Rompre n’est pas consentir - Le Moniteur des Pharmacies n° 3393 du 27/11/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3393 du 27/11/2021
 

MONITEUR EXPERT

TRIBUNAL

Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

La jurisprudence a déjà affirmé que le salarié victime de harcèlement moral ou sexuel de la part de l’employeur ou d’un collègue pouvait conclure une rupture conventionnelle pour mettre fin au contrat de travail. Cette solution ne doit pas être la seule proposée.

LES FAITS

Mme T. a été engagée en qualité de vendeuse à compter du 1er juillet 2014 par la société L. Le 30 octobre 2015, elle dénonce des faits de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique auprès de son employeur et de la police. Face à l’absence de réaction apparente de la société L., Mme T. se résout à conclure une rupture conventionnelle le 19 novembre 2015. Le 31 décembre 2015, elle quitte la société. Dès janvier 2016, elle demande au conseil de prud’hommes d’annuler la convention de rupture en raison du condiv particulier qui entoure sa signature.

LE DÉBAT

L’article L.1237-11 du Code du travail dispose que « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ». Le Code du travail ajoute qu’à la signature du contrat de rupture le consentement des parties, de l’employeur comme du salarié, ne doit pas être vicié, c’est-à-dire qu’il ne doit pas avoir été donné à la suite de menaces, de violence ou de manœuvre. C’est sur ce point que reposait la demande de Mme T. Elle estimait que, après sa déclaration, les représentants de la société L. n’avaient pas réagi pour mettre fin à la situation de harcèlement. Elle avait ainsi été placée dans une situation de faiblesse pouvant lui laisser penser, compte tenu de l’inertie du gérant, que le choix d’accepter la rupture de son contrat de travail était la seule option pour mettre fin à une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait. En réponse, la société L. rétorquait que la jurisprudence admet « de longue date que l’existence d’un différend entre les parties n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture ». Le 19 février 2020, la cour d’appel de Paris donne raison à Mme T. Elle considère que la situation psychologique de faiblesse dans laquelle se trouvait la salariée, une fois qu’elle a dénoncé les faits et constaté la passivité de l’employeur, suffit à vicier son consentement. L’employeur doit donc indemniser la salariée de plus de 23 000 €. La société L. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 4 novembre 2021, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. Les magistrats considèrent que la salariée n’avait eu d’autre choix, face à l’inertie de son patron, que d’accepter la rupture de son contrat de travail. Elle n’avait donc pas donné un consentement libre et éclairé. Au contraire, son consentement a été vicié par des faits de violence morale. L’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité envers les salariés, tant physique que psychologique. A ce titre, informé de faits de harcèlement moral ou sexuel, il a le devoir de proposer des solutions pour mettre fin à cette situation. Si l’employeur avait réagi à la suite du témoignage de Mme T., la solution aurait sans doute été différente.

Depuis le 3 août 2018, un nouveau délit d’outrage sexiste a été créé aux côtés du harcèlement. Ce div permet au juge de punir par des sanctions pénales les propos sexistes ou l’humour potache sur le lieu de travail, qu’ils soient le fait d’un homme ou d’une femme.

Source : Cass. soc., 4 novembre 21, n° 20-16550.

À RETENIR

L’employeur informé de faits de harcèlement moral ou sexuel doit agir immédiate pour préserver la santé des salariés.

Une rupture conventionnelle peut être conclue dans un condiv de différend entre employeur et salarié.

Le consentement donné par un salarié victime de harcèlement sexuel face à l’inertie de l’employeur rend la rupture conventionnelle nulle.

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