La dépendance aux opiacés - Le Moniteur des Pharmacies n° 3393 du 27/11/2021 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3393 du 27/11/2021
 

Cahier Formation

ORDONNANCE

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PATHOLOGIE

La dépendance aux opiacés en 4 questions

L’héroïne et les risques liés à son utilisation constituent un enjeu majeur de santé publique. Ces dernières années, une relative désaffection de l’injection, qui reste toutefois majoritaire, a laissé place à l’inhalation plus populaire en milieu festif, souvent associée à d’autres drogues.

1 QU’EST-CE QUE L’HÉROÏNE ?

• Les opiacés sont des substances psychoactives obtenues à partir de l’opium, un latex produit par le pavot somnifère (Papaver somniferum).

• Le principal alcaloïde de l’opium est la morphine à partir de laquelle est synthétisée l’héroïne qui se présente sous forme de poudre blanche (sel acide) ou brune (sel basique). Celle-ci est vendue plus ou moins coupée avec différentes substances (lactose, glucose, caféine, benzodiazépines, etc.).

• L’héroïne s’injecte par voie intraveineuse avec une action en 1 minute environ. Cette voie d’administration concerne des usagers souvent perçus comme marginalisés, en situation de précarité. Elle peut également être inhalée (« sniffée ») ou fumée (une fois volatilisée par chauffage), avec un passage transmuqueux et une action alors moins brutale en quelques minutes : ce mode d’administration est adopté principalement par des usagers jeunes en milieu festif, des consommateurs ponctuels ou en alternative à l’injection.

2 QUELLE TRAJECTOIRE MÈNE À LA DÉPENDANCE ?

• L’initiation à l’héroïne a généralement lieu en fin d’adolescence dans un condiv festif, ou plus rarement vers la trentaine, sous l’influence de facteurs individuels (événements de vie, comorbidités psychiatriques telles que troubles de la personnalité, anxiété, etc.) et environnementaux. Son action sédative et anxiolytique explique qu’elle puisse contribuer à moduler les effets de drogues psychostimulantes (ecstasy et autres amphétamines, cocaïne) auxquelles elle peut être associée.

• L’injection d’héroïne induit presque immédiatement une sensation de détente, d’euphorie et de plaisir intense (« flash » ou « montée »), effet atténué lorsque la drogue est utilisée par voie transmuqueuse. Cette montée se prolonge par un état stuporeux, avec apaisement des tensions psychiques durant 4 à 6 heures : c’est la phase de plateau, accompagnée parfois de nausées et de vomissements, de vertiges et d’une bradycardie (ces signes régressent lors de la réitération des injections).

• Avec la répétition des consommations, les effets ressentis de plaisir sont de moins en moins marqués, la tolérance au produit s’installe, nécessitant l’augmentation de la fréquence des prises. Progressivement, apparaissent des troubles dominés par l’anorexie, la constipation, une hypersudation et de l’insomnie. L’usager devient dépendant en quelques jours à quelques semaines : il ne peut dès lors plus s’affranchir du produit, sauf à ressentir un malaise psychique et physique, qu’il gère en reprenant de l’héroïne ou, à défaut, de la codéine ou du tramadol.

• Devenu dépendant, l’héroïnomane oscille entre de brèves phases euthymiques (d’équilibre psychique), des périodes où il est sous l’emprise de la drogue (apathie, obnubilation) et d’autres moments où il est en manque : agitation, anxiété, agressivité, mydriase, bâillements incoercibles, hypersudation, larmoiement, rhinorrhée, frissons, accélération du pouls, mais surtout spasmes digestifs et douleurs musculaires, nausées et diarrhées. A ce stade, la consommation n’est plus vécue comme un plaisir, elle sert à prévenir un manque.

3 COMMENT ÉVALUER LA DÉPENDANCE ?

• Le degré de dépendance physique et psychique, la volonté du patient de s’impliquer dans le processus de guérison ou l’impact social sont évalués par des critères identifiés dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, DSM).

• L’échelle Pomi (Prescription Opioïd Misuse Index) aide au dépistage du mésusage des antalgiques opioïdes chez les adultes. Constituée de six questions, elle est facilement utilisable par le pharmacien d’officine ou le patient lui-même (à télécharger sur ofma.fr, rubrique « Echelles »).

• En fonction du résultat, une prise en charge multidisciplinaire est mise en place, pouvant associer un traitement médicamenteux, un soutien psychologique individuel ou collectif, ainsi qu’un suivi social.

4 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS LIÉES À LA CONSOMMATION ?

Complications associées à la voie injectable

La fréquence des contaminations par les virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et des hépatites B (VHB) et C (VHC) justifie la politique de réduction des risques développée depuis près de 25 ans, dont l’une des dernières étapes est l’ouverture de salles de consommation à moindre risque (SCMR). Les fréquents abcès au site d’injection peuvent évoluer vers des thrombophlébites ou des fasciites nécrosantes. Les infections systémiques bactériennes ou fongiques sont également courantes.

Complications somatiques

• Elles regroupent des troubles digestifs (nausées et vomissements qui disparaissent avec l’accoutumance, constipation, coliques hépatiques), une dépression centrale (avec troubles de la conscience, hypothermie, ataxie, myosis, anorexie et déshydratation) et respiratoire (aggravée par le tabagisme, l’alcoolisme ou la prise de benzodiazépines), des complications cardiovasculaires (hypotension et myocardites toutefois rares).

• Peuvent aussi survenir : aménorrhée et troubles endocriniens divers, rares convulsions (notamment en cas d’antécédents d’épilepsie), évolution silencieuse d’infections diverses masquées par l’analgésie induite par l’héroïne (caries, abcès dentaires, etc.) et complications liées aux substances de coupe (granulomes et embolies pulmonaires).

Complications psychiatriques

• Les troubles de l’humeur et anxieux dominent (près d’1 héroïnomane sur 3 a fait au moins une tentative de suicide), ainsi que les troubles du sommeil, expliquant la fréquence du mésusage d’hypnotiques chez l’héroïnomane.

• La schizophrénie peut être associée à l’usage d’héroïne qui, parfois, contribue à limiter les épisodes productifs.

Intoxication aiguë

L’intoxication aiguë (overdose) constitue un risque majeur, associé avant tout à l’injection, mais décrite aussi après inhalation d’héroïne, avec des signes de gravité variables. Ces derniers surviennent souvent dans les minutes ou la demi-heure suivant l’injection : cyanose, hypothermie, bradypnée, voire apnée, myosis, bradycardie avec hypotension, coma aréflexique, parfois décès par arrêt cardiaque. Cette urgence médicale a conduit au déploiement de présentations prêtes à l’emploi de naloxone, antagoniste des récepteurs aux opioïdes.

PATHOLOGIE

Physiopathologie et pharmacodynamie

La dépendance aux opiacés conduit à des symptômes de manque contraignant à reconsommer. Les traitements de substitution aux opiacés consistent en un apport régulier et contrôlé d’opioïde afin d’éviter les manques sans induire d’effet « récompense ».

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DÉPENDANCE AUX OPIACÉS

• La dépendance traduit l’adaptation des récepteurs opiacés µ à un apport régulier exogène d’opioïdes. Elle peut s’installer en quelques semaines, voire en quelques injections seulement.

• Chez un sujet non opiodépendant, les neurones GABAergiques (GABA pour acide γ-aminobutyrique) exercent une action inhibitrice dominante sur les neurones dopaminergiques du circuit de récompense mésolimbique.

• Au début de son usage, l’héroïne, en se fixant sur les récepteurs aux opioïdes, inhibe l’action des neurones GABAergiques. L’hypertonie dopaminergique qui en résulte induit une sensation de bien-être et de plaisir intense expliquant le besoin de réitérer la pratique : effet « récompense ».

• Chez le sujet opiodépendant, le nombre d’opiorécepteurs exprimés sur les neurones GABAergiques s’accroît, tandis que la production endogène d’endorphines est inhibée par rétrocontrôle négatif. L’inhibition GABAergique augmente donc, et la sensation de plaisir consécutive à l’administration diminue fortement puis disparaît. Le sujet doit augmenter les doses ou rapprocher les administrations pour espérer retrouver les sensations initiales. Lorsqu’il est en manque, il ne bénéficie plus de l’action stabilisante des endorphines sur les neurones GABAergiques (qui exercent dès lors une inhibition exacerbée sur le circuit dopaminergique) et ressent un malaise somatique et psychique le contraignant à reconsommer aussi rapidement que possible.

• La susceptibilité individuelle est variable. Les facteurs génétiques pourraient également favoriser la dépendance à l’héroïne comme des mutations sur le gène ANKK1 impliqué dans le métabolisme de la dopamine.

LES MÉDICAMENTS DE SUBSTITUTION AUX OPIACÉS

• L’objectif est d’apporter de façon régulière une molécule ayant une activité pharmacologique similaire à l’opiacé dans le but de maintenir une quantité relativement constante de dopamine.

• La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs µ et un antagoniste des récepteurs κ. Elle réduit le syndrome de manque avec un effet « plafond » sur certains paramètres, ce qui limite notamment son effet dépresseur respiratoire.

• La méthadone est un agoniste pur des récepteurs aux opioïdes, principalement des récepteurs µ. Cette activité agoniste apporte une meilleure « satisfaction » vis-à-vis du symptôme de manque, mais expose plus facilement que la buprénorphine au risque de surdose et de dépression respiratoire.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la dépendance aux opiacés ?

La prise en charge de la dépendance aux opiacés repose sur la prescription de médicaments de substitution, renforcée par un suivi psychologique et social adéquat, impliquant un travail en interprofessionnalité et en réseau.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les moyens mis en œuvre initialement pour lutter contre la dépendance physique et psychique induite par les opiacés (héroïne, morphine, codéine) s’adaptent aussi à la dépendance aux médicaments opioïdes notamment ceux contre la douleur.

Objectifs

Le but de la prise en charge est de libérer le patient de son comportement addictif, de le dégager du « craving » et d’assurer le maintien du changement dans la durée. L’atteinte de ces objectifs se traduit par une modification des habitudes et de la gestion des consommations, ainsi que par une amélioration de l’état de santé et de la qualité de vie.

Les acteurs

La prise en charge est assurée par des professionnels de santé formés aux addictions :

- au sein de structures spécialisées : centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques (Caarud),

- à l’hôpital, lors de consultation d’addictologie,

- en secteur libéral : médecin généraliste le plus souvent, psychiatre, psychologue, pharmacien.

Modalités de prise en charge

Une fois le diagnostic établi et le degré de dépendance estimé, des entretiens évaluent les attentes et la motivation du patient (réduction de la consommation ou abstinence), recherchent les consommations associées et les comorbidités somatiques (infection à VIH, hépatite C, etc.), psychologiques et psychiatriques. Les modalités de prise en charge découlent d’une alliance thérapeutique avec le patient et se font :

- en ambulatoire, avec l’établissement d’un « contrat de soin » (consultations rapprochées, remise de médicaments en quantité limitée),

- en hospitalisation si besoin (en cas d’échec de l’ambulatoire, d’isolement social, de comorbidités psychiatriques, etc.).

Sevrage direct

Lorsque la dépendance est récente et mineure, une aide au sevrage sans prescription d’un médicament de substitution aux opiacés (MSO) peut-être proposée : prise en charge psychothérapeutique ou médicamenteuse comportant des traitements symptomatiques pour limiter les symptômes de sevrage (sueurs, frissons, myalgies, insomnies, nausées, diarrhées, anxiété, troubles du sommeil, etc.) à la dose la plus faible et d’une durée la plus courte possible : antalgiques non opiacés, antinauséeux, antidiarrhéiques, neuroleptiques sédatifs (loxapine, cyamémazine), etc.

Choix du MSO

Deux médicaments de substitution aux opiacés, réservés aux plus de 15 ans, sont disponibles :

- la buprénorphine, plus largement utilisée en France que la méthadone, est notamment indiquée lorsqu’une prise en charge en ville est possible, et généralement en l’absence de polyconsommations ou de comorbidités associées. Son association à la naloxone, un antagoniste opiacé peu ou pas actif par voie orale (dans Suboxone), est possible en cas de suspicion de détournement de l’usage de la buprénorphine (voie parentérale ou nasale).

- la méthadone expose davantage au risque de surdose, mais apporte un meilleur sentiment de satisfaction face au manque. Elle est plus particulièrement indiquée en cas de dépendance sévère, de polytoxicomanie, de comorbidité psychiatrique, de précarité sociale ou lorsqu’un traitement antalgique morphinique est nécessaire (la buprénorphine, du fait de ses propriétés antagonistes, en diminuant l’effet). Le traitement doit être initié en centre de soins sous la forme de sirop pour limiter le risque de détournement d’usage, cette forme étant difficilement injectable. La gélule est utilisée après au moins une année de traitement chez un patient stabilisé.

Déroulé du traitement par MSO

• La phase d’induction permet d’atteindre progressivement une posologie de stabilisation du patient en 1 à 2 semaines, parfois plus rapidement.

• La phase d’entretien est poursuivie aussi longtemps que nécessaire, le plus souvent sur plusieurs années et parfois de façon indéfinie, pour permettre un arrêt durable de la consommation d’opiacés et une réadaptation psychosociale. La dose administrée peut être adaptée en cas de signes de sous-dosage (réapparition des signes de sevrage, raccourcissement entre les délais de prise, prise immédiate le matin au réveil, etc.).

• L’arrêt progressif est envisagé lorsque le patient l’estime possible après un arrêt durable de la consommation de l’opiacé et sous couvert d’une évolution psychologique favorable. Deux risques doivent être anticipés : l’intoxication aiguë en cas de reprise de méthadone à forte dose ou d’héroïne, et le transfert à une autre addiction (alcool, benzodiazépines, etc.). L’arrêt du traitement n’est donc pas synonyme d’arrêt de l’accompagnement.

• La naltrexone (Naltrexone Accord 50 mg, 1 cp par jour) est parfois proposée après la cure de sevrage, pour éviter les rechutes. Cet antagoniste opiacé bloque les effets des opiacés susceptibles d’être à nouveau consommés.

Prévention des surdoses ou du mésusage

La naloxone, antidote spécifique des opioïdes, est indiquée dans le traitement d’urgence des surdoses aux opioïdes médicamenteux (MSO mais aussi antalgiques) ou liées à des substances illicites, dans l’attente d’une prise en charge médicale. Elle est destinée à être utilisée par les usagers à risque et leur entourage. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rappelé récemment l’importance pour ces patients de disposer de cet antidote sous forme de kits prêts à l’emploi.

Femmes enceintes

Compte tenu du bénéfice maternel et fœtal, l’utilisation d’un MSO est possible au cours de la grossesse, quel qu’en soit le terme. Les médicaments de substitution franchissant la barrière placentaire, des signes de manque peuvent apparaître chez le nouveau-né (nervosité, insomnie, hypertonie voire convulsions, troubles digestifs et plus rarement respiratoires). Leur prise en charge associe nursing (environnement calme, stimulation minimale, éclairage faible, peau à peau, allaitement encouragé, etc.) et parfois administration rapidement dégressive d’un soluté à base de morphine.

Traitements non pharmacologiques

Conditionnant l’efficacité du traitement et aidant à prévenir les rechutes, différentes techniques sont utilisées pour motiver et accompagner le changement de comportement ou apporter un soutien face aux difficultés psychosociales (entretien motivationnel, thérapie cognitivo-comportementale).

TRAITEMENTS

Médicaments de substitution Buprénorphine haut dosage (BHD)

• La buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs opiacés µ, avec un effet plafond. Deux médicaments existent, Subutex (et génériques) et Orobupré (médicament hybride), non interchangeables du fait d’une biodisponibilité différente : le comprimé sublingual Subutex se dissout sous la langue en 5 à 10 minutes ; le lyophilisat Orobupré se dissout en 15 secondes sur la langue, ce qui peut apporter un confort d’utilisation pour le patient et faciliter la supervision de la prise par le soignant. Pour les deux médicaments, l’effet intervient au bout de 45 à 90 minutes et peut perdurer 24 heures si la dose est efficace.

• A noter que, depuis mars 2021, une solution injectable de buprénorphine à libération prolongée est disponible (Buvidal). Sa prescription et sa dispensation sont réservées aux médecins exerçant en CSAPA et aux médecins hospitaliers. Les administrations hebdomadaires ou mensuelles doivent être réalisées par un professionnel de santé.

• En pratique. La dose initiale indiquée dans les recommandations de 2011* (supérieure à l’autorisation de mise sur le marché, entre 4 à 8 mg en moyenne au vu des pratiques professionnelles) dépend de l’ancienneté et de l’importance de la consommation, du type d’opiacés, des consommations concomitantes et des comorbidités. La première prise se fait à l’apparition des signes de sevrage.

• Suivi. Le médecin peut demander les premiers jours une délivrance quotidienne à l’officine dans le but notamment de vérifier le bon usage (placement du comprimé, respect du temps d’attente de la dissolution complète sans avaler la salive) : une mauvaise administration favorisant un sous-dosage avec apparition de signes de manque.

• Effets indésirables. Les plus fréquents sont liés au syndrome de sevrage : céphalées, insomnies, anxiété, nausées, sueurs, tremblements, hypotension, constipation ; hépatotoxicité à forte dose ou en cas d’atteinte hépatique préalable (hépatite C, notamment) et pouvant faire privilégier la méthadone. Le risque de dépression respiratoire est observé lors de l’association aux benzodiazépines. La buprénorphine doit être employée avec précaution chez l’insuffisant respiratoire, hépatique ou rénal et chez l’asthmatique.

• Interactions. En plus d’interactions contre-indiquées ou déconseillées (voir tableau), l’administration de benzodiazépines et apparentés ou d’autres dépresseurs respiratoires (antalgiques et antitussifs opioïdes, anti-H1, etc.) majore le risque de sédation, de dépression respiratoire, de coma et de décès.

Association buprénorphine/naloxone

• La naloxone (Suboxone) a pour but de limiter le mésusage de la buprénorphine (par voie nasale ou injectable) qui expose à des risques de dépression respiratoire, d’hépatites aiguës, de complications infectieuses et, pour la voie intraveineuse, favorise l’apparition d’abcès au point d’injections et de microembolies.

• Antagoniste des récepteurs µ, la naloxone est très peu absorbée par voie orale ou sublinguale et ne diminue donc l’effet de la buprénorphine qu’en cas d’administration nasale ou injectable en induisant un état d’inconfort dissuasif. Les effets indésirables et les interactions médicamenteuses sont ceux de la buprénorphine.

Méthadone

• La méthadone est un agoniste complet des récepteurs aux opioïdes présenté sous forme de sirop unidose ou de gélules. La galénique du sirop, épais et sucré, rend difficile l’extraction du principe actif et son injection intraveineuse. Cette forme contient de l’alcool, ce qui doit être pris en compte chez certains patients. Sa formulation inclut également un traceur (D-xylose) permettant de contrôler par analyse d’urine la consommation du médicament.

• En pratique. Le traitement est instauré avec la forme sirop en milieu hospitalier ou spécialisé. Il n’y a pas de dose maximum. Bioéquivalente au sirop, la gélule est réservée aux patients traités par la forme buvable depuis au moins 1 an.

• Suivi. Le contrôle de la délivrance est essentiel, avec une prise régulière quotidienne en centre spécialisée au début du traitement. Une analyse d’urine (recherche de méthadone et de la consommation d’autres opiacés) permet en début de cure ou lors du passage à la forme gélule de vérifier les consommations effectives d’opiacés. Le relais méthadone vers buprénorphine est plus délicat qu’en sens inverse, car l’administration trop précoce de buprénorphine favorise l’apparition d’un syndrome de sevrage. La dose de méthadone doit être réduite à 30 mg au maximum et il est nécessaire d’attendre au moins 24 heures après la dernière prise de méthadone pour débuter la buprénorphine.

• Effets indésirables. En début de traitement et s’estompant progressivement : euphorie, vertiges, sédation, nausées, vomissements, hypersudation, constipation, dysurie, œdèmes. En phase d’entretien : hypersudation, nausées et constipation sont retrouvées le plus fréquemment. En cas de surdose, la méthadone expose à un risque de dépression respiratoire plus élevé que la buprénorphine, ainsi que d’allongement de l’espace QT, notamment à dose élevée ou en cas d’hypokaliémie. Une surveillance (électrocardiogramme) est recommandée pour des doses supérieures à 120 mg par jour.

• Interactions. Les associations déconseillées ou contre-indiquées sont répertoriées dans le tableau page 8. L’association à des médicaments sédatifs majore le risque de dépression respiratoire. Des inducteurs ou des inhibiteurs puissants du cytochrome P450 3A4 peuvent modifier les concentrations plasmatiques de la méthadone. Un risque de surdosage en méthadone est également possible lors de l’instauration d’un traitement de substitution nicotinique à la place du tabac (dont les goudrons sont des inducteurs enzymatiques).

Antidote aux opiacés

La naloxone, antagoniste pur et spécifique des récepteurs opioïdes, est indiquée comme antidote aux overdoses d’opioïdes (héroïne, morphine, fentanyl, etc.). En ville, elle est disponible sous la forme de kits, destinés à un usage par les patients ou leur entourage, s’administrant par voie intramusculaire (Prenoxad, chez l’adulte) ou nasale (Nyxoid, à partir de 14 ans). Elle est aussi disponible en solution injectable intraveineuse (Narcan).

En pratique

- Prenoxad est disponible sans ordonnance (remboursé à 100 % en cas de prescription médicale). Le kit contient une seringue préremplie (5 doses de 0,4 mg) et deux aiguilles. L’injection peut se faire au travers d’un vêtement. Des informations détaillées sur l’usage du kit et les surdoses d’opioïdes sont disponibles sur prenoxad.fr et naloxone.fr.

- Nyxoid est disponible en ville sur prescription médicale. Le kit comprend deux sprays nasaux à usage unique pouvant être utilisés successivement lorsque les signes de surdoses ne régressent pas suffisamment. Des guides d’information pour les patients et les professionnels de santé, incluant une vidéo, sont disponibles sur les sites du laboratoire (mundipharma.fr) et de l’ANSM.

- Ces deux dispositifs sont indiqués dans le traitement d’urgence d’un surdosage en opioïdes, caractérisé ou suspecté, dans l’attente d’une prise en charge médicalisée. L’appel aux structures d’urgence doit être réalisé avant l’administration, car la durée d’action de certains opioïdes peut être plus longue que celle de la naloxone, d’où une résurgence de la dépression respiratoire même après amélioration initiale du patient.

- Il est possible de réaliser, si besoin, plusieurs administrations à quelques minutes d’intervalle (jusqu’à 4 fois pour la forme intramusculaire, 2 fois pour la forme nasale). Des symptômes de sevrage brutal peuvent survenir (réveil agité, envie de reconsommer, vomissements, etc.).

ANALYSE D’ORDONNANCE

Benjamin, 27 ans, sous méthadone en sirop

Benjamin C., 27 ans, a consommé de l’héroïne pendant 3 ans. Son addiction grandissante a fini par avoir des répercussions sur son travail et ses proches l’ont poussé à se rendre dans un centre d’addictologie où un traitement par méthadone sirop a été initié il y a 7 mois. Depuis 3 mois, le relais a été pris par le médecin traitant du patient, qui a poursuivi les prescriptions de méthadone en sirop… jusqu’à ce jour.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous du patient ?

• Benjamin C. a commencé à consommer de l’héroïne il y a 3 ans. Au fil des années, cette consommation récréative est devenue de plus en plus fréquente. Soutenu par sa conjointe et son frère, il a décidé de consulter un centre de soins en addictologie et est sous méthadone sirop depuis 7 mois. Son médecin traitant a pris le relais des prescriptions, en accord avec le médecin addictologue, depuis 3 mois.

• Lors de la dernière délivrance de son traitement, Benjamin C. avait évoqué avec le pharmacien le goût amer du sirop. Il en a discuté avec son médecin aujourd’hui.

Que lui a dit le médecin ?

• Cette impression de goût amer et les nausées associées à la prise du sirop de méthadone sont fréquentes, bien qu’elles s’estompent généralement avec le temps. Comme le traitement est désormais bien stabilisé, le médecin a proposé de passer à la forme gélule de méthadone.

• Au cours de la consultation, le médecin s’est également rendu compte que Benjamin C. ne possédait pas de kit de naloxone, recommandé pour la prise en charge des overdoses, et en a donc prescrit un.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• La méthadone, agoniste complet des récepteurs aux opioïdes (principalement les récepteurs µ), est indiquée dans le traitement de substitution des pharmacodépendances majeures aux opioïdes dans le cadre d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique.

• La naloxone est un antagoniste pur et spécifique des récepteurs opioïdes, notamment indiqué dans le traitement des surdosages aux opioïdes.

Est-elle conforme à la stratégie thérapeutique de référence ?

• Oui, la méthadone peut être initiée d’emblée comme traitement de substitution aux opiacés en tenant compte de ses bénéfices et de ses risques pour chaque patient. Par rapport à la buprénorphine, elle est plus à risque d’overdose et plus contraignante pour le patient quant à ses modalités de prescription et de délivrance, mais, en tant qu’agoniste pure, elle est considérée comme davantage « stabilisante » et peut mieux convenir à certains patients.

• En raison du risque de dépression respiratoire, il est recommandé que le patient dispose d’un kit de naloxone prêt à l’emploi.

Est-elle conforme à la législation ?

• Non, cette ordonnance présente deux problèmes qui ne permettent pas la délivrance de la méthadone, médicament stupéfiant.

• La primoprescription de la forme gélule est réservée aux médecins exerçant dans les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou les services hospitaliers spécialisés dans les soins aux personnes dépendantes aux opiacés. Le médecin généraliste ne peut pas être à l’origine du relais entre la forme sirop et la forme gélule.

• De plus, la forme gélule est réservée aux patients traités par la forme sirop depuis au moins 1 an, ce qui n’est pas le cas de M. C.

La prescription pose-t-elle un autre problème ?

Oui. La spécialité Nalscue, uniquement dispensée dans des centres spécialisés et non en officine, n’est plus commercialisée. Un autre spray nasal de naloxone (Nyxoid) est en revanche disponible depuis septembre 2021 en pharmacie (commande directe auprès de CSP) sur prescription médicale et s’ajoute au kit de naloxone pour injection intramusculaire (Prenoxad) délivrable sans ordonnance.

L’intervention du pharmacien

Le pharmacien explique ces éléments au patient et propose d’appeler le prescripteur. Ce dernier accepte de refaire une ordonnance de méthadone sirop et du kit Nyxoid et propose de la transmettre par e-mail via une messagerie sécurisée de santé, en attendant une remise en main propre. Le médecin indique également qu’il contactera le CSAPA pour que Benjamin C. obtienne un rendez-vous avec le médecin addictologue qui avait initié le traitement afin de réévaluer la situation.

LA NOUVELLE ORDONNANCE EST-ELLE RECEVABLE ?

• Oui, le renouvellement de l’ordonnance initiale d’une prescription de méthadone en sirop est possible par tout médecin de ville sur présentation de la prescription initiale du spécialiste (une copie de celle-ci étant gardée à la pharmacie) et sous réserve, au moment du relais, de mentionner sur l’ordonnance le nom du médecin choisi. L’ordonnance est par ailleurs sécurisée (papier filigrané, carré composé de microlettres, etc.) comme l’impose la législation des stupéfiants.

• La durée de prescription de 14 jours est conforme à la législation de la méthadone sirop (contre 28 jours pour la méthadone en gélules) et le nom de la pharmacie en charge de la délivrance est bien indiqué.

• Sauf mention expresse du prescripteur, la dispensation du traitement est fractionnée par période de 7 jours : Benjamin C. devra donc revenir dans 1 semaine pour recevoir la fin de son traitement. Il est à noter que l’ordonnance ne peut être exécutée dans sa totalité que si elle est présentée dans les 3 jours suivant sa date d’établissement.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant la méthadone Comment l’utiliser ?

• Benjamin C. connaît le traitement mais il est utile d’en rappeler les modalités de prise. Chaque flacon correspond à une prise unique quotidienne : l’agiter avant administration et le rincer avec un peu d’eau et boire l’eau de rinçage pour être certain d’avoir consommé la dose entière.

• Certains patients disent ressentir une amélioration du goût en diluant le contenu du flacon avec de l’eau ou en associant sa prise à un aliment lacté (lait ou yaourt consommé juste après).

Quels sont les effets indésirables ?

• En phase d’entretien : principalement des nausées, une constipation et une hypersudation.

• En cas de surdosage, le risque principal est la dépression respiratoire potentiellement létale. Les autres signes d’un surdosage sont notamment des nausées et des vomissements, une sédation ou une somnolence sévère, une hypotension artérielle, une bradycardie.

Concernant Nyxoid

• Une boîte de Nyxoid renferme deux pulvérisateurs nasaux emballés individuellement. Toute délivrance nécessite d’indiquer à l’usager ou à une personne de son entourage comment réagir face à une surdose d’opioïdes :

- rappeler les signes évocateurs d’overdose (personne inconsciente, respiration faible, myosis, lèvres bleues, etc.) et la nécessité d’alerter immédiatement les secours (le 15 ou le 112) avant toute administration ;

- expliquer l’emploi de Nyxoid : chaque pulvérisateur ne comporte qu’une seule dose à pulvériser dans une narine. L’administration de la deuxième dose s’effectue si aucune amélioration n’est notée après 2 à 3 minutes ou si les symptômes réapparaissent.

• Le pharmacien encourage le patient à réexpliquer rapidement à sa conjointe l’usage de l’antidote. Il remet à M. C. une carte patient disponible en téléchargement sur le site de l’ANSM ou pouvant être demandé au laboratoire (infomed@mundipharma.fr). Le pharmacien explique qu’une vidéo explicative de l’utilisation du dispositif est disponible via le QR Code de cette carte ou sur les sites de l’ANSM et du laboratoire (mundipharma.fr, rubrique « Nos médicaments », « Antidote »).

CONSEILS ASSOCIÉS

Accompagner le patient

Pour aider au mieux le patient, il est primordial d’avoir conscience des difficultés rencontrées, d’établir un climat d’écoute et d’empathie au sein d’une alliance médecin-patient-pharmacien et de connaître les caractéristiques de chaque médicament de substitution aux opiacés.

L’ABSTINENCE VUE PAR LES PATIENTS

Difficultés liées au sevrage

La prise en charge du sevrage aux opiacés s’inscrit dans le long terme. Il est important pour les patients de couper les liens avec les personnes « néfastes ».

Bénéfices

Sur la santé. L’arrêt de la consommation d’opiacés limite immédiatement les risques liés à une intoxication aiguë (dépression respiratoire, relâchement des muscles, troubles de la conscience pouvant entraîner un coma, voire la mort) et ceux liés à une conduite à risque (accident de la route, infection sexuellement transmissible, grossesse non désirée, etc.). Les bénéfices sont également liés à la limitation des risques associés au partage et à la réutilisation du matériel d’injection (nécroses, infections, etc.).

Sur la vie quotidienne. L’abstinence permet de retrouver une vie sociale, des centres d’intérêt (sport, loisirs, lecture, etc.). Le quotidien n’est plus guidé par la recherche à tout prix de drogue : les états de manque étant à l’origine de douleurs physiques et d’angoisse. Le patient peut envisager de retrouver une vie professionnelle, souhaitable par ailleurs pour une abstinence durable.

À DIRE AUX PATIENTS

Le patient doit avoir conscience qu’il est malade et qu’il doit se soigner : la motivation est indispensable, mais ne suffit pas. Il doit être idéalement orienté vers un CSAPA qui permet une prise en charge globale, avec un accompagnement médicamenteux, psychologique et social. Le chemin vers l’abstinence est long et la reprise de la consommation fait souvent partie du parcours de soins. L’équipe soignante et l’entourage doivent autant que possible dédramatiser une situation d’« échec » et encourager à une nouvelle tentative.

A propos du sevrage direct

Le délai d’apparition et la durée du syndrome de sevrage sont variables : pour l’héroïne dont l’élimination est rapide, il survient au bout de 6 à 12 heures et dure généralement moins de 8 jours. Le traitement symptomatique (antalgiques non opiacés, antispasmodiques, antinauséeux, antidiarrhéiques, neuroleptiques sédatifs et anxiolytiques) est possible chez des patients motivés, bien entourés, et dont l’usage de la drogue est récent.

A propos du traitement substitutif (MSO)

• Induction. A l’initiation, il est recommandé de procéder à une délivrance quotidienne du traitement, en centre d’accueil pour la méthadone, et en centre d’accueil ou en ville pour la buprénorphine. Cette délivrance quotidienne doit être bien comprise et acceptée par le patient. Mise en place dans son intérêt, elle permet de s’assurer de la bonne adhésion au traitement, de la compréhension des modalités de prise (une mauvaise administration peut être à l’origine d’un sous-dosage) et de parvenir rapidement à la dose « efficace ».

• Maintenance. Une fois la dose d’entretien stabilisée, il convient d’instaurer un suivi au moins hebdomadaire. Le patient doit connaître les signes de surdosage (somnolence) et de sous-dosage (anxiété et état de manque) pour que son médecin puisse adapter la posologie. Si le patient change de forme galénique, les nouvelles modalités de prise doivent être bien expliquées (voir tableau page 10).

• Arrêt du traitement. Un arrêt très progressif est envisagé lorsque le patient est demandeur ou l’estime possible après au moins 1 an d’abstinence. Le traitement est parfois poursuivi à vie.

• Effets indésirables. La constipation peut être prise en charge par des conseils hygiénodiététiques et éventuellement un laxatif osmotique. Les vertiges, somnolence, nausées et vomissement sont généralement transitoires. L’hypersudation est fréquente, notamment avec la méthadone, et doit être compensée par une bonne hygiène corporelle et une bonne hydratation. Pour limiter l’amertume du sirop de méthadone, conseiller de boire un verre d’eau immédiatement après son absorption. Les signes de dépression respiratoire (réduction de la fréquence et de l’amplitude respiratoire, tachycardie, etc.) doivent être connus du patient. L’aptitude à la conduite automobile peut être altérée, notamment en cas de surdosage, mais il n’y a pas de contre-indication à la conduite une fois le patient équilibré.

• Stockage et élimination. La méthadone et la buprénorphine doivent être conservées en lieu sûr afin d’éviter la prise par une tierce personne. La dose de méthadone létale pour les enfants et les personnes naïves est d’environ 1 mg/kg. Les unités de prise non utilisées doivent être rapportées à la pharmacie. La méthadone étant un stupéfiant, elle doit être détruite à la pharmacie par un confrère habilité.

Mésusage

• En cas de mésusage par voie parentérale, le traitement substitutif expose à des risques de complications septiques (abcès, nécroses, infections fongiques et virales, etc.) et à un risque de dépression respiratoire mortelle et d’hépatites aiguës. Le mésusage par voie inhalée expose lui aussi à une dépression respiratoire. L’usage détourné se manifeste par une instabilité psychique (agressivité, agitation, etc.).

• Le risque de détournement d’usage est limité par la prescription de formes associant naloxone et buprénorphine (dans Suboxone) ou de la forme sirop pour la méthadone.

• Antidote spécifique des opioïdes. L’accès simplifié à la naloxone est recommandé par les autorités de santé pour les usagers à risque et leur entourage, y compris les patients sous opioïdes antalgiques notamment lors de l’initiation du traitement ou d’un risque de mésusage (augmentation non contrôlée des doses, par exemple). A l’officine, Prenoxad est en vente libre et remboursé sur prescription médicale ; Nyxoïd accessible sur prescription (liste 1) et remboursé. Ils s’administrent par le patient lui-même ou son entourage en cas d’overdose d’opiacés suspectée ou caractérisée : respiration ralentie ou arrêtée, perte de conscience, myosis (diminution du diamètre de la pupille). Des guides d’information à destination des patients et des professionnels de santé sont accessibles sur prenoxad.fr, naloxone.fr, mundipharma.fr et sur le site de l’ANSM selon les spécialités.

LA DÉPENDANCE AUX OPIACÉS

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

Oui mais il est nécessaire de faire préciser au patient les informations données oralement par le médecin, car les modalités de prise prescrites ne sont pas correctes. Orobupré se présente sous la forme de lyophilisats qui doivent être déposés sur la langue : une absorption sublinguale (sous la langue), comme indiquée pour les comprimés de Subutex, réduit la biodisponibilité du lyophylisat. Il est important également de préciser que, après dissolution du lyophylisat, la déglutition doit être évitée pendant 2 minutes et qu’il ne faut ni boire ni manger durant 5 minutes. Oui mais pas dans sa totalité. La buprénorphine étant un médicament assimilé stupéfiant, elle n’est pas soumise au délai de carence de 3 jours qui s’impose aux stupéfiants comme la méthadone : le délai de présentation d’une ordonnance de buprénorphine est bien de 3 mois. En revanche, sa délivrance doit être fractionnée par période de 7 jours, sauf mention expresse du prescripteur, non présente sur cette ordonnance. Le pharmacien doit donc délivrer une boîte de 7 comprimés. Non. En l’état, la prescription ne peut pas être délivrée car l’ordonnance n’est pas sécurisée. De plus, la buprénorphine haut dosage étant considérée comme un médicament susceptible de faire l’objet d’un mésusage, le prescripteur doit préciser sur l’ordonnance le nom de la pharmacie chargée de la dispensation choisie par le patient. Cette mention conditionne la prise en charge par l’Assurance maladie.

* Initiation et suivi du traitement substitutif de la pharmacodépendance majeure aux opiacés par buprénorphine haut dosage, mise au point ANSM 2011.

CHIFFRES

• En France, 80 % des décès par surdose sont dus aux opioïdes. Soit 300 à 400 décès par an, surtout liés à la méthadone (40 %) ou à l’héroïne (20 %), loin devant les antalgiques opioïdes (12 %). La France affiche le niveau le plus élevé de prescription de médicaments de substitution aux opiacés (MSO) par habitant dans l’Union européenne.

• La population traitée par MSO vieillit (âge moyen : 41 ans).

• En 2019, la buprénorphine représente 62 % des ventes, la méthadone (en progression) 38 %.

Sources : « Traitements de substitution aux opioïdes », Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 2020 ; note de cadrage « Bon usage des antalgiques opioïdes », Haute Autorité de santé (HAS), 2019.

L’ESSENTIEL

• La dépendance à l’héroïne est une pathologie chronique, récidivante et compulsive malgré la connaissance des effets délétères par le patient.

• Le principal danger est le risque d’overdose potentiellement mortel et celui de dépendance qui apparaît en quelques jours à quelques semaines à la suite d’une consommation récurrente.

DÉPENDANCE AUX MÉDICAMENTS OPIOÏDES

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) rapporte un nombre croissant de décès, d’hospitalisations ou de notifications d’intoxication aux antalgiques opioïdes depuis les années 2000, parfois par des sujets non usagers d’héroïne ou d’autres drogues. En 2017, le tramadol, la morphine, la codéine et l’oxycodone étaient les principaux médicaments impliqués dans les décès toxiques par antalgiques. Parmi les cas dénombrés figurent des patients devenus dépendants à la suite d’un traitement antalgique mené à doses thérapeutiques pour des pathologies douloureuses chroniques ou après une intervention chirurgicale. Ces surdoses sont notamment favorisées par l’association à l’alcool ou à d’autres dépresseurs respiratoires (benzodiazépines, notamment). Il s’agit également d’adolescents utilisant à des fins récréatives les médicaments codéinés associés à des antihistaminiques et intégrés à des sodas dans la boisson « purple drank ». Des surdoses mortelles ont conduit à lister les spécialités codéinées et dérivés (dextrométhorphane, par exemple) en juillet 2017.

ÉPISODE PRODUCTIF

Phase d’une schizophrénie caractérisée par la survenue d’hallucinations sensorielles, d’idées délirantes, s’opposant aux signes déficitaires à type de repli sur soi et de dépression.

LÉGISLATION

Prescription

- Prescription en toutes lettres du dosage, du nombre d’unités et du nombre de prises.

- Chevauchement de prescription interdit sauf mention expresse.

• Buprénorphine haut dosage

Assimilé stupéfiant, liste I. Sur ordonnance sécurisée non renouvelable, par tout médecin, pour 28 jours au maximum.

• Méthadone

- Stupéfiant. Sur ordonnance sécurisée non renouvelable, pour une durée maximale de 14 jours pour le sirop, 28 jours pour les gélules.

- Prescription initiale (forme sirop et relais par gélules) réservée aux médecins exerçant en CSAPA ou dans les services hospitaliers spécialisés. Renouvellement de prescription possible par tout médecin.

Délivrance

- Inscription obligatoire du nom de la pharmacie sur la prescription.

- Délivrance fractionnée par périodes de 7 jours sauf mention expresse.

• Buprénorphine haut dosage

Pas de délai de carence.

• Méthadone

- Délai de présentation de l’ordonnance : 3 jours.

- Renouvellement de prescription : présentation de la prescription initiale du spécialiste et de l’ordonnance de délégation mentionnant le nom du nouveau prescripteur.

Source : Meddispar.

VIGILANCE !

Certaines contre-indications sont à connaître.

Buprénorphine : âge < 15 ans, insuffisance respiratoire ou hépatique sévère, intoxication alcoolique aiguë ou delirium tremens.

Méthadone : âge < 15 ans, insuffisance respiratoire sévère.

OPIACÉS ET OPIOÏDES

Les opiacés constituent une famille de substances dérivées de l’opium, lui-même tiré du pavot. Leur produit de référence est la morphine, à partir de laquelle est produite l’héroïne. Le terme « opioïdes » inclut également des molécules qui ont un effet de type morphinique, mais qui sont produites par synthèse.

CRAVING

Besoin irrépressible de consommer une drogue, même si l’usager ne le veut pas.

POINT DE VUE

STÉPHANE ROBINET, pharmacien en centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA Ithaque à Strasbourg, Pierre-Nicole à Paris, Argile à Colmar)

« Tout patient sous opioïde devrait avoir sous la main un antidote »

La méthadone est-elle de plus en plus prescrite ?

Non, pas forcément, mais ses délivrances en ville ont effectivement augmenté, car les relais centres spécialisés-médecins de ville se sont développés et se font mieux. En pratique, le choix entre la méthadone et la buprénorphine est surtout fonction du patient : il faut évaluer avec quel médicament il va se sentir le plus « confortable » - sinon l’observance sera mauvaise et le risque d’échec important - et tenir compte des contraintes réglementaires de prescription et de délivrance du médicament. L’idéal serait que tout le monde, médecins de ville et centres, prescrive en fonction de ces critères. Or les médecins de ville ne peuvent initier un traitement par méthadone et, à l’inverse, certains centres prescrivent peu de buprénorphine.

Faudrait-il dispenser plus largement les kits de naloxone ?

Oui, tout patient sous opioïde, médicament de substitution ou antalgique, ou consommant de l’héroïne, est à risque d’overdose potentiellement mortelle et devrait avoir sous la main un antidote. D’autant que, même administrée à tort, la naloxone n’a aucun effet délétère. En ce sens, l’arrivée d’une forme nasale (Nyxoid) en complément de la voie IM (Prenoxad) est un plus, même si l’absorption de la molécule liée au passage transmuqueux peut être plus aléatoire et que Prenoxad est très simple d’utilisation. Ces traitements d’urgence, qui sauvent des vies, devraient à mon avis être diffusés beaucoup plus largement et il est dommage que Nyxoid ne puisse être délivré sans ordonnance par les pharmaciens comme Prenoxad.

L’ESSENTIEL

• La prescription d’un médicament de substitution aux opiacés s’intègre dans un projet de soins et de prise en charge des autres dépendances et abus et de soutien psychosocial.

• Buprénorphine ou méthadone sont prescrits à dose progressive jusqu’à une phase de stabilisation du patient maintenue aussi longtemps que nécessaire. Le sevrage, progressif, n’est possible qu’après un arrêt durable de la consommation.

• Il est recommandé que les patients disposent d’un kit de naloxone (Prenoxad, Nyxoid) pour le traitement d’urgence des surdoses d’opioïdes.

THÉRAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE

Elle consiste à enseigner au patient des stratégies d’adaptation pour résister à l’addiction.

EFFET PLAFOND

L’augmentation des doses n’augmente pas l’efficacité.

MÉDICAMENT HYBRIDE

Médicament dont l’autorisation de mise sur le marché repose sur les résultats d’essais cliniques du médicament de référence. Dosage, galénique, voie d’administration peuvent différer et la bioéquivalence entre les deux médicaments n’est pas démontrée.

QU’EN PENSEZ-VOUS ?

Benjamin C. vous demande s’il peut prendre Motilium (dompéridone), qui est rangé dans son armoire à pharmacie, « pour que le sirop passe mieux ». Que lui répondez-vous ?

1) Oui, ponctuellement 1/2 heure avant de prendre la méthadone

2) Oui, mais sans dépasser 5 jours de prise

3) Non, la dompéridone ne doit pas être associée à la méthadone

Réponse : des cas d’allongement de l’intervalle QT et des torsades de pointe ont été rapportés au cours de traitements par la méthadone. Son association avec d’autres médicaments torsadogènes (dompéridone, hydroxyzine, escitalopram, etc.) est donc contre-indiquée. La troisième réponse est la bonne.

QUESTION DE PATIENT

Mon fils doit faire une prise de sang. Puis-je en profiter pour demander que l’on vérifie qu’il ne consomme pas de drogues ?

« Non, il faut que le médecin le prescrive. Vous pouvez le demander à votre médecin si votre fils est mineur, mais il est préférable d’ouvrir le dialogue avec lui. »

QUESTION DE PATIENT

« Mon médecin m’a dit qu’il me donnait un médicament pour que j’arrête le tramadol. J’en prends un peu trop pour supporter mes douleurs… Mais Subutex, c’est pour les gens qui se droguent, non ? »

« On peut devenir dépendant aux opiacés médicamenteux, ce qui peut conduire à des surdoses fatales. Même si vous ne vous injectez pas ou ne sniffez pas vos médicaments, une prise en charge est indispensable. La buprénorphine (Subutex) est efficace dans la dépendance aux opiacés, quelle que soit sa forme. »

STRUCTURES D’ACCOMPAGNEMENT ET DE RÉDUCTION DES RISQUES

• Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) assurent, via des consultations de proximité, l’accueil, l’information, l’évaluation et la prise en charge médicale, psychologique et sociale du patient qui présente une addiction avec ou sans substances (licites ou illicites), ainsi que son entourage.

• Les salles de consommation à moindre risque (SCMR), dites « salles de shoot », ont été créées pour sécuriser les usagers de drogues et leur permettre de consommer dans des conditions d’hygiène adaptées. L’expérimentation mise en place en 2016 prendra fin en 2022. Le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé vouloir développer le dispositif.

• Le kit Stéribox2, distribué en officine, limite les risques d’infection et de nécroses liées au partage et à la réutilisation du matériel : il renferme deux seringues, deux tampons d’alcool, deux unidoses d’eau stérile pour préparation injectable, un préservatif, deux coupelles stériles pour dilution et un mode d’emploi.

L’ESSENTIEL

• La motivation et l’accompagnement sont deux éléments essentiels à la réussite du sevrage.

• Les modalités de prise des médicaments de substitution aux opiacés (MSO), en particulier l’absorption sublinguale de buprénorphine, conditionnent leur efficacité et doivent être bien expliquées. Le contrôle de la délivrance avec une prise régulière quotidienne en début de traitement n’est pas une punition, mais permet notamment une adaptation rapide des doses.

• Les usagers de drogues, les patients sous traitement de substitution aux opiacés ou sous opioïdes antalgiques et à risque de mésusage et de dépendance devraient disposer d’un kit de naloxone : Nyxoid ou, disponible sans ordonnance, Prenoxad.

EN SAVOIR PLUS

Réseau PIC (psychiatrie information communication)

réseau-pic.info

Réseau de professionnels visant à développer l’information sur les psychotropes. On y trouve des fiches sur les médicaments utilisés en psychiatrie dont ceux de l’aide au sevrage.

Réseau de prévention des addictions

respadd.org

Un réseau destiné aux professionnels. A télécharger dans l’onglet « Pharmacien et addiction », le guide d’addictologie en pharmacie d’officine.

Addict’Aide

addictaide.fr

Le site propose de nombreuses informations pour le patient et les professionnels de santé et la liste des structures d’aide, dont les CSAPA, sur le territoire français.

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