« J’ai créé une MSP avec une kiné »

Titulaire de la pharmacie de La Poste à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) depuis 2013, Qué Anh Nguyen trouvait que l’activité de son officine stagnait. Alors, quand elle apprend le départ à la retraite imminent d’un généraliste du quartier et la fermeture prochaine du passage qui conduit la population devant son officine pour rejoindre le tramway, la jeune femme prend le taureau par les cornes. Un brainstorming familial plus tard, elle parvient à la conclusion que seule l’implantation de médecins compensera la perte de flux. Et voilà qu’aujourd’hui, elle est la gérante d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) accueillant des généralistes, un pédiatre, un neurologue, un diabétologue, un podologue, une infirmière, quatre kinés… soit une vingtaine de professionnels aux profils variés. Cette année, la MSP, ouverte le 6 janvier 2020 et baptisée Ivrymed, compte par ailleurs renouveler une action de santé par le sport à destination des seniors et mettre en place un atelier de nutrition pour diabétiques.

Comprendre les attentes

Mais pour en arriver là, il en a fallu de l’énergie et de la persévérance. Au départ, Qué Anh Nguyen pense acheter un appartement pour y implanter deux médecins et commence à chercher un local de 80 m². « Quand j’ai appelé l’union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins, on m’a expliqué que j’étais à côté de la plaque », se souvient-elle en riant. Elle comprend qu’il lui faut au moins 250 m² de surface et que les médecins veulent désormais exercer en groupe, dans des maisons de santé où ils peuvent partager des moyens financiers, une réflexion commune, en travaillant 35 heures par semaine… Douche froide. Avec son mari, ingénieur en téléphonie, elle se met en quête d’un lieu plus grand. Heureux concours de circonstances, elle découvre qu’une kinésithérapeute du quartier, Solène Péron, cherche à s’agrandir. C’est ensemble qu’elles vont se lancer dans un projet encore plus ambitieux : la création d’une MSP. L’espace trouvé, au-dessus d’un restaurant japonais près de la pharmacie, s’étend finalement sur 480 m² « à 10 000 € par mois »… Nous sommes fin 2017 : les propriétaires refusent de diviser leur plateau pour deux locataires, mais acceptent de patienter pour exiger le paiement du loyer.

Trouver les financements

Démarre alors une véritable chasse aux subventions qui durera deux ans. Finalement, l’agence régionale de santé (ARS) et la région Ile-de-France mettent la main au portefeuille. « Nous avons aussi convaincu la commune en expliquant le risque de pénurie de médecins », détaille la pharmacienne qui confie avoir, avec son mari et son associée, lancé une pétition pour la MSP, écumé les cérémonies de vœux et conseils municipaux dans les quartiers pour convaincre. Les efforts ont payé : le conseil départemental du Val-de-Marne a également joué le jeu. « A la suite de notre sollicitation a carrément été créée une subvention spéciale pour venir en aide aux MSP et nous avons obtenu 100 000 € », se félicite celle qui ne lâche rien. Par ailleurs, un prêt bancaire est accordé pour le million d’euros de travaux nécessaires pour la rénovation, la mise aux normes pour les personnes à mobilité réduite (PMR), l’installation d’un ascenseur, de la climatisation… En parallèle, « nous avons commencé à chercher des médecins aux alentours, à infiltrer les comptes Facebook des internes, des facs de médecine, à envoyer des courriers aux hôpitaux… En septembre 2019, quelques mois avant de louer, les choses ont commencé à se décanter. Nous avons ouvert avec une poignée de médecins, les autres sont venus au fur et à mesure », précise la titulaire. La pharmacienne se souvient aussi qu’avant l’ouverture certains se disaient partants, puis finalement revenaient sur leur décision, et ce jusqu’au dernier moment. Ses principaux soutiens sont venus, selon ses dires, de David Bresson, de l’URPS médecins, et de Régis Gardin et Renaud Bray, de l’ARS. Et pour convaincre les médecins, elle a pu compter sur l’une d’entre eux, l’une des premières à avoir signé, qui a ensuite agi telle une caution auprès de ses confrères lors des entretiens de recrutement. La coordination démarre par là aussi !