Cancer Colorectal - Le Moniteur des Pharmacies n° 3413 du 16/04/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3413 du 16/04/2022
 

Cahier Formation

ORDONNANCE

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PATHOLOGIE

Le cancer colorectal en 5 questions

Au troisième rang des cancers les plus fréquents en France, le cancer colorectal représente également la deuxième cause de mortalité par cancer après celui du poumon. Dépisté à un stade précoce, il se guérit dans 9 cas sur 10.

1 COMMENT SE MANIFESTE-T-IL ?

• Tumeur maligne du côlon ou du rectum, le cancer colorectal fait suite, dans 60 à 80 % des cas, à une tumeur bénigne appelée polype adénomateux ou adénome. On estime qu’il faut entre 5 et 10 ans pour qu’un polype évolue en cancer. Les signes faisant évoquer l’apparition d’une tumeur maligne sont :

- des troubles du transit, en particulier après 40-50 ans (diarrhée, constipation ou alternance des deux) ;

- des douleurs abdominales inexpliquées ;

- des rectorragies ;

- un syndrome rectal comprenant des faux besoins, des ténesmes, des épreintes ;

- une masse abdominale palpable ou perçue au toucher rectal ;

- une altération de l’état général (perte de poids et d’appétit, fatigue, anémie ferriprive d’étiologie indéterminée).

• Ces symptômes doivent conduire à une exploration par coloscopie totale avec prélèvements biopsiques, même en cas de résultat négatif au test de dépistage organisé.

• La moitié des cancers touchent le rectum ou le côlon sigmoïde (reliant le côlon gauche au rectum).

2 QUELS SONT LES ÉTIOLOGIES ET LES FACTEURS DE RISQUE ?

• Les facteurs de risque clairement identifiés sont l’âge (environ 90 % des personnes atteintes ont plus de 50 ans, et 50 % ont plus de 70 ans), les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici), des prédispositions génétiques, un antécédent personnel ou familial (au premier degré) de cancer ou d’adénome colorectal.

• Une alimentation pauvre en fibres, la consommation importante de viande rouge, de charcuterie ou d’alcool, la surcharge pondérale et le tabagisme augmentent le risque.

• A l’inverse, une alimentation riche en fibres et la pratique d’une activité physique régulière sont des facteurs protecteurs.

3 QUELS SONT LES GROUPES À RISQUE ?

• A l’échelle de la population, trois niveaux de risque sont distingués, lesquels conditionnent les modalités de dépistage et de surveillance. Avant 50 ans, le risque étant faible, aucune mesure de dépistage n’est recommandée en l’absence de facteurs de risque particulier.

• Le risque moyen concerne les sujets âgés de plus de 50 ans, asymptomatiques, sans antécédent personnel ou familial de cancer colorectal, ni de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. 75 à 80 % des cancers colorectaux surviennent chez ces personnes (cas sporadiques). Pour cette population, un test de recherche de sang dans les selles tous les 2 ans est recommandé jusqu’à l’âge de 74 ans dans le cadre du dépistage organisé.

• Le risque élevé (15 à 20 % des cas) concerne les personnes :

- présentant des antécédents personnels d’adénome ou de cancer colorectal ;

- ayant un parent au premier degré atteint de cancer colorectal diagnostiqué avant l’âge de 60 ans ou deux parents atteints au premier degré, quel que soit l’âge ;

- ayant une maladie inflammatoire chronique de l’intestin telle qu’une rectocolite hémorragique ou une maladie de Crohn, particulièrement en cas de pancolite et/ou évoluant depuis plus de 10 ans ;

- atteintes d’acromégalie.

Dans ce groupe, la surveillance repose sur des coloscopies de contrôle dont le rythme est adapté au cas par cas.

• Enfin, le risque très élevé (1 à 3 % des cas) concerne les sujets présentant des atteintes génétiques comme la polypose adénomateuse familiale (PAF) ou le syndrome de Lynch. En plus d’un dépistage par coloscopie, des examens complémentaires et une consultation d’oncogénétique sont recommandés.

4 COMMENT EST ÉTABLI LE DIAGNOSTIC ?

• Toute suspicion de cancer colorectal (tableau clinique ou test de dépistage positif) conduit à réaliser un bilan diagnostique pour confirmer la maladie et évaluer le degré d’extension de la tumeur.

• La coloscopie totale avec prélèvements biopsiques des lésions suspectes pour examen anatomopathologique permet de confirmer le diagnostic et de rechercher certaines anomalies génétiques de la tumeur (statut MSI, protéines RAS et BRAF mutées : voir page 4) qui vont permettre d’orienter la prise en charge. En cas de coloscopie incomplète ou de problème de repérage de la lésion, un coloscanner avec distension à l’eau (et injection intraveineuse de produit de contraste iodé) peut être réalisé.

• Le bilan d’extension permet d’évaluer le degré d’évolution et d’agressivité de la tumeur. Il repose notamment sur une tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdomino-pelvienne, sur le dosage de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) qui permet un suivi de la maladie s’il est élevé au diagnostic, complétée par une échoendoscopie rectale ou une IRM pelvienne pour le cancer du rectum. En complément, d’autres examens sont réalisés en fonction des symptômes : scintigraphie osseuse, TDM cérébrale, etc.

• Ces résultats permettent de classer la tumeur en cinq stades selon la classification TNM (T : taille de la tumeur, N : atteinte ganglionnaire, M : présence ou non de métastases), le stade 0 correspondant à un cancer in situ, les stades 1 et 2 à un cancer localisé sans atteinte ganglionnaire, le stade 3 à un cancer localement avancé, et le stade 4 à un cancer métastatique.

5 QUELLE EST L’ ÉVOLUTION ?

• Le pronostic du cancer est notamment corrélé au stade de la maladie, à la résécabilité de la tumeur, à sa localisation (l’atteinte du côlon droit est associée à un plus mauvais pronostic), à la présence de métastases et à l’état général du patient. Environ un tiers des cancers du côlon ou du rectum sont diagnostiqués à un stade avancé. Les métastases touchent principalement le foie, les poumons et le péritoine.

• Les résultats de la biologie moléculaire influencent aussi le pronostic. Ainsi, le statut MSI est un marqueur de bon pronostic en cas de tumeur localisée alors que des mutations du gène BRAF (environ 5 % des cancers) sont considérées comme étant de mauvais pronostic en cas de cancer métastatique.

Par Patricia Willemin, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Edouard Auclin, oncologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris

PATHOLOGIE

Physiopathologie et pharmacodynamie

La plupart des cancers colorectaux se développent à partir de polypes adénomateux, dont environ 5 % évoluent en cancer. Les cytotoxiques et les thérapies ciblées visent à stopper ou à limiter la prolifération tumorale.

PHYSIOPATHOLOGIE DU CANCER COLORECTAL

• Les adénocarcinomes rectocoliques résultent de deux types d’instabilité génomique.

• La voie majoritaire est liée à une instabilité chromosomique ou instabilité du caryotype. Le développement de la tumeur est le résultat d’une suite de remaniements chromosomiques générant des mutations, dont parfois celle du gène RAS, rendant inefficaces les anti-EGFR. Ces tumeurs sont dites LOH+ (loss of heterozygoty). Environ 85 % des cancers colorectaux relèvent de cette voie de développement. Ils sont le plus souvent localisés au niveau du côlon gauche et du rectum. Ces tumeurs présentent peu de mutations BRAF.

• La seconde, l’instabilité génétique à l’échelle nucléotidique, est liée à une inactivation de certains gènes réparateurs de l’ADN. Les mutations s’accumulent notamment au niveau des microsatellites, régions du génome particulièrement sujettes aux erreurs de réplication. Ces tumeurs dites MSI (voir page 3) représentent 15 % des cancers colorectaux. Elles sont considérées comme de bon pronostic au stade localisé. Dans environ 25 % des cas, les tumeurs MSI sont associées à des mutations BRAF et prédominent au niveau du côlon droit. En situation métastatique, la mutation BRAF est de mauvais pronostic.

LES PRINCIPAUX TRAITEMENTS DU CANCER COLORECTAL

Les cytotoxiques

• Les antimétabolites antipyrimidiques. Le 5-FU (5-fluorouracile) administré par voie intraveineuse bloque la méthylation de l’uracile en thymine, base nécessaire à la synthèse de l’ADN. Il perturbe également la synthèse protéique en s’intégrant à l’ARN. Les folates augmentent l’activité du 5-FU par inhibition de la thymidylate synthétase impliquée dans la biosynthèse de la thymidine. La capécitabine (à l’officine) est un précurseur du 5-FU administrée par voie orale. La trifluridine (à l’officine) est un analogue nucléosidique de la thymidine administrée par voie orale. Son association avec le tipiracil, inhibiteur de la thymidine phosphorylase, évite une dégradation trop rapide aux niveaux digestif et hépatique.

• Les agents alkylants. L’oxaliplatine interagit avec l’ADN en formant des ponts intra ou interbrins, perturbant ainsi sa synthèse.

• Les inhibiteurs de topoisomérases. L’irinotécan inhibe la topoisomérase I, enzyme stabilisant la structure hélicoïdale de l’ADN.

Les thérapies ciblées

• Anti-EGFR. Le cétuximab et le panitumumab, des anticorps monoclonaux, se fixent au récepteur de l’EGF (epidermal growth factor) et bloquent ainsi cette voie de signalisation impliquée dans le contrôle de la prolifération cellulaire et suractivée dans un grand nombre de cancers colorectaux.

• Anti-VEGF. Le bévacizumab, le ramucirumab, anticorps monoclonaux, et l’aflibercept, protéine de fusion recombinante agissant comme un leurre, ciblent le VEGF (vascular endothelial growth factor), ligand clé de la vasculogénèse et de l’angiogénèse notamment sécrété par les cellules tumorales ou son récepteur. L’aflibercept se lie aussi au placental growth factor (plGF), facteur de croissance placentaire, qui agit en synergie avec le VEGF.

• Inhibiteurs de protéines kinases. Le régorafénib (à l’officine) inhibe de multiples protéines kinases impliquées dans l’oncogénèse, l’angiogénèse, la formation de métastases et en particulier la protéine KIT mutée impliquée dans les tumeurs gastrointestinales. L’encorafénib (à l’officine) est un inhibiteur puissant et sélectif de la protéine kinase BRAF mutée impliquée dans la prolifération cellulaire et exprimée dans certains cancers colorectaux.

Par Patricia Willemin, Stéphanie Satger et Nathalie Belin, pharmaciennes, avec la collaboration du Dr Edouard Auclin, oncologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter le cancer colorectal ?

La prise en charge dépend du stade et des caractéristiques moléculaires de la tumeur. Aux stades les plus précoces, elle vise la guérison du patient. Aux stades les plus avancés, elle a pour objectif d’améliorer la survie et la qualité de vie de la personne malade.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

L’ablation chirurgicale de la tumeur est le traitement de référence des cancers du côlon et du rectum. Au stade métastatique, le traitement comporte une chimiothérapie associée le plus souvent à une thérapie ciblée, mais seule la résection ou la destruction des lésions par un traitement local peut permettre la rémission complète et parfois la guérison.

Aux stades non métastatiques Traitement locorégional

• L’exérèse tumorale est réalisée par endoscopie, lorsqu’elle est superficielle, ou par chirurgie. Cette dernière s’accompagne d’un curage ganglionnaire comportant au moins douze ganglions.

• Il peut être nécessaire de dériver le transit et de réaliser une stomie de façon temporaire ou définitive.

• Une chimiothérapie néoadjuvante (en préopératoire) peut être indiquée selon la taille de la tumeur afin de favoriser son exérèse sans amputation définitive. Dans le cancer du rectum, en cas d’envahissement local et/ou ganglionnaire, une radiothérapie néoadjuvante est réalisée en association avec la chimiothérapie (radiochimiothérapie). En cas de fragilité ou chez les personnes âgées, la radiothérapie est pratiquée seule.

Chimiothérapie adjuvante

• Elle vise à éradiquer les foyers tumoraux microscopiques non détectables qui peuvent être responsables de la survenue de métastases. Elle est systématique au stade 3 du cancer du côlon, et se discute en fonction des facteurs de mauvais pronostic au stade 2 (tumeur peu différenciée, obstruction, etc.). A l’inverse, le statut MSI (voir page 3), facteur de bon pronostic, ne fait pas recommander de chimiothérapie chez les patients opérés d’une tumeur de stade 2.

• Les protocoles les plus utilisés sont Folfox, Xelox (voir tableau), ou le LV5-FU2 ou la capécitabine seul (sujets âgés notamment). Ils sont mis en place pour une durée de 3 à 6 mois.

Aux stades métastatiques Choix du traitement

• Le traitement est individualisé selon les caractéristiques de la tumeur primitive (volume, extension, etc.), la possibilité de résécabilité des métastases, l’état général, ainsi que les comorbidités du patient.

• Lorsque les métastases, voire la tumeur initiale, sont résécables ou peuvent le devenir, une chimiothérapie périopératoire est indiquée, parfois associée aux thérapies ciblées. Sinon, le traitement, initié pour 3 à 6 mois, repose sur une chimiothérapie et/ou une thérapie ciblée et est réadapté en cas de progression de la maladie.

Chimiothérapie

En fonction des chimiothérapies déjà employées, les protocoles Folfox, Folfiri ou Folforinox (voir tableau) peuvent notamment être indiqués. D’autres molécules sont indiquées après plusieurs lignes de chimiothérapie comme le trifluridine/tipiracil (Lonsurf, à l’officine) ou le raltitrexed chez les patients n’ayant pas reçu de 5-FU auparavant.

Thérapie ciblée

• En première ligne, la chimiothérapie peut être associée à un anti-VEGF (bévacizumab) ou un anti-EGFR (cétuximab, panitumumab). En cas de statut RAS muté rendant inactif les anti-EGFR, seul le bévacizumab est efficace. Les tumeurs qui ont un statut MSI sont sensibles à l’immunothérapie et font indiquer le pembrolizumab.

• En deuxième ou troisième ligne, d’autres thérapies ciblées sont disponibles et utilisées seules ou en association avec la chimiothérapie : l’aflibercept, un antiangiogénique ou des inhibiteurs de protéines kinases per os disponibles à l’officine : le régorafénib ou l’encorafénib. Ce dernier est indiqué chez les patients porteurs d’une mutation BRAF V600E, la plus fréquente dans le cancer colorectal.

LES TRAITEMENTS

Chirurgie

• La résection endoscopique permet de retirer les tumeurs superficielles (stades 0 et 1). Pour les tumeurs plus infiltrantes, le geste chirurgical s’effectue autant que possible par voie cœlioscopique (laparoscopie), ce qui limite les complications postopératoires.

• Selon le type d’intervention, une stomie temporaire ou définitive peut être réalisée. Si elle est temporaire, le rétablissement de continuité est programmé 6 à 12 semaines plus tard ou après la chimiothérapie adjuvante.

• Effets indésirables : outre des complications postopératoires (hémorragies, infections, troubles de la cicatrisation, fistule anastomotique, etc.), des troubles du transit sont fréquents (diarrhées, constipation) mais s’améliorent en général progressivement. En revanche, des troubles de la continence peuvent persister ainsi que, en cas de cancer du rectum, des troubles urinaires et sexuels.

Radiothérapie

• Classiquement délivrée 5 jours par semaine pendant 5 semaines, elle est indiquée seule ou en association avec la chimiothérapie dans le traitement du cancer du rectum localement évolué.

• Effets indésirables : immédiats à type de troubles cutanés (érythème, sensation de brûlures) et digestifs (diarrhées, notamment), d’inflammation de la vessie (cystite radique), du rectum (rectite) ou de l’anus (anite), ou tardifs à type de troubles fonctionnels anorectaux voire d’incontinence ou de syndrome occlusif, de sécheresse vaginale, de troubles de l’érection.

Chimiothérapie

Les molécules cytotoxiques sont employées soit en association dans différents protocoles, soit seules.

Antipyrimidiques 5-FU et capécitabine

• Ces fluoropyrimidines font partie des chimiothérapies de première ligne du cancer colorectal. Le 5-fluorouracile (5-FU) se substitue à l’uracile, précurseur de la thymine via la thymidilate synthétase. Injecté par voie intraveineuse, il est systématiquement associé à l’acide folinique qui en augmente l’activité cytotoxique. La capécitabine, précurseur du 5-FU, s’administre par voie orale (Xeloda, à l’officine). Elle ne nécessite pas d’être associée à l’acide folinique.

• La recherche d’un déficit partiel ou complet en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), enzyme impliquée dans le métabolisme des fluoropyrimidines, est systématique avant l’instauration du traitement, car elle expose les patients à une toxicité sévère, potentiellement fatale. Elle se fait via le dosage de l’uracilémie. Le pharmacien doit vérifier que la mention « Résultats de l’uracilémie pris en compte » est portée sur l’ordonnance.

• Effets indésirables : troubles hématologiques (neutropénie, anémie, thrombopénie) entraînant un risque accru d’infections, gastrointestinaux (mucites, diarrhées, nausées et vomissements, perte d’appétit) et toxicité cutanée incluant un syndrome main-pied en particulier, une alopécie, une sécheresse et des éruptions cutanées, des atteintes unguéales et une photosensibilité. Les diarrhées et le syndrome main-pied sont plus marqués sous capécitabine. Des affections oculaires sont possibles, également plus fréquentes sous capécitabine (kératites, affections cornéennes). Les deux molécules sont aussi à l’origine d’une cardiotoxicité (arythmie, angine de poitrine, infarctus du myocarde).

• Interactions : outre celles contre-indiquées (voir tableau), l’allopurinol peut diminuer l’efficacité de la capécitabine.

Trifluridine/tipiracil

• La trifluridine est une fluoropyrimidine analogue de la thymidine, non métabolisée par la DPD. Associée au tipiracil, qui augmente sa biodisponibilité (Lonsurf, à l’officine), elle est indiquée en deuxième ou troisième ligne dans le cancer colorectal métastatique.

• Effets indésirables : myélosuppression (neutropénie, leucopénie, anémie, thrombopénie), toxicité gastrointestinale (nausées, vomissements, diarrhées) très fréquentes. La toxicité cutanée (sécheresse, syndrome main-pied, etc.) est moins fréquente que sous 5-FU ou capécitabine. Le risque infectieux est augmenté (infections des voies respiratoires basses surtout) et des embolies pulmonaires ainsi que des pneumopathies interstitielles sont rapportées.

Agents alkylants

• L’oxaliplatine (à l’hôpital) est toujours associée à une fluoropyrimidine.

• Effets indésirables : principalement une toxicité neurologique sous forme de neuropathie périphérique (fourmillements, brûlures, dysesthésie pharyngolaryngée se manifestant par une sensation de dysphagie, de dyspnée ou d’étouffement), souvent déclenchée par le froid et nécessitant une adaptation des doses. Elle persiste souvent après la fin du traitement. Il est recommandé aux patients de se protéger du froid qui peut déclencher les symptômes (port de chaussettes ou gants en hiver, vigilance avec les aliments sortant du réfrigérateur, etc.). Troubles gastrointestinaux, hématologiques, fièvre, infections, fatigue, atteintes hépatiques sont également très fréquents.

• Interactions : l’association à des médicaments allongeant l’intervalle QT, favorisant la survenue de rhabdomyolyse ou majorant la néphro ou l’ototoxicité doit se faire avec prudence.

Inhibiteur de topoisomérase

• L’irinotécan (à l’hôpital) est utilisé seul ou en association avec une fluoropyrimidine.

• Effets indésirables : les diarrhées et la neutropénie (nécessitant une surveillance hebdomadaire de l’hémogramme) sont les deux toxicités limitantes. Les diarrhées peuvent être précoces, survenant dans les 24 heures suivant la perfusion : d’origine cholinergique, elles sont traitées et prévenues par l’administration d’atropine par voie sous-cutanée. Les diarrhées tardives surviennent plus de 24 heures après la perfusion, avec un délai médian de 5 jours. Sévères dans 20 % des cas, elles nécessitent la prise de lopéramide à forte dose (2 mg toutes les 2 heures durant 48 heures maximum) dès la première selle liquide. Alopécie, diminution de l’appétit, mucites et fatigue sont également très fréquentes.

• Interactions : nombreuses (voir tableau p. 8), en particulier impliquant le cytochrome P450 (CYP) 3A4.

Antifolique

Indiqué en cas de progression métastatique, le raltitrexed (Tomudex, à l’hôpital) est utilisé en alternative ou en cas de contre-indication aux fluoropyrimidines (5-FU ou capécitabine). Les principaux effets indésirables sont hématologiques et digestifs.

Thérapies ciblées

Elles sont indiquées au stade métastatique.

Anti-VEGF (à l’hôpital)

• Le bévacizumab (Avastin, par exemple) est indiqué en association avec une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, quel que soit le statut mutationnel des gènes RAS. L’aflibercept (Zaltrap) et le ramucirumab (Cyramza, non remboursé) sont des options en cas de progression.

• Effets indésirables : sous bévacizumab, les risques d’hypertension artérielle et de néphropathie imposent une surveillance régulière de la pression artérielle et la recherche d’une protéinurie avant chaque cure. Fatigue, affections gastrointestinales, retard de cicatrisation des plaies sont fréquents. Des troubles hémorragiques (saignements de nez, des gencives mais aussi méléna ou hématémèse) et des thromboembolies artérielles ou veineuses sont possibles. Des cas rares mais graves de fasciite nécrosante sont rapportés. Le ramucirumab a un profil de tolérance globalement similaire, tout comme l’aflibercept. Ce dernier expose aussi à un risque d’ostéonécrose de la mâchoire.

• Interactions : les anticoagulants et les antiagrégants plaquettaires peuvent majorer le risque hémorragique.

Anti-EGFR (à l’hôpital)

• Le cétuximab (Erbitux) et le panitumumab (Vectibix) sont indiqués en monothérapie ou en association avec une chimiothérapie chez les patients ayant un statut RAS non muté.

• Effets indésirables : principalement une toxicité cutanée (éruption acnéiforme, atteintes unguéales notamment, démangeaisons, rougeurs, sécheresse cutanée), des désordres hydroélectrolytiques et des troubles oculaires (dont des kératites). Le panitumumab induit très fréquemment des troubles gastrointestinaux (diarrhées, nausées, vomissements).

Inhibiteurs de protéines kinases Régorafénib

• Le régorafénib (Stivarga, à l’officine) est indiqué en monothérapie chez des patients traités antérieurement ou non éligibles aux traitements disponibles.

• Effets indésirables : ils sont fréquents et pour certains, graves. Les plus fréquents sont une toxicité cutanée dont un syndrome main-pied, un retard de cicatrisation des plaies, une fatigue, des diarrhées, une diminution de l’appétit, une hypertension artérielle et des infections. Les plus graves sont liés à des anomalies du bilan hépatique, des hémorragies, des perforations gastrointestinales. Des ischémies cardiaques sont également rapportées.

• Interactions : nombreuses car le régorafénib est métabolisé par le CYP3A4, notamment.

Encorafénib

• L’encorafénib (Braftovi, à l’officine) est un inhibiteur sélectif de protéine kinase BRAF muté indiqué après échec d’autres thérapies en association avec le cétuximab chez les patients présentant une mutation BRAF V600E.

• Effets indésirables : nombreux et parfois graves, dont des atteintes hépatiques et rénales qui nécessitent des bilans réguliers, une toxicité cutanée (dont un syndrome main-pied) et digestive (diarrhées), une aphtose buccale, une fatigue, des arthralgies, des hémorragies (épistaxis mais aussi hémorragie cérébrale). Certains imposent une surveillance accrue : tumeurs cutanées, dysfonction ventriculaire gauche, toxicité oculaire (uvéite, décollement rétinien).

• Interactions : nombreuses du fait d’une métabolisation par le CYP3A4. Le risque hémorragique est augmenté avec des anticoagulants ou des antiagrégants plaquettaires.

Immunothérapie (à l’hôpital)

• Le pembrolizumab (Keytruda) bloque le récepteur PD-1 (programmed cell death-1), ce qui potentialise l’activité des lymphocytes T, y compris les réponses antitumorales. Il est indiqué en monothérapie en première ligne métastatique chez des patients ayant une instabilité microsatellitaire (statut MSI).

• Effets indésirables : principalement d’origine immunologique, potentiellement graves (pneumopathie, colite, hépatite, néphrite, endocrinopathies : diabète, dysthyroïdie, etc.), ainsi que des troubles cutanés, gastrointestinaux, hématologiques et des arthralgies.

Par Stéphanie Satger et Nathalie Belin, pharmaciennes, avec la collaboration du Pr Côme Lepage, oncologue digestif au centre hospitalier universitaire, à Dijon (Côte-d’Or), et du Pr Julien Taieb, oncologue digestif à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris

ANALYSE D’ORDONNANCE

La tumeur métastatique de M. B. progresse

M. B., 76 ans, est traité depuis 2 ans pour un cancer colorectal découvert à un stade métastatique. Il enchaîne des protocoles de chimiothérapie associés à des thérapies ciblées. Aujourd’hui, il a rendez-vous avec son médecin pour faire un point sur ses dernières analyses. Celles-ci montrent une progression tumorale et le médecin a décidé de modifier la prise en charge.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

Depuis 2 ans, M. B. est suivi pour un cancer colique gauche découvert à un stade métastatique. Une première chimiothérapie à base d’oxaliplatine a été à l’origine d’une neurotoxicité. Par la suite, différents protocoles ont été menés. Depuis 15 mois, il bénéficie du protocole Folfiri (5-fluorouracile associé à l’acide folinique et à l’irinotécan) avec une thérapie ciblée (aflibercept, un anti-VEGF), qui sont administrés tous les 15 jours à l’hôpital.

Que lui dit le médecin ?

Le dernier bilan réalisé n’est pas bon. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien montre une progression des métastases hépatiques, ganglionnaires et pulmonaires connues, et l’apparition de nouvelles. Après discussion avec l’équipe de concertation pluridisciplinaire, le médecin oncologue référent annonce au patient un changement de chimiothérapie. Il explique à M. B. qu’il n’aura plus qu’un seul médicament à prendre par voie orale, dont les modalités de prise doivent être bien respectées selon un cycle de 28 jours, avec un bilan sanguin, hépatique et rénal avant chaque cycle. Il fixe un rendez-vous de contrôle dans 1 mois.

L’ORDONNANCE EST-ELLE CONFORME À LA LÉGISLATION ?

Oui, le traitement trifluridine/tipiracil (Lonsurf) est soumis à une prescription hospitalière réservée aux spécialistes en oncologie.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

Lonsurf est un antimétabolite associant la trifluridine, une fluoropyrimidine analogue de la thymidine, et le chlorhydrate de tipiracil, un inhibiteur de la thymidine phosphorylase (TPase). Ce dernier permet d’augmenter la biodisponibilité orale de la trifluridine, rapidement dégradée aux niveaux digestif et hépatique par la TPase.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui. Lonsurf est indiqué en monothérapie dans le cancer colorectal métastatique chez des patients traités précédemment par les autres chimiothérapies et thérapies ciblées recommandées ou non éligibles à ces traitements.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui, la posologie a été calculée en fonction de la surface corporelle. La dose initiale est de 35 mg/m2 par prise 2 fois par jour, ce qui correspond à une posologie de 60 mg par prise comme l’indique le tableau de correspondance des doses en fonction de la surface corporelle dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP). La dose totale ne doit pas dépasser 80 mg par prise et 160 mg par jour. Les prises se font selon un cycle de 28 jours, de J1 à J5 puis de J8 à J12.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Utilisation

• Les comprimés doivent être avalés entiers avec un verre d’eau à heure fixe. L’alimentation pouvant influencer l’absorption du médicament, il est recommandé de prendre les comprimés dans l’heure qui suit le repas.

• Les modalités de prise étant complexes, il est important de vérifier que le patient dispose d’un plan de prise détaillé et, si besoin, de le clarifier.

Que faire en cas d’oubli ?

En cas d’oubli ou de vomissement après une prise, il ne faut pas reprendre le traitement mais attendre la prise suivante.

Quand juger de l’efficacité du traitement ?

Après 3 mois de traitement, marqueurs sanguins et scanners permettent de préciser l’évolution des métastases.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Une toxicité hématologique, des troubles digestifs (diarrhées, vomissements, nausées, perte d’appétit), une fatigue et, à un degré moindre, des mucites et une toxicité cutanée incluant un syndrome main-pied. Des cas d’embolie pulmonaire et de pneumopathie interstitielle sont également rapportés.

Quels sont ceux qui sont gérables à l’officine ?

• Des appels téléphoniques d’une infirmière de coordination au patient permettent de surveiller la tolérance du traitement et de décider de la prise des traitements symptomatiques prescrits : antiémétiques et antidiarrhéiques, notamment. Le pharmacien peut rappeler au patient les conseils hygiénodiététiques et les recommandations de prise de ces traitements :

- en prévention des nausées et vomissements, préférer des repas froids ou tièdes en évitant les aliments gras ou frits ou à forte odeur ; bien s’hydrater mais plutôt entre les repas. En cas de nausées, prendre l’antiémétique 30 minutes avant le repas. Surveiller son poids régulièrement : si nécessaire, des compléments nutritionnels oraux seront prescrits ;

- en cas de diarrhées, éviter les fibres (fruits et légumes en général, légumineuses, céréales complètes), le café et les laitages. Privilégier les féculents, les carottes cuites, les bananes, la viande et le poisson maigres, et boire suffisamment. Prendre le lopéramide selon les recommandations données, après chaque selle liquide.

• Les bains de bouche et l’émollient peuvent être pris en prévention de manière systématique pour limiter le risque de mucite et la toxicité cutanée. Recommander une bonne hygiène buccodentaire incluant l’usage d’une brosse à dents très souple.

Quels sont ceux qui nécessitent d’appeler le médecin ?

• Outre les signes faisant suspecter une toxicité hématologique, la survenue de vomissements ou la persistance de diarrhées fréquentes malgré la prise des traitements symptomatiques doivent conduire à alerter l’infirmière ou le médecin.

• L’apparition d’aphtes au niveau de la bouche ou de rougeurs, ampoules ou zones d’hyperkératose au niveau des mains et/ou des pieds doivent amener à alerter l’infirmière ou le médecin. Des dermocorticoïdes et/ou des kératolytiques sont prescrits pour la prise en charge du syndrome main-pied.

• Une dyspnée, des douleurs thoraciques et/ou une toux peuvent être les signes d’une embolie pulmonaire, nécessitant également d’alerter en urgence le médecin.

• Selon les cas, ces signes d’alerte peuvent obliger à diminuer la posologie ou à arrêter le traitement.

Par Delphine Guilloux, pharmacienne, avec la collaboration du Dr Marion Dhooge, service de gastroentérologie oncologie digestive, à l’hôpital Cochin, à Paris

CONSEILS ASSOCIÉS

Accompagner le patient

Outre la connaissance des traitements du cancer colorectal, de leurs modalités de prise parfois complexes et de leurs effets indésirables, le pharmacien a un rôle à jouer dans la prévention nutritionnelle de ce cancer et dans l’incitation au dépistage organisé.

LE CANCER COLORECTAL VU PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

Le cancer colorectal fait peur, plus encore que d’autres cancers, du fait de sa localisation et des craintes de mutilation qui peuvent en découler. Touchant à l’intimité, le patient éprouve parfois des difficultés à exprimer ses craintes. Les conséquences psychologiques sont particulièrement importantes chez les personnes porteuses d’une stomie.

Impact sur le quotidien

La maladie et les effets indésirables des traitements limitent les activités du patient. Le port d’une stomie est difficile à accepter avec des répercussions sur la vie de couple et sociale (crainte que la poche ne se voit, d’émissions incontrôlées de selles ou de gaz, etc.), même si la plupart des activités quotidiennes ou des loisirs sont réalisables.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Le cancer colorectal reste asymptomatique plusieurs années et son pronostic est d’autant plus favorable que le diagnostic est précoce, d’où l’intérêt du dépistage. Certains signes doivent amener à consulter : rectorragies, modification du transit intestinal, douleurs abdominales inexpliquées, etc.

• L’alimentation, en dehors des suites opératoires, doit répondre le mieux possible répondre aux recommandations nutritionnelles (voir « A propos de la prévention »).

• Il est prouvé que l’activité physique, adaptée aux capacités du patient, améliore la qualité de vie, réduit l’impact de la fatigue et participe à la maîtrise du poids. Plusieurs études montrent qu’elle améliore également la survie et diminue le risque de récidive du cancer. Il ne s’agit pas forcément de faire du sport mais de bouger plus : marcher plutôt que prendre la voiture, monter les escaliers, faire le ménage, jardiner, etc.

• Un soutien psychologique est souvent proposé par l’équipe médicale : entretiens avec un psychologue, un oncopsychiatre ou un sexologue qui peuvent aider à mieux vivre des situations difficiles. De même, les associations de patients peuvent épauler le malade et ses proches : association France Côlon, Fédération des stomisés de France, Mon réseau cancer colorectal, etc.

A propos du traitement

• Chirurgie. Les jours suivant l’intervention, un régime sans résidus est préconisé avant une réintroduction progressive des fibres. Des conseils alimentaires adaptés et, si besoin, des médicaments limitent les troubles digestifs fréquents (diarrhées ou constipation). Des compléments nutritionnels oraux peuvent être indiqués. En cas de port d’une stomie, le plus souvent temporaire, il est notamment recommandé de bien s’hydrater, de manger par petites quantités et de bien mâcher. Petit à petit, le patient apprend à identifier les aliments mal tolérés (responsables de gaz, de diarrhées, etc.)1.

• Radiothérapie. Le port de vêtements larges afin d’éviter les frottements, l’utilisation de produits d’hygiène sans parfum et sans savon sont recommandés. Ne pas appliquer de crème avant les séances. Boire beaucoup d’eau pour soulager la cystite radique. Les effets à moyen ou long terme doivent être surveillés et signalés : troubles digestifs (accélération du transit, voire troubles de la continence), troubles urinaires ou sexuels (troubles de l’érection, sécheresse vaginale).

• Traitements médicamenteux. Les entretiens pharmaceutiques dédiés aux patients sous anticancéreux oraux permettent au pharmacien d’offrir un accompagnement personnalisé en abordant en particulier l’observance et les effets indésirables. Prudence avec les compléments alimentaires et les plantes qui peuvent interférer avec les traitements2.

• Observance. Elle est primordiale. Certains traitements présentent des modalités de prise complexes ou nécessitent de respecter des moments de prise particuliers par rapport aux repas (voir page 10).

• Effets indésirables. Vérifier que le patient a toutes les informations et les traitements symptomatiques nécessaires pour les gérer. Des fiches d’aide au bon usage des anticancéreux sont disponibles sur les sites de certains réseaux régionaux de cancérologie ou sur oncolien.sfpo.com.

• Toxicité hématologique. Prendre sa température régulièrement, surveiller les signes d’infection (troubles urinaires, maux de gorge, toux, etc.).

• Troubles digestifs. Rappeler les conseils nutritionnels pour gérer les nausées, les vomissements ou les diarrhées notamment.

• Toxicité cutanée. Recourir à l’application d’émollients, de produits d’hygiène doux, sans parfum. L’éviction solaire est primordiale. En prévention du syndrome main-pied, éviter les traumatismes chimiques ou mécaniques au niveau des mains ou des pieds ; les tremper dans l’eau froide pour soulager les fourmillements. Des soins de pédicurie pour éliminer les callosités peuvent être recommandés. Toute douleur ou gêne dans ses activités quotidiennes doit être signalée sans tarder.

• Mucites. Maintenir une bonne hygiène buccodentaire, avec une brosse à dents à poils très souples et idéalement prévoir une consultation avec un chirurgien-dentiste avant le traitement. Le tabac, les aliments trop chauds ou épicés favorisent les ulcérations. Proscrire les bains de bouche de l’alcool ou des huiles essentielles qui peuvent irriter.

• Toxicité neurologique. Engourdissements ou fourmillements doivent alerter et être signalés au médecin.

A propos de la prévention

La consommation d’alcool, de tabac, de viande rouge (plus de 300 g par semaine), de charcuterie (plus de 150 g par semaine) ainsi que l’excès de poids augmentent le risque de cancer colorectal. Une activité physique régulière (environ 30 minutes par jour 5 jours par semaine), les produits laitiers et les aliments riches en fibres ont un effet protecteur. L’association alcool et tabac multiplie par 8,6 le risque de cancer colorectal (source : Haute Autorité de santé, 2013). Un régime de type occidental (riche en viande, en charcuterie, en céréales raffinées et en sucres ajoutés) est associé significativement à une augmentation de récidive de cancer colorectal et de la mortalité.

A propos du dépistage organisé

• Il est basé sur la détection d’hémoglobine humaine dans les selles, celle-ci faisant suspecter la présence d’une lésion cancéreuse à un stade précoce ou précancéreuse (polypes). Les personnes âgées de 50 à 74 ans asymptomatiques et sans facteurs de risque (antécédents familiaux, entre autres) sont invitées à le réaliser tous les 2 ans si le test se révèle négatif. En cas de résultat positif, une coloscopie est pratiquée. Celle-ci est effectuée sous anesthésie générale après préparation colique : régime sans résidus durant quelques jours associé à un lavage colique la veille de l’examen, généralement.

• Les personnes à risque élevé et très élevé font l’objet de modalités de dépistage adaptées incluant des coloscopies et un suivi en oncogénétique.

Par Delphine Guilloux, pharmacienne, avec la collaboration du Pr Côme Lepage, service d’hépatogastroentérologie et oncologie digestive, au centre hospitalier universitaire de Dijon (Côte-d’Or)

ORDONNANCES PIÈGE

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Oui. L’irinotécan est responsable de diarrhées sévères pouvant survenir les jours suivant la perfusion. Le médecin doit alors être prévenu et le traitement symptomatique par lopéramide débuté dès la première selle liquide. Le résumé des caractéristiques de l’irinotécan précise que ce dernier doit être prescrit à fortes doses toutes les 2 heures jusqu’à l’arrêt de la diarrhée et durant 48 heures maximum. Parallèlement, une alimentation pauvre en fibres et en matières grasses est recommandée. Oui, mais Mme N. ne doit pas débuter un nouveau cycle de traitement sans alerter l’oncologue de l’intensification des symptômes du syndrome main-pied. Lorsque ce dernier induit une gêne ou des douleurs, un arrêt provisoire du traitement est nécessaire. La prescription de dermocorticoïdes ou de kératolytique peut également être indiquée. A noter que l’ordonnance comporte bien la mention de recherche d’un déficit en DPD (dihydropyrimidine déshydrogénase) via le dosage de l’uracilémie réalisé avant l’instauration du traitement. Oui, mais M. G. doit arrêter les prises de millepertuis et évoquer la présence de troubles de l’humeur avec l’équipe médicale pour mettre en place, si besoin, un traitement adapté. Le régorafénib étant métabolisé par le cytochrome P450 3A4, les inducteurs enzymatiques, dont le millepertuis, modifient les concentrations plasmatiques de ce dernier et de ses métabolites actifs. Il en est de même avec les inhibiteurs enzymatiques comme le pamplemousse. Ces associations sont donc déconseillées. Par ailleurs, concernant les effets indésirables, le pharmacien doit s’assurer que M. G. possède un autotensiomètre afin de contrôler sa tension, particulièrement en début de traitement.

1 Voir le Cahier Formation Conseil « Les stomies » du 3/10/2020.

2 Voir le Cahier Formation Conseil « Anticancéreux et automédication » du 29/08/2020.

CHIFFRES

- En 2018, environ 43 300 nouveaux cas (3e rang des cancers masculins et 2e rang des cancers féminins) et 17 100 décès (2e cause de décès par cancer chez l’homme après le cancer du poumon, et 3e cause chez la femme après les cancers du sein et du poumon).

- Age médian au diagnostic : 71 ans chez l’homme, 73 ans chez la femme.

- 63 % de taux de survie globale à 5 ans pour les personnes diagnostiquées entre 2010 et 2015 (90 % pour celles détectées au stade 1).

Source : « Panorama des cancers en France », Institut national du cancer (INCa), édition 2021.

TÉMOIGNAGE

JACQUES, 68 ANS

« Je suis du genre plutôt docile, alors en bon élève assidu je faisais le test de dépistage à peu près tous les 2 ans depuis des années. Et puis, tout a commencé par ce que je croyais être une gastro. Au bout de quelques jours de diarrhée et une grosse fatigue, j’ai consulté mon médecin généraliste qui m’a prescrit des analyses et une coloscopie. Je ne le savais pas encore mais c’était le début d’une longue série d’examens, de consultations, de traitements, d’hospitalisations… Le plus dur restera à tout jamais l’annonce du diagnostic, quand le couperet est tombé : cancer au stade métastatique. Là, vous comprenez vite combien ces quelques mots vont bouleverser votre vie et de celle de votre famille. »

TÉNESME

Contraction douloureuse intrarectale accompagnant l’envie d’aller à la selle.

ÉPREINTE

Sensation douloureuse de faux besoins d’évacuation de matières fécales.

PANCOLITE

Inflammation de la totalité du côlon.

ACROMÉGALIE

Maladie liée à une hypersécrétion de l’hormone de croissance.

POLYPOSE ADÉNOMATEUSE FAMILIALE (PAF)

Maladie génétique héréditaire caractérisée par le développement d’un grand nombre de polypes (plusieurs centaines, voire des milliers) dès l’adolescence.

SYNDROME DE LYNCH

Encore appelée syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer), cette maladie autosomique dominante prédispose à un fort risque de développer certains cancers (colorectal, de l’endomètre, des ovaires), y compris avant 50 ans.

STATUT MSI

MSI signifie microsatellite instability, également nommé dMMR pour deficient mismatch repair. L’instabilité des microsatellites correspond à une déficience du système de réparation des erreurs de réplication de l’ADN.

PROTÉINES RAS ET BRAF

Elles interviennent en aval de la voie de signalisation du récepteur à l’EGF (epidermal growth factor) dont la stimulation active les cellules tumorales.

ANTIGÈNE CARCINOEMBRYONNAIRE (ACE)

Protéine normalement présente en faible quantité dans le sang. Un taux anormalement élevé peut être corrélé à la présence d’une tumeur cancéreuse.

VIGILANCE

- Une contraception efficace est impérative avec toutes les chimiothérapies et thérapies ciblées jusqu’à plusieurs mois après la fin du traitement pour certaines.

- Les principales contre-indications des traitements à l’officine concernent la capécitabine : déficit complet connu en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), leucopénie, neutropénie ou thrombocytopénie sévère, insuffisance hépatique ou rénale sévère.

FISTULE ANASTOMOTIQUE

Fuite de matières à travers la suture.

POINT DE VUE

PR JULIEN TAIEB, oncologue digestif à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris

Actuellement, quel est le pronostic pour le cancer colorectal métastatique ?

Il s’est considérablement amélioré ces dernières années. D’une part grâce aux progrès des techniques médicochirurgicales, qui permettent désormais de guérir des patients ayant des métastases hépatiques résécables, par exemple, d’autre part grâce aux thérapies ciblées. Parmi ces dernières, il y a eu deux avancées majeures. L’encorafénib, inhibiteur de BRAF muté, associé à un anti-EGFR allonge la survie des patients atteints d’une tumeur BRAF muté au stade métastatique de très mauvais pronostic (environ 10 % des cancers métastatiques), la faisant passer de 8 à 10 mois il y a quelques années, à 20 mois actuellement. L’immunothérapie avec le pembrolizumab permet, elle, d’améliorer considérablement la prise en charge des patients présentant une tumeur MSI au stade métastatique. Mieux toléré que la chimiothérapie, ce traitement double la survie sans progression en première ligne avec même, pour certains patients traités depuis plusieurs années, un espoir de guérison et ce, sans chirurgie de métastases.

Où en est la « chimioprévention » ?

Des essais thérapeutiques sont en cours pour l’aspirine* notamment, qui pourrait, selon de premiers résultats, être efficace pour diminuer le risque de récidive chez certains patients opérés d’un cancer colorectal non métastatique. Mais les études sont difficiles à mener car elles sont longues et elles demandent de la motivation de la part des patients qui ne veulent parfois plus entendre parler de leur cancer.

* Aux Etats-Unis, l’aspirine est proposée en prévention primaire du cancer colorectal chez les 50-59 ans présentant un risque cardiovasculaire élevé.

L’ESSENTIEL

- La chirurgie est le traitement de référence des cancers du côlon et du rectum. Une chimiothérapie adjuvante est indiquée dès lors qu’il existe un envahissement ganglionnaire ou que des facteurs de mauvais pronostic sont présents. Dans le cancer du rectum localement avancé, une radiochimiothérapie néoadjuvante réduit le risque de récidive.

- Les thérapies ciblées sont indiquées au stade métastatique. Les principales toxicités sont hématologiques, digestives et cutanées (moindres que sous chimiothérapie), ainsi que cardiovasculaires.

FASCIITE NÉCROSANTE

Infection nécrosante des tissus mous.

QU’EN PENSEZ-VOUS ?

Quels sont les effets indésirables les plus fréquents à surveiller particulièrement sous Lonsurf ?

1) La toxicité hématologique

2) Un syndrome main-pied

3) Une hypertension artérielle

4) Des nausées et des diarrhées

5) Une constipation

Réponse : les effets indésirables les plus fréquents sont les troubles digestifs (nausées et diarrhées, surtout) et la toxicité hématologique. Cette dernière expose à un risque de neutropénie, de leucopénie, de thrombopénie et d’anémie, imposant un contrôle de la numération formule sanguine avant chaque cycle de 28 jours. Des troubles cutanés, notamment un syndrome main-pied, sont également à anticiper mais surviennent moins fréquemment que sous capécitabine, autre fluoropyrimidine. Les première, deuxième et quatrième propositions sont donc les bonnes. Les signes d’alerte devant faire suspecter une toxicité hématologique sont des saignements et/ou des pétéchies (suspicion de thrombopénie), une fatigue importante, une pâleur, un essoufflement ou des vertiges (suspicion d’anémie), une température supérieure à + 38,5 °C ou des signes infectieux de type maux de gorge, brûlures urinaires, toux (suspicion de neutropénie ou de leucopénie). Recommander au patient d’éviter les lieux très fréquentés, le contact avec des personnes malades et d’avoir une bonne hygiène (se laver les mains avant chaque repas, notamment).

QUESTION DE PATIENT

« Comment puis-je me procurer un kit de dépistage ? »

« Vous pouvez le demander à votre médecin traitant. Depuis le 1er mars 2022, un site de commande en ligne, monkit.depistage-colorectal.fr, est également accessible aux personnes munies de l’invitation adressée par leur centre régional de dépistages des cancers. Le pharmacien pourra aussi prochainement remettre le kit aux patients*. »

* Les modalités de participation du pharmacien au dépistage ont été publiées au Journal officiel du 7 avril 2022. Les outils d’accompagnement et de rémunération de cette mission sont en cours de finalisation.

QUESTION DE PATIENT

Le résultat de mon test de dépistage est positif, qu’est-ce que ça signifie exactement ?

« Un résultat positif, qui concerne environ 4 % des tests, nécessite de planifier une coloscopie. Elle seule permet de savoir s’il s’agit vraiment d’un cancer. Sur 10 personnes obtenant un test positif, 3 n’ont pas d’anomalie, 5 ont des lésions précancéreuses bénignes, moins d’une présente un cancer à un stade précoce, guérissable sans chimiothérapie ni radiothérapie, et moins d’une a un cancer à un stade avancé. »

Source : diaporama national de présentation du programme national de dépistage organisé du cancer colorectal, INCa 2021.

L’ESSENTIEL

- Une activité physique régulière et une alimentation adaptée doivent être encouragées en prévention et en cas de cancer pour améliorer la qualité de vie et limiter le risque de récidive.

- Le dépistage organisé permet de dépister un cancer à un stade précoce, ce qui augmente considérablement les chances de guérison.

- Il est essentiel que le patient soit sensibilisé à l’observance des traitements et qu’il sache en gérer les effets indésirables.

EN SAVOIR PLUS

Institut national du cancer

e-cancer.fr

Des informations et de nombreux documents sont disponibles dans des onglets réservés aux patients ou aux professionnels de santé, dont deux livrets téléchargeables, l’un sur le cancer du rectum, l’autre sur le cancer du côlon.

Haute Autorité de santé

has-sante.fr

La fiche mémo sur les modalités de dépistage et de prévention du cancer colorectal chez les sujets à risque élevé et très élevé de mai 2017 et le référentiel de 2013 qui fait le point sur l’histoire de la maladie et la prévention primaire sont téléchargeables.

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