Sport 1, cancer 0 - Le Moniteur des Pharmacies n° 3403 du 05/02/2022 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3403 du 05/02/2022
 
ONCOLOGIE

EXPERTISE

AUTOUR DU MÉDICAMENT

Auteur(s) : Yves Rivoal

Si vous voulez rester en bonne santé, faites du sport… Cet adage s’applique aussi aux patients atteints de cancer. La pratique d’une activité physique adaptée pendant et après le traitement est aujourd’hui considérée comme une thérapie à part entière.

La tumeur n’est pas la seule agression provoquée par le cancer chez un patient. Il déstabilise aussi le schéma corporel et la fonction physiologique. Il peut provoquer des troubles neurocognitifs, des effets secondaires indésirables, des complications de soins, à plus long terme des risques de comorbidités, voire de rechute… Et pour couronner le tout, il vous expose aussi à une perte de sociabilité. » Ce sombre tableau dessiné par le Dr Thierry Bouillet, oncologue à l’hôpital Avicenne-de-Bobigny (Seine-Saint-Denis), cofondateur et président de la Cami Sport & Cancer, une association qui développe des programmes de thérapie sportive, devient le triste quotidien des malades, et ce dès l’annonce du diagnostic.

D’où l’importance de démarrer tout de suite une activité physique qui va permettre d’atténuer les troubles et les effets secondaires induits par la maladie. « Une pratique adaptée en intensité et régulière pendant et après le traitement permet d’abord de réduire la fatigue, explique Thomas Ginsbourger, directeur des programmes de la Cami Sport & Cancer. Faire de l’exercice génère une fatigue saine et non invalidante, qui place le patient dans une dynamique positive, et lui évite d’entrer dans le cercle vicieux de la sédentarité et du déconditionnement physique. » « L’activité physique et sportive est même le seul traitement aujourd’hui validé pour corriger la fatigue du patient cancéreux puisqu’elle permet d’en diminuer le niveau de 20 % pendant le traitement, et de 30 à 40 % si vous continuez à en pratiquer régulièrement après », ajoute Thierry Bouillet.

Des bienfaits pour le corps et l’esprit

Ce « traitement » possède bien d’autres vertus pour Martine Duclos, physiologiste et endocrinologue, directrice du service de la médecine du sport au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). « Le sport vous aide à maintenir une composition corporelle stable en évitant la prise de masse grasse intraabdominale et la perte de masse musculaire, tout en diminuant les effets cardiotoxiques et neurotoxiques de la chimiothérapie, ainsi que les risques de complications liées à la chirurgie, à la chimiothérapie ou à la radiothérapie. » Rester actif pendant le traitement a aussi un impact positif sur le plan psychologique. « Il a été prouvé qu’une activité régulière améliore l’image corporelle et l’estime de soi des patients. Et lorsque la pratique se fait en groupe, elle permet de rencontrer du monde et de ne pas tomber dans la désocialisation. » D’une manière plus générale, l’activité physique adaptée joue sur la qualité de vie avant, pendant et après le traitement. « Elle maintient l’autonomie, peut améliorer le sommeil, et diminue les risques de dépression et d’anxiété notamment grâce à la sécrétion de dopamine et d’endorphine qui agissent sur les neuromédiateurs pour générer un sentiment de satisfaction et de bien-être », rappelle Thomas Ginsbourger. Enfin - et c’est peut-être le plus important -, grâce à une diminution de la production d’insuline, à des effets anti-inflammatoires et à sa capacité à booster l’immunité, elle pourrait aussi conditionner en partie les chances de guérison des malades. « Des études ont démontré qu’une pratique sportive démarrée à l’arrêt des traitements permettait de diminuer de 40 % la récidive pour les cancers du sein, du colon et de la prostate, et de 40 à 50 % leur mortalité », assure Martine Duclos.

Les multiples bénéfices liés à l’activité physique pendant et après le cancer ont d’ailleurs conduit les autorités sanitaires à intégrer cette dernière à toutes les étapes du parcours patient. « Lorsqu’une personne se voit diagnostiquer un cancer, le professionnel de santé chargé d’effectuer l’annonce doit lui remettre un parcours personnalisé de soins contenant des informations sur l’activité physique, celle-ci faisant partie du panier socle de soins de support à fournir aux patients, rappelle Raphaëlle Ancellin, cheffe de projet au département prévention de l’Institut national du cancer (INCa). La loi de financement de la Sécurité sociale de 2020 a également instauré un bilan fonctionnel et motivationnel qui doit être proposé à tous les patients après le traitement du cancer. »

Sur le papier, toutes les activités physiques peuvent être pratiquées. Pendant le traitement, mieux vaut toutefois privilégier la marche, le vélo ou la marche nordique avec les bâtons. « La natation est en revanche proscrite, car la plupart des patients ont un Port-à-cath et sont immunodéprimés. En nageant, ils s’exposeraient à des risques infectieux ou à des mycoses », note Martine Duclos. Une fois le traitement terminé, toutes les activités physiques ou sportives peuvent être envisagées, à condition qu’elles soient personnalisées aux capacités et aux besoins de chaque patient, maintenues sur une période d’au moins six mois, et avec une intensité suffisante pour faire travailler la masse musculaire. « Pour qu’elles produisent tous leurs effets, il est conseillé de faire environ 150 minutes d’activité par semaine, et d’y associer 20 minutes de renforcement musculaire. Ces éléments sont des repères, le plus important reste de bouger régulièrement », précise Thomas Ginsbourger.

Encadrement des activités physiques

Lorsqu’elle est adaptée, l’activité physique présente très peu de contre-indications. « La première concerne les métastases en zone portante, sur le rachis ou le fémur, qui impliquent de privilégier des activités non portées. Pour le reste, on retrouve les contre-indications habituelles : anémie, fatigue et dénutrition extrêmes, insuffisance cardiaque, pathologies décompensées… », assure Martine Duclos. Deux risques ne doivent toutefois pas être négligés. Le premier est d’ordre psychologique, le second est lié à d’éventuelles complications du traitement. D’où l’importance d’être encadré par un éducateur titulaire d’une licence ou d’un master en activité physique adaptée et santé (Apas). « Ces derniers ont été formés pendant trois ou quatre ans à l’accompagnement des patients atteints d’un cancer », souligne la physiologiste et endocrinologue.

Pendant le traitement, la plupart des programmes se déroulent à l’hôpital. « Après, les malades peuvent se rapprocher des centres de lutte contre le cancer, des Maisons sport-santé ou des dispositifs d’Aide à la prescription d’activité physique adaptée censés avoir été créés dans tous les départements. Tous ces organismes sont normalement en capacité d’orienter les malades vers un professionnel formé », assure Martine Duclos. Des associations de patients comme Siel Bleu, Riposte pour l’escrime ou RUbieS pour le rugby, proposent également des programmes adaptés à l’après cancer. L’association Cami Sport & Cancer dispense, elle, des programmes d’activité physique thérapeutique pour les patients en traitement ou en post-traitement. Tous ces programmes, malgré leurs bienfaits avérés, ne sont toujours pas pris en charge par l’Assurance maladie. Mais la donne pourrait bientôt changer. Dans le cadre de l’article 51, qui permet d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits, les programmes de la Cami Sport & Cancer vont être évalués sur un millier de patients dans 15 établissements de santé et pris en charge par l’Assurance maladie. « Nous saurons enfin s’ils génèrent des économies sur le système de santé », se félicite Thierry Bouillet.

MUSCLER LA PARTICIPATION DES PHARMACIENS

De par leur proximité avec les patients, les pharmaciens pourraient contribuer au travail de sensibilisation et d’orientation des patients atteints d’un cancer. « Un travail est à mener pour voir quels outils pourraient être développés pour aider les pharmaciens à diffuser les messages de prévention et à orienter leurs patients vers les structures d’activité physique adaptée qui pourront les accompagner au mieux pendant et après leur traitement », confie Raphaëlle Ancellin, de l’Institut national du cancer (INCa). Pour le Dr Thierry Bouillet, cofondateur de la Cami Sport & Santé, le message à faire passer est simple. « En incitant les patients à pratiquer de l’activité physique, ces derniers consommeront moins d’anxiolytiques et de somnifères, courront moins le risque de rechuter et de développer des comorbidités comme le diabète, l’infarctus du myocarde, l’hypertension artérielle ou les troubles neurodégénératifs. Les pharmaciens permettront ainsi à leurs patients de mieux vivre leur cancer, tout en augmentant leurs chances de guérison. »

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