• L’acide mycophénolique est utilisé sous forme de sel sodique (mycophénolate sodique) ou d’une prodrogue inactive, le mycophénolate mofétil qui est transformé en acide mycophénolique par des estérases lors du premier passage hépatique. Le mycophénolate sodique et le mycophénolate mofétil ne sont pas bioéquivalents et ne peuvent être interchangés.

Indications

Prévention des rejets de greffe

• L’acide mycophénolique est indiqué dans le cadre de la prévention des rejets de greffe rénale, cardiaque ou hépatique, en association à d’autres immunosuppresseurs (ciclosporine, corticoïdes), dont il permet de diminuer la posologie et de limiter la néphrotoxicité.

• Il est aussi utilisé hors autorisation de mise sur le marché dans certaines pathologies auto-immunes, notamment dans les atteintes rénales de lupus systémique ou dans le psoriasis.

Pharmacocinétique

Cycle entérohépatique et sécrétion tubulaire

• La biodisponibilité de l’acide mycophénolique n’est pas influencée par la prise alimentaire. Son administration per os peut se faire indifféremment par rapport aux repas. Il est toutefois recommandé au patient de le prendre toujours aux mêmes moments de la journée. Une administration au cours du repas peut permettre d’améliorer la tolérance digestive.

• Dans le sang, il circule pour 97 % sous forme liée à l’albumine.

• Il est métabolisé dans le foie par glucuronoconjugaison. Les métabolites sont éliminés par voies biliaires (donnant lieu à un cycle entérohépatique) et urinaire (par sécrétion tubulaire).

• C’est un médicament à marge thérapeutique étroite, par ailleurs sujet à une variabilité cinétique interindividuelle importante (à partir d’une même dose, l’aire sous la courbe varie de 1 à 10 selon les patients), justifiant un suivi thérapeutique pharmacologique (mesure de la concentration sanguine du médicament), notamment dans certaines situations d’interactions médicamenteuses.

Effets indésirables

Tératogène majeur

• L’acide mycophénolique expose principalement au risque de troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées pouvant mener à une déshydratation, ou parfois constipation, et plus rarement ulcérations et hémorragies digestives). Céphalées, étourdissements et douleurs musculoarticulaires sont aussi fréquemment rapportés. Des réactions allergiques et une perturbation du bilan hépatique sont possibles.

• Il est également responsable de troubles hématologiques à type de thrombopénie et leucopénie qui augmentent le risque d’infections opportunistes (en particulier à cytomégalovirus) et de candidoses, ainsi que celui de réactivation d’hépatite B ou C.

• L’acide mycophénolique majore le risque de lymphomes et de cancers cutanés : il est recommandé d’éviter l’exposition au soleil pendant le traitement et d’appliquer une crème solaire à indice de protection élevée.

• C’est un tératogène majeur responsable de 45 à 49 % d’avortements spontanés et d’environ 25 % de malformations congénitales chez les nouveau-nés vivants. Une contraception est obligatoire chez la femme en âge de procréer traitée : elle doit débuter avant le traitement, être poursuivie pendant toute sa durée et jusqu’à 6 semaines après son arrêt. Chez l’homme traité, une contraception est recommandée (chez le patient ou sa partenaire) pendant le traitement et jusqu’à 90 jours après son arrêt. Les dons de sperme sont contre-indiqués jusqu’à 90 jours après l’arrêt du traitement.

Principales interactions

Vaccins vivants

• L’administration de vaccins vivants atténués est contre-indiquée (BCG, rotavirus, fièvre jaune, rougeole, oreillons, rubéole, virus varicelle-zona).

• L’association au sévélamer (chélateur de phosphore) expose au risque de diminution de l’absorption de l’acide mycophénolique. Ce dernier doit être pris au moins 1 heure avant ou 3 heures après le sévélamer.

• L’association à la rifampicine risque de diminuer l’exposition à l’immunosuppresseur et celle au tacrolimus de l’augmenter (surveillance des concentrations plasmatiques de l’acide mycophénolique).

• Les médicaments interférant avec la glucuronidation comme certains antibiotiques (pénicillines et fluoroquinolones, notamment) ou le telmisartan doivent être utilisés avec prudence, ainsi que ceux interférant avec le cycle entérohépatique comme la cholestyramine ou la ciclosporine.

• L’association à l’aciclovir, au valaciclovir ou au ganciclovir expose au risque de compétition d’élimination au niveau de la sécrétion tubulaire et à l’augmentation des concentrations plasmatiques de l’acide mycophénolique et des antiviraux.

Contre-indications

Grossesse et allaitement

Du fait de sa tératogénicité, l’acide mycophénolique est contre-indiqué chez la femme en âge de procréer n’utilisant pas de méthode contraceptive et durant la grossesse, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique. Il est également contre-indiqué pendant l’allaitement.

Surveillance

Hématologique

• La numération formule sanguine (NFS) doit être contrôlée chaque semaine pendant le premier mois, puis 2 fois par mois les deuxième et troisième mois, et ensuite mensuellement. Tout signe d’hématotoxicité (fièvre, maux de gorge, signes infectieux, saignements) doit être immédiatement signalé au médecin.

• Des dosages sanguins peuvent être effectués afin d’estimer l’aire sous la courbe dans le cadre du suivi thérapeutique pharmacologique, notamment chez les enfants ou en cas d’associations à d’autres médicaments susceptibles d’interactions pharmacocinétiques avec l’acide mycophénolique.

Sources : « Antimétabolites immunosuppresseurs », Collège national de pharmacologie médicale, pharmacomedicale.org ; base de données publique des médicaments ; Thésaurus des interactions médicamenteuses, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ; « Mycophénolate : l’ANSM rappelle les conditions de sa prescription et de sa délivrance car son utilisation pendant la grossesse persiste », point d’information du 10/02/2020, mis à jour le 16/03/2021, ANSM ; guide pour les patients (2018) et guide pour les professionnels de santé sur le mycophénolate (2019), ANSM.

Prescription et délivrance

- L’acide mycophénolique est un médicament à prescription initiale hospitalière, dont la validité a été portée à 1 an au lieu de 6 mois en juin 2018. Dans cet intervalle, le renouvellement est possible par un médecin de ville (avec possibilité d’adapter la posologie).

- Du fait de sa tératogénicité, cette prescription initiale est établie chez la femme en âge de procréer après la réalisation d’un test de grossesse au résultat négatif et l’acceptation par la patiente d’un accord de soins et de contraception (cosigné par le médecin), dont la durée de validité est également d’1 an.

- Le patient doit présenter l’accord de soins à chaque délivrance. Pour les renouvellements, l’ordonnance initiale doit être présentée simultanément à celle de renouvellement.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !